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Lithosphère continentale

Lithosphère océanique

Asthénosphère 1 cm

Fig. 1.11: Exp´erience de Goren et al. (2008). L’initiation de la subduction au niveau d’une

marge passive est envisag´ee. Elle se produit, selon Goren et al. (2008), par un m´ecanisme pu-

rement ductile conduisant `a une d´eformation et `a une rotation de l’interface entre lithosph`eres

oc´eanique et continentale. Nous observons bien le chevauchement de la lithosph`ere oc´eanique par le continent, mais cette approche ne permet pas de faire plonger la lithosph`ere oc´eanique dans l’asth´enosph`ere : la ‘subduction’ reste plate.

l’asth´enosph`ere. Mart et al. (2005) et Goren et al. (2008) pr´etendent que la plaque oc´eanique enfouie sous le continent va s’´eclogitiser, devenir ainsi plus dense que le manteau sous-jacent et s’y enfoncer. Ils ne v´erifient toutefois pas quantitativement si les conditions sont r´eunies pour que cela se produise. De mani`ere g´en´erale, leurs ´etudes montrent quelques exp´eriences r´ealis´ees pour des gammes de param`etres r´eduites, et restent extrˆemement qualitatives. Enfin,

Mart et al. (2005) et Goren et al. (2008) concluent que leur m´ecanisme conduit `a l’initiation

de subductions mˆeme pour des lithosph`eres oc´eaniques de flottabilit´e neutre. On comprend alors mal pourquoi certaines marges passives matures, comme celles de l’Atlantique, n’ont pas ´evolu´e en marges actives.

1.5

Bilan

En r´esum´e, les mod`eles existant pour expliquer l’initiation de la subduction ne sont pas satisfaisants. Certains traitent le probl`eme pour une rh´eologie purement visqueuse, n´egligeant la r´esistance ´elastique des plaques oc´eaniques. D’autres requi`erent des conditions extrˆemes, avec par exemple l’existence de zones de faiblesse `a l’´echelle de la lithosph`ere. Le probl`eme est alors simplement d´ecal´e, puisqu’il reste `a expliquer comment de telles conditions sont cr´e´ees. Des concours de circonstances particuliers sont par ailleurs souvent invoqu´es, notamment des modifications des interactions entre les plaques qui pourraient, si elles sont bien combin´ees `a divers autres effets, d´eclencher la plong´ee de la lithosph`ere oc´eanique dans l’asth´enosph`ere. Les zones de subduction jouant un rˆole majeur dans le fonctionnement de la Terre, on peut se demander s’il est raisonnable d’envisager qu’elles soient ainsi le r´esultat du hasard. Par

ailleurs, dans plusieurs des ´etudes ´evoqu´ees pr´ec´edemment, l’initiation de la subduction est plus ou moins directement li´ee `a des subductions d´ej`a d´evelopp´ees. Reste donc `a trouver un m´ecanisme diff´erent pour les premi`eres subductions. Enfin, la grande majorit´e des th´eories propos´ees supposent une lithosph`ere oc´eanique gravitationnellement instable, et cherchent donc avant tout un moyen de provoquer la rupture de la lithosph`ere. Une cons´equence de cette approche est qu’il est alors difficile d’expliquer que sur Terre, les plaques oc´eaniques entrent en subduction `a des ˆages tr`es variables. De plus, suite aux r´ecentes ´etudes qui remettent en cause l’acquisition par la lithosph`ere d’une flottabilit´e n´egative par rapport au manteau sous-jacent, le probl`eme devient plus complexe. Il faut d´esormais ´etablir un m´ecanisme per- mettant de forcer l’enfoncement dans l’asth´enosph`ere d’une plaque pas n´ecessairement plus dense que le manteau. Des contraintes importantes doivent ˆetre mises en jeu : des effets tels que l’accumulation de s´ediments ne sont plus envisageables. Il semble que si l’on exclut la traction du ‘slab’ qui ne concerne que les subductions d´ej`a d´evelopp´ees, les plus grandes forces susceptibles de faire plonger la lithosph`ere dans l’asth´enosph`ere sont celles qui existent aux fronti`eres oc´ean-continent. Dans cette th`ese, nous ´etudierons donc la possibilit´e d’initier les zones de subduction au niveau des marges passives. Une motivation suppl´ementaire `a une telle approche est que de nombreuses caract´eristiques des marges passives demeurent encore mal expliqu´ees. Malgr´e la qualit´e croissante des donn´ees acquises au niveau de ces marges, leur structure et leur dynamique posent quelques probl`emes majeurs, qui ne font l’objet d’aucun consensus `a l’heure actuelle.

