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Chapitre 2 : écrire, une activité complexe/ faire écrire et évaluer des écrits d’élèves, des

2) Faire écrire et évaluer : une activité complexe

2) Faire écrire et évaluer : une activité complexe

2. 1. Faire écrire : un geste professionnel qui s’inscrit dans un genre

Être enseignant, c’est évoluer au sein d’une communauté sociale donnée, réunie autour d’une activité commune (enseigner) avec des conventions partagées, des « pratiques qui vont au-delà de l’individu, pratiques dont chaque opération dépend de ce qu’elle est communément distribuée » (Clot, Fernandez et Scheller, 2007 : 2).

Ces pratiques sous-tendues par des gestes orientés vers un but s’organisent en genres. En clinique de l’activité, le genre est une forme structurante, un « pré-requis de l’action, sous-tendant une infinité de gestes » (Clot, Fernandez et Scheller, 2007 : 5 et 6), « sorte de préfabriqué, stock de ‘’mises en actes’’, de ‘’mises en mots’’, mais aussi de conceptualisations pragmatiques prêts à servir » (Clot et Faïta, 2000 : 13). Il cerne les « composantes impersonnelles de l’activité » (Ibid. : 9) et

exerce une fonction psychologique dans l'activité de chacun. Car il organise les attributions et les obligations en définissant ces activités indépendamment des propriétés subjectives des individus qui les remplissent à tel moment particulier. Il règle non pas les relations intersubjectives mais les relations interprofessionnelles en fixant l'esprit des lieux comme instrument d'action. » (Clot, Faïta, Fernandez et Scheller, 2000 : 3).

Travailler, c’est s’inscrire dans un genre collectif, professionnellement situé, régi par des codes sociaux ; c’est régler ses actes au « répertoire des actes convenus ou déplacés que l’histoire de ce milieu a retenu » (Clot et Faïta, 2000 : 10). Dès lors, le genre oscille entre contrainte et ressource.

Donné, reçu plutôt, il organise l’activité du sujet qui en retour y pose sa ‘’patte’’, son style et par là l’enrichit et le modifie (Clot et Faïta, 2000). Par variantes successives, le genre évolue.

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Le style c’est-à-dire la part de subjectivité professionnalisée se situe dans la mobilisation du genre professionnel dans des situations singulières : « chacun a la charge d’ « éplucher » les gestes de travail saturés par les intentions d’autrui afin de parvenir à les faire siens. » (Clot, Fernandez et Scheller, 2007 : 10). Le style, exprime le degré de proximité du sujet vis-à-vis du genre, son degré d’émancipation :

Chaque sujet interpose entre lui et le genre collectif qu’il mobilise ses propres retouches du genre. Le style peut être défini comme une métamorphose du genre en cours d’action. (Clot et Faïta, 2000 : 16)

De fait, le portrait d’un sujet au travail peut être dressé à grands traits, par tendances repérées dans des actes réitérés mais également par ce cours de l’action dans l’action. Les gestes professionnels développés par les enseignants, « les actions de l’enseignant adressées et inscrites dans des codes » (Bucheton et Soulé, 2009 : 32) sont des actions de communication qui ont une histoire, alimentent une culture partagée et qui ne prennent sens que dans et par le contexte scolaire. Ce dernier, espace historiquement et spatialement marqué, organise les contenus de savoirs à enseigner (dont les genres scolarisés), le rôle des uns et des autres et les interactions. Mais de même que l’activité de l’élève excède ce qui s’observe, celle de l’enseignant ne se réduit pas non plus à l’observable par un tiers.

Les gestes professionnels des enseignants59 sont des ajustements perpétuels qui témoignent de leur « affranchissement des présupposés génériques de l’action » (Clot et Faïta, 2000 : 18) ; et définissent leur style, leur manière d’être enseignant avec toute la complexité que cela comprend. Ce style, se nourrit à la fois des ajustements (comme autant d’écarts que le sujet en action s’autorise par rapport aux formes structurantes du genre) que des aménagements personnels qu’ils engendrent dans sa pratique professionnelle et dans sa vie.

