III Télévision
III. F.6 Comportements à risque
Les liens familiaux et parentaux sont protecteurs contre les comportements à risque pour la santé excepté la grossesse. (108) Les enfants savent, dès leur plus jeune âge, imiter, comme nous le verrons dans la partie concernant le désir mimétique. Ils imitent tout, y compris les comportements que les adultes appellent destructeurs et antisociaux. (97)
Chaque heure passée devant la télévision avant 60 mois multiplie par quatre la probabilité davoir un comportement asocial cinq ans plus tard. (101)
La télévision favorise les stéréotypes de race. (129)
III.F.6.a
Alcool
La vision de la publicité sur lalcool augmente la consommation des jeunes. Une étude en Suède a montré que linterdiction de diffuser des publicités sur lalcool a entrainé une baisse de la consommation de 20%. (129)
III.F.6.b
Tabac
Les enfants qui regardent la télévision dans leur chambre ont deux fois plus de risque de devenir fumeurs. (130)
III.F.7
Sommeil
Le sommeil est essentiel pour notre santé somatique, émotionnelle et cognitive. Nous y reviendrons plus largement dans la partie qui lui est consacrée.
Les enfants qui regardent le plus la télévision (120) et utilisent dautres médias (121) dorment moins que les autres et ont leur sommeil troublé. (114) La présence dun écran dans leur chambre est donc inversement corrélée à la quantité mais aussi à la qualité de leur sommeil. Ces effets délétères sur le sommeil ont été observés pour la télévision, lordinateur, les jeux vidéo, la musique mais pas la lecture. (93) Les adolescents qui sendorment avec la télévision dorment 45 minutes de moins que leurs pairs. (93)
III.F.8
Bébé
Deux chaînes de télévision diffusent 24h/24 des programmes destinés aux bébés : Baby tv sadresse aux tout petits depuis 2005 et Baby first (131) aux enfants de 6 mois à 3 ans dès 2007. Ces deux chaînes ont été autorisées aux Etats Unis et nont pas besoin de passer devant le CSA en France.
Le projet de ces chaînes est de garantir la tranquillité des parents en proposant un mode doccupation voire de garde ponctuel. Mais en y regardant de plus près, leur discours marketing est plus insidieux : on se rend compte que par des messages adressés aux parents, la chaîne leur laisse entendre quils sont incapables de faire seuls léducation de leurs enfants, sans laide de la télévision, qui constitue une source de développement, de communication, dinteraction, dapprentissage, dimagination, (131) et leur offre une meilleure socialisation grâce à une prétendue « expertise télévisuelle ».
Ces émissions de télévision vont à lencontre du développement de lenfant, qui est avant tout sensori-moteur à cet âge : lenfant doit interagir avec le monde qui lentoure pour son bon développement. Or, ces émissions vont le transformer en spectateur, le rendre passif, limage ne va pas réagir à ses stimulations, lui donnant le sentiment quil na aucun pouvoir dagir sur le monde qui lentoure.
Lutilisation de ces programmes comme objets transitionnels de séparation davec ses figures dattachement, en proposant ces émissions par la baby-sitter ou lassistante maternelle, pourra provoquer une dépendance de lenfant à légard de la télévision quil aura du mal à dépasser. Lenfant na pas de pouvoir sur la télévision, ce nest pas un objet que lenfant peut saisir.
Une dépendance peut se créer facilement, lenfant ayant besoin de lumière et de mouvement pour sapaiser. Les programmes dendormissement nincitent pas les parents à raconter une histoire ou à instaurer un rituel de coucher. Ces chaînes spécialisées diffusent des programmes de nuit censés pouvoir calmer lenfant sil se réveille la nuit.
Les processus dapprentissage sont enclenchés par lenvironnement, les gènes sactivent grâce à des signaux extérieurs. Le cerveau progresse grâce à des processus de rétroaction et de proaction, dapprentissage par lexpérience et de retour sur expérience et par la motricité corporelle. Cest à partir des sensations corporelles que lenfant entre en interaction avec le monde et construit son identité.
Le fait de proposer des chaînes destinées aux plus petits incitent les parents à les utiliser, ayant le sentiment que le contenu des programmes est adapté à lâge de leur enfant, leur donnant bonne conscience sur le prétendu contenu bénéfique pour leur développement, et sans mise en garde sur les effets néfastes.
Labsence dintervention des pouvoirs publics, CSA, ministère de la santé, de la culture, de la famille, risque dêtre interprétée par les parents comme une confirmation de linnocuité de ces chaînes.
III.G
Journaux télévisés
Les journaux télévisés sont une porte ouverte sur le monde, et en représente les violences, les famines, les guerres, les catastrophes naturelles, les crimes, les dictatures. Cest un zapping permanent survolant des informations sans lien entre elles, sans aller au fond des choses. Une information trop poussée ne correspond pas à lattente du public qui décrocherait.
Le journal présente des informations de manière sensationnelle et emphatique. Les images du journal télévisé sont toujours accompagnées de la parole du présentateur ou du journaliste, mais elles peuvent heurter les jeunes enfants. La propension à sattarder sur la violence, latteinte à lintégrité corporelle et à la dignité humaine sont souvent pesantes.
Dans lesprit des jeunes enfants, la télévision est une source dinformations factuelles concernant le monde les entourant. Les journaux télévisés représentent une incursion du monde des adultes dans la réalité des enfants. 1,5 millions denfants de 1-4 ans regardent le journal télévisé de 20h selon lestimation de Médiamétrie. (84)
La violence étant un mode de résolution des conflits souvent utilisé, ils sen serviront plus tard dans leur vie lors des épisodes de stress. (97)
Les choix éditoriaux des journaux télévisés sont pesés en raison de limportance de lévénement et non dans le but de susciter chez le spectateur des sensations et des pulsions pouvant conduire à la violence. Mais les magazines de « société » nont pas les mêmes buts : ils nont pas pour objectif dinformer, mais dattirer un maximum daudience. Ils sont produits par des sociétés de production et ne sont soumis à aucun contrôle préalable.
