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Exemples de subductions initi´ees au niveau de marges passives

7.1 Observations expliqu´ees par notre th´eorie

7.1.2 Exemples de subductions initi´ees au niveau de marges passives

Subduction sous la marge nord-ib´erique

Un d´ebut de subduction est observ´e sur la marge ib´erique du Golfe de Gascogne (e.g.,

7.1. OBSERVATIONS 125

Cette subduction a ´et´e mise en ´evidence essentiellement par des ´etudes sismologiques et gra- vim´etriques.

Par exemple, Alvarez-Marron et al. (1997) ont travaill´e sur deux profils de sismique r´eflexion orient´es nord-sud et ont mod´elis´e les anomalies gravim´etriques le long des mˆemes profils. Ils s’int´eressent surtout `a la structure peu profonde de la marge (<30 km), et analysent notamment en d´etail les d´epˆots du prisme d’accr´etion, afin d’´etablir des datations. Leur ´etude montre qu’il existe bien une subduction de la croˆute oc´eanique du Golfe de Gascogne sous la marge continentale ib´erique. L’existence de d´epˆots s´edimentaires en discordance sur le prisme d’accr´etion sugg`ere que cette subduction serait d´esormais arrˆet´ee.

Un type d’approche comparable est adopt´e par Ayarza et al. (2004), mais pour l’´etude de la structure profonde, avec une mod´elisation `a l’´echelle lithosph´erique. Ils mettent en ´evidence des r´eflexions sismiques profondes, sub-moho, qui d´efinissent une surface orient´ee est-ouest, `

a pendage vers le sud. Une mod´elisation combin´ee avec des donn´ees gravim´etriques montre que l’origine probable de ces r´eflexions est le toit de la lithosph`ere oc´eanique du Golfe de Gascogne subduct´ee sous la marge ib´erique. L’absence de volcanisme r´esulterait de la trop faible profondeur du slab, qui n’est observ´e que jusqu’`a 40 km. Une partie de la lithosph`ere oc´eanique est toutefois bien immerg´ee dans l’asth´enosph`ere. Des petits s´eismes sont toujours d´etect´es `a proximit´e de la fosse, entre 13 et 44 km de profondeur. L’absence de sismicit´e plus profonde est pr´esent´ee par Ayarza et al. (2004) comme un indice que la subduction n’est plus active.

Nous pouvons interpr´eter la subduction observ´ee au niveau du Golfe de Gascogne comme un exemple d’´evolution d’une marge passive en marge active. L’amincissement crustal au niveau de la marge nord-ib´erique s’effectue sur une distance relativement faible (une centaine de kilom`etres, (e.g., Alvarez-Marron et al., 1997)), ce qui constitue un ´el´ement favorable `a l’initiation d’une subduction dans notre mod`ele. Dans le cas de la marge du Golfe de Gascogne, le m´ecanisme que nous proposons aurait toutefois ´et´e compl´et´e par un contexte tectonique de convergence entre plaque ib´erique et Europe. Cette convergence, d´ebut´ee au Cr´etac´e, a conduit `a l’est `a une collision continentale, avec la formation des Pyr´en´ees, et a certainement contribu´e au d´emarrage de la subduction plus `a l’ouest. L’hypoth`ese que la subduction a pris fin avec l’arrˆet de la convergence est contestable. La subduction peut tout `a fait se poursuivre `

a l’heure actuelle, mais `a des vitesses beaucoup plus faibles. Plusieurs auteurs notent d’ailleurs l’existence d’une activit´e tectonique r´ecente (Alvarez-Marron et al., 1997; Gallastegui et al., 2002), mal expliqu´ee. Elle se traduit par la sismicit´e, mais ´egalement par un soul`evement du rivage, et des d´epˆots s´edimentaires effondr´es.

Subduction de la lithosph`ere atlantique au niveau des Cara¨ıbes

Une subduction active de la lithosph`ere atlantique n’est observ´ee qu’en deux endroits : `a l’extr´emit´e sud de l’Am´erique du Sud, et sous la plaque Cara¨ıbes (Figure 7.5). Peut-on

Fig. 7.5: Localisation des subductions actives en Atlantique (traits rouges ´epais). Le cadre

gris clair indique la zone repr´esent´ee par la Figure 7.6.

expliquer pourquoi sur la base de notre th´eorie ? La premi`ere observation frappante est que la subduction se produit l`a o`u la largeur continentale est la plus ´etroite. Cela paraˆıt coh´erent avec les r´esultats de notre mod`ele, qui indiquent que plus la distance sur laquelle la croˆute continentale se d´eforme est faible, plus la situation est favorable `a l’initiation d’une zone de subduction. Toutefois, les fosses de subduction ne semblent a priori pas mettre la lithosph`ere atlantique directement en contact avec du continent, mais avec des plateaux oc´eaniques. La situation g´eologique est en fait complexe. Focalisons-nous sur la zone des Cara¨ıbes.