Lorsqu’il est question de l’enseignement, la transmission est mise en avant (de savoirs savants, savoirs être, savoirs procéduraux), de même que l’interaction. De fait la réalité de ce que fait un enseignant, le réel de son activité mâtiné de son style, de ses préoccupations est une donnée peu perçue (Faïta et Saujat, 2010).

Par ailleurs, de quelle transmission s’agit-il ? Les enseignants de lettres/ français ont fait des études pour endosser une posture « savante » et dispenser un savoir (sur la langue et la littérature) mais enseigner c’est surtout devenir sujet-enseignant. L’enseignant est soumis

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chaque jour à de nouvelles situations. La plupart ressemblent à celles déjà vécues et fournissent un canevas d’actions possibles. Mais beaucoup aussi échappent à ce connu et obligent à régler le conflit cognitif qui en émane. L’objectif de l’activité d’écriture en lycée est de créer une rencontre avec les mots des autres pour engendrer appréciation, adhésion et/ ou opposition chez l’élève. En fonction des productions, l’enseignant ajuste ses gestes, analyse sa pratique. Néanmoins, il ne fait pas que cela, il reconfigure aussi ses savoirs. L’enseignante de terrain dont il est question dans ce travail de recherche, forte de son savoir et de son « amour » de la grammaire a dû, à partir de l’impossible recours au concept de phrase en classe, reconfigurer ce savoir. Cette reconfiguration est née d’une prise de conscience des bifurcations possibles en cours d’action c’est-à-dire d’une remise en question des conceptions-représentations de ce qu’il faut pour écrire, et pour écrire dans une langue acceptable et acceptée. Elle est surtout née de cette confrontation à l’autre, l’élève (Alice entre autres) et aux autres (il est très rare qu’un enseignant ait face à lui un seul élève). La médiation sémiotique opère dans les deux sens. La reconfiguration est probablement plus lente chez l’enseignant en raison des conceptions-représentations « enkystées » et de son statut social qui le positionne en celui qui sait.

La clinique de l’activité est un cadre théorique intéressant en ce qu’elle place au cœur de toute activité le sujet. Si en didactique il est souvent question du sujet (scripteur et sujet-lecteur), il est peu question du sujet-enseignant. Or l’activité d’écriture de sujets en milieu scolaire n’existe pas en soi. Elle est toujours la réponse à un projet plus vaste, élaboré par l’enseignant compte tenu des conditions d’enseignement allouées. Les deux activités se tiennent, entretiennent des liens manifestes (observables) et latents dont les gestes de transmission et d’attention sont en partie révélateurs.

Si le style ne s’acquiert que par l’expérience et ajustements progressifs des gestes à une réalité tangible en action face aux élèves, les écrits de ces derniers sont autant de révélateurs de possibles actions qui n‘ont pas eu lieu mais auraient pu l’être, révélateurs des bifurcations que le « faire écrire » auraient pu prendre, non observables mais bien présentes. Ainsi ces productions scripturales réalisées témoignent des compromis opérés par les enseignants, résultats des tensions permanentes en actes en jeu dans l’acte d’évaluer les écrits.

Ces

compromis opératoires […] servent à gérer des contraintes, apprendre en agissant, adapter son comportement à une double variabilité interne (liée à l’état de l’opérateur) et externe (liée aux situations de travail qui ne se présentent jamais

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identiques à elles-mêmes), acquérir des tours de main permettant d’atteindre plus efficacement, plus sûrement et plus économiquement ses objectifs, etc. (Faïta et Saujat, 2010 : 46).

Ces compromis opératoires en ce qu’ils permettent de régler en action des conflits et tensions sont à prendre en compte dans l’activité enseignante. C’est ce que nous souhaitons mettre en avant autour du « faire écrire au lycée » dans les pages qui suivent.

2. 2. Faire écrire et évaluer : entre « enseigner » et « éduquer »

Évaluer est un geste de métier délicat même quand l’enseignant est expérimenté. Ce constat est dressé par Claudine Garcia-Debanc dans le cadre du CNESCO (2018 : 34) : l’évaluation des productions écrites « apparait aux enseignants particulièrement lourde, longue et délicate à réaliser ». À cela plusieurs raisons.