Chapitre 2

Quelques probl`emes non r´esolus sur

les marges passives

Nous pr´esentons ici trois aspects caract´eristiques des marges passives qui restent mal com- pris. Le premier concerne le mode d’extension de la croˆute continentale, et le ‘paradoxe de la plaque sup´erieure’ qui en r´esulte. Nous nous int´eressons ensuite `a la pr´esence de r´eflecteurs sis- miques et de mat´eriel dense sous certaines marges continentales amincies. Enfin, les probl`emes pos´es par la dynamique des marges sont abord´es. Pour illustrer les deux premiers aspects, nous prenons la marge ib´erique pour exemple `a plusieurs reprises. La Figure 2.1 indique la latitude approximative des segments de cette marge ´etudi´es par les divers articles cit´es.

2.1

Mode d’extension du continent

Deux types de mod`eles ont ´et´e propos´es pour expliquer la formation des marges conti- nentales. L’un consiste en un ´etirement uniforme du continent, et conduit `a la formation de deux marges conjugu´ees sym´etriques (McKenzie, 1978). L’autre repose sur un rifting asym´etrique, avec un grand d´etachement `a faible pendage traversant l’ensemble de la li- thosph`ere (Wernicke, 1985). L’une des marges est alors constitu´ee du toit du d´etachement (plaque sup´erieure), alors que la marge conjugu´ee en est la partie inf´erieure. Le paradoxe est qu’une grande majorit´e des marges semblent ˆetre des plaques sup´erieures (on parle du ‘pa- radoxe de la plaque sup´erieure’, Driscoll et Karner (1998)). En particulier, les observations montrent qu’`a proximit´e de la transition oc´ean-continent la plupart des marges continentales sont caract´eris´ees par une croˆute sup´erieure tr`es ´etir´ee surplombant directement du manteau : la croˆute inf´erieure est absente (Figure 2.2). Driscoll et Karner (1998) illustrent ce paradoxe en prenant pour exemple les marges conjugu´ees ib´erique et de Terre-Neuve. Les donn´ees ac- quises au niveau de la marge ib´erique sugg`erent qu’un d´etachement `a pendage vers l’est s´epare une plaque sup´erieure ib´erique d’une plaque inf´erieure constituant la marge de Terre-Neuve (Tankard et Welsink , 1987). Au contraire, les observations effectu´ees sur la marge de Terre- Neuve indiquent un d´etachement `a pendage vers l’ouest entre une plaque sup´erieure du cˆot´e Terre-Neuve et une plaque inf´erieure ib´erique (Boillot et al., 1988).

Fig. 2.1: Exemple de marges passives : les marges ib´eriques. Les latitudes des zones ´etudi´ees

par les divers articles cit´es dans les paragraphes suivants sont indiqu´ees.

20 km

s

M LC UC E W

Fig. 2.2: Coupe sch´ematique de la marge de Galice (Ouest du Portugal), extraite de Boillot

et al. (1995). Les abr´eviations sont : UC, croˆute sup´erieure, LC, croˆute inf´erieure, M, man-

teau. La lettre ‘s’ montre la position d’un r´eflecteur sismique. Pr`es de la limite oc´ean-

continent, la croˆute inf´erieure est absente.

