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Evolution spatio-temporelle des molécules dans le plasma induit sur cible polymère

PARTIE III : Identification et classification de plastiques par imagerie spectroscopique

4.3 Evolution spatio-temporelle d’espèces moléculaires dans le plasma induit sur cible polymère

4.3.2. Evolution spatio-temporelle des molécules dans le plasma induit sur cible polymère

Une fois les échantillons élaborés, les espèces et raies d’intérêt choisies, les filtres interférentiels associés sélectionnés et l’absence d’interférences vérifiée, nous avons pu réaliser les premières images différentielles sur polymères. Nous espérons ainsi, à la lumière des différents processus de formation moléculaire décrits dans le chapitre 1, pouvoir retirer de ces images une information spatio-temporelle susceptible d’être un marqueur de ces phénomènes et donc des matrices étudiées, comme Merten et al avaient tenté de le montrer [236] sur des acides typiquement présents dans la TNT. La figure 4.11 montre l’évolution spatio-temporelle des espèces C2, CN et N à divers délais après l’impulsion laser UV ainsi que leurs intensités associées. Chaque image représente 50 accumulations réparties en 5 sites de 10 tirs lasers, et a été prise avec une porte de 20ns afin d’enregistrer une photographie la plus ponctuelle possible d’un point de vue temporel. Les intensités affichées ont été calculées avec un seuil de 0.90 (comme défini dans le chapitre 3), ainsi pour chaque espèce, tous les pixels ayant une intensité inférieure à 10% de l’intensité maximum ne sont pas pris en compte. Il est important de préciser que nous avons imagé principalement les courts délais, durant lesquels de nombreux processus physico-chimiques, fortement dépendants de l’interaction laser-matrice, ont lieu et sont le plus

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en mesure d’être discriminant[134][237]. C’est pour cela que les images qui parcourront le reste de l’étude représenteront des délais inférieurs à 600 ns. Au-delà, deux raisons nous amènent à considérer la répartition spatio-temporelle des espèces comme non pertinente dans notre optique d’identification et de discrimination des polymères : premièrement l’intégration très courte (20 ns) utilisée pour nos images a pour résultat de réduire la fenêtre temporelle dans laquelle le signal collecté est significatif pour une analyse rigoureuse (typiquement, disparition des espèces moléculaires après 1500 à 2000 ns dans notre configuration), deuxièmement l’équilibre thermodynamique qui s’établit au sein du plasma tend à uniformiser la répartition spatiale des molécules et donc à rendre vaine une identification des échantillons.

a)

b)

c)

d)

Figure 4.11 Evolution spatio-temporelle des espèces C2, CN et N et leurs émissivités associées pour des échantillons purs de a) PE, b) PA, c) POM et d) PS.

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A la vue de ces images et de l’état de l’art concernant les processus de formation moléculaire au sein des plasmas induits par laser sur cible polymère, on peut en tirer les enseignements suivants :

 L’observation de la population de C2 nous permet d’identifier aisément l’échantillon de POM. En effet, et compte tenu de la normalisation effectuée sur les images, celle-ci n’est pas visible, quel que soit le délai considéré. Cependant, l’intensité de l’émission de la population de C2 nous informe que cela ne signifie pas pour autant son absence totale au sein du plasma, sa proportion étant simplement bien plus faible que dans les autres échantillons. Or, le POM n’ayant pas de liaisons C-C, cela semble indiquer alors que les traces de C2 détectées dans le POM proviennent de la recombinaison atomique du carbone selon la réaction[124][134] :

𝐶 + 𝐶 → 𝐶2 4.2

 Le comportement spatio-temporel de la population de C2 semble également pouvoir discriminer deux groupes. Alors que dès 50ns, cette population se retrouve sur le front du plasma pour les échantillons de PE et PA pour ensuite évoluer de façon relativement isotrope dans les directