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2.4 L’efficacité de photodétection dans le spectre de l’ultraviolet

2.4.2 Efficacité de photodétection externe

L’efficacité de photodétection externe (figure 2.8 - région 1) définit la capacité d’un milieu, dans ce cas-ci la couche de passivation qui protège la surface d’un SPAD, à transmettre un photon. Selon l’énergie de l’onde, son angle d’incidence et sa polarisation, elle est partiellement transmise T , réfléchie R ou absorbée A de façon à ce que T + R + A = 1. La proportion relative de chacune de ces grandeurs est déterminée à l’aide des équations de Fresnel [102, chapitre 9.3]. Basées sur la théorie de Maxwell, elles décrivent le passage d’une onde électromagnétique à travers des milieux d’indice de réfraction différente. Selon sa polarisation, la fraction réfléchie de l’onde est donnée par :

Rs = n1cosθ− n2 r 1  n1 n2sinθ 2 n1cosθ + n2 r 1  n1 n2sinθ 2 2 , (2.6) Rp = n1 r 1  n1 n2sinθ 2 − n2cosθ n1 r 1  n1 n2sinθ 2 + n2cosθ 2 , (2.7)

où Rs et Rp sont respectivement les coefficients de réflexion pour une onde polarisée

perpendiculairement et parallèlement au plan d’incidence, θ est l’angle d’incidence par rapport à la normale et n1 et n2 sont respectivement les indices de réfraction du milieu

Pour de la lumière sans vecteur de polarisation préférentiel, le coefficient de réflexion totale

R correspond à la moyenne de Rs et de Rp :

R = (Rs+ Rp)

2 . (2.8)

La propagation d’une onde dans un milieu absorbant est plutôt décrite par un indice de réfraction complexe ˜n :

˜

n = n− ik, (2.9)

où n est l’indice de réfraction et k est le coefficient d’extinction et varient en fonction de la longueur d’onde (figure 1.7).

Il est donc possible d’annuler le coefficient de réflexion totalement si l’indice de réfraction des deux milieux est identique (n1 = n2). En pratique, la réflexion entre deux milieux est

réduite en insérant un ou plusieurs milieux d’indice de réfraction intermédiaire.

À partir de l’équation 2.8, il est possible de déterminer le coefficient de réflexion d’une onde non polarisée incidente sur une surface de silicium. Dans les conditions d’incidence normale (θ = 0) où le milieu incident est le vide (n1 = 1) et que la condition n22+ k22 ≫ 1

est respectée, le coefficient R est simplement donné par :

R = (n2− 1)

2 + k 22

(n2+ 1)2+ k22

. (2.10)

La figure 2.9 illustre le coefficient de transmission du silicium en fonction de la longueur d’onde à ces conditions précises (vide-Si). À 175 nm, la limite théorique de transmission du silicium, et donc du PDE d’un SPAD sans couche de passivation, est de 31 %. L’ajout d’un revêtement antireflet (ARC) simple, par exemple 1000 nm d’oxyde de silicium (SiO2),

permet d’augmenter la transmission jusqu’à 49 %. À cause du phénomène d’interférence, l’ARC produit des oscillations dans la transmission de l’empilement en fonction de la longueur d’onde. Fait intéressant, tant que le coefficient d’extinction k du SiO2 est nul

(λ > 300 nm), la transmission d’un empilement SiO2– Si est toujours plus élevée que celle

du Si seul.

Lorsque le SPAD est plongé dans du xénon liquide (n175nm= 1.71), la transmission de la

lumière à travers le silicium augmente à 40 %. Cette fois-ci, une couche de SiO2 diminue

2.4. L’EFFICACITÉ DE PHOTODÉTECTION DANS LE SPECTRE DE

L’ULTRAVIOLET 35

du SiO2 à 175 nm (n175nm = 1.59) est presque identique à celle du LXe. Ainsi, la lumière

ne rencontre pas de changement de milieu à l’interface LXe-SiO2 et seul le coefficient d’extinction k du SiO2 cause de l’absorption. Dans le LXe, il est requis d’utiliser des

matériaux avec un plus grand écart d’indice de réfraction à 175 nm et qui ne présentent pas d’absorption (k = 0). 0 100 200 300 400 500 600 700 800 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 T r a n s m i s s i o n ( % ) Longueur d'onde (nm) Empilement - n 1 ; n 2 ; n 3 vide; aucun ; Si LXe; aucun ; Si vide; SiO 2 (1000nm); Si LXe; SiO 2 (1000nm); Si (175nm, 31%) (175nm, 49%) (175nm, 37%) (175nm, 40%)

Figure 2.9 Coefficient de transmission de différents empilements pour de la lumière non polarisée à incidence normale.

