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Chapitre 2 : écrire, une activité complexe/ faire écrire et évaluer des écrits d’élèves, des

1) Écrire : une activité complexe

1. 1. Les processus d’écriture

Écrire est une activité complexe d’intériorisation / extériorisation de la langue :

Dans tout travail sur un écrit se superposent donc deux processus : celui qui permet de produire le texte dans un état le plus satisfaisant possible pour les lecteurs, celui qui permet d’apprendre à produire des textes. (Garcia-Debanc, 1984 : 23)

Si par l’analyse génétique, l’acte d’écrire se décline sur et dans le trajet brouillon/ écrit-copie, ce point de vue nous semble complété, à certains égards (l’enseignant n’étant pas psychologue), par celui de la psychologie cognitive. L’analyse linguistique des manuscrits met l’accent « sur le rapport de l’énonciateur au matériau auquel il se confronte, la langue » (Doquet-Lacoste, 2004 : 238), la psychologie cognitive se focalise sur le sujet apprenant ce matériau.

Ce qui s’apprend ne vient pas simplement se superposer à l’existant. L’apprentissage n’est pas une bâtisse dont les étages se construiraient les uns sur les autres. La vision « étapiste » par laquelle l’élève apprendrait d’abord le simple pour accéder au complexe est erronée. De même celle par laquelle il suffirait de maitriser les différents constituants, les différentes parties pour appréhender le tout : du mot, à la phrase au texte … Toute nouvelle connaissance, quelle qu’elle soit engendre une perturbation et une réorganisation de celles déjà en mémoire. Le composé obtenu est différent de la somme des matériaux pris isolément. De cette considération très générale (probablement trop) sur les processus d’apprentissage en émane une autre quant aux capacités des élèves. Une connaissance ne peut, de fait, être assimilée si le sujet n’en a pas la capacité cognitive. La théorie capacitaire est un cadre à même d’interpréter les performances et erreurs des élèves (Alamargot, 2018 : 9) et assoit la nécessité de faire correspondre le degré de complexité des notions et des procédures avec ce que les élèves sont en mesure de comprendre et de faire. Demander par exemple à un élève dyslexique de corriger son orthographe n’a pas de sens si un accompagnement spécifique n’est pas mené. Le problème est que l’enseignant n’a pas étudié la psychologie cognitive. La question de l’adéquation des progressions d’enseignement des notions et savoir-faire impliqués dans l’acte d’écrire avec les capacités cognitives des élèves se pose. Pour autant, certains indices sont fournis par les manuscrits.

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L’analyse des brouillons scolaires à la suite de celle des manuscrits d’écrivains a mis à jour une tendance à instrumentaliser l’écrit avec l’âge (Alcorta, 2001). Cette instrumentalisation s’observe graphiquement par les formes prises par le brouillon : formes et stratégies mises en œuvre pour répondre à la tâche rédactionnelle se lisent sur la surface plane du papier. Deux types de stratégies s’observent. Celle des connaissances rapportées mise à jour par Bereiter et Scardamalia (1987) consiste « à formuler les informations au fur et à mesure de leur récupération en mémoire » (Fayol, 1997 : 85). Les énoncés sont juxtaposés, la génération de l’un n’entraîne pas la transformation du déjà écrit ; il ne semble pas y avoir de relecture. C’est le pas à pas scriptural (Schneuwly, 1988). La deuxième stratégie d’énonciation par transformation des connaissances « consiste à réélaborer le contenu du discours en fonction : d’une part, de l’organisation du contenu et d’autre part, des considérations liées au(x) but(s) et au(x) destinataire(s) » (Fayol, 1997 : 85). Cette stratégie est plus coûteuse cognitivement : elle nécessite une réorganisation de

la structure des connaissances du domaine impliquées par le thème du texte, en fonction de l’ensemble des buts et paramètres textuels et contextuels. Plus qu'une simple mise en mots des idées à formuler, la stratégie des connaissances transformées suppose du rédacteur qu'il adapte et modifie le contenu conceptuel et la forme linguistique du texte, jusqu'à ce que ceux-ci correspondent parfaitement à ses intentions et aux contraintes rhétoriques, linguistiques et pragmatiques inhérentes à la situation ou à la consigne de production (Scardamalia & Bereiter, 1985 repris par Alamargot et Chanquoy, 2004 : 136)