Davis et Kusznir (2004) interpr`etent le paradoxe de la plaque sup´erieure en terme d’´etire-

ment d´ependant de la profondeur. Ils estiment un taux d’extension pour la croˆute sup´erieure `a partir du d´ecalage sur les failles, et un taux d’extension pour l’ensemble de la croˆute `a partir de l’´epaisseur crustale (d´etermin´ee par des ´etudes sismiques et gravim´etriques). Ce travail est effectu´e pour les marges de Goban Spur (au sud-ouest de l’Angleterre), de Galice (marge ib´erique), de Vøring (Norv`ege) et de la mer de Chine du Sud. Dans tous les cas, les observations indiquent un taux d’extension uniforme jusqu’`a une distance de l’ordre d’une

2.1. MODE D’EXTENSION DU CONTINENT 35 10 2 4 6 8 0 50 100 150 200 250 300 350 Whole lithosphere Upper crust crust

Whole GALICIABANK

Stretchingfactor

b

Distance (km)

Fig. 2.3: Taux d’´etirement en fonction de la distance `a la limite oc´ean-continent, pour la

marge de Galice (d’apr`es Davis et Kusznir (2004)). L’absence de croˆute inf´erieure pr`es de la

limite oc´ean-continent peut ˆetre interpr´et´ee comme le r´esultat d’un ´etirement d´ependant de la profondeur.

centaine de kilom`etres de la fronti`ere oc´ean-continent. `A des distances plus faibles, le taux d’extension estim´e pour la croˆute sup´erieure est partout inf´erieur `a celui d´etermin´e pour la croˆute enti`ere (e.g., Figure 2.3). Une ´etude plus d´etaill´ee, se focalisant sur la marge de Galice, est pr´esent´ee par Nagel et Buck (2007). Ils tentent d’expliquer diverses caract´eristiques de la marge, en particulier le fait que la croˆute continentale passe d’une ´epaisseur de 25 km `a une ´epaisseur nulle sur une distance de 50 `a 100 km (Boillot et al., 1988), et que la croˆute inf´erieure est absente `a l’extr´emit´e du continent (Manatschal et Bernoulli, 1999) (Figure 2.2). Davis et Kusznir (2004) et Nagel et Buck (2007) proposent pour expliquer les observa- tions des mod`eles d’ouverture oc´eanique sym´etrique, mais avec une lithosph`ere `a rh´eologie d´ependant de la profondeur (croˆute inf´erieure peu r´esistante pour Davis et Kusznir (2004), croˆute inf´erieure r´esistante mais s´epar´ee de la croˆute sup´erieure par une zone de faiblesse mi-crustale pour Nagel et Buck (2007)).

Ces mod`eles, et l’observation mˆeme d’un taux d’extension d´ependant de la profondeur, restent toutefois sujets `a d´ebats. Reston (2005, 2007) note que pour les basins continentaux, pour lesquels on dispose de donn´ees de meilleure qualit´e que pour les marges, les diff´erentes estimations des taux d’extension ne pr´esentent pas de d´esaccord. Si les ´etudes de Davis et

Kusznir (2004) et Nagel et Buck (2007) sont correctes, alors elles impliqueraient que le mode

de formation des bassins continentaux et des marges soit fondamentalement diff´erent. Selon

Reston (2007), le d´esaccord entre les taux d’extension calcul´es `a partir des failles d’une part

et de l’amincissement crustal de l’autre n’est en fait qu’un artefact. Il r´esulte d’une sous- estimation de l’extension accommod´ee par les failles, qui pourrait s’expliquer par le fait que seule une petite portion des failles existantes est recens´ee. Une autre hypoth`ese sugg´er´ee par

Reston (2007) est que l’extension en domaine cassant se ferait en plusieurs phases, avec des

g´en´erations de failles normales se succ´edant : seule la g´en´eration la plus r´ecente serait observ´ee.