Enseigner se définit à travers trois pôles qui interagissent les uns avec les autres : « Enseigner est une mission de service public qui recouvre trois dimensions : mission d'instruction des jeunes qui sont confiés à l'École ; mission d'éducation selon les valeurs républicaines ; mission de contribuer à l'insertion sociale et professionnelle des élèves. » (BO n° 29 du 19 juillet 201260). Ces trois missions institutionnalisent la norme professionnelle qui pose le cadre du « service » que l’enseignement rend à la société civile à travers l’instruction et l’éducation des élèves (Prairat, 2012 b).

Par ailleurs, l’article L. 131-1-1 du Code de l’Éducation61

met en avant « le droit de l’enfant à l'instruction [qui] a pour objet de lui garantir, d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d'autre part, l'éducation lui permettant de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle et d'exercer sa citoyenneté. »

Or dans certains contextes, il est difficile de faire tenir ensemble ces missions des uns et droits des autres. 60 http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=60170 61 https://romeurope.org/IMG/pdf/Extraits_20du_20Code_20de_20l_27Education.pdf

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Apprendre à respecter certains codes, celui de la politesse entre autres : apprendre « aux jeunes » à frapper avant d’entrer, à attendre qu’on les autorise à franchir le seuil de la porte, à s’adresser à l’adulte « bonjour, veuillez m’excuser de mon retard », apprendre à retirer sa casquette, sa capuche, les écouteurs de ses oreilles, avant d’entrer en classe procède d’un savoir vivre ensemble à intérioriser rapidement pour s’intégrer socialement et professionnellement. Mener ces élèves vers la réussite aux examens semble parfois relever de l’exploit tant les problématiques comportementales peuvent empêcher l’entrée dans les apprentissages. Pour autant ces élèves peuvent être très investis dans leur scolarité : ils ne maîtrisent tout simplement pas les codes de bonne conduite.

L’empêchement à penser (Boismare, 2008) et la confusion entre évaluation scolaire et jugement moral porté sur la personne est manifeste chez ces jeunes individus : au mieux ils doutent de leurs capacités, au pire, ils expriment une certaine terreur. En début d’année, certains, préfèrent rendre une copie blanche, demeurer dans un repli silencieux ou exprimer hautement et clairement leur mépris de l’école à l’enseignant-institution plutôt que de risquer une « dégradation narcissique ». Plus souvent, quelques lignes, bribes de phrases graphiques sont jetées rapidement sur le papier. Pour ces individus qui majoritairement subissent leur orientation, le lycée n’a aucun sens. Leur permettre d’entrer dans les apprentissages (quels qu’ils soient) ne peut passer que par une « restauration narcissique »62

mais cette autorisation place l’enseignant face à un dilemme. Soit il évalue (au sens de noter) l’écrit réalisé comme les autres par souci d’équité et met à mal sa mission d’éducateur, soit il travaille avec « tact » les codes sociaux en négociant par exemple une réécriture auquel cas il est surtout éducateur. Le tact « se manifeste précisément là où les préconisations et les règles viennent à manquer » (Prairat, 2019 : 13). Pour le dire autrement, seule une certaine déontologie peut sortir l’enseignant de l’impasse dans laquelle il se trouve, déontologie de l’ordre du devoir moral.

Le bien-faire professionnel peut alors être compris comme la mise en œuvre d’une expertise dans le respect du « pouvoir faire » et de la dignité du bénéficiaire (Prairat, 2012 b : 129).

La triade vertueuse de devoirs moraux engageant le sujet-enseignant tels que définis par Prairat (2019) est le soubassement nécessaire mais non institutionnalisé : le devoir

62 Je choisis volontairement ces vocables « dégradation narcissique » et « restauration narcissique » pour témoigner du regard psychologisant de l’enseignante et rendre compte d’une subjectivité qui ne veut plus se nier.

