3.7 Etude de notre classe de modèles
3.7.2 Existence de processus de la classe CC
Nous allons à présent déterminer certaines conditions pour que la classe CC admettent
des solutions aux équations DLR. Ces conditions sont de deux types : des conditions
fonctionnelles, portant sur les fonctionsJ,geth, et des conditions géométriques portant
sur la triangulation de Delaunay. Cette étude est très largement inspirée de travaux
menés sur l'existence de processus ponctuels de Gibbs dont l'interaction est fonction de
la triangulation de Delaunay [Bertin et al., 1999a]. L'ingrédient essentiel pour ce type
de processus est l'utilisation d'un sous-graphe, noté Delaunay
β0, du graphe de Delaunay
pour contrôler la stabilité de la fonction d'énergie. En eet, pour la triangulation de
Delaunay associée à un processus ponctuel de Poisson n'a aucune contrainte géométrique :
la distance entre deux voisins de Delaunay n'est pas bornée, deux voisins de Delaunay
peuvent être proche que l'on veut, le nombre de voisins de Delaunay d'un point n'est
pas borné, etc...Ceci se répercute sur le diagramme de Dirichlet associé à un processus
ponctuel de Poisson. En particulier, les arêtes de Dirichlet ainsi que les aires des cellules
de Dirichlet ne sont pas bornées pour un processus ponctuel de Poisson.
Pour étudier l'existence des processus de la classe CC, nous allons utiliser un
sous-graphe, Delaunay
β0, du graphe de Delaunay. Ce graphe, noté formellement Del
β03,β
, est
composé de l'ensemble des triangles de Delaunay qui satisfont une contrainte de petit
angle.
Dénition 22 Soit une conguration de points ϕ, et soit β
0∈]0, π/3]. Le sous graphe
Delaunay
β0, noté Del
β03,β
(ϕ), se dénit de la manière suivante :
Del
β03,β
(ϕ) ={ψ∈Del
3(ϕ), β(ψ)> β
0},
où la fonction β(ψ) désigne le plus petit angle du triangle ψ. Nous pouvons également
dénir les arêtes du sous graphe Delaunay
β0pour une conguration ϕ, notées Del
β02,β
(ϕ),
de la manière suivante :
Del
β0 2,β= [
ψ∈Delβ0 3,β(ϕ)P
2(ψ).
Ce sous-graphe Delaunay
β0va nous permettre en particulier de contrôler le nombre
de points en interaction dans le modèle CC. Cependant, l'utilisation d'un sous graphe
Delaunay
β0ne permet pas, en l'état, de contrôler la contrainte de forme sur les cellules
de Dirichlet en chaque point du processus. L'utilisation de ce sous graphe Delaunay
β0ne
permet pas de dénir un diagramme dual caractérisant une zone d'inuence pour chaque
point. Nous allons dénir l'ensemble de points pour lesquels la cellule de Dirichlet peut
être calculée et est identique pour le graphe de Delaunay et le sous graphe de Delaunay
β0.
Nous notons cet ensemble de points Del
β01,β
que nous dénissons comme suit.
Dénition 23 Soitϕ une conguration de points et soit β
0∈]0, π/3].
Del
β01,β
(ϕ) ={x∈ϕ:T
ϕ(x)⊂Del
β03,β
(ϕ)},
oùT
ϕ(x)est l'ensemble des triangles de Delaunay de la congurationϕcontenant le point
x.
An d'étudier, en premier lieu, la stabilité locale de la classe de modèles CC, nous
allons contraindre les interactions à s'opérer entre les voisins du sous graphe Delaunay
β0.
De plus, la contrainte de forme ne s'appliquera qu'aux points ayant une zone d'inuence
dans le sous graphe Delaunay
β0, c'est à dire aux points deDel
β01,β
. Cela revient à étudier
les propriétés de la fonction d'énergie suivante :
H
β0 CC(ϕ) = X
(x,y)∈Delβ0 2,βJ(τ
x, τ
y)g(|Dir
ϕ(x)∩Dir
ϕ(y)|) + X
x∈Delβ0 1,βh(Dir(x), τ
x).
Cette énergie d'interaction permet de dénir une nouvelle classe de processus, la classe
CC
β0.
Les contraintes, utilisées par l'intermédiaire du graphe de Delaunay
β0, sont essentielles
pour l'étude mathématique du modèle. Cependant, l'angle minimum β
0peut se choisir
aussi petit que possible, tant qu'il reste strictement positif. Par conséquent, dans la
pratique, nous pouvons considérer le modèle général, proposé à la dénition 21.
Proposition 16 (Stabilité locale de la classe CC
β0)
Soit β
0∈]0, π/3]. Soit ϕ = {(x, τ
x) : x ∈ ϕ} ∈ N
lfune conguration et τ
0∈ M.