La plaque Cara¨ıbes est une petite plaque, localis´ee entre celles d’Am´erique du Nord et du Sud. Elle est classiquement interpr´et´ee comme un plancher oc´eanique form´e au Cr´etac´e ou Jurassique, qui aurait ´et´e intrud´e par d’importantes quantit´es de basaltes `a la fin du Cr´etac´e. Cela expliquerait la forte ´epaisseur de la croˆute (15-20 km) et sa faible densit´e, dont il r´esulte une ´el´evation anormale (1 `a 2 km sup´erieure `a celle d’un plancher oc´eanique normal du mˆeme ˆage) (e.g., Burke et al., 1978). L’origine de ces basaltes est en g´en´eral attribu´ee `a un point chaud. Deux mod`eles ont ´et´e propos´es. Dans l’un (mod`ele ‘Pacifique’), la croˆute oc´eanique ´epaissie se forme au niveau du point chaud des Galapagos (e.g., Pindell et Barrett, 1990). La plaque d´erive ensuite vers le nord-est, jusqu’`a se retrouver enserr´ee entre l’Am´erique du Nord et du Sud, `a sa position actuelle. Dans cette hypoth`ese la ride ‘Cocos’ marquerait la trace du

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point chaud. Ce mod`ele est controvers´e : d’une part, une dorsale oc´eanique s´epare le point chaud des Galapagos de la plaque Cara¨ıbes. D’autre part, certains affirment que l’activit´e du point chaud des Galapagos n’a en fait d´ebut´e que r´ecemment (22-17 Ma, (Lonsdale et Klit-

gord, 1978)), et ne peut donc ˆetre responsable d’un plateau d’ˆage cr´etac´e. L’autre mod`ele,

dit ‘Atlantique’ sugg`ere une formation in-situ du plateau carib´een (e.g., Meschede et Frisch, 1998).

Dans les deux cas, des probl`emes subsistent. Burke et al. (1978) notent par exemple que la plaque Cara¨ıbes pr´esente des d´eformations internes, et semble avoir un comportement interm´ediaire entre celui d’une lithosph`ere oc´eanique (qui se comporte g´en´eralement de fa¸con rigide, avec des fronti`eres bien d´efinies), et celui d’une lithosph`ere continentale (qui pr´esente des d´eformations internes). Burke et al. (1978) ´etudient la partie est et centre des Cara¨ıbes : les profils de sismique-r´eflexion y montrent un r´eseau de failles, pouvant ˆetre normales ou d´ecrochantes, et une ride extensive (Beata Ridge), orient´ee nord-sud et bord´ee par des failles normales (Figure 7.6). Ils interpr`etent ces observations comme le r´esultat d’une extrusion vers l’est de la plaque carib´eenne, et proposent que son caract`ere peu dense et ´epais expliquerait les d´eformations internes.

0 200 km Atlantic Ocean Venezuela Beata Ridge Hispaniola P R

Fig. 7.6: Carte des d´eformations internes dans les zones centre et est de la plaque Cara¨ıbes,

extraite de Burke et al. (1978). Les diff´erents traits marquent le r´eseau de failles et les hauts et bas topographiques. Des pointill´es d´elimitent l’emplacement de la ride Beata. Dans les

surfaces not´ees t1 et t2, des d´epˆots s´edimentaires turbiditiques rendent difficiles l’observation

des structures sous-jacentes. Le diagramme en bas `a gauche montre l’interpr´etation propos´ee

par Burke et al. (1978) : les d´eformations seraient dues `a une extrusion vers l’est de la plaque

James (2007a,b) va plus loin, en sugg´erant une toute autre origine pour la plaque Cara¨ıbes

sur la base d’arguments, g´eologiques, g´eochimiques et g´eophysiques. Selon lui, cette plaque n’est pas constitu´ee d’une lithosph`ere oc´eanique intrud´ee de basaltes par un point chaud.

