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6.3 Gammes de variation des param`etres g´eologiques

6.3.3 Croˆ ute continentale

Densit´e La densit´e de la croˆute continentale n’est pas un param`etre d´eterminant dans notre mod`ele. Ses estimations, d´eriv´ees notamment d’´etudes sismologiques et gravim´etriques, sont comprises entre 2700 et 2900 kg.m−3

(e.g., Christensen et Mooney, 1995).

Rh´eologie Dans nos calculs, le continent est mod´elis´e par une couche homog`ene de fluide visqueux newtonien. La rh´eologie des continents est en r´ealit´e complexe et reste d´ebattue.

Une approche possible pour l’´etudier est d’utiliser des enveloppes rh´eologiques ´etablies en laboratoire pour des assemblages de min´eraux particuliers. Dans ce cas, des lois ´etablies `a petite ´echelle (microscopique pour les exp´eriences effectu´ees sur des min´eraux, centim´etrique pour des ´echantillons rocheux) sont extrapol´ees `a la croˆute dans son ensemble, ce qui est discu- table. De plus, contrairement `a la croˆute oc´eanique, la croˆute continentale est tr`es h´et´erog`ene : elle comprend toutes sortes de lithologies (e.g., Rudnick et Gao, 2003). Les donn´ees sismo- logiques montrent qu’on peut diviser la croˆute continentale en trois couches : sup´erieure, interm´ediaire et inf´erieure (e.g., Christensen et Mooney, 1995). Les propri´et´es de la partie sup´erieure, qui peut ˆetre directement ´echantillonn´ee, sont mieux connues que celles des zones plus profondes. Malgr´e la vari´et´e des assemblages rocheux, on peut ´etablir une composition moyenne pour la croˆute sup´erieure, qui est granodioritique. L’exercice est plus d´elicat pour les couches inf´erieures qui ne sont connues que par des moyens indirects (´etudes d’affleure- ments m´etamorphiques, de x´enolithes, donn´ees sismologiques et de flux de chaleur). Il est admis que la composition moyenne de la croˆute inf´erieure est mafique, mais dans le d´etail, les estimations propos´ees sont variables. De la stratification compositionnelle r´esulte une strati- fication rh´eologique, avec une croˆute sup´erieure plus r´esistante que la croˆute inf´erieure. Cette derni`ere est en g´en´eral consid´er´ee, sur la base d’extrapolations de mesures en laboratoire, comme se d´eformant par fluage ductile (e.g., Ranalli et Murphy, 1987; Watts et Burov , 2003). Un certain nombre d’´etudes reposant sur des donn´ees sismologiques affirment toutefois que la croˆute inf´erieure pr´esenterait une r´esistance non n´egligeable, sup´erieure `a celle du man- teau sous-jacent (e.g., Maggi et al., 2000; Jackson, 2002b). Outre la composition, la structure thermique des continents influence fortement leur rh´eologie (e.g., Afonso et Ranalli , 2004).

L’extrapolation `a l’´echelle de la croˆute continentale de profils de r´esistance ´etablis en laboratoire est donc discutable. Devant ces difficult´es, un tout autre type d’approche a ´et´e d´evelopp´e. Il consiste `a ´etablir des mod`eles rh´eologiques sur la base d’observations de d´eformations `a grande ´echelle. Ces mod`eles se divisent en deux cat´egories. Dans l’une, on

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consid`ere que la d´eformation se distribue sur des r´eseaux de failles, conduisant `a une struc- ture en blocs (mod`eles discrets) (e.g., King et al., 1994; Thatcher , 1995; Jackson, 2002a). Dans l’autre, la d´eformation est suppos´ee continue, visqueuse ou plastique (e.g., Bird et Piper , 1980;

England et McKenzie, 1982; Sonder et England, 1986).

Pour notre ´etude, la rh´eologie du continent n’est pas un facteur d´eterminant. Nous avons choisi de mod´eliser la croˆute continentale par un mat´eriau visqueux car l’´etalement d’un milieu fragile et cassant est difficile `a d´ecrire `a l’´echelle de la fronti`ere oc´ean-continent. Nous pourrions utiliser les lois d’un milieu granulaire par exemple avec un substratum plastique voire visqueux pour repr´esenter la croˆute inf´erieure (e.g., Martinod et al., 2000). Une telle complexification n’est pas n´ecessaire puisque nous cherchons essentiellement `a d´eterminer les diff´erents comportements de la plaque ´elastique, qui ne d´ependent que de la charge et de son extension au cours du temps. Une autre rh´eologie que celle que nous avons adopt´ee aurait pour effet de changer la constante de temps et sans doute la forme d´etaill´ee de la croˆute chevauchante. Nous avons v´erifi´e que la propagation d’une charge de forme triangulaire avait les mˆemes cons´equences sur le comportement de la plaque ´elastique que ce observ´e lors de l’´etalement d’un fluide visqueux.

