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CHAPITRE 6 : DISCUSSION SUR LES RÉSULTATS

6.3 Discussions et enseignements sur les facteurs et actions du modèle

6.3.4 Facteur d’Implication des parties prenantes extérieures

Le facteur d’implication des parties prenantes extérieures a fortement attiré l’attention des experts, avec une haute moyenne de 4,6. La multitude d’acteurs de l’industrie de la construction et les difficultés pour les faire travailler de concert sur les projets poussent les entreprises souhaitant implanter le BIM à profondément se questionner sur l’approche à adopter avec ses collaborateurs. Une initiative BIM isolée va être difficilement viable, ou tout du moins fortement moins productive qu’une démarche commune. Utiliser le BIM sans entente avec ses partenaires implique une quantité importante d’efforts à investir pour adapter la documentation provenant de l’extérieur ou s’entendre sur des modes de communication admissibles par l’ensemble des parties. Cela représente des pertes handicapant le développement du BIM, minimisant son impact et amenant vers un retour sur investissement peu intéressant voire contreproductif. Cette problématique apparaît de manière très évidente sur un plan pratique et est par conséquent extrêmement présente dans le discours des experts. Logiquement, plusieurs actions ont été parfaitement notées par l’ensemble des experts : les activités 3, 8 et 9 obtiennent un score de 5. À l’inverse, une action a été fortement discutée et remise en question par les participants, sa formulation inadaptée ayant conduit à leur incompréhension.

Une remarque importante pour la bonne lecture des actions du facteur réside tout d’abord dans la définition du terme partenaires d’affaires extérieurs. La question a été soulevée à plusieurs reprises par les experts et a posé un problème sérieux à l’un deux. Sans réflexion superflue, l’intention de cette formulation était de désigner l’ensemble des intervenants sur un projet, hormis l’entreprise utilisatrice du modèle et à l’origine du mouvement vers les projets intégrés BIM. Tout collaborateur potentiel (sous-traitant, compagnie d’architectes, de génie, etc.) peut donc être inclus dans ce terme.

Le premier volet pour ce facteur incluait des actions portant sur la sélection des partenaires d’affaires. L’évaluation de la connaissance et de l’application de la philosophie BIM au sein de leur firme et la capacité à travailler avec des plateformes collaboratives basées sur les modèles du bâtiment sont des éléments cruciaux. Ils vont ajouter un degré de complexité puisqu’il va falloir être capable de correctement gérer et intégrer les informations provenant des acteurs extérieurs au BIM, en plus de s’assurer que la communication reste effective avec ce mode de fonctionnement. Les retombées dans le cas d’une collaboration réussie sont cependant très importantes et accélèrent l’avancée des projets. La première action proposée dans le modèle se portait sur l’inclusion d’une expertise BIM comme exigence à l’entrée en affaires de l’entreprise et d’une compagnie externe. Elle est secondée par l’action 3 qui adresse plus concrètement la documentation associée au projet et son orientation BIM obligatoire. Si l’organisation affirme son intention d’employer le BIM et ne déroge pas à cette contrainte, les collaborateurs doivent savoir s’adapter au mieux et il est préférable qu’ils soient eux-mêmes proactifs dans l’utilisation du BIM plutôt que suiveurs ou contraints. L’action 3 a par ailleurs reçu une note globale de 5 et symbolise l’importance de l’implication des partenaires extérieurs. La définition du format de la documentation et des modèles rappelle par ailleurs la prépondérance de la standardisation dans un environnement BIM et le contrôle de son information. Ces considérations mènent au problème posé par l’action 2. Celle-ci parle de modification des livrables à fournir par les parties prenantes extérieures. Le terme livrable est très problématique et a fait réagir plusieurs répondants. Le langage de l’industrie de la construction et de ses projets associe fréquemment au mot livrable le rendu final au client. Celui- ci prend notamment la forme de représentation bidimensionnelle du bâtiment (des plans), ainsi que les spécifications associées à ce dernier, à sa structure, etc. Selon ce sens, il n’est actuellement pas convenable de parler de modification des livrables puisque les clients réclament toujours ce genre de support. Il est également possible d’évoquer l’aspect juridique qui ne couvre pas les modèles tridimensionnels. Il n’est pour l’instant pas pensable de fournir aux clients des modèles du bâtiment car ils représentent d’une certaine manière le savoir-faire de l’entreprise. Un travail conséquent est à abattre sur la question pour pouvoir envisager de baser les rendus des projets sur des formats BIM. Attribuer une valeur marchande aux maquettes en limitant les accès des acheteurs aux contenus peut être une piste, mais elle reste largement inexplorée. Cette remarque s’applique également à l’action 5, qui traite elle aussi de livrables. Lors de la construction du modèle d’assistance à l’implantation, ce terme a été utilisé pour mentionner la documentation amenée à

