• Aucun résultat trouvé

Evolution spatio-temporelle des populations moléculaires et du facteur de forme F

PARTIE III : Identification et classification de plastiques par imagerie spectroscopique

CHAPITRE 5 : DEMONSTRATION DE LA METHODE D’IDENTIFICATION BASEE SUR LA CORRELATION ENTRE

5.2 Identification de polymères de structures moléculaires différentes

5.2.2. Evolution spatio-temporelle des populations moléculaires et du facteur de forme F

Nous avons réalisé une série d’images entre 50 et 1000 ns selon le protocole décrit dans le paragraphe 5.1.2 et extrait le facteur de forme F des populations de C2 et CN pour chacun des délais. Par souci de lisibilité, seules les images de 3 délais seront illustrées ici, correspondant aux courts délais, attendus pour être les plus discriminants. Cependant, le facteur de forme F sera quant à lui affiché jusqu’au dernier délai mesuré lors de l’expérience, à savoir 1000 ns. La figure 5.5 expose donc les évolutions spatio-temporelles des espèces moléculaires d’intérêts pour les échantillons de PE, PS et POM et rappelle la structure atomique de ces derniers.

Figure 5.5 Evolution spatio-temporelle des espèces moléculaires au sein du plasma pour les différents échantillons considérés.

140

Ces répartitions spatiales au cours des premiers instants de la vie du plasma doivent à présent être mises en relation avec l’évolution temporelle du facteur de forme F. C’est ce que montre la figure 5.6 ci-dessous avec d’un côté l’évolution de F(C2) pour les échantillons de PE et PS (le POM n’ayant pas de signal de C2 significatif) et d’un autre celle de F(CN) pour les échantillons PE, PS et POM[123].

Figure 5.6 Evolution temporelle de F(C2) et F(CN) pour les échantillons de PE, PS et POM. L’absence du POM pour F(C2) est liée à son signal de C2 non significatif.

Comme nous avions pu le voir à la fin du chapitre 4, la première observation est évidemment la quasi-absence de signal de C2 au sein du plasma induit sur la cible de POM, quasi car il existe très probablement des recombinaisons de carbone atomique expliquant une présence résiduelle de C2. Toutefois, cela correspond bien à l’absence de liaison C-C native dans la matrice du POM.

Dans le même temps, F(C2) dans le PE et le PS témoigne d’une différence importante dans le processus de formation et de répartition spatiale du C2. En effet, avant 200 ns, F(C2) dans le Polystyrène est presque 1/3 inférieur à celui dans le Polyéthylène, ce qui spatialement se traduit par une propension de la population de C2 au sein du plasma induit sur PS à être confinée plus près de la surface que dans celui induit sur PE et qu’elle évolue ensuite préférentiellement vers les zones latérales du plasma. Mais un phénomène important semble se produire : F(C2) dans le PS croit rapidement entre 200 et 600 ns, passant de 0.8 à près de 1.4, alors que rien de tel ne semble arriver pour le PE. Concrètement cela signifie que la population de C2 du PS semble être dirigée dans la direction Z, perpendiculairement à la surface, passant d’une géométrie plutôt

141

écrasée selon la direction X à une configuration ressemblant à celle du C2 dans le PE, à savoir allongée selon la direction Z. Cette dissemblance d’évolution spatiale de la population de C2 peut s’expliquer par les différents processus de formation de la molécule, que Lei et al ont mis en lumière dans [123]. L’énergie des photons à 266nm assure une atomisation quasi complète au sein du plasma sur cible PE. Les atomes de carbone vaporisés sont éjectés à grande vitesse vers la zone frontale du plasma, de plus basse température, favorisant alors les recombinaisons du carbone atomique selon la réaction :

𝐶 + 𝐶 → 𝐶2 5.2

Ceci est cohérent avec l’observation de la répartition spatiale de la population de C2 au sein du plasma induit sur PE. Le plasma et donc sa zone frontale évoluant par la suite de façon isotrope, cela semble expliquer que F(C2) dans le PE ne fluctue que très peu durant les 1000 premières nanosecondes après l’impulsion laser.

Si l’on se focalise à présent sur F(C2) dans l’échantillon de PS, et au regard de [123], la soudaine évolution que connait le facteur de forme paraît mettre en évidence le processus de formation de C2 par fragmentation. L’énergie des photons à 266 nm (4.6eV) n’étant pas suffisante pour casser la double liaison CC, des groupements Cn (n>2) sont alors arrachés. Leurs masses réduisant leurs mobilités par rapport à une molécule diatomique, ces groupements restent confinés proche de la surface, dans une zone soumise à une forte pression collisionnelle. En corrélant cela avec l’observation en imagerie de la présence de C2 dans cette zone basse, on peut alors déduire que la population de C2 provient dans un premier temps de la fragmentation des groupements Cn. L’augmentation soudaine de F(C2) après 200 ns suggère le scénario suivant : les fragmentations successives libèrent de nombreuses molécules diatomiques légères dont l’énergie cinétique semble les propulser selon l’axe Z, perpendiculairement à la surface.