Notonsϕ
0la conguration telle que :
ϕ
0=ϕ∪(0, τ
0).
153 3.7. Etude de notre classe de modèles
il existe une constante K
Jtelle que |J()|< K
j,
il existe une constante K
gtelle que |g()|< K
g,
il existe une constante K
htelle que |h()|< K
h,
Sous ces conditions :
|H
β0 CC(ϕ
0)−H
β0 CC(ϕ)| ≤C(K
J, K
g, K
h, β
0).
Preuve :
D'après la dénition deH
β0 CC, la diérence entreH
β0 CC(ϕ
0)etH
β0CC
(ϕ)est donnée par :
H
β0 CC(ϕ
0)−H
β0 CC(ϕ) =
X
(x,y)∈Delβ0 2,β(ϕ0)J(τ
x, τ
y)g(|Dir
ϕ0(x)∩Dir
ϕ0(y)|) + X
x∈Delβ0 1,β(ϕ0)h(Dir
ϕ0(x), τ
x)
− X
(x,y)∈Delβ0 2,β(ϕ)J(τ
x, τ
y)g(|Dir
ϕ(x)∩Dir
ϕ(y)|)− X
x∈Delβ0 1,β(ϕ)h(Dir
ϕ(x), τ
x)
En utilisant les propriétés géométriques de la mosaïque de Dirichlet, l'expression
ci-dessus se simplie en une somme de six termes :
H
β0 CC(ϕ
0)−H
β0 CC(ϕ)
= X
(0,x)∈Delβ0 2,β(ϕ0)g(|Dir
ϕ0(0)∩Dir
ϕ0(x)|)J(τ
0, τ
x)
+ X
(x,y,0)∈Delβ0 3,β(ϕ0)(g(|Dir
ϕ0(x)∩Dir
ϕ0(y)|)−g(|Dir
ϕ(x)∩Dir
ϕ(y)|))J(τ
x, τ
y)
− X
(x,y)∈Delβ0 2,β(ϕ)\Delβ0 2,β(ϕ0)g(|Dir
ϕ(x)∩Dir
ϕ(y)|)J(τ
x, τ
y)
+h(Dir
ϕ0(0), τ
0)1l
0∈Delβ0 1,β(ϕ0)+ X
x∈Delβ0 1,β(ϕ0);(x,0)∈Delβ0 2,β(ϕ0)h(Dir
ϕ0(x), τ
x)−h(Dir
ϕ(x), τ
x)
− X
x∈Delβ0 1,β(ϕ)\Delβ0 1,β(ϕ0)h(Dir
ϕ(x), τ
x).
Le premier terme correspond à l'interaction entre le point0et ses voisins. Le second
terme correspond aux diérences d'interaction entre la congurationϕ
0et la conguration
ϕ. La somme s'eectue sur l'ensemble des triangles de Delaunay
β0de la congurationϕ
0mettant en jeu le point0. La propriété d'insertion locale du diagramme de Dirichlet nous
indique que seules les interactions entre deux points du voisinage de0sont modiées. Le
troisième terme quantie les relations de voisinage qui ont disparu suite à l'insertion du
point(0, τ
0)dans la congurationϕ. Le quatrième terme est expliqué par la contrainte de
forme pour la cellule associée au point0. Le cinquième terme représente la diérence dans
la contrainte de forme entre la congurationϕ
0etϕ. De nouveau, la propriété d'insertion
locale dans le diagramme de Dirichlet nous garantit que seules les cellules associées aux
points voisins de 0 ont une contrainte de forme modiée. Enn, le sixième terme nous
vient du fait que certaines cellules perdent leurs contraintes de forme à cause de la
contrainte de petit angle matérialisé par le paramètreβ
0.
Nous allons à présent contrôler chacun des six termes indépendamment. Nous posons
tout d'abordN =l
2βπ0
m
, oùd.ereprésente la fonction partie entière. Le résultat suivant va
nous permettre de contrôler le nombre de termes de chacune des sommes composant les
six termes de l'expression précédente. En eet, nous pouvons rappeler que le nombre de
triangles qui apparaissent dans le graphe de Delaunay
β0suite à l'insertion du point0est
majoré parN. De même le nombre de triangles qui disparaissent du graphe de Delaunay
β0est également majoré parN. Ces résultats sont démontrées dans [Bertin et al., 1999a].