Mod´eliser le continent par un fluide visqueux newtonien homog`ene constitue l’approche la plus simple. Il reste toutefois difficile de d´eterminer quelle valeur de viscosit´e adopter. Les estimations pour la croˆute inf´erieure sont comprises entre 1018et 1020Pa.s (Kruse et al., 1991;

Kaufman et Royden, 1994; McKenzie et al., 2000). Elles constituent une borne inf´erieure si

l’on s’int´eresse `a la croˆute dans son ensemble. `A l’´echelle de la lithosph`ere, des viscosit´es allant jusqu’`a 1022Pa.s sont sugg´er´ees par les ´etudes de rebond post-glaciaire (Peltier et Drummond, 2008). Des viscosit´es continentales moyennes comprises entre 1020 et 1022Pa.s semblent donc

raisonnables. Ces valeurs sont celles de la viscosit´e r´eelle η1, mais comme nous l’avons montr´e,

la viscosit´e apparente η′

1 qui intervient dans nos calculs en est peu diff´erente (η ′

1 ≈ 1.6 × η1).

´

Epaisseur La variable H′

Lo qui intervient dans nos calculs est plus pr´ecis´ement l’´epaisseur

moyenne du continent sur la distance XL, avant que ne d´ebute l’amincissement li´e `a l’´eta-

lement gravitaire. Comme nous nous pla¸cons au niveau d’une marge passive, o`u l’´epaisseur de la croˆute continentale peut varier fortement sur des distances limit´ees, la valeur de H′

Lo

d´ependra de celle de XL : plus nous consid´erons une grande distance (i.e., de plusieurs cen-

taines de kilom`etres), plus l’´epaisseur H′

Losera proche de la ‘normale’, c’est-`a-dire des valeurs

estim´ees dans les r´egions continentales stables. Les ´etudes sismologiques indiquent que les ´epaisseurs crustales dans ces r´egions stables sont comprises entre 35 `a 45 km (Christensen et

Densit´e ρ1 2700 - 2900 kg.m−3

Viscosit´e η1 1020 - 1022 Pa.s

´

Epaisseur H′

Lo 35 - 40 km

Distance caract´eristique d’amincissement XL 100 - 500 km ?

Mooney, 1995; Mooney et al., 1998), valeurs de l’ordre de la moyenne `a l’´echelle globale (par exemple estim´ee `a 38 km par Mooney et al. (1998)). L’´epaisseur continentale `a adopter pour de plus faibles distances XL est discutable. Une marge passive est le r´esultat d’un processus

de rifting extrˆeme du continent ayant conduit `a une ouverture oc´eanique (e.g., Whitmarsh

et al., 2001). Comme ´evoqu´e dans la Section 3.1, la majorit´e des marges passives sont ca-

ract´eris´ees par une croˆute continentale fortement amincie qui est en g´en´eral attribu´ee `a ces phases de rifting et ouverture oc´eanique. Si cela est effectivement le cas, alors pour des va- leurs de XL de l’ordre de la centaine de kilom`etres, nous pouvons envisager des ´epaisseurs

crustales moyenne r´eduites `a une dizaine de kilom`etres. Toutefois, l’´etude effectu´ee au moyen de fonctions-r´ecepteurs sur la jeune marge arabique de la Mer Rouge par Al-Damegh et al. (2005), sugg`ere que les processus de rifting pourraient au contraire aboutir `a des marges relati- vement abruptes, qui ne s’´etendraient que post´erieurement. Si nous adoptons ce point de vue, l’´epaisseur moyenne du continent sur une distance XL quelle qu’elle soit doit rester proche

de la normale. Enfin, outre les variations spatiales, nous pouvons envisager de possibles va- riations temporelles de l’´epaisseur moyenne des continents, `a l’´echelle des temps g´eologiques. Devant ces incertitudes, nous ferons varier les ´epaisseurs H′

Lo dans une gamme relativement

large (∼ 25-60 km). Les valeurs sup´erieures de cet intervalle sont peut-ˆetre `a exclure pour les cas g´eologiques. Elles impliquent la pr´esence d’une croˆute continentale ´epaissie `a proximit´e de la marge. Une telle configuration est observ´ee au niveau de certaines marges actives (par exemple, celles d’Am´erique du Sud), mais il ne semble pas y avoir d’exemples actuels pour des marges passives.