Même si la stratégie adoptée est fonction de la tâche, l’expert lui gère à la fois la planification de la forme et du contenu pendant l’activité d’écriture. Dans le trajet de l’intention du dire au dire, quatre opérations mentales en circularité permanente s’observent :

- les opérations qui génèrent une « planification-maturation de la tâche et du texte « (Reuter, 1996, 2000 : 68) ;

- les opérations de textualisation qui articulent les données contextuelles, co-textuelles, et intertextuelles pour les organiser sur les plans micro et macro-structurels (Ibid. : 68) ;

- les opérations de scription qui en lycée à moins d’un handicap ou d’une difficulté passagère sont moins prises en considération

- les opérations de lecture/ relecture dans lesquelles on distingue la réécriture de la révision :

on entend par réécriture le fait de retravailler un écrit par un retour sur les aspects discursifs, textuels et stylistiques, en reportant à une étape ultérieure la gestion de la ponctuation et de l’orthographe. […] La réécriture contrairement à la révision et à la correction, n’a pas pour objectif de corriger les erreurs de langue. (Paradis, 2013 : 1)

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Ces opérations mentales (à distinguer des opérations en tant que manipulations sur la langue de la génétique textuelle) ne se comprennent pas comme étapes successives dans la résolution de la tâche rédactionnelle. Les manuscrits des élèves portent la trace de ces boucles opératoires et de leur opérationnalité. En quoi ce qui se met en place sur le brouillon en termes de traces réalisées recouvrant des formes variables sert-il à produire un texte efficace ? Cette lecture de traces de potentiels processus sert d’ancrage à un meilleur accompagnement des élèves. Mais un pas à pas scriptural se lit aussi comme une difficulté non anticipée de l’enseignant quant au projet d’écriture proposé aux élèves, projet hors de leurs capacités. En effet, écrire au lycée revient, si l’on s’en tient aux sujets de l’épreuve anticipée de français, à écrire sur la réception de textes et documents divers. Cette écriture est le plus souvent intertextuelle.

1. 2. Une activité d’écriture inscrite dans des genres scolarisés au lycée

Les exercices d’écriture en lycée dans les programmes de 201057

s’organisent en trois groupes :

- l’ « écriture d’argumentation : initiation au commentaire littéraire, initiation à la dissertation »,

- l’ « écriture d’invention » ;

- l’ « écriture de synthèse et de restitution ».

Différentes compétences sont visées, déclinées en capacités :

- « Connaitre les principaux genres auxquels les œuvres se rattachent et leurs caractéristiques » implique d’être capable de « percevoir des constantes d’un genre et l’originalité d’une œuvre », « de lire, de comprendre et d’analyser des œuvres de genres variés, et de rendre compte de cette lecture, à l’écrit comme à l’oral. » ;

- « Avoir des repères esthétiques et se forger des critères d’analyse, d’appréciation et de jugement » suppose de savoir « faire des hypothèses de lecture, [de] proposer des interprétations », de « formuler une appréciation personnelle et [de] savoir la justifier », « être capable de lire et d’analyser des images en relation avec les textes étudiés ».

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Lire, comprendre, analyser, apprécier, juger, interpréter : autant de verbes qui conjuguent l’« écriture de la réception » telle que définie par François Le Goff :

l’écriture de la réception désigne les traces de lecture, diverses en quantité et en qualité, rédigées par l’élève. Elle est l’expression d’une lecture, la traduction volontaire ou prescrite, métatextuelle ou hypertextuelle, synchrone ou différée, d’une rencontre avec un texte et de façon extensive avec toute création artistique, indifféremment du support. (2014 : 3)

Ces écritures, peuvent être appréhendées par le degré de proximité avec le texte ou les textes sources (Le Goff, 2014). L’instance énonciatrice sera plus ou moins marquée, marquant l’implication (l’engagement ou l’investissement) du sujet-scripteur vis-à-vis de sa lecture. Le « je » sera narratif, fictionnel ou inscrit dans une distance discursive méta-textuelle. Ces écritures s’appuient sur « deux modalités différentes de lecture scolaire » :

- « La lecture analytique vise la construction progressive et précise de la signification d’un texte, quel qu’en soit l’ampleur ; elle consiste donc en un travail d’interprétation que le professeur conduit avec ses élèves, à partir de leurs réactions et de leurs propositions. » - « La lecture cursive, forme courante de la lecture, peut être pratiquée hors de la classe et en classe ».

