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Expansion de la pêche dans l’Archipel Arctique canadien et vers le nord de l’Arctique

Chapitre 4 : L'Arctique, un environnement marin spécifique

D. Expansion de la pêche dans l’Archipel Arctique canadien et vers le nord de l’Arctique

Les compagnies sont toutes intéressées pour exploiter de nouvelles zones de pêches vers l’est ou le nord, mais elles affirment aussi que les connaissances scientifiques et les fonds alloués ne sont pas assez importants pour connaître l’abondance, la productivité et la distribution des espèces et qu'à l'heure actuelle, il n'existe pas de stocks connus exploitables. Les scientifiques du Ministère des Pêches et Océans ont aussi exprimé ce manque de connaissances pour amorcer une pêche

89 Tim Siferd, courriel du 20/02/2012 90

exploratoire. Ainsi, il n’y a pas de perspectives actuelles de pêches commerciales dans l’archipel arctique canadien ou plus au nord.

a. La progression de la pêche vers le nord de l'Arctique canadien

Il semblerait que la pêche commerciale à la crevette nordique91 ne puisse pas progresser vers

l’archipel arctique canadien ou bien plus au nord en raison d’une productivité trop faible à l’heure actuelle. Les perspectives de pêche des crevettes Pandalus Borealis, la plus intéressante, et Montagui à l’ouest du détroit d’Ungava sont peu encourageantes alors que les perspectives dans la zone de pêche 0 (la plus au nord) de la crevette Pandalus Borealis le sont tout autant en raison d’une biomasse exploitable faible (MPO, 2008). Un quota de 500 tonnes est établi dans la zone de pêche 0, mais aucune prise n’est enregistrée parce que, selon Peter Keenainak92, ce sont des paper

shrimp93, c'est-à-dire que malgré la présence de quotas, les crevettes ne sont pas pêchées parce qu'il

n'y a pas de crevette selon ce dernier. De plus, les coûts du transport et de l'exploitation sont trop importants pour aller pêcher dans des eaux aussi éloignées alors que les compagnies ne pêchent pas la totalité des quotas dans les aires de gestion plus au sud comme nous avons pu le voir dans la partie précédente.

Les communautés du Haut-Arctique (Grise Fjord, Resolute Bay et Arctic Bay) ont tenté de développer l’exploitation du flétan du Groenland dans cette région, mais les données n’ont pas été encourageantes ou insuffisantes pour la mettre en place. Les communautés ne se sont pas organisées pour aller plus en avant et seuls quelques poissons ont été pêchés à Grise Fjord, il n’y a pas eu assez de poissons pêchés pour comprendre les effets de la pêche sur les écosystèmes94. Dans la politique

de nouvelle pêche mise en place par le MPO, la première étape consiste à établir la faisabilité de la pêche commerciale, notamment en trouvant la localisation des stocks, et de comprendre s'il est possible d'exploiter ces stocks et quelle technique utiliser. Sans qu'il ait été possible de communiquer avec les associations de trappeurs et chasseurs, il semblerait que mettre en place une nouvelle pêcherie soit assez compliqué pour que son développement soit lent, surtout dans le cas où les écosystèmes marins sont mal connus.

Avec les conditions qui empêchent la navigation pendant une partie importante de l’année, l’expansion de la pêche commerciale dans le nord de l’Arctique canadien semble limitée, peu

91 Tim Siferd, courriel du 18/01/2012 92 Directeur de la Qikiqtaaluq Corporation

93 Ou crevettes administratives, ce terme n'a pas d'équivalent en français

d’espèces pouvant vivre dans cette zone sont assez rentables pour attirer les pêcheurs commerciaux à l’heure actuelle.

b. Le développement de la pêche commerciale dans l'Archipel arctique canadien Dans la zone de pêche 3, dans la baie d’Ungava, les prises commerciales commencent à progresser avec une bonne abondance de la Pandalus Montagui (MPO, 2011), mais cette dernière est la moins intéressante des espèces de crevette nordique et selon le rapport de Pêches et Océans Canada, le quota de 1000 tonnes n'a jamais été atteint sauf entre 2011, ce qui induirait que la totalité des quotas peut être atteinte de manière récurrente à l'avenir (tableau 13), mais c’est une pêche qui a débuté depuis moins d’une dizaine d’années. Pour arriver à des conclusions plus probantes, il faudrait savoir, dans le futur, si le niveau des prises se maintiendra et comment elle évoluera.

De plus, il reste de nombreuses questions concernant la productivité et le recrutement de la crevette nordique, quelle que soit l'espèce, dans cette zone de pêche. Ainsi, il n'est pas certain que cette pêche puisse augmenter dans l'avenir.

Tableau 13 : Évolution de la pêche commerciale de la crevette nordique dans la zone

de pêche 3 entre 2005 et 2011

Concernant la pêche dans l'Archipel arctique canadien, il n’existe pas de plans de gestion intégrée des pêches commerciales. Il s’agit de mettre en place des règles de gestion avant de débuter les pêcheries commerciales, ce qui n’est pas simple en raison du manque de connaissances scientifiques et de partager les quotas entre les pêcheurs en conséquence. Pour l'instant, aucun stock n'est

0 200 400 600 800 1000 1200 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

Évolution de la pêche commerciale de la crevette

nordique dans la zone de pêche 3 entre 2005 et 2011

exploité, en dehors de l'omble chevalier, dans les quelques rivières de la baie de Cambridge, transformée dans l'usine locale.

