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2.4 L’efficacité de photodétection dans le spectre de l’ultraviolet

2.4.3 Efficacité de photodétection interne

L’efficacité de photodétection interne regroupe les phénomènes internes qui affectent le transport des porteurs avant qu’ils n’atteignent la zone de déplétion (figure 2.8 - région 2, 3 et 5).

Dans un semiconducteur, un porteur libre se déplace par diffusion s’il existe un gradient dans la concentration des porteurs locaux. Par des mouvements thermiques successifs, le porteur migre d’une région de haute concentration vers une région de plus basse concentra- tion pour tenter de rétablir l’état d’uniformité. En présence d’un champ électrique local, un porteur libre se déplace plutôt par dérive. La vitesse de dérive d’un porteur est pro- portionnelle à sa mobilité et à l’amplitude du champ électrique présent. Ainsi, dans un SPAD, un photoporteur généré dans les régions 2, 3 ou 5 de la figure 2.8 doit se mouvoir par diffusion ou par dérive afin d’atteindre la zone de déplétion.

Les pièges à l’interface Si – SiO2 (figure 2.8 - région 2) jouent un rôle particulièrement

important dans la collecte des photoporteurs VUV générés quelques nanomètres sous la surface de silicium. Une oxydation incomplète ou la présence d’impuretés laisse place à des atomes de silicium avec des liens non passivés (liaisons pendantes) à l’interface Si – SiO2.

Ces imperfections mènent à la création d’états de surface dans la bande interdite du silicium [74].

L’orientation cristalline du silicium et le processus par lequel l’oxyde est cru sont des facteurs qui influencent notamment la densité des états de surface [120]. Dans la littérature, on rapporte des densités de charges d’interface aussi faible que ∼1010cm−2eV−1 après un recuit à basse température dans une atmosphère d’hydrogène [121], et aussi élevée que le nombre de liens disponibles à la surface du silicium ∼1015cm−2eV−1 [122].

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La présence de charges positives dans les états d’interface provoque la déplétion en surface du silicium dopé type-p. Ainsi, un porteur photogénéré dans cette zone risque d’être piégé sans pouvoir atteindre la zone d’avalanche. Par conséquent, une attention particulière doit être portée à la qualité de la surface photosensible pour obtenir une grande efficacité de photodétection interne, particulièrement pour le spectre des UV.

La largeur et la profondeur du puits de potentiel dépendent entre autres de la densité de charges d’interface et de la concentration en dopants du silicium à la surface. La fi- gure 2.13 illustre la courbure de la bande de conduction produite par la présence de charge d’interface pour différentes concentrations de dopants type-p. Pour une densité de charges d’interface équivalente, le puits de potentiel s’étale plus profondément sous la surface si la concentration de dopants est plus faible.

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1.0 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 10001100 1200 0 25 50 75 100 125 150 0 5 10 15 20 B a n d e d e c o n d u c t i o n ( e V ) Profondeur (µm) I n t e r f a c e S i - S i O 2 Qit (cm-2) 0 1e10 5e10 7e10 1e11 1e12 1e13 1e15 Concentration de surface type-p: 1e15 cm-3

Profondeur (nm ) Qit (cm-2) 0 1e10 1e11 5e11 7e11 1e12 1e13 1e15 Profondeur (nm ) Concentration de surface type-p: 1e17 cm-3

Qit (cm-2) 0 1e10 1e11 1e12 5e12 7e12 1e13 1e15 Concentration de surface type-p: 1e19 cm-3

Profondeur (nm )

Figure 2.13 Effet de la présence de charges positives (Qit) à l’interface Si – SiO2 sur

la bande de conduction pour différentes concentrations de dopants type-p. Simulations obtenues avec SILVACO Atlas [123].

Puisqu’il n’existe pas d’interface Si – SiO2 parfaite, des techniques ont été créées pour

Le développement de ces techniques remonte aux années 1980 alors que des efforts consi- dérables sont mis pour passiver la face arrière de CCD utilisés en astrophysique [124]. Pour empêcher les porteurs photogénérés de se recombiner, elles tentent toutes d’éliminer le puits de potentiel en surface en créant un champ électrique artificiel qui redirige les porteurs vers la zone de déplétion.

On distingue deux types de technique (passive et active) pour inverser l’état de surface déplété en état d’accumulation. La première introduit des charges négatives dans l’oxyde alors que la deuxième implante des dopants directement sous la surface de l’oxyde.