Premièrement, nous en déduisons que le nombre de voisins du point0 dans le graphe
de Delaunay
β0est majoré parN. Ainsi, puisqueg sont J sont bornées :
X
(x,0)∈Delβ0 2,βg(|Dir
ϕ0(0)∩Dir
ϕ0(x)|)J(τ
0, τ
x)
≤N K
gK
J. (3.6)
Comme nous l'avons remarqué précédemment, le nombre de nouveaux triangles dans
le graphe de Delaunay
β0est majoré par N. Ainsi en rappelant que les fonctions g etJ
sont bornées nous obtenons que :
X
(x,y,0)∈Delβ0 3,β(ϕ0)(g(|Dir
ϕ0(x)∩Dir
ϕ0(y)|)−g(|Dir
ϕ(x)∩Dir
ϕ(y)|))J(τ
x, τ
y)
≤2N K
gK
J.
(3.7)
Le contrôle du troisième terme nécessite de remarquer que les relations de voisinages
qui ont disparu entre ϕ
0et ϕ mettent en jeu deux points appartenant à des triangles
155 3.7. Etude de notre classe de modèles
ayant disparu. Comme nous avons remarquer que le nombre de triangles ayant disparus
est majoré parN, nous pouvons donc majorer par3Nle nombre de relations de voisinages
ayant disparu. En utilisant le fait que les fonctions g etJ sont bornées, nous obtenons
que :
X
(x,y)∈Delβ0 2,β(ϕ)\Delβ0 2,β(ϕ0)g(|Dir
ϕ(x)∩Dir
ϕ(y)|)J(τ
x, τ
y)
≤3N K
gK
J. (3.8)
Ensuite, par hypothèse nous avons directement :
h(Dir
ϕ0(0), τ
0)1l
0∈Delβ0 1,β(ϕ0)≤K
h. (3.9)
Pour le cinquième terme, nous pouvons constater que la somme se fait sur l'ensemble
des voisins de Delaunay du point 0. De plus, la somme ne tient compte que des points
deDel
β01,β
, ce qui implique que ces points sont voisins de0dans le graphe de Delaunay
β0.
Le nombre de terme de la somme peut donc se majorer par 2N. En rappelant que la
fonction h est bornée, nous obtenons que :
X
x∈Delβ0 1,β(ϕ0);(x,0)∈Delβ0 2,β(ϕ0)h(Dir
ϕ0(x), τ
x)−h(Dir
ϕ(x), τ
x)
≤2N K
h. (3.10)
Enn, pour le sixième et dernier terme, nous pouvons constater que l'ensemble des
points de la somme appartiennent au voisinage de Delaunay du point 0. En eet, seuls
ces points appartiennent à des triangles ayant été modiés par l'insertion du point0. De
plus, ces points appartiennent nécessairement à des triangles ayant disparu du graphe de
Delaunay
β0. Or nous avons constaté que le nombre de triangles ayant disparu du graphe
de Delaunay
β0est majoré parN. Ainsi, puisque la fonctionh est bornée, nous obtenons
que :
X
x∈Delβ0 1,β(ϕ)\Delβ0 1,β(ϕ0)h(Dir
ϕ(x), τ
x)
≤3N K
h(3.11)
Nous pouvons à présent combiner les équations 3.6-3.11, pour obtenir que :
H
β0 CC(ϕ
0)−H
β0 CC(ϕ)
≤6N(K
gK
J+K
h).
Cette propriété nous sera particulièrement utile pour l'étude théorique de l'algorithme
de simulation dans la section suivante. En eet, la dynamique utilisée est une dynamique
de Métropolis-Hastings par insertion-délétion. Ainsi, à chaque itération de l'algorithme,
la proposition précédente nous permet le contrôle du saut d'énergie.
L'étude de la quasilocalité de la classe de fonctions d'énergie CC, nécessite de rajouter
des contraintes de portée sur les interactions. En tout premier lieu, nous allons supposer
que l'interaction entre deux points voisins, situés à une distance supérieure à un entier
2R, est nulle. De plus, nous allons considérer que la contrainte de forme ne porte plus sur
l'aire des cellules de Dirichlet, mais sur l'aire des cellules de Dirichlet intersectant une
boule centrée sur les points et de rayonR. Ce type de diagramme est très ressemblant de
domaines de Dirichlet libres introduits par Graner et Sawada [Graner et Sawada, 1993]
(voir gure 3.6). Pour étudier la stabilité, nous allons donc nous intéresser à la classe de
fonctions suivante :
H
β0,R CC(ϕ) =
X
(x,y)∈Delβ0 2,βJ(τ
x, τ
y)g(|Dir
ϕ(x
i)∩Dir
ϕ(y)|)1l
||x−y||<2R+ X
x∈Delβ0 1,βh(Dir(x)∩B(x, R), τ
x),
oùB(x, R) représente la boule fermée de centrex et de rayonR.