Regardons à présent la population de CN. La première constatation est sa présence importante dans les trois types de polymère malgré l’absence de liaisons C-N natives, indiquant que des recombinaisons sont à l’origine de la formation des molécules de CN. Pour expliquer ces combinaisons, deux observations sont intéressantes : tout d’abord, nous pouvons remarquer de larges zones jaunes sur les images de PE et PS, résultant d’une existence simultanée de CN et de C2. D’autre part, il y a une présence significative de CN dans le POM alors même qu’il n’y a pas d’émission de C2, tout du moins pas dans une proportion pouvant expliquer la présence

142

de CN. Ces observations mènent alors à penser que les deux mécanismes engendrant les molécules de CN sont les suivants :

𝐶2 + 𝑁2 → 2𝐶𝑁 5.3 𝐶 + 𝑁 → 𝐶𝑁 5.4

On peut relier ces observations d’imagerie aux travaux de Vivien et al , ayant mis en relation la croissance en intensité de la bande CN (0,0) à 388.3 nm et la décroissance de la bande C2 (0,0) à 516.5 nm pour proposer le mécanisme de formation 5.3, mécanisme par ailleurs proposé par d’autres auteurs [126], [127], [136]. L’intensité de l’émission de la population de CN relevée sur les images du PE, PS et POM suggère en outre que la réaction 5.3 domine dans le processus de formation de CN.

F(CN) du POM exhibe un comportement singulier qui permet une identification aisée de cette matrice, en plus de l’absence de C2 sur les images. En effet, la présence importante de CN alors même que très peu de C2 est formé montre que d’autres processus entrent en jeu dans la formation de CN et que ces processus sont prépondérants pour le POM. Ces mécanismes alternatifs ont déjà été le sujet de plusieurs études, dont celles d’ Acquaviva et al ou Dinescu et

al [131][116],et sont les suivants :

𝐶 + 𝑁2 → 𝐶𝑁 + 𝑁 5.5 𝐶𝑂 + 𝑁 → 𝐶𝑁 + 𝑂 5.6 𝐶 + 𝑁𝑂 → 𝐶𝑁 + 𝑂 5.7 𝐶++ 𝑁2 → 𝐶𝑁 + 𝑁+ 5.8

L’observation de la diminution régulière de F(CN) dans le POM couplée à celles d’une localisation plus confinée près de la surface que pour le PS et d’une disparition rapide de l’azote laisse donc penser que les réactions 5.3 et 5.5 sont prédominantes au sein du POM. Cependant, au moment de la rédaction de cette thèse, rien ne nous permet d’évaluer et donc d’exclure définitivement les réactions mettant en jeu l’oxygène et des expériences d’imagerie de l’oxygène pourraient apporter des réponses.

143

Pour résumer ces analyses, l’observation de F(C2) et F(CN) traduit les différences de répartition spatio-temporelles des molécules, nous permettant de faire un lien avec la structure interne du polymère étudié. Ainsi :

 une augmentation soudaine de F(C2) à partir de 200 ns, marqueur de la fragmentation des groupements de Cn en C, liée à la présence de double liaison CC, autorise une identification aisée de l’échantillon de Polystyrène. De la même façon, l’absence de C2 identifie la matrice POM et une quasi-constance de F (C2) indique une atomisation quasi-complète au sein de plasma suivi de recombinaisons des atomes de carbone dans la zone frontale du plasma, confondant par conséquent le Polyéthylène.

 Une corrélation temporelle entre F(C2) et F(CN) permet d’identifier le PS où la population de CN semble suivre le mécanisme de formation 5.3. A l’inverse, une diminution régulière de F(CN) alors même que la molécule de C2 n’est pas (ou très peu) formée au sein de plasma met en évidence des processus de formation de CN ne faisant pas appel au C2, ce qui est un marqueur du POM ne possédant pas de liaisons CC.

Nous venons donc de voir que le facteur de forme F défini précédemment permet, en l’appliquant aux populations de CN et C2, de distinguer des polymères présentant des structures internes diverses, plus spécifiquement des liaisons CC de natures différentes. Si cela témoigne de la pertinence du choix de critère comme outil de discrimination, nous devons à présent évaluer son comportement en présence de deux matrices exhibant le même type de liaison CC, ce qui va être développé dans la suite de ce rapport.

5.3 Evaluation du facteur de forme F pour la discrimination de