transiter entre les partenaires. Une entreprise d’architecture contractée pour produire les plans d’un bâtiment va être soumise à l’élaboration de livrables, qu’elle va ensuite transférer à la firme commanditaire du projet. Dans ce contexte, il est adéquat de supprimer l’action 2 du modèle, ou plutôt de la fusionner avec l’action 3 moyennant une modification de la formulation. L’action 5 va être également sujette à changements pour éliminer le mot livrable de son énoncé et clarifier son intention.

Le second volet du facteur s’attachait quant à lui plutôt à l’entretien de la relation avec les partenaires d’affaires. Sa moyenne est plus élevée que la moyenne du premier volet. Cela favorise l’argument de l’effort continu à fournir pour implanter le BIM, qui ne consiste pas en une simple installation. Hors du contexte de la validation des actions, cela appuie également le choix d’avoir conservé des facteurs ayant un impact sur l’implantation et l’utilisation. La première action (action 6) était une candidate prédestinée à l’obtention de la note moyenne de 5. Sa formulation est très généraliste et demande de structurer des canaux de communication fonctionnels. Cela revient quasiment à statuer une évidence dans le contexte d’un projet collaboratif impliquant de nombreux acteurs. L’action n’était pas initialement énoncée de cette manière et avait été adaptée suite à la discussion destinée à calibrer le questionnaire. Insister sur l’importance de la communication ne peut toutefois être reproché. Son aspect très généraliste et peu concret a cependant conduit à ce que l’action en question ne reçoive pas la note parfaite. Pour pallier à cela et étoffer le modèle, une version hybride de l’action entre la formulation proposée dans le questionnaire et celle écartée auparavant peut être intégrée. Il sera ainsi précisé que la communication se base sur l’état des lieux des prochains besoins d’information dans le projet de la part des deux parties, sur les formats adéquats pour ces informations, les dates impératives pour les obtenir et les motifs de ces nécessités.

L’action 7 pouvait paraître légèrement naïve en demandant d’organiser des réunions pour traiter ouvertement des problématiques liées au BIM. Elle s’est avérée très pertinente à la lumière des notes des experts (4,4) et de leurs commentaires. Ce genre de rencontres permet de partager le savoir des différents participants et de miser sur un passif commun de résolution de problèmes associés au BIM pour progresser vers une intégration plus grande. Par ailleurs, une certaine forme de veille industrielle est possible par le biais de réunions avec des concurrents, actuels ou futurs.

Finalement, les deux dernières actions ont été notées à 5/5 en moyenne. L’action 8 parle du besoin de contrôler la qualité des informations provenant de l’extérieur de l’entreprise afin de conserver avec la meilleure chance possible une plateforme BIM intègre et faisant autorité. En plus de permettre cela, il est aussi possible de déterminer à quel niveau de confiance chaque collaborateur peut être situé et de tenter de pérenniser les relations particulièrement profitables à l’entreprise. Selon un même objectif d’intégrité du BIM et de qualité de l’information, l’action 9 préconise de sensibiliser au principe d’ « information stewardship », qui dit que l’information est propriété du projet et non d’individu ou d’organisation. Cette notion est fréquemment évoquée dans l’ouvrage de Smith et Tardif (2009), et parait essentielle au fonctionnement du BIM selon ses pleines capacités. Le terme anglophone employé dans la formulation aurait pu être une cause d’incompréhension, mais les discussions avec les experts ont prouvé que ces derniers étaient bien au courant de l’enjeu qu’il cache et soucieux de ses retombées. La responsabilité envers l’information est donc commune et chacun doit prendre garde à la conserver au meilleur niveau de qualité possible, tout en apportant sa contribution au projet et donc en enrichissant les modèles du bâtiment. La cohérence de l’action est en outre supportée par le commentaire évoqué plus haut concernant le bannissement de l’attribution des responsabilités en cas d’erreur sur un modèle ou sur une pièce d’information en général. Le travail collaboratif demande une mise en commun poussée de l’information et ne peut supporter un retrait des acteurs dû à leur manque de confiance en leurs partenaires. Le principe d’ « information stewardship » correspond exactement à cela. Les deux actions évoquées ci-dessus se présentent donc comme des incontournables selon les experts et ne sont pas triviales pour autant.