Il s’agit pour les élèves, quel que soit « l’exercice » de rendre compte d’une lecture c’est-à-dire pas seulement de la comprendre mais de l’interpréter, de la juger ; pour l’enseignant de partir de « leurs réactions et de leurs propositions » de lecture pour engager un travail interprétatif. Ces instructions rendent compte de l’évolution de conceptions :

on est passé en gros d’une conception du texte possédant un sens que l’élève avait pour charge de rendre à une conception du texte comme devant être actualisé par le lecteur. Le sujet-lecteur est au centre qui lorsqu’il écrit doit être à même de témoigner de sa compréhension et de son appréciation d’un texte, d’une œuvre ou de plusieurs mis en parallèle les un(e)s avec les autres. (Daunay, 2004 : 50)

Dans les écrits d’invention ou « écrits de la greffe textuelle [,] entre le texte produit, l’hypertexte, et le texte source, l’hypotexte, il y a une homogénéité énonciative et générique. » (Le Goff, 2014 : 3). Il s’agit de continuer un texte d’auteur, d’imaginer le dialogue entre deux personnages venant s’insérer dans l’œuvre, de décrire un lieu, un personnage etc. En fait cela n’est pas si simple.

Par les écrits « à côté », la réception reste

dans le champ des hypertextes fictionnels ; autrement dit, le locuteur n’est pas le JE élève, mais un JE de fiction. Mais à la différence de la précédente classe, il n’y

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a pas nécessairement de superposition discursive et générique avec le texte-source. C’est le cas par exemple du journal du personnage : l’élève emprunte la voix d’une entité fictionnelle, dans une forme écrite qui ne correspond pas au genre du texte lu. (Ibid. : 4)

Dans les écrits « sur »,

une rupture discursive nette [est introduite] entre le texte lu et le texte écrit par l’élève. On quitte le champ de la fiction et on fait directement référence aux écrits métatextuels que sont le journal du lecteur ou encore le commentaire littéraire. (Ibid. : 4)

Ces trois exercices sont en lien avec des genres de discours enseignés, les genres littéraires compris comme des « types relativement stables d’énoncés » (Bakhtine, 1984 : 265) d’une sphère d’activité humaine spécifique en l’occurrence artistique. Ces derniers, genres seconds sont « plus complexe[s] et relativement plus évolué[s] » (Ibid. : 267) que les genres premiers caractérisant les « genres du discours quotidien » (Ibid. : 266). Les genres, quels qu’ils soient se conçoivent dans la théorie bakhtinienne en eux-mêmes par cette stabilité relative de « contenu thématique, style et construction compositionnelle » (Ibid. : 265) et dans leur fonction d’échange, de communication dans une sphère donnée. Si un genre se repère par les invariants d’un énoncé à un autre, le style s’observe par la « sélection dans les moyens de la langue – moyens lexicaux, phraséologiques et grammaticaux » (Bakhtine, 1984 : 265) ; style que Schneuwly et Dolz (1997 : 29) redéfinissent comme « les configurations spécifiques d’unités linguistiques, traces notamment de la position énonciative de l’énonciateur et des ensembles particuliers de séquences textuelles et de types discursifs qui forment sa structure.»

Ces genres littéraires sont ceux sur lesquels s’adossent les « genres à enseigner », ceux qui sont objets d’enseignement (ou objets d’étude selon la terminologie des programmes de lycée de 2010 qui se placent du côté des élèves) compris dans une sphère d’activité particulière, l’école. Comme toute institution sociale, l’école développe ses propres genres des « genres pour enseigner, qui règlent l’interaction entre enseignant et élèves, ou qui servent à transmettre des savoirs et des savoir-faire » (Schneuwly, 2007 : 13 et 14).

Les uns existent en dehors de l’école mais ont pour finalité propre en milieu scolaire de « développer des nouvelles capacités langagières » (Ibid. : 16), les autres n’existent que par et dans l’école. L’adossement des genres à enseigner sur les genres seconds de la théorie bakhtinienne (genres littéraires) n’est pas simple et pose la question de la réduction des activités d’écriture portées par la caractérisation des genres notamment au lycée.