Les revêtements antireflets quarts d’onde

Les revêtements antireflets quarts d’onde (λ/4-ARC) sont conçus pour tirer avantage du phénomène d’interférence qui se produit entre les ondes réfléchies aux interfaces de milieux d’indice de réfraction différent (figure 2.10). En effet, l’ajout d’un film d’indice n2 et

d’épaisseur équivalente à un multiple du quart de la longueur d’onde entre le milieu n1 et

nsubstratprovoque l’interférence destructive des ondes réfléchies et maximise la transmission

de la lumière.

Pour un revêtement à une seule couche (2.11a-e), la transmission ne dépasse que très rarement 70 % dans les UV, mais elle couvre une grande plage spectrale. À l’inverse, la

Figure 2.10 Le revêtement antireflet quart d’onde. (a) Dans le cas où n1 < n2,

une partie de l’onde incidente I est réfléchie R1 à l’interface [n1, n2], mais de phase

inverse (180°). Une seconde portion de l’onde transmise est réfléchie R2 à l’interface

[n2, nsubstrat]. Elle change aussi de phase si n2 < nsubstrat. Puisque l’onde I parcourt

exactement la moitié de sa propre longueur d’onde dans le film (lignes rouges) avant de ressortir dans le milieu n1, les ondes R1 et R2interfèrent ensemble de façon destructive

et la réflexion nette à la surface du film antireflet est nulle.

transmission d’un empilement multicouche (figure 2.11f) dépasse 90 %, mais dans une plage spectrale plus restreinte. Bref, lors de la conception d’un ARC, un compromis doit être fait entre le coefficient de transmission maximal atteint, la largeur de bande spectrale et angulaire ainsi que l’absorption grandissante dans un revêtement à plusieurs couches. Pour atteindre les spécifications recherchées, la fabrication de λ/4-ARC nécessite une méthode de déposition possédant un contrôle très précis de l’épaisseur des couches. Pour la gamme du VUV, il s’agit d’épaisseurs avoisinant la dizaine de nanomètres [103]. La méthode doit non seulement former des dépôts uniformes, mais elle doit aussi permettre la fabrication de couches de très grandes qualités pour limiter les défauts et les impuretés pouvant causer l’absorption des photons.

Par son principe de croissance, la technique de déposition par couches atomiques (atomic

layer deposition - ALD) produit des films très conformes et de hautes qualités [104]. Il

est montré expérimentalement dans [105] que la technique par pulvérisation cathodique (sputtering) produit des films plutôt amorphes, moins denses et moins uniformes que par

2.4. L’EFFICACITÉ DE PHOTODÉTECTION DANS LE SPECTRE DE

L’ULTRAVIOLET 37

(a) MgO (b) HfO2 (c) Al2O3

(d) SiO2 (e) MgF2 (f) Al2O3– LaF3

Figure 2.11 Transmission théorique de différents matériaux en fonction de leur épaisseur et de la longueur d’onde à incidence normale sur un substrat de silicium [103]. La sous-figure 2.11f illustre la transmission d’un empilement à cinq couches alternées. Les lignes verticales noires indiquent la longueur d’onde limite où chaque matériau atteint 10 à 20 % d’absorption. Les lignes horizontales pointillées noires indiquent l’épaisseur considérée par les auteurs de l’article original. Les lignes pointillées rouges sont placées à 175 nm.

ALD. Des propriétés qui suffisent à changer significativement la réponse attendue des films minces. Dans le cas où les ARC sont faits par dépôt physique en phase gazeuse (electron

beam physical vapor deposition - EBPVD) sur des photodétecteurs, les résultats montrent

une dégradation de leur sensibilité par rapport à des dispositifs sans revêtement. Il est suggéré que ce comportement est causé par l’émission de rayons X durant le procédé EBPVD qui endommage les photodétecteurs. Les dépôts faits par évaporation thermique présentent quant à eux des caractéristiques similaires aux dépôts ALD, cependant, à cause de l’extrême minceur des films, l’évaporation thermique n’arrive pas à croître des couches de façon reproductible et uniforme. Pour ces raisons, l’ALD est la technique par excellence pour la croissance de revêtements antireflets très minces dans le spectre VUV.

Le choix des matériaux dans un λ/4-ARC est aussi critique, car, à ces longueurs d’onde, le coefficient d’extinction augmente rapidement. Parmi les matériaux propices, on rapporte principalement l’utilisation d’oxydes, de fluorures et parfois de métaux pour leurs indices

n et k favorables [103, 106, 107]. Les métaux sont utilisés dans les filtres de type Fabry-

Perot où une alternance métal-diélectrique provoque des interférences destructives [108] (voir aussi section 3.2.)

Revêtement antireflet à gradient d’indice

Contrairement à l’ARC basé sur le principe d’interférence (λ/4-ARC), le revêtement antire- flet à gradient d’indice (GRIN-ARC) minimise la réflexion en utilisant un ou des matériaux dont l’indice de réfraction varie graduellement le long de son épaisseur. La figure 2.12a illustre les différences qui existent entre les deux types d’ARC. La figure 2.12b présente un profil typique où l’indice de réfraction à travers l’ARC est optimisé en fonction des para- mètres d’épaisseur ∆zi et des différences d’indice ∆nientre chaque sous-couche adjacente.

