• Aucun résultat trouvé

4. Attentes parentales et école

4.1. Attentes et aspirations

4.1.1. F ACTEURS EXPLIQUANT LES DIFFÉRENCES D ’ ATTENTES

Tazouti et al. (2012)45 se sont intéressés aux pratiques éducatives familiales, aux attentes parentales et à leurs liens avec les apprentissages premiers des enfants dans un groupe de parents français et un groupe de parents allemands. La mesure des attentes parentales est décomposée en :

attentes de socialisation envers la préscolarisation ;

attentes d’apprentissages cognitifs envers la préscolarisation. Les attentes d’apprentissages cognitifs envers la préscolarisation sont plus élevées dans le groupe de parents français (M = 2.90 ;

SD = 0.21)46 que dans le groupe de parents allemands (M = 2.69 ;

SD = 0.35). Par contre, les attentes en terme de socialisation sont

plus importants pour le groupe de parents allemands (M = 2.84 ;

SD = 0.25) qu’elles ne le sont pour le groupe de parents français

(M = 2.70 ; SD = 0.38). Par ailleurs, on remarque que les parents français s’attendent davantage à ce que leur enfant développe des apprentissages cognitifs plutôt qu’il ne développe sa socialisation alors que pour les parents allemands, on observe le contraire. Ainsi, selon le contexte propre à chaque pays, les attentes se révèlent être différentes.

Francis (2000)47 observe d’autre part que les mères de milieux populaires en France expriment avant tout le souci que leur enfant soit « bien à l’école » (p. 91) et qu’il acquière une sécurité physique et affective durant l’école. Les apprentissages scolaires sont relégués au second plan. Pour Johnson (2003)48, les parents s’attendent effectivement à ce que leur enfant puisse, en premier

45

Ces chercheurs ont mené cette étude auprès de 552 enfants (et leurs parents) de l’école maternelle (N = 299) et du Kindergarten (N = 253).

46

Aucune information nous est donnée quant à l’étendue de l’échelle utilisée.

47

Cette recherche a été menée auprès de 36 mères appartenant à des milieux popu- laires en France. Des entretiens réalisés à l’aide de la méthode des récits de pratiques (durée d’environ 1h30) ont permis de questionner la distance entre les environnements scolaire et familial et d’examiner quel accès ont les mères à l’information concernant l’école et son fonctionnement.

48

lieu, apprendre à coopérer et à partager (M = 9.34 ; SD = 1.01)49, à développer une bonne compréhension de la langue d’enseignement (M = 9.30 ; SD = 1.29) et à l’utiliser (M = 9.25 ; SD = 1.30). Sur les vingt types d’apprentissages proposés, on trouve en fin de classement les apprentissages cognitifs, à savoir l’apprentissage de l’écriture (M = 6.68 ; SD =2.60) ainsi que celui de la lecture (M = 6.54 ; SD = 2.82).

Chan (2011)50 examine les attentes parentales en matière d’appren- tissages à développer durant l’école enfantine dans une population résidant à Hong-Kong. L’auteur note que les parents s’attendent d’abord à ce que leur enfant développe des compétences en termes (1) d’habitudes scolaires, (2) de capacités personnelles d’adapta- tion à l’école, (3) d’efficacité personnelle, (4) d’autonomie, et (5) de compétences sociales. Une telle constatation se révèle être en nette contradiction avec les conclusions des différentes études d’Achhpal, Goldman et Rohner (2007), de Johnson (2003), de Niikko et Havu-Nuutinen (2009) ou encore de Stamm et Edelmann (2013), menées cette fois-ci dans un contexte européen ou nord- américain. Là encore, le contexte joue sans aucun doute un rôle important dans l’explication des différences observées.

Plus précisément, Achhpal et ses collègues (2007) ont interrogé une soixantaine de parents américains et constatent que, indépen- damment de leur groupe ethnique51, ceux-ci s’attendent (en terme de readiness) à ce que leur enfant développe des compétences sociales (67%)52 et acquière un comportement adéquat (54%) s’il

49

Échelle de Likert à 7 niveaux.

50

Recherche réalisée à Hong-Kong lors de laquelle ce chercheur a interrogé 782 parents.

51

Dans cette étude, les chercheurs ont interviewé des parents qu’ils catégorisent comme euro-américains et d’autres comme portoricains. Le terme « ethnique » distingue ici deux groupes culturels qui se définissent eux-mêmes autrement en fonction de leur appartenance culturelle.