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d’hospitalité qui accueille le sujet quel qu’il soit, le devoir de sollicitude qui conduit à apporter un soutien moral et le devoir de confiance, pari de l’éducabilité. Ce dernier devoir, inscrit dans une logique de coopération porte enseignant et élève à sentir que leur intérêt mutuel réside dans cette confiance à construire au fil des mois.

le faire confiance prend une coloration morale lorsque celui qui fait confiance investit les qualités et les vertus de celui à qui il fait confiance. Ce faisant, celui qui fait confiance se dévoile, manifestant ce à quoi il est attaché. Le destinataire de la confiance s’efforcera souvent d’honorer la confiance faite qu’il percevra comme une reconnaissance. D’où l’on voit que le retrait qui caractérise la confiance éducative apparaît pour le destinataire comme une motivation, un encouragement. La confiance peut même engendrer un comportement vertueux, « l’autre voyant que lui est attribuée une vertu à laquelle il désire adhérer, même s’il n’en avait aucunement conscience avant l’instant même où cette confiance lui est faite » (Origgi, 2008, p. 117). (Prairat, 2012 b : 137 et 138).

Sans confiance, l’apprentissage ne peut se faire. La sphère transitionnelle est neutralisée. Elle est ce lien latent qui permet à l’enseignant de choisir entre éducation et instruction, et à l’élève entre opposition et acceptation du projet d’apprentissage.

Mais les missions définies dans les textes officiels le sont de manière idéal-typique.

Elles correspondent à la définition sociologique de l’idéal type tel que développé par Weber :

On obtient un idéaltype en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes donnés isolément, diffus et discrets, que l’on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre et par endroits pas du tout, qu’on ordonne selon les précédents points de vue unilatéralement, pour former un tableau de pensée homogène. On ne trouvera nulle part empiriquement un pareil tableau dans sa pureté conceptuelle : il est une utopie. (1992 : 181)

Elles sont certes en lien avec une certaine réalité mais une « réalité hors réalité », elles ne peuvent rendre compte de toutes les contingences. Le cadrage de l’activité de l’enseignant pourtant n’émane que de ces dernières.

Ces textes ne peuvent s’entendre que comme continuum pour une scolarité avec parfois polarité sur telle ou telle mission plutôt que sur l’autre. Ce d’autant plus que les dernières décennies ont bouleversé les équilibres de formation entre les différents types d’établissements scolaires pour accroître la massification, la démocratisation du système éducatif (Boissinot, 2016), avec inclusion des élèves en situation de handicap. Dans le même temps, si le nombre d’élèves par classe ne cesse d’augmenter, celui des heures allouées à l’enseignement du français ne cesse de diminuer.

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En 1969 un enseignant certifié de français du secondaire avait en charge deux classes de 32 élèves 63; avant la réforme du lycée de 2010 il en avait trois de 32. À partir de 2010, il prend en charge 4 classes (constituées le plus souvent de 35 élèves) avec des dispositifs qui délitent le groupe classe. Les enseignements d’exploration se traduisent dans les emplois du temps par des segments horaires de deux heures une fois tous les quinze jours. Les TPE ont lieu toutes les semaines durant un semestre.

Les chiffres sont éloquents : 64, 90 à 100, 140 à 170 élèves en lycée. De plus en plus d’élèves, de problématiques auxquelles les enseignants ne sont pas formés (les élèves en situation de handicap notamment) et de moins en moins d’heures. Dans ces conditions, la capacité attentionnelle de l’enseignant s’en trouve bouleversée : la prise en compte de la singularité scripturale du sujet-élève est aux prises avec celle du groupe, avec les aménagements à apporter à tel ou tel élève en situation de handicap ou en difficulté passagère. Un enseignant ne corrige jamais quelques copies mais des paquets de 35 qui s’enchainent les uns à la suite des autres parce qu’il faut évaluer pour les bulletins, les examens blancs communs … sans parler de la pression de l’épreuve anticipée de français, de celle des parents, de celle de la société civile rivée à la « maitrise » de l’orthographe64.

La possibilité de construire un espace transitionnel communicationnel basé sur une confiance mutuelle et une bienveillance permettant les apprentissages (quels qu’ils soient) est interrogée.

De plus, le temps scolaire n’est ni celui de l’apprentissage ni celui de la confiance mais celui de l’efficacité.