Le choix du profil d’indice de réfraction est propre à l’application et il est généralement calculé par des algorithmes qui minimisent les coefficients Rs et Rp à chaque interface en

fonction de la longueur d’onde et de l’angle d’incidence [109].

Différentes méthodes sont employées pour fabriquer le GRIN-ARC. La majorité d’entre elles se basent sur le fait que l’indice de réfraction d’un milieu est relié à sa porosité. Le contrôle de la porosité d’une couche se fait par la croissance de nanotiges obliques [110] ou à l’aide de procédés de gravure anisotrope [111].

Par exemple, la technique de silicium noir (black silicon) utilise la gravure ionique réactive par plasma à couplage inductif (inductively coupled plasma reactive ion etching - ICP-RIE ) [116] pour obtenir une surface nanostructurée. La formation de nanotiges à la surface de photodiodes permet d’obtenir une réponse spectrale près de l’unité entre 250 nm et 950 nm [114]. La forme conique des nanotiges créent le gradient d’indice de réfraction souhaité. Le facteur de forme élevé des nanotiges emprisonne la lumière incidente et empêchent les réflexions jusqu’à de grands angles d’incidence.

La gravure par plasma induit cependant des défauts à la surface du silicium. De plus, la structure conique possède une superficie effective plus grande que celle des structures planaires conventionnelles. Ceci augmente le nombre de sites possibles de recombinaison. Cet inconvénient est atténué par le dépôt d’une couche d’Al2O3 à la surface des nano-

tiges. La densité de charges élevée présente dans l’Al2O3 crée un champ électrique intense

et améliore la collecte des porteurs générés en surface [117, 118]. Ainsi, la formation de nanotiges conjointement au dépôt d’une couche chargée négativement à la surface du si- licium minimise à la fois la réflexion de la lumière et maximise la collecte interne des photoporteurs.

L’approche black silicon est prometteuse, cependant l’obtention d’efficacités aussi élevées n’a pas encore été démontrée avec des SPAD. Certaines études récentes présentent des efficacités améliorées dans les UV et IR, mais au détriment des caractéristiques de bruit d’obscurité [115, 119].

2.4. L’EFFICACITÉ DE PHOTODÉTECTION DANS LE SPECTRE DE

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(a) (b)

(c) (d)

Figure 2.12 (a) Contrairement au revêtement λ/4-ARC où les réflexions inter- fèrent de façon destructive, le GRIN-ARC minimise les réflexions en agençant graduellement les indices de réfraction à chaque interface [112]. (b) Profil d’in- dice de type quintique d’un GRIN-ARC [113]. (c) Structure de la photodiode dont la surface est gravée pour former le black silicon. L’encadré montre une image SEM des nanotiges recouvertes d’Al2O3 [114]. (d) Image SEM du SPAD

dont la surface est gravée pour former une structure pyramidale inversée [115].

L’efficacité de photodétection externe peut ainsi être grandement améliorée à l’aide de revêtements antireflets. Les GRIN-ARC et les λ/4-ARC sont deux façons similaires d’aug- menter la transmission de la lumière à travers la surface d’un photodétecteur. Pour la détection de photons ultraviolets lointains, les paramètres à prendre en compte sont, entre autres, l’absorption des matériaux utilisés, leur indice de réfraction, leur qualité et leur uniformité selon la méthode de fabrication.

Parmi les deux approches rapportées, les GRIN-ARC montrent un meilleur rendement à la fois angulaire et spectral lorsque ces deux paramètres sont requis de façon simultanée. Les conditions strictes d’épaisseur et d’indice de réfraction pour produire des interférences destructives font du λ/4-ARC une structure qui nécessitent plusieurs couches et beaucoup d’optimisation. La performance des λ/4-ARC est généralement limitée par les erreurs d’épaisseurs engendrées par la méthode de déposition choisie. Par contre, la fabrication

de GRIN-ARC et de films nanoporeux est plus complexe que le dépôt de couches minces et uniformes. De plus, la nature poreuse du GRIN-ARC risque d’être affectée par les changements de température. Ainsi, le λ/4-ARC représente l’option la plus simple en matière d’intégration et de compatibilité avec le procédé de fabrication du photodétecteur.

Pour une expérience comme nEXO, certaines considérations doivent être prises en compte. Notamment, l’indice du milieu incident, le LXe, varie en fonction de la longueur d’onde (figure 1.7). De plus, la forme cylindrique du TPC de nEXO produit une distribution angulaire des photons émis centrée autour de 35° (figure 3.8). La conception d’un ARC spécifique aux requis de nEXO est présentée à la section 3.2.