donc ´enigmatique. Pour certains h´erit´ee du mode d’ouverture oc´eanique, elle n’est pour d’autres qu’un artefact li´e `a la qualit´e imparfaite des donn´ees. Des processus complexes sont ´egalement propos´es, tels que des ´echanges de masse entre la croˆute et le manteau lors du rifting et de la rupture du continent, ou bien une recristallisation crustale (Afilhado et al., 2008). Une hypoth`ese, pourtant plus simple, ne semble pas avoir ´et´e envisag´ee : le paradoxe de la plaque sup´erieure ne pourrait-il r´esulter d’un amincissement continental post´erieur `a l’ouverture oc´eanique ? Dans cette optique, il faut imaginer un mode d’ouverture oc´eanique conduisant `a une transition relativement abrupte entre continent et oc´ean. Le continent, ´epais et peu dense, aurait alors une ´el´evation marqu´ee par rapport `a la plaque oc´eanique, d’o`u un gradient de pression important au niveau de la marge. En r´eponse `a ce gradient, le continent s’´etalerait sur la plaque oc´eanique. On peut alors envisager un mode d’amincissement totale- ment diff´erent de ceux ´etudi´es jusqu’alors, et qui pourrait peut-ˆetre expliquer les observations.

Un test pr´eliminaire d’une telle approche consiste `a comparer des marges passives d’ˆages diff´erents. Si un amincissement continental significatif se produit post´erieurement `a l’ouver- ture oc´eanique, un oc´ean venant de s’ouvrir devrait pr´esenter des marges abruptes. La Mer Rouge constitue un lieu id´eal pour v´erifier cela. L’accr´etion oc´eanique y a d´ebut´e dans sa partie sud il y a quelques millions d’ann´ees seulement (Roeser , 1975). L’extr´emit´e nord est encore aux stades de rifting. Plusieurs ´etudes ont soulign´e que l’amincissement continental en Mer Rouge s’effectue sur de faibles distances. Sur la base de donn´ees bathym´etriques et de sismique-r´eflexion, Cochran et Karner (2007) ´evaluent qu’au nord, la distance entre continent non aminci et d´epression axiale n’est que de 80 km. Plus au sud, l`a o`u l’expansion oc´eanique a clairement d´ebut´e, Al-Damegh et al. (2005) montrent, au moyen de fonctions r´ecepteurs, que

Fig. 2.4: Coupe montrant le profil du moho pour une marge ouest Atlantique et pour la marge

est de la Mer Rouge. La distance entre croˆute continentale ‘normale’ et croˆute oc´eanique est

moiti´e moins pour la mer Rouge que pour la marge ouest atlantique. D’apr`es Al-Damegh et al. (2005).

2.1. STRUCTURE DES MARGES PASSIVES 37

la transition entre la croˆute continentale arabique et la croˆute oc´eanique se fait sur 250 km en- viron. Al-Damegh et al. (2005) remarquent que cela est pr`es de deux fois inf´erieur `a la distance moyenne de 450 km qui caract´erise les marges de l’Atlantique (Figure 2.4). Ils sugg`erent que l’abruptet´e des marges de la Mer Rouge pourrait ˆetre une cons´equence inh´erente aux proces- sus de rifting. Les marges continentales, initialement abruptes, ´evolueraient progressivement en marges ´etendues.

En r´esum´e, l’amincissement continental au niveau des marges passives demeure sujet `a d´ebat. R´esulte-t-il enti`erement des phases pr´ecoces de rifting et ouverture oc´eanique ? Si cela est le cas, pourquoi ne pr´esente-il pas les mˆemes caract´eristiques qu’au niveau des bassins continentaux ? Comment expliquer la transition oc´ean-continent abrupte observ´ee au niveau d’une marge jeune comme celle de la Mer Rouge ? Cette observation ne sugg`ere-t-elle pas qu’une part significative de l’extension continentale se ferait post´erieurement `a l’ouverture oc´eanique ?

Un autre aspect mal compris est la pr´esence de r´eflecteurs sismiques et de corps de forte densit´e `a la base des marges continentales.