Les changements climatiques conduisent à la modification de la chaîne alimentaire arctique. En effet, la morue arctique, qui a peu de valeur commerciale, semble perdre du terrain et semble être remplacée progressivement par le capelan dans la mer de Beaufort ou la baie d’Hudson95 comme

principale proie des mammifères marins (Niemi et al., 2010)96, mais la morue arctique reste la

principale espèce fourragère dans l’archipel arctique canadien. Le capelan est une espèce particulièrement intéressante pour la pêche commerciale comme on peut le constater dans la mer de Barents où cette espèce est pêchée de façon importante. Mais à l'heure actuelle, il semble donc que le capelan est encore trop faiblement présent dans l'Archipel Arctique Canadien pour l'exploiter commercialement. Certaines entreprises de pêche97 contactées sont intéressées pour pêcher dans

l'Archipel si des stocks sont découverts, mais ils sont aussi conscients qu'il y a trop peu de connaissances scientifiques sur les différentes espèces de poissons et l'abondance de chaque espèce pour commencer une exploitation commerciale.

De plus, contrairement à la baie de Baffin, les eaux de l'Archipel arctique canadien sont incluses dans l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Comme nous l'avons vu dans le chapitre 4.5., les Inuit du Nunavut ont la priorité d'exploitation sur les stocks marins arctiques. Or, les compagnies de pêche nunavummiutes ont une capacité d'exploitation plus faible que celles provenant des provinces maritimes. Donc, au-delà des données biologiques, la question du nombre de compagnies de pêche capables d'exploiter les stocks reste un obstacle dans son développement. La possibilité de louer les permis de pêche à d'autres compagnies permet de compenser en partie ce manque. Malgré le fait que cette solution est souvent utilisée dans la baie de Baffin, le prix de ce transfert temporaire risque de plomber en partie le profit lié à l'exploitation de ces stocks, surtout dans des zones de pêche éloignées.

Le manque d'infrastructures dans l'Archipel lié avec un coût de gestion important de la pêche (taxes imposées aux compagnies), comme nous avons pu le voir plus haut, et le manque de stocks réellement intéressants à exploiter ne laissent pas présager une augmentation importante de la pêche commerciale dans cette région du monde.

95 Kevin Hedges, courriel du 03/12/2012, Ministère des Pêches et Océans

96 Disponible sur : http://www.dfo-mpo.gc.ca/CSAS/Csas/publications/resdocs-docrech/2010/2010_066_e.pdf 97 Réponse du questionnaire, le 06/12/2012, anonyme

Ainsi, on ne voit pas apparaître une possibilité d’exploiter commercialement les stocks de poisson dans l'Archipel arctique canadien, ni dans les zones de pêche au nord de la baie de Baffin.

E. Conclusion

En conclusion, l’augmentation des pêcheries déjà mises en place semble peu probable. En effet, les stocks de flétan du Groenland sont pleinement exploités alors que la rentabilité de la crevette nordique ne semble pas assez importante pour que son exploitation se développe plus au nord de l’Arctique canadien. Avec le manque d’infrastructure, le prix du transport semble être assez important pour freiner sa croissance.

Le manque de connaissances de stocks exploitables ne pas permet d'entrevoir une évolution notable de la pêche commerciale dans le nord de l’Arctique canadien et dans l’Archipel arctique canadien. Donc, les perspectives de développement dans l’Arctique canadien sont faibles.

De plus, il est peu probable que l’exploitation des ressources marines biologiques se répande vers l'Archipel Arctique et vers le nord malgré le fait que les compagnies du sud et nordiques et les institutions politiques locales et nationales soient intéressées pour y pêcher. Ce n'est pas tant la difficulté de découvrir de nouvelles pêcheries qui soit un obstacle à l'exploitation des stocks marins arctiques que la possibilité de les exploiter par la capacité d'exploitation des compagnies de pêche et des pêcheurs.

Il s'agit de savoir maintenant si la pêche commerciale peut apparaître dans la mer de Beaufort et dans la haute mer de l'océan Arctique.

3. La pêche commerciale dans l'Océan Arctique

À l'échelle internationale, la situation est très différente selon les différents pays de l'Arctique en raison de données historiques et environnementales. Dans la mer de Beaufort, en revanche, les États-Unis ont mis en place un plan de gestion de la pêche en 2009 dont « Except for Pacific salmon and Pacific halibut, commercial fishing for those fish described in Table 3-3 is prohibited in the Arctic Management Area under this FMP until sufficient information exists to authorize a sustainable fisheries management program »98 alors que le Canada a mis en place un protocole

d'entente dans la zone de revendications territoriales des Inuvialuit.

98 « Excepté pour le saumon du Pacifique et le flétan du Pacifique, la pêche commerciale pour les espèces

A. La pêche commerciale dans la partie canadienne de la mer de