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L’écriture d’invention est probablement la plus difficile à caractériser. Elle est un genre « hybride » : l’élève peut être invité à produire un article de presse, une lettre, un dialogue, une nouvelle, un résumé etc. Il s’agit souvent d’une écriture de genres non scolaires « alors même que le contenu est généralement lié fortement au programme scolaire. » (Denizot, 2005 : 37).

Le commentaire et la dissertation se caractérisent par leur métatextualité : les productions demandées aux élèves commentent le style d’un texte ou le contenu thématique. Les niveaux de reprises sont différents. L’un cite des mots et expressions qu’il série et identifie au moyen d’un langage « méta », le tout organisé en centres d’intérêt du texte pour rendre compte à distance de soi du degré d’appréciation ; l’autre exprime clairement un degré d’adhésion à une thèse soutenue par un auteur ou plusieurs, dans une ou plusieurs œuvres. Le genre de discours métatextuel se caractérise par le changement d’énonciation, et le présent et par ce que Daunay entend par détextualité :

phénomène qui consiste en la fusion du texte commenté dans le commentaire et qui se réalise par la reprise (non marquée) dans le commentaire d’éléments textuels du texte-source, ce qui amène à nier l’énonciation propre à ce dernier : c’est le cas par exemple de toute reprise (non autonymique) d’un mot du texte commenté ou de la simple référence à un personnage du texte commenté, intégré dans le discours même du commentaire; dans ce cas, les énoncés du texte commenté sont considérés comme ayant une existence en soi, hors du contexte même de l’énonciation du texte-source, qui peut ainsi fusionner avec celle du commentaire. (Daunay, 2004 : 55 et 56)

Mais quels qu’ils soient, que ces genres aient émergé en opposition à un genre existant [la dissertation par opposition à la rhétorique scolaire (Chervel, repris par Schneuwly, 2007)] ou qu’ils soient des variantes d’un genre existant, ces genres scolarisés sont des outils d’apprentissage de l’écriture qui inscrivent l’élève dans un certain rapport à l’autre.

Tout membre d'une collectivité parlante trouve non pas des mots neutres ''linguistiquement'', libres des appréciations et des orientations d'autrui, mais des mots habités par des voix des autres. Il les reçoit par la voix d'autrui, emplis de la voix d'autrui. Tout mot de son propre contexte provient d'un autre contexte, déjà marqué par l'interprétation d'autrui. Sa pensée ne rencontre que des mots déjà occupés. C'est pour cette raison que l'orientation du mot, les différentes perceptions d'autrui, les multiples façons d'y réagir, sont peut-être les problèmes essentiels de l'étude translinguistique de n'importe quel mot, et surtout du mot littéraire. (Bakhtine, 1984 : 263)

C’est cette rencontre qui est au cœur du processus d’une écriture provoquée par un enseignant à travers les genres scolarisés. Ce qui s’observe à travers les écrits réalisés et l’analyse de

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leurs caractéristiques est une divergence ou une convergence de points de vue avec les mots des autres ou une appréciation sur les mots des autres pris dans une sphère langagière spécifique : celle de l’école. Et

l’école se définit par le fait qu’on ne peut jamais y écrire « pour de vrai » : elle est un espace d’enseignement-apprentissage dans lequel les genres scolarisés sont des genres transformés qui servent l’enseignement, bien qu’il y ait des situations dans lesquelles on communique effectivement. (Schneuwly, 2007 : 18).

En tant que telle, cette activité d’écriture au lycée est toujours adressée, virtuellement et réellement.

1. 3. Le dialogue de soi à l’autre dans les activités d’écriture

L’activité d’écriture au lycée recherche, provoque une confrontation du mot de l’élève avec le mot d’autrui.

Partout un ensemble déterminé d'idées, de réflexions, de mots est distribué entre plusieurs voix distinctes avec une tonalité différente dans chacune d'elles. Le plurivocalisme et l'hétérovocalisme font s'épauler réciproquement le dialogue extérieur et le dialogue intérieur. Et ce, en raison même du fait que « la recherche du mot personnel », c'est, en fait, une recherche du mot non personnel, du mot qui est plus grand que soi, une aspiration à fuir ses propres mots à l'aide desquels on ne sait rien dire de substantiel. (Bakhtine, 1984 : 370).