III.H
Téléréalité
Plusieurs émissions de téléréalité sont suivies régulièrement avec une audience très importante. Les cours de récréation sont les lieux où les enfants échangent à propos des aventures des personnages connus, montrant leur appartenance à la culture de leur groupe de pairs. Cette téléréalité veut tout monter et tout dire, sans aucune limite, de la personne, de sa vie familiale ou amoureuse, elle viole lintimité et le respect de sa vie privée qui sont le fondement de toute démocratie libérale, qui donne comme norme des rapports humains le déballage intégral et le
règlement de comptes. Les relations sociales présentées mettent en avant la compétition, les commérages, la trahison.
Elle montre des scènes dexclusion qui sont de véritables incitations à la violence.
La parole privée ne vient plus seulement illustrer un propos, accompagner une démonstration. Elle vaut elle-même comme parole publique susceptible de nourrir le débat collectif.
Le visionnage de ce type de programme est préjudiciable pour les enfants car leur expérience de la vie réelle est plus limitée que celle des adultes.
La culture médiatique véhiculée fonctionne souvent sur des valeurs opposées à celles de lécole : promotion de la réussite spectaculaire sans effort, promotion de lexposition de lintimité, fonctionnement dans linstantané et la satisfaction immédiate, banalisation des comportements aberrants, pervers et criminels. (82)
III.I
Publicité
Les jeunes sont plus sensibles aux messages indirects, cachés, véhiculés dans leurs émissions de télévision quaux avertisseurs directs comme les campagnes de publicité pour influer sur leur comportement. (94) Ils sont plus résistants à toute forme de publicité qui les manipule ouvertement.
La publicité véhicule un message idéologique. La publicité est un des agents de socialisation les plus puissants pour nous dire qui nous sommes, comment nous devons nous habiller, ce que nous devons manger, comment trouver le bonheur.
Patrick Le Lay, PDG de TF1en 2004, disait dans un journal que la publicité mobilise tous les outils de la recherche moderne afin doffrir à Coca Cola du « temps de cerveau humain disponible ». (132)
La consommation dans lidéologie capitaliste actuelle donne un sens à la vie. Les jeunes sont encouragés à acheter toute une panoplie de produits pour être à la hauteur des modèles véhiculés. (90)
La perception des intentions commerciales de la publicité nest pas acquise avant lâge de 8-11 ans pour une majorité des enfants, (82) le visionnage de la publicité accroît les demandes de lenfant, devenu prescripteur familial.
Selon la Kaiser family fondation, (83) les jeunes voient environ 3000 publicités par semaine puisquils sont en interaction 38 heures par semaine en moyenne avec différents médias. Les jeunes de 19 ans auraient vu 300 000 publicités dans leur vie ! (94)
La directive européenne « Télévision sans frontière » (92) précise que la publicité ne doit pas exploiter l « inexpérience » ou la « crédulité » des mineurs pour les « inciter » directement à lachat dun produit ou dun service. Or, les spots publicitaires diffusés pendant les heures découte des enfants prônent les aliments gras et sucrés, créent des sensations démesurées de plaisir, de dépendance et daddiction. Lutilisation des spots publicitaires de héros porteurs de valeurs positives les rend prescripteurs de messages forts qui vont à lencontre des règles régissant léquilibre alimentaire.
Lenfant est utilisé comme consommateur potentiel et acteur courtisé de léconomie marchande. La publicité nhésite pas à sadresser directement à lui, elle cherche à influencer ses décisions et acheter ses comportements. (94)
La publicité le marque dans son appréhension et sa représentation du monde. Elle envisage les pistes qui devraient fournir aux jeunes les connaissances et les armes critiques leur permettant de vivre dans une société gouvernée par léconomie de marché.
En matière de contenu publicitaire, le CSA sestime illégitime pour intervenir auprès des chaînes de télévision tant que la violence des comportements nexcède pas un certain niveau et tant que le message publicitaire recourt à lhumour. Or, la violence dans un contexte humoristique a une dimension incitatrice plus forte. (82)
III.K
Vidéoclips
Les vidéoclips ont des répercussions importantes sur le comportement des jeunes. Ils désensibilisent les téléspectateurs à la violence (88) et incitent les jeunes à approuver les relations sexuelles avec de multiples partenaires. (133) 75 % des vidéos contiennent des scènes de nature explicitement sexuelles et plus de la moitié des scènes de violence principalement destinées aux femmes. (129)
Plus de 80% de la violence dépeinte dans les clips vidéo contemporains est perpétrée par des protagonistes séduisants contre des catégories particulières. (86)
Les paroles des chansons sont de plus en plus explicites, notamment concernant les relations sexuelles, la drogue et la violence.
Les musiques de jeunes deviennent de plus en plus violentes, principalement le rap. (86)
III.L
Jeux vidéo
Les jeunes américains de 8 à 18 ans passent quotidiennement 1h13 devant des jeux vidéo daprès la Kaiser Family Foundation. (83)
La polémique autour de la violence dans les jeux vidéos est montée à un paroxysme après la tuerie de la Columbine High School en 1999 où deux adolescent tuent 13 lycéens et en blessent 23 autres, expliquant quils ont fait comme dans leurs jeux vidéo. Rappelons aussi le lycéen allemand qui a tué 16 adolescents en 2002, et qui était fasciné par les jeux de guerre et les armes.