Et « le professeur doit maîtriser les connaissances et compétences qui relèvent de sa spécialité ou de la discipline qu'il enseigne, mais également celles qui lui permettent d'organiser et de transmettre son enseignement de façon efficace, dans le respect de l'éthique et des valeurs imposées par sa fonction. » (BO n° 29 du 19 juillet 2012)65. Le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’Éducation (BO n° 30 du 25 juillet 2013)66

63 Bucheton, Ecriture. Réécritures. Récits d'adolescents. Exploration, 1995, p. 33.

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Nous ne nions pas le « problème » de l’orthographe mais considérons qu’il est un dans un ensemble plus vaste. Orthographier correctement ne suffit pas : il est question de savoir rendre compte d’une pensée qui se cherche, qui se trouve et s’assume dans une mise en mots acceptable, pas seulement d’un « bien écrire » orthographique.

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http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=60170

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https://www.education.gouv.fr/cid73215/le-referentiel-de-competences-des-enseignants-au-bo-du-25-juillet-2013.html

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vadans ce sens. Pour ce faire l’enseignant s’appuie sur ce qu’il maîtrise (ou pense maitriser) : ses savoirs et savoir-faire pour mettre en place des situations qui visent à provoquer des apprentissages chez les élèves. Or faire écrire et évaluer en lycée implique davantage que la maitrise de savoirs disciplinaires et leur didactique. Ce d’autant plus que le « faire écrire » concerne autant la discipline français que les autres. Cependant, les postures et stratégies scripturales inhérentes à chacune des disciplines ne sont jamais ajustées (Jaubert, 2018). Tout se passe comme si le littéraire était la norme d’écriture.

À noter que le choix des supports de l’enseignement répond à des exigences institutionnelles notamment pour les classes de 1e qui en fin d’année passent l’épreuve anticipée de français. Un même document devient support de lecture et d’écriture, peu de documents extra-scolaires (sauf la presse) ont le temps d’être vus.

Ainsi, la tension entre « instruire » et « éduquer » engendre des compromis, des choix subjectifs basés sur des devoirs et valeurs moraux en vue de créer et maintenir un rapport de confiance. Enseigner engage la « moralité » du sujet-enseignant et exige son investissement.

2. 3. Lire, comprendre, interpréter et évaluer

L’enseignant est un grand lecteur des textes de ses élèves. Mais que fait-il lorsqu’il « lit » ces écrits ? Il essaie de comprendre et

pour comprendre, l’on doit s’écarter de la microstructure lexicale et syntaxique, et réorganiser les informations dans une structure globalisante qui rendent intelligibles les informations essentielles du contenu du texte » (Falardeau, 2003 : 675).

Il interprète aussi parfois, il « ausculte le texte de manière attentive pour explorer les récurrences et déployer un des possibles signifiants. Ce n’est plus le sens qu’il poursuivra mais une signification » (Ibid. : 675)

La lecture d’un texte en devenir n’engage pas au même titre le sujet-lecteur que celle d’un texte littéraire achevé. L’une est motivée par la profession, l’autre par un plaisir personnel. Par ailleurs, les écrits de la réception lus par les enseignants oscillent entre « ce que le texte dit » et « ce que le texte me dit » (Falardeau et Sauvaire, 2015 : 75), entre signification et sens. La compréhension est biaisée car « le texte d’élève est confronté à un texte mental, à une norme partagée et aisée à réactiver » (Elalouf, 2016 a : 2). Ce texte se construit en résonnance

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avec des œuvres et des textes (en très grande majorité littéraires) étudiés en classe. Par les activités menées en classe autour de ces documents, l’enseignant construit l’aire possible d’appropriation des connaissances par les élèves (connaissances procédurales et déclaratives). Les exercices d’écriture du lycée marquent donc une lecture enseignante oscillatoire entre compréhension et interprétation. La lecture de l’enseignant s’inscrit dans cet intervalle ; selon la tâche rédactionnelle, le curseur va de l’un à l’autre exprimant aussi son degré de subjectivité.

Lire un texte et en rédiger une analyse littéraire repose sur deux compétences différentes : analyser implique de savoir choisir et trier, choix et tris orientés vers une lecture partielle possible du texte d’auteur ; construire un plan au contraire exige de regrouper les lectures