Techniques passives d’accumulation

L’une des techniques passives les plus simples consiste à introduire des charges négatives sur le dessus de l’oxyde en inondant la surface avec de la lumière ultraviolette (UV floo-

ding). La figure 2.14a en illustre le principe.

Tout d’abord, les photons UV s’arrêtent immédiatement après avoir traversé la couche d’oxyde et donnent leur énergie aux électrons de la bande de valence. Si l’énergie transférée est suffisante (4.25 eV < λ < 8 eV), les électrons surmontent la bande de conduction de l’oxyde et se logent à sa surface. Les charges négatives forcent des charges positives à s’accumuler à l’interface Si – SiO2 qui créent ainsi l’inversion de la courbure de bande et,

par le fait même, la disparition du puits de potentiel à la surface.

La technique de UV flooding est généralement réalisée sous atmosphère d’oxygène pour augmenter la durée de vie des électrons libres en surface de l’oxyde. En effet, semblable à un condensateur, un tel système charge-oxyde-semiconducteur présente l’inconvénient que les charges emmagasinées se dissipent au fil du temps. La charge peut être gardée plusieurs mois si le dispositif est refroidi et maintenu dans un endroit sec [125]. Il nécessite donc un rechargement UV périodique pour conserver son efficacité.

Pour éviter l’illumination répétitive de la surface, d’autres techniques ont été développées. Notamment, la technique flash gate atteint l’état d’accumulation permanent en déposant une couche mince de métal (généralement du platine) à la surface du silicium [126]. Puisque le métal utilisé possède un travail de sortie plus grand que celui du semiconducteur, des charges négatives s’accumulent dans le métal et un potentiel de contact se développe à l’interface. La figure 2.14b en illustre le principe.

Le système flash gate réel comprend aussi une couche d’oxyde qui sépare le métal du silicium. Un oxyde de mauvaise qualité contiendra amplement de charges d’interfaces afin d’aligner les niveaux de Fermi du métal et du semiconducteur. Dans ce cas, le potentiel de contact se développe majoritairement dans l’oxyde et l’accumulation ne se produit pas. La

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croissance d’un oxyde de haute qualité est donc cruciale pour réduire les états d’interfaces. Dans certains cas, polariser la grille peut compenser ce changement d’état [124].

Historiquement, l’évolution des méthodes de fabrication des semiconducteurs a causé l’abandon des techniques passives d’accumulation. Elles ont été remplacées par des tech- niques actives présentant des caractéristiques plus permanentes et reproductibles.

(a) (b)

Figure 2.14 (a) La technique d’inondation UV charge la surface de l’oxyde natif à l’aide d’électrons photogénérés. Sans charge, il existe une zone de déplétion à l’interface Si – SiO2[125]. (b) La technique flash gate permet l’atteinte du régime d’accumulation

si le travail de sortie du métal (qϕm) est plus grand que celui du semiconducteur

(qVn+qχ). Lorsque la distance d est réduite, une tension de contact Vsse crée alors que

les électrons du CCD traversent l’isolant par effet tunnel vers le métal. L’alignement des niveaux de Fermi crée l’état d’accumulation [126].

Techniques actives d’accumulation

Les techniques actives atteignent l’état d’accumulation en dopant très fortement les pre- mières couches atomiques de la surface photosensible. Elles sont généralement plus stables, car la région active est fabriquée à l’intérieur du silicium.

L’approche la plus directe est celle par implantation ionique. Elle consiste à créer un profil de dopants de type accepteur pour compenser les charges d’oxyde à l’interface et ainsi ob- tenir un potentiel qui repousse les porteurs vers la zone d’avalanche (figure 2.15a). Selon la profondeur d’implantation, les porteurs photogénérés sont redirigés vers la surface ou la zone de déplétion. Pour des rayons UV, il est idéal d’obtenir un maximum de dopants le plus près de la surface. Le profil obtenu doit être très abrupt puisque le champ élec- trique résultant est maximal où le gradient de concentration de dopants est le plus élevé (figure 2.15b).

(a) (b)

Figure 2.15 (a) Les dopants de type accepteur compensent les charges d’oxyde à l’interface Si – SiO2 [127]. (b) Schéma d’un profil de dopants au bore pour une énergie

d’implantation de 10 keV. À noter que le gradient de dopants des premiers 330 Å génère un champ électrique qui fait dériver les photoélectrons vers la surface, et non vers la zone de déplétion du détecteur [120].