Distance caract´eristique d’amincissement (XL) La largeur sur laquelle s’amincit le

continent est certainement le param`etre de notre mod`ele dont les valeurs g´eologiques sont les moins bien contraintes. Une estimation d’ordre de grandeur pour XL peut ˆetre effectu´ee

`

a partir de l’observation de marges passives actuelles. Toutefois, dans notre mod`ele, nous faisons une simplification en d´ecrivant la d´eformation du continent comme un amincissement homog`ene sur une distance XL d’une part, et un ´etalement sur la lithosph`ere oc´eanique de

l’autre. Dans des conditions r´ealistes, l’´epaisseur du continent diminue progressivement de sa valeur ‘normale’ `a z´ero. Ceci est observable par exemple sur la Figure 6.6, extraite de

Scheck-Wenderoth et al. (2007), qui montre les taux d’amincissement de la croˆute continen-

tale calcul´es pour la marge de Norv`ege. L’amincissement s’effectue sur une distance de l’ordre de 500 km. Dans les calculs que nous avons eu l’occasion de montrer pr´ec´edemment (Figures 6.2, 6.3), l’avanc´ee du continent sur la plaque oc´eanique ´etait comprise entre 100 et 300 km environ au bout de quelques dizaines millions d’ann´ees (ordre de grandeur de l’ˆage de l’ouver- ture oc´eanique au niveau de la marge de Norv`ege). Nous pouvons donc proposer qu’une valeur de XL de l’ordre d’une centaine `a quelques centaines de kilom`etres serait dans ce cas raison-

nable. La marge de Norv`ege ´etudi´ee par Scheck-Wenderoth et al. (2007) est particuli`erement ´etendue. L’amincissement est souvent observ´e sur des distances plus faibles, de l’ordre de 150 `a 200 km (voir par exemple l’article de Crosby et al. (2008) portant sur les marges conjugu´ees Terre-Neuve/ib´erique). Des valeurs de XL de quelques dizaines de kilom`etres sont alors en-

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Fig. 6.6: Carte de la marge de Norv`ege (en coordonn´ees UTM33) illustrant l’amincissement

de la croˆute continentale cristalline. tc/to est le rapport de l’´epaisseur observ´ee de cette croˆute

continentale sur la valeur initiale suppos´ee (35 km). Le rouge fonc´e correspond `a tc/to ∼ 1, le

violet `a tc/to ∼ 0. La correspondance en terme de taux d’´etirement β est aussi indiqu´ee. Le

passage d’une ´epaisseur de croˆute continentale normale `a une ´epaisseur quasi nulle s’effectue

sur une distance de l’ordre de 400 `a 500 km. Figure extraite de Scheck-Wenderoth et al. (2007).

visageables. La distance XL est donc susceptible de varier sur pr`es d’un ordre de grandeur

suivant les r´egions. Une probable cause de ses variations est la r´esistance du continent, qui va d´ependre notamment de sa structure thermique. Par ailleurs, il se peut que la largeur sur laquelle la croˆute continentale s’amincit soit modifi´ee au cours du temps.

6.3.4 Bilan

En r´esum´e, trois points doivent ˆetre soulign´es.

Les valeurs `a adopter pour les divers param`etres du mod`ele ne sont pas connues avec une ´egale pr´ecision. La densit´e de la lithosph`ere oc´eanique fait d´ebat : il nous faudra envisager aussi bien des flottabilit´es positives que n´egatives par rapport au manteau sous-jacent. H′

Loet

XLsont difficiles `a estimer. Pour HLo′ , nous pouvons prendre l’´epaisseur moyenne de la croˆute

continentale, dont des estimations relativement pr´ecises sont disponibles. Il n’est cependant pas certain que cela soit repr´esentatif de l’´epaisseur de la croˆute au niveau d’une marge passive venant de se former. La valeur `a adopter pour la distance XL est encore plus incertaine. Ce

param`etre de notre mod`ele ne peut ˆetre ´evalu´e directement sur Terre. Nous pouvons seulement en donner des ordres de grandeur.

D’autre part, comme montr´e par l’analyse dimensionnelle, tous les param`etres de notre mod`ele ne sont pas d´eterminants. Ainsi, la longueur de la plaque oc´eanique, bien que variable, ne semble pas avoir d’influence. Pour un contexte donn´e, la viscosit´e de la croˆute continentale ne modifierait que l’´echelle de temps sur laquelle les processus se d´eroulent.

Enfin, sur Terre, certains param`etres sont plus susceptibles de varier que d’autres. Les den- sit´es de la croˆute continentale et du manteau n’´evolueront pas significativement sur quelques dizaines de millions d’ann´ees, et n’ont pas de raison de diff´erer d’une marge `a l’autre. Au contraire, la densit´e de la lithosph`ere oc´eanique augmente `a mesure qu’elle se refroidit. De mˆeme, l’´epaisseur ´elastique de la plaque oc´eanique ´evolue dans le temps : un ordre de grandeur s´epare l’´epaisseur ´elastique des lithosph`eres les plus jeunes de celle des lithosph`eres les plus ˆag´ees. Pour l’´epaisseur continentale, nous pouvons envisager des valeurs l´eg`erement diff´erentes selon les marges. Cela est ´egalement le cas pour la distance d’amincissement XL.

6.4

Influences sur l’´evolution d’une marge passive