Proposition 17 (Quasilocalité) Soient R > 0 et β
0∈]0, π/3]. Soit ∆ un borélien
borné tel que 0 ∈ ∆. Soit ϕ = {(x, τ
x) : x ∈ ϕ} ∈ N
lfune conguration et τ
0∈ M.
Notonsϕ
0la conguration telle que :
ϕ
0=ϕ∪(0, τ
0).
Sous ces conditions, nous avons :
lim
d(0,∆c)→+∞[H
β0,R CC(ϕ
0)−H
β0,R CC(ϕ)]−[H
β0,R CC(ϕ
0∆)−H
β0,R CC(ϕ
∆)]
= 0.
Preuve :
157 3.7. Etude de notre classe de modèles
Comme nous l'avons vu au cours de la preuve précédente nous avons :
H
β0,R CC(ϕ
0)−H
β0,R CC(ϕ)
= X
(0,x)∈Delβ0 2,β(ϕ0)g(|Dir
ϕ0(0)∩Dir
ϕ0(x)|)J(τ
0, τ
x)1l
||0−x||<2R+ X
(x,y,0)∈Delβ0 3,β(ϕ0)(g(|Dir
ϕ0(x)∩Dir
ϕ0(y)|)−g(|Dir
ϕ(x)∩Dir
ϕ(y)|))J(τ
x, τ
y)1l
||x−y||<2R− X
(x,y)∈Delβ0 2,β(ϕ)\Delβ0 2,β(ϕ0)g(|Dir
ϕ(x)∩Dir
ϕ(y)|)J(τ
x, τ
y)1l
||x−y||<2R+h(Dir
ϕ0(0)∩B(0, R), τ
0)1l
0∈Delβ0 1,β(ϕ0)+ X
xs∈Delβ0 1,β(ϕ0);(x,0)∈Delβ0 2,β(ϕ0)h(Dir
ϕ0(x)∩B(x, R), τ
x)−h(Dir
ϕ(x)∩B(x, R), τ
x)
− X
x∈Delβ0 1,β(ϕ)\Delβ0 1,β(ϕ0)h(Dir
ϕ(x)∩B(x, R), τ
x).
La contrainte de forme, s'apparente à un modèle de Ord. Nous pouvons donc utiliser
la propriété de Markoviannité à l'ordre 1, établie par [Baddeley et Møller, 1989], pour
constater que cette contrainte a une portée incluse dans la boule fermée de centre 0 et
de rayon2R. De plus la portée sur les relations de voisinages nous permet d'établir que :
H
β0,RCC
(ϕ
0)−H
β0,RCC
(ϕ) =H
β0,RCC
(ϕ
0B(0,2R))−H
β0,RCC
(ϕ
B(0,2R)).
Nous en déduisons donc que :
lim
d(0,∆c)→+∞[H
β0,R CC(ϕ
0)−H
β0,R CC(ϕ)]−[H
β0,R CC(ϕ
0 ∆)−H
β0,R CC(ϕ
∆)]
= 0.
Les deux propriétés précédentes nous permettent donc d'établir le théorème suivant
garantissant l'existence de mesures de probabilité vériant les spécications locales de la
classe CC.
Théorème 4 Soit ϕ un processus ponctuel marqué de Gibbs de la classe CC, ayant
comme fonction d'énergieH
β0,RCC
. Supposons de plus que
il existe une constante K
Jtelle que |J()|< K
j,
il existe une constante K
gtelle que |g()|< K
g,
il existe une constante K
htelle que |h()|< K
h,
Sous ces conditions, il existe une mesure de probabilité satisfaisant les spécications
locales liées à la fonction d'interaction H
β0,RCC
.
Preuve : Les propriétés 16 et 17 nous permettent de vérier la propriété 15.
Il est important de remarquer que les contraintes supplémentaires, contraintes de
petit angle et portée, pour passer de la fonction H
CCà la fonction H
β0,RCC
n'ont aucun
sens biologique. Elles ne sont utiles que dans un but mathématique. Cependant, nous
pouvons remarquer que le paramètre β
0peut être choisi aussi petit que souhaité (à
condition qu'il reste strictement positif). De même, le paramètreR peut-être xé aussi
grand que possible (à condition qu'il reste ni). Ainsi, en pratique il est raisonnable de
confondre la classe de modèle dénie à partir de la fonction d'énergie H
β0,RCC
, de celle
dénie de manière générale par la fonction d'énergieH
CC.
Nous allons à présent nous focaliser sur la simulation de cette classe de modèle. La
simulation s'eectue la plupart du temps dans un borné conditionnellement aux bords.
Cette remarque nous permet de comprendre que l'étude théorique de l'algorithme de
simulation va s'appuyer essentiellement sur la propriété de stabilité locale du processus.
Dans le document
Modèles statistiques du développement de tumeurs cancéreuses
(Page 152-159)