Le défi de cette technique réside dans son efficacité à distribuer les dopants adéquate- ment. De façon générale, l’implantation ionique produit un profil gaussien qui s’étant sur quelques centaines de nanomètres selon l’énergie d’implantation. La figure 2.16a illustre une distribution de dopants par implantation ionique spécialement réalisée pour un dopage en surface. La concentration de dopants est assez élevée pour réduire significativement la taille de la zone de déplétion en surface, mais le champ électrique produit n’est pas appro- prié pour bloquer des charges photogénérées sous 50 nm (i.e. la longueur de pénétration des photons VUV).

L’implantation ionique standard présente un autre problème. Les ions de hautes énergies implantés produisent des défauts dans la structure du silicium. S’ils ne sont pas traités, ces défauts créent des pièges supplémentaires. C’est pourquoi, après une implantation ionique, la structure doit être réparée par un recuit thermique. Typiquement, une température d’environ 1000C est utilisée.

Du point de vue d’un procédé post-fabrication, deux problèmes surviennent alors. Un tel apport de chaleur risque d’évaporer les métaux se trouvant déjà sur le détecteur et la chaleur a comme effet de faire diffuser les dopants dans le silicium. Le premier problème peut être évité en employant des techniques de recuit rapide par laser ou par faisceau d’électrons, mais le deuxième problème est inévitable. Une telle diffusion aplatit le profil de dopants et diminue l’amplitude du champ électrique (voir l’encadré après recuit laser à la figure 2.16a).

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(a) (b)

Figure 2.16 (a) Profil SIMS d’un substrat de silicium implanté au BF2

(2× 1015cm−2) à une énergie de 20 keV. Le recuit par laser élargit la distribution des dopants [128]. (b) Simulation de la dépendance spatiale de la bande de conduction pour différents paramètres et techniques d’implantation. De bas en haut, les courbes représentent deux résultats accessibles par implantation ionique, un résultat par MBE standard et la couche delta réalisée par l’équipe de JPL (aussi par MBE) [129].

Il est possible d’amincir le silicium une fois l’implantation terminée pour retirer les premiers nanomètres indésirables et atteindre la région de plus fort champ électrique [130], mais le profil de dopants obtenu reste sous-optimal pour les besoins de détection VUV. De plus, il serait difficile d’amincir la face avant d’un SPAD à la fin de son procédé de fabrication en raison de la topologie causée par l’oxyde de passivation et les contacts métalliques. L’implantation ionique peut être qualifiée de méthode de dopage 3D puisqu’elle produit une distribution aléatoire qui pénètre profondément dans le silicium. L’approche 2D pro- pose plutôt une croissance épitaxiale des dopants. Il en résulte une distribution en surface plus étroite avec moins de défauts que celle par implantation ionique (figure 2.16b). De plus, la nature auto-ordonnée de l’épitaxie permet d’éviter les recuits thermiques.

Cette méthode de croissance 2D a été développée pour les CCD illuminés en face arrière par le groupe du Jet Propulsion Laboratory - JPL au début des années 1990 [129]. Dans leur procédé, l’épitaxie par jets moléculaires (molecular beam epitaxy - MBE ) à basse température est utilisée en fin de procédé pour croître une couche fortement dopée type-p, dite delta-doping.

Avant la croissance, la face arrière du CCD est amincie pour atteindre la couche épitaxiale du substrat. Une solution chimique est ensuite utilisée pour former une couche propice à la croissance MBE où les atomes de silicium en surface sont liés à des atomes d’hydrogène. Les terminaisons hydrogénées empêchent la formation d’oxyde natif sur la surface fraîchement

amincie et nettoyée. Pour provoquer le dégazage des solvants de nettoyage résiduels et des atomes d’hydrogène, la température du substrat est graduellement amenée à 450C sous un vide très élevé. Cette température est nécessaire afin que les atomes de bore, une fois adsorbés, se déplacent jusqu’à un site réactif. Elle n’est toutefois pas trop élevée pour altérer la qualité des métaux en face avant du CCD.