James (2007a,b) propose que le ‘plateau’ carib´een r´esulte d’une fusion par d´ecompression

dans un contexte continental extensif. Il recouvrirait donc de la croˆute continentale forte- ment amincie (Figure 7.7). Si cette hypoth`ese est correcte, la subduction de la lithosph`ere atlantique au niveau de l’Am´erique Centrale constitue un excellent exemple d’application de notre th´eorie. L’´etroitesse du continent serait le param`etre d´eterminant, qui expliquerait que la subduction se soit produite `a cet endroit et non ailleurs. L’extension continentale aurait ´et´e extrˆeme, et aurait entraˆın´e une fusion mantellique par d´ecompression, avec g´en´eration d’importantes quantit´es de basaltes. Comme le souligne James (2007a,b), l’hypoth`ese d’une extension extrˆeme de la croˆute continentale permet aussi d’expliquer la pr´esence d’affleure- ments de p´eridotites serpentinis´ees dans la r´egion des Cara¨ıbes. Il met d’ailleurs cette ob- servation en relation avec celles effectu´ees au niveau des marges ib´eriques et de Galice : en effet, du manteau serpentinis´e y affleure l`a o`u la croˆute est infiniment amincie. D’un point

Continental crust Extended continental crust Oceanized crust Shelf edge Oceanic crust ? SCA WCB CP NLA LNR EYB

Fig. 7.7: Nature de la croˆute en Am´erique Centrale, selon James (2007b). Les zones de croˆute

´epaisse (Lower Nicaragua Rise (LNR), eastern Yucat´an Basin (EYB), Caribbean ‘Plateau’

(CP), west Colombia Basin (WCB)) reposent sur une lithosph`ere continentale ayant subi une

forte extension. La croˆute not´ee ‘oc´eanis´ee’ peut aussi impliquer du continent extrˆemement

aminci et du manteau sup´erieur serpentinis´e. La zone en rouge (Cayman Trough) repr´esente

la seule croˆute r´eellement oc´eanique. Son ˆage n’est pas sup´erieur `a 30 Ma. Abr´eviations :

7.1. CROISSANCE CONTINENTALE ET PREMI `ERES SUBDUCTIONS 129

de vue chronologique, notre mod`ele est coh´erent. Les datations indiquent que l’initiation de la subduction et la formation des basaltes remontent `a peu pr`es `a la mˆeme p´eriode, autour de 88-80 Ma. Une des hypoth`eses ayant ´et´e envisag´ees auparavant pour le d´emarrage de la subduction est celle propos´ee par Niu et al. (2003), o`u la plong´ee de la lithosph`ere se pro- duit en r´eponse aux contrastes de densit´e et ´el´evation entre plateau oc´eanique et plancher oc´eanique normal. Le m´ecanisme que nous proposons est physiquement comparable, mˆeme si dans notre hypoth`ese ce sont les gradients de pression aux fronti`eres oc´ean-continent qui sont en jeu. Notre mod`ele semble plus `a mˆeme de s’appliquer `a la subduction de la lithosph`ere atlantique sous l’Am´erique Centrale : il permet d’expliquer des observations suppl´ementaires et de comprendre la localisation des uniques zones de subduction en Atlantique.

Autres exemples (subductions anciennes)

Nous venons d’´evoquer le cas des rares subductions observ´ees en Atlantique, et de mon- trer que notre mod`ele permet d’expliquer leur initiation. Sur Terre, l’ensemble des zones de subduction sont localis´ees en bordure des continents (ou en tout cas `a de faibles distances de ceux-ci). Cette observation sugg`ere que, de mani`ere g´en´erale, c’est bien au niveau des marges passives que d´emarre la plong´ee de la lithosph`ere oc´eanique dans l’asth´enosph`ere. Bradley (2008) recense quelques exemples confirmant cela. Ainsi, la subduction chilienne se serait d´evelopp´ee au niveau d’une marge passive du Gondwana, durant l’Ordovicien (Bahlburg et

Herv´e, 1997). Un contexte de convergence aurait facilit´e la conversion de la marge passive

en marge active. Des initiations de subduction aux fronti`eres oc´ean-continent sans aucune convergence des plaques ont ´egalement ´et´e mises en ´evidence. Cela aurait par exemple ´et´e le cas pour la marge de la plate-forme nord-afghane au D´evonien (Brookfield et Hashmat, 2001), ou encore pour la marge sud-ouest de la plaque iranienne `a la fin du Trias (Sheikho-

leslami et al., 2008). Bradley (2008) souligne qu’il n’existe malheureusement pas de mod`eles

expliquant de tels processus. Notre ´etude permet de les comprendre.

7.2

Formation de la croˆute continentale et premi`eres subduc-