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Schéma n°1 : Bipolarisation de la Guyane Française

O BJETS NATURELS A PROTEGER : FAUNE ET FLORE

2.2 R ESEAU ASSOCIATIF POUR LA FAUNE

2.2.2 Extension : Mise en réseau extra-territorial

Afin d’avoir plus de poids localement et surtout, afin de consolider ses liens avec des personnes clefs dans la prise de décision en métropole sur la protection de la nature, l’association va se transformer. A la fin des années 60, Brugière est contacté par le responsable Amérique du Sud de la Sepanrit2 (Société pour l’Etude l’Aménagement et la Protection de l’Environnement dans les Régions Inter-Tropicales), organisation nationale implantée dans chaque DOM, pour le convaincre de faire partie de sa société. C’est ainsi qu’en 1971, la « société de zoologie » devient la Sepanguy (Société pour l’Etude l’Aménagement et la Protection de l’Environnement en Guyane), branche guyanaise de la Sepanrit. Ce rattachement est décisif car la Sepanrit est en relation au niveau métropolitain avec de nombreux décideurs.

Les six fondateurs de la Sepanrit, tous à des postes de direction, sont essentiellement issus d’institutions scientifiques. Les acteurs importants sont le Pr. Dorst, directeur du MNHN,

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BDoc : Recherche. Courrier de Brugiere, archives Orstom Cayenne, mars 1971, p. 2.

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La Sepanrit (fédération française des sociétés de protection de la nature) voulait initialement créer une section spécialement centrée sur les DOM : la SEPANDOM. Ce projet sera finalement remplacé par un appuie à la création d’antenne de la Sepanrit dans chacun des DOM.

militant pour la protection1, M. Pautrizel, directeur de l’unité d’immunologie parasitaire de la faculté de médecine de Bordeaux2 où est domiciliée la Sepanrit à sa création. Enfin M. Lasserre, Professeur de l’université de Bordeaux III, directeur et fondateur du CEGET3 où la Sepanrit sera domiciliée à partir de 1980, directeur de publication d’une revue bi-mensuelle d’information sur les DOM créée en 19704, coordinateur du premier atlas de la Guyane. On compte également quelques hommes politiques comme M. Valleix, député de la Gironde qui sera plus tard directeur de l’ONF Guyane.

Cette société compte dans son conseil d’administration des acteurs importants5 de la recherche et de l’action ministérielle métropolitaine6. Certaines de ces personnalités sont également actives au sein des structures administratives en matière de protection de la nature, encore embryonnaire à cette période. C’est notamment le cas des Professeurs du MNHN, H. Berlioz et J. Dorst7, professeurs honoraires, actifs au sein du Conseil National de la Protection de la Nature8 et de la Sepanrit. Leur position d’interface est cohérente avec l’histoire de leur institution puisque le Muséum, dès sa création, se situe sur des enjeux aux frontières de la recherche et de sa mise en application (Blanckaert et al., 1997). A ce titre, la Sepanrit est comparable à la « société zoologique d’acclimatation »9 que le MNHN a hébergée durant près d’un siècle (Osborne, 1997).

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Il est notamment l’auteur de Avant que nature ne meure. Paris : Delachaux et Niestlé. 1965.

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Les liens avec l’université de Bordeaux sont importants puisque, jusqu’en 1973, l’université Antilles-Guyane dépend de cette université. BDoc : Recherche. Lemaître, 1984.

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Centre d’Etude et de Géographie Tropicale, qui abrite également le centre national de documentation des DOM.

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Cette revue, le bulletin du Cenaddom, a été une source complémentaire de données sur la Guyane pour ce travail. Dans le bulletin Cenaddom n°14, 1973, un recensement des publications sur les DOM présente plusieurs maîtrises de l’université de Bordeaux sur la Guyane, en géographie et en médecine.

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Représentant du Secrétariat d’Etat aux DOM-TOM, du ministère de la qualité de la vie, Professeur de l’Institut Pasteur et recteur d’université, chercheurs du MNHN et directeur de l’ORSTOM.