L’objectif de l’activité d’écriture est de créer cette rencontre entre les mots de l’élève et ceux d’autrui. Au même titre que les voix intérieures des personnages de Dostoïevski se dédoublent « les répliques de l’une [répondant] aux répliques cachées de l’autre » (Bakhtine, 1970 : 330), les voix des auteurs provoquent une résonance dissonante ou consonante en entrant en contact avec celle(s) de l’élève.

Ce principe structural du dialogue au cœur de la théorie de Bakhtine illustre à notre sens ce qui se joue dans ce rapport institué aux mots de l’autre au lycée :

Partout c'est l’interférence consonante ou dissonante des répliques du dialogue apparent avec des répliques du dialogue intérieur des personnages. Partout, un ensemble déterminé d'idées, de réflexions, de mots est distribué entre plusieurs voix distinctes avec une tonalité différente dans chacune d'elles. L’auteur a pour objet non pas la totalité idéelle considérée comme neutre et égale à elle-même, mais la discussion d'un problème par plusieurs voix différentes, son plurivocalisme, son hétérovocalisme fondamental est inéluctable. (Bakhtine, 1970 : 342)

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Le « mot bivocal » (Ibid. : 342) et « équipollent »58 (Ibid. : 343) devient le centre de l’interaction dialogale engagée avec les auteurs autour de ce mot parce qu’il entre dialogiquement en contact avec le sien. Le « plurivocalisme » ou « hétérovocalisme » rend compte d’une épaisseur, d’un volume du dialogue qui ne se réalise que très partiellement dans un « dialogue apparent ». Pour appréhender une certaine épaisseur de l’activité, certaines traces doivent être interrogées comme étant ce qu’elles sont au regard de ce qu’elles auraient pu être.

Si le trajet brouillon/ écrit-copie peut se lire comme trace d’un micro-dialogue (le dialogue intérieur), il se lit aussi comme une réponse à un auteur, des auteurs, réponse inscrite dans une institution sociale dont l’enseignant en est un représentant.

Un énoncé doit être considéré, avant tout, comme une réponse à des énoncés antérieurs à l’intérieur d’une sphère donnée (le mot « réponse », nous l’entendons ici au sens large) : il les réfute, les confirme, les complète, prend appui sur eux, les suppose connus et, d’une façon ou d’une autre, il compte avec eux. (Bakhtine, 1984 : 298)

L’écrit de l’élève est ce réalisé en réponse à la confrontation au mot du ou des auteurs

Deux énoncés, séparés l’un de l’autre, dans l’espace et dans le temps, et qui ne savent rien l’un de l’autre, se révèlent en rapport dialogique à la faveur d’une confrontation du sens, pour peu qu’il y ait une quelconque convergence de sens (ne serait-ce qu’un rien de commun dans le thème, dans le point de vue, etc.) (Ibid. : 334 et 335)

Ainsi l’écrit réalisé par l’élève s’inscrit aussi dans un « grand-dialogue » qui suppose un sur-destinataire « invisible, doté d’une responsabilité responsive, et qui se situe au-dessus de tous les participants du dialogue (les partenaires). » (Ibid. : 337). Ce troisième participant, sur-destinataire dans la terminologie d’Yves Clot n’est pas

seulement quelqu’un d’autre mais autre chose : une histoire collective de civilisation du réel. En réalité cet autre-là est transhistorique non pas supra-historique. Il est très précisément transpersonnel. (Clot, 2005 : 39)

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L’équivalence s’établit entre le « mot représenté [qui] rejoint le mot représentant, sur un même niveau, et à statut égal. Ils pénètrent l’un dans l’autre, se superposent sous différents angles dialogiques » (Bakhtine, 1970 : 343)

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Étant transpersonnel, il inscrit les locuteurs incarnés physiquement à l’école dans une activité d’écriture qui les dépasse, le genre scolaire.

L’écrit réalisé par l’élève s’adresse à différents destinataires, instanciés dans le réel du dialogue mais non forcément visibles :

- au sub-destinataire (Clot, 2005 ; Duboscq et Clot, 2010) c’est-à-dire à soi-même par le discours intérieur ;

- à l’auteur ou aux auteurs convoqué(s) et à l’enseignant ;

- au sur-destinataire, à l’institution en tant que s’inscrivant dans le genre scolaire.

À ces trois destinataires, analysés de la sorte par la clinique de l’activité s’ajoute le sujet-enseignant, non le représentant de l’institution (bien que la distinction soit pour le moins