52

Pourcentage indiquant le nombre de fois que les parents ont mentionné cet apprentissage dans leur discours. Ici, nous calculons directement une moyenne des pourcentages des deux groupes étant donné que nous ne souhaitons pas différencier les parents d’appartenance euro-américaine de ceux d’appartenance portoricaine.

est inscrit à un programme préscolaire. Les compétences affectives (41%) ainsi que celles d’autonomie (35%) arrivent ensuite. Plus loin encore, se trouvent les compétences cognitives (31%). De manière étonnante, les comportements pré-académiques – qu’ils définissent comme la capacité d’écouter l’enseignant, de rester assis ou encore d’être attentif – obtiennent encore un plus faible pourcentage (20% seulement). Pour Gamble et al. (2009)53 aussi, les parents s’attendent à ce que l’environnement d’éducation permette à l’enfant de développer au maximum son autonomie avant de pouvoir commencer l’école enfantine. Les attentes paren- tales en matière d’apprentissages cognitifs varient quant à elles en fonction de la perception que ces parents ont du comportement de leur enfant. En effet, les parents qui perçoivent le comportement de leur enfant comme adéquat pour son âge s’attendent davantage à ce que leur enfant développe des compétences cognitives, alors que ceux qui perçoivent des problèmes de comportement chez leur enfant ne souhaitent pas qu’il se retrouve dans une structure qui encourage le développement de telles compétences cognitives. Reprenant l’échelle publiée par Rescorla, Hyson, Hirsh-Pasek, et Cone (1990), Stamm et Edelmann (2013)54 évaluent les attentes parentales en matière d’apprentissages à développer avant le début de l’école enfantine en Suisse. Elles nomment celles-ci les

Elternerwartungen quant à l’éducation préscolaire. Les dimensions

qu’elles utilisent (tableau 1.4) ressemblent en partie à celles déjà mentionnées dans le chapitre relatif aux croyances parentales (chapitre 3). Ces chercheuses observent des différences entre les attentes parentales des mères et celles des pères. En effet, les pères s’attendent davantage que les mères à ce que leur enfant puisse se préparer pour l’école, développer sa motricité et des compétences sportives, ainsi que ses compétences artistiques. Des analyses de variance permettent également de mettre en évidence différents facteurs qui sont à même d’expliquer la répartition des parents selon les dimensions. Ainsi, on constate que les attentes parentales

53

Recherche menée auprès de 220 parents dont l’objectif est de comprendre les raisons qui poussent les parents à choisir une structure d’accueil et d’éducation préscolaire plutôt qu’une autre.

54

quant à la préparation de l’enfant pour l’école ne sont pas iden- tiques en fonction de l’âge de l’enfant et varient significativement dans chacune de leurs dimensions en fonction du temps passé à s’occuper de son enfant (soin et éducation).

Tableau 1.4 : Attentes parentales en matière d’Erwartungen

durant la préscolarisation (avant l’entrée à l’école enfantine) :

moyennes et écarts-types [échelle de Likert allant de 1 (pas du tout

d’accord) à 5 (tout à fait d’accord)] (données tirées de Stamm et Edelmann, 2013)

Dimensions Moyennes (écarts-types)

Développement social 5.20 (0.43) Capacités à s’adapter 4.78 (0.58) Préparation pour l’école 4.42 (1.12) Développement moteur et sportif 4.06 (0.70) Développement artistique et musical 3.34 (0.64)

Finalement, le type et surtout le niveau de formation des parents a également une influence sur les attentes de ces derniers en ce qui concerne la préparation pour l’école, attentes quant au développe- ment moteur et physique de l’enfant ainsi que son développement artistique. En effet, plus les parents ont obtenu un niveau élevé de formation, plus ils s’attendent à ce que leur enfant se prépare pour son entrée à l’école. Les parents les mieux formés s’attendent aussi davantage à ce que leur enfant développe des capacités motrices et physiques. De plus, les parents qui ont suivi une formation dans une haute école (de type HEP, HES, etc.) s’attendent à ce que leur enfant développe davantage des compétences artistiques que ne le font les parents ayant uniquement terminé l’école obligatoire, ayant réalisé un apprentissage ou encore ayant terminé une forma- tion universitaire.

Niikko et Havu-Nuutinen (2009)55 examinent dans leur recherche les attentes parentales dans une perspective de développement de l’enfant. Ils opérationnalisent les attentes parentales avec d’autres dimensions que celles retenues par Stamm et Edelmann (2013). Toutefois, Niikko et Havu-Nuutinen (2009) traitent aussi la dimen- sion des compétences sociales. Celle-ci se positionne en première place aux yeux des parents (voir tableau 1.5) alors que les appren- tissages de connaissances se trouvent loin derrière les premières dimensions.

Tableau 1.5 : Attentes parentales en matière d’activités à proposer

pour permettre le développement de l’enfant. Degré d’importance en % (données tirées de Niikko & Havu-Nuutinen, 2009)

Dimensions %

Activités favorisant le développement social 94% Activités favorisant la résolution de problème 94% Le jeu comme moyen d’apprentissage 93% Apprentissages autour de la santé et de l’hygiène 91% Activités favorisant le développement cognitif 87% Ouverture sur le monde et apprentissage de valeurs 53% Apprentissages de connaissances 46%

Nous pouvons ainsi retenir que les attentes parentales en matière d’apprentissages à développer durant la période de préscolarisation varient en fonction des contextes de scolarisation, mais également en fonction de variables individuelles. Dans le cadre de l’école enfantine, nous retenons plusieurs dimensions pour les définir. En

55

Étude menée en Finlande. Ces chercheurs ont interrogé 93 parents lors de la première année de préscolarisation de leur enfant.

effet, les attentes qu’ont les parents en matière d’apprentissage à développer durant l’école enfantine se définissent par les attentes en matière de développement social, cognitif et de préparation à l’école primaire en permettant à l’enfant d’acquérir des habitudes scolaires.