Lors de la croissance MBE, une couche de 1 nm de silicium fortement dopée au bore (4× 1020cm−2) est crue pour assurer une surface atomiquement propre et uniforme pro-

pice à la couche delta. Ensuite, le flux de silicium est interrompu et le bore est déposé pendant un temps suffisamment long afin de combler tous les liens Si – B disponibles (den- sité surfacique∼2 × 1014B/cm2, voir annexe A). Finalement, 1.5 nm de silicium sacrificiel est cru pour prévenir l’oxydation du bore. Cette couche de silicium supplémentaire sert aussi à la croissance d’un oxyde de passivation de haute qualité.

Comme la méthode d’implantation ionique, la méthode delta-doping réussit à compenser le puits de potentiel à la surface du détecteur (figure 2.16b). Elle crée cependant un profil de concentration beaucoup plus étroit et élevé. Ainsi, des électrons photogénérés sous la couche delta se voient accélérés vers la zone de déplétion. Seuls les électrons absorbés trop près de la surface sont perdus. Les électrons qui contribuent à la génération du bruit d’obscurité depuis les pièges de surfaces sont d’autant plus bloqués (figure 2.17a).

La caractérisation des CCD ayant subi la méthode delta-doping montre une efficacité quantique excellente dans la plage des UV (figure 2.17b). Sans revêtement antireflet, ils atteignent une efficacité quantique maximale limitée seulement par la réflexion du silicium. L’ajout d’un revêtement antireflet optimisé permet d’améliorer l’efficacité de plusieurs pourcentages dans la plage du spectre visée.

En résumé, la croissance par MBE est la technique active d’accumulation idéale pour empêcher les charges photogénérées d’être piégées en surface du silicium.

Une fois un porteur dans la zone sans champ électrique (figure 2.8 - région 3), il doit diffuser vers la zone de déplétion. Le coefficient de diffusion d’un porteur est décrit par la relation d’Einstein [74] : Di=  kBT q  µi, (2.11)

où le premier terme définit l’énergie thermique du porteur et le second sa mobilité. L’indice

2.4. L’EFFICACITÉ DE PHOTODÉTECTION DANS LE SPECTRE DE L’ULTRAVIOLET 47 Typique Delta-doping Profondeur d'absorption UV (5-50 nm) jonction p + n E V E C e - e - e - S u r f a c e (a) (b)

Figure 2.17 (a) Simulation des bandes d’énergie d’un détecteur typique avec un puits de potentiel à sa surface. Dans le détecteur delta-doping, le puits de potentiel est compensé par la croissance d’une couche de bore fortement dopée. (b) L’efficacité quantique d’un CCD sans post-traitement de sa face arrière diminue rapidement dans les UV (Unmodified CCD). Avec la couche delta, l’efficacité quantique interne du CCD atteint presque 100 % (δ-doped CCD). Son efficacité de photodétection totale est limi- tée par la transmission intrinsèque du silicium (ligne noire). L’ajout d’un revêtement antireflet permet de dépasser cette limite (AR-coated δ-doped CCD) [131].

À partir de l’équation 2.11, on définit la longueur de diffusion :

Li=

p

Diτi, (2.12)

qui décrit la distance que parcourt un porteur dans le silicium pendant un temps moyen

τ avant de se recombiner. En présence de dopants, les valeurs de τ et µ sont modifiés

[132–134]. À 300 K, dans du silicium dopé d’éléments type-p, la longueur de diffusion d’un électron est d’environ 1.8 mm pour une concentration de 1015cm−3, alors qu’elle est réduite

à 2.1 µm pour une concentration de 1019cm−3.

Dans le cas où le profil de concentration des dopants n’est pas uniforme dans les régions 3 et 5 (IQEe et IQEh), un champ électrique de dérive affecte la propagation des porteurs

libres (voir par exemple la région p+ à la figure 2.18). À faible champ électrique, la vitesse de dérive est :

où la mobilité µi dépend du type de porteurs (électron ou trou) et le sens du champ

électrique E affecte leur direction de propagation.

En résumé, l’efficacité quantique dicte le transport des photons et des photoporteurs jus- qu’aux abords de la zone de déplétion. À ce moment, les électrons du côté type-p ou les trous du côté type-n peuvent initier une avalanche. La probabilité de déclenchement ava- lanche que possèdent ces porteurs dans la zone de déplétion et son apport à l’efficacité de photodétection du SPAD sont décrits à la section 2.4.4.