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C’est le cas par exemple du ministre délégué auprès du premier ministre, J Chaban-Delmas, ancien maire de Bordeaux, membre de droit ayant assisté occasionnellement aux réunions du CA de la Sepanrit, chargé du plan et de l’aménagement du territoire. Il investit politiquement la question des DOM TOM, notamment lorsqu’il annonce la création d’une commission centrale des départements d’Outre-mer au Commissariat général du plan pour le VIème plan. (JO du 17 septembre 1969). Le travail qui doit y être mené sur l’aménagement de la nature entre pour lui dans son projet de « nouvelle société » : « faire de l’environnement une question d’amélioration du cadre de vie de la population, et notablement des citadins, et de développement qualitatif, nouvelle étape du développement industriel » (Charvolin, 2001, p. 11).

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Le Pr. Berlioz a dirigé le département mammifère et oiseaux du MNHN jusqu’en 1964 où le Pr. Dorst lui succède.

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Créé avant l’existence d’un Ministère de l’Environnement, le CNPN donne des avis circonstanciés sur les moyens propres à assurer la protection des espaces naturels.

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Rattachée au Muséum de Paris, fondée en 1854 ,le président est également le directeur du muséum à partir de 1900 (Osborne, 1997).

La Sepanrit organise des colloques sur l’aménagement de la nature dans les zones tropicales françaises dont deux seront consacrés à la Guyane. Elle édite également un bulletin bi- annuel et organise des réunions et voyages d’étude sur des problèmes spécifiques comme la chasse et l’avancement de proposition de réserves en Guyane. La Sepanrit est un intermédiaire incontournable pour la Sepanguy, elle joue le rôle de porte-voix auprès de décideurs politiques nationaux pour l’avancement d’un dossier ou l’obtention d’un financement.

Cette mise en réseau permet l’accès à de nouveaux moyens et dispositifs, aussi bien pour certains laboratoires de métropole, notamment du Muséum, que pour la Sépanguy. Les données sur la faune de Guyane, autant que les arguments pour constituer des réserves, s’en trouvent consolidés.

Les laboratoires de recherche du Muséum sont intéressés par les collections de la Sepanguy pour augmenter les leurs. En effet, la Sepanguy, par la motivation de ses membres amateurs1, peut constituer gratuitement des collections que le Muséum n’a pas. Par l’ensemble du réseau de relations qu’elle concentre, elle peut également rassembler des spécimens recueillis lors de missions dans l’intérieur qui n’avaient pas nécessairement de caractère immédiatement scientifique. Un échange s’instaure : le Muséum s’approprie certains spécimens rares et en échange, aide la Sepanguy à déterminer des spécimens récoltés. Parfois, cette collaboration débouche sur le montage d’un financement tripartite (Muséum, ORSTOM et subvention obtenue par la Sepanguy), suffisant pour mener une mission scientifique dans l’intérieur2.

Cette affiliation à la Sepanrit permet également à la Sepanguy d’augmenter ses moyens pour formaliser ses propositions de réserve. Le Pr. Dorst, directeur du Muséum (de 1975 à 1985), travaille activement au début des années 70 à l’obtention de financement d’études menées conjointement par le Muséum et l’ORSTOM, ayant pour objectif la délimitation de réserves de faune3. Il obtient ainsi l’envoi d’un étudiant en herpétologie qui va constituer la première base de données scientifique centrée sur une espèce faunistique, également objet de protection : les tortues marines.

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La Sepanguy organise des « sorties nature » qui sont l’occasion de diffuser leur approche de la nature guyanaise mais aussi d’inciter les amateurs les plus motivés à participer à la collecte de spécimens.

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La mission réalisée à l’extrême sud de la Guyane en 1972 par une équipe du Muséum, en collaboration avec des scientifiques de la Sepanguy, en est un exemple (entretien Lescure et BDoc : parc national. Comptesrendus de la Sepanguy, 1972).

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