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Adhésion cellulaire et cancer

3.2 Complexe Cadhérine-Caténine

3.2.5 Adhésion cellulaire et cancer

Depuis quelques années, un lien a été fait entre l'adhésion cellulaire et le

développe-ment d'une tumeur. En eet, il est apparu expéridéveloppe-mentaledéveloppe-ment qu'un dysfonctionnedéveloppe-ment

du processus d'adhésion cellulaire peut-être fortement corrélé à plusieurs types de

can-cer. Ces expériences biologiques se basent sur le développement de nouveaux marqueurs

moléculaires qui permettent d'évaluer l'expression de protéines spéciques au sein des

cellules d'un tissu. En particulier, de nombreuses recherches se sont focalisées sur

l'ex-pression de plusieurs molécules d'adhésion (les CAMs) dont les cadhérines et caténines.

Par imagerie, il est alors possible de déterminer la quantité de protéines cadhérines ou

caténines exprimées par chacune des cellules composant un même tissu, et ainsi d'établir

une corrélation entre le niveau d'expression des complexes Cadhérine-Caténine dans une

cellule et le type de cette cellule (saine, pré-tumorale ou tumorale, par exemple).

Pendant le développement de la plupart des cancers épithéliaux humains, la fonction

adhérente des cadhérines est perdue [Birchmeier et Behrens, 1994]. Parmi les mécanismes

entrant en jeu dans la perte de fonction des E-cadhérines, des mutations délétères du gène

codant pour la protéine E-cadhérine ont été caractérisées [Bracke et al., 1996].

L'utilisa-tion de β-caténines tronquées ainsi que la dérégulation des β-caténines sont associées à

l'émergence de tumeurs malignes [Oyama et al., 1994]. Takayama et ses collaborateurs

furent les premiers à mettre en avant la sous-expression de β-caténines dans diérents

types de cancers : sous-expression dans 10 cas sur 15 (67%) pour l'÷sophage, 9 cas sur

19 (47%) pour l'estomac et 11 cas sur 22 (50%) pour le colon [Takayama et al., 1996].

D'autres mécanismes aectent directement l'expression et/ou la fonction des cadhérines :

le réarrangement de la chromatine, l'hyperméthylation et la perte de facteurs

transcrip-teurs [Birchmeier et Behrens, 1994], [Bracke et al., 1996].

La non-activation de certains signaux intracellulaires se répercute sur l'adhésion

cel-lulaire gérée par les cadhérines. En particulier, les signaux mettant en jeu les petites

GTPases permettent l'expression de la molécule IQGAP1. Cette molécule est en

compé-tition avec lesβ-caténines pour s'associer auxα-caténines, régulant ainsi le lien entre les

E-cadhérines et le cytosquelette. Une dérégulation de ces signaux engendre une sur- ou

une sous-expression des complexesα-caténines -β-caténines, et ainsi une mauvaise

régu-lation des jonctions adhérentes [Kuroda et al., 1998]. De même, la phosphoryrégu-lation des

β-caténines par une tyrosine kinase peut conduire au démontage de complexes

Cadhérine-Caténine et donc à son dysfonctionnement.

Il apparait donc que les complexes Cadhérine-Caténine jouent un rôle de suppresseur

de tumeurs. Cette constatation est renforcée par des études in vivo qui montrent que

l'expression forcée de cadhérines dans des lignées cellulaires malignes induit une inversion

du phénotype cellulaire d'invasif à bénin.

Une question intéressante est de savoir si la perte d'adhésion cellulaire est un prérequis

à une progression tumorale ou simplement une conséquence. Selon Christofori et Stemb,

la perte de fonction adhérente des cadhérines ne constituerait qu'une étape du processus

d'invasion des cancers [Christofori et Semb, 1999]. La seule perte d'adhésion cellulaire

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n'est pas susante pour induire une invasion tumorale puis des métastases.

De nombreux articles de synthèse exposent les diérentes causes et conséquences d'une

dérégulation de complexes Cadhérine-Caténine chez l'être humain [De-Wever et al., 2001],

[Foty et Steinberg, 2004] et [Wijnhoven et al., 2000].

Il existe une très forte corrélation entre la perte d'expression de cadhérines et

l'aggres-sivité de plusieurs types de tumeurs. Parmi les tumeurs les plus étudiées, nous pouvons

citer

le cancer du sein [Berx et VanRoy, 2001],

le cancer du poumon [Bremnes et al., 2002],

le cancer de la peau [McGary et al., 2002],

le cancer du pancréas [Joo et al., 2002a],

le cancer du col de l'utérus [Chen et al., 2003],

le cancer de l'endomètre [Saito et al., 2003],

les cancers gastriques [Joo et al., 2002b],

le cancer de la tyroïde [Scheumman et al., 1995],

le cancer de l'÷sophage [Doki et al., 1993],

le cancer du colon [Dorudi et al., 1993],

le cancer du rein [Shimazui et al., 1995],

le cancer de la vessie [Giroldi et al., 1999].

Pour d'autres types de tumeur, la corrélation est nettement moins évidente, et reste

une source de controverse. Par exemple, pour le cancer de la prostate, une étude sur

Tissue MicroArray a montré que les molécules de cadhérines ne sont pas un fort

mar-queur de pronostic même si une diérence dans l'expression était généralement observée

[Rubin et al., 2001]. Pour le cancer du cerveau, la corrélation est également mal

caracté-risée [Schweichheimer et al., 1998].

En résumé, nous avons vu dans cette section toute l'importance du complexe

Cadhérine-Caténine dans l'adhésion cellulaire. D'une part, les molécules cadhérines jouent le rôle

de colle entre deux cellules. La liaison de deux molécules cadhérines, issues de deux

cellules diérentes, permet l'adhésion entre ces deux cellules. D'autre part, par voies de

signalisation complexes, les molécules cadhérines et caténines agissent indirectement sur

le phénotype de la cellule et en particulier sur son caractère adhérent.

Nous avons également vu que la nature de l'adhésion entre deux cellules est

direc-tement liée à l'expression des molécules du complexe Cadhérine-Caténine. En eet, une

liaison adhérente entre deux cellules se schématise par une fermeture éclair, par

consé-quent, la force de cette liaison dépend directement de la nature des crans (les cadhérines)

de la fermeture éclair.

Du point de vue de la modélisation, nous pouvons retenir qu'un tissu est une

con-guration de cellules. Cette concon-guration est le résultat d'une minimisation d'énergie,

elle-même fonction de l'adhésion entre cellules voisines. Pour être relativement complet,

l'adhésion entre cellules, qui se matérialise par une fermeture éclair, doit tenir compte du

type (ou phénotype) des deux cellules voisines ainsi que de la longueur de la membrane

entre ces deux cellules.

Nous allons à présent dresser un état de l'art des modèles de tissus biologiques mettant

en jeu spéciquement l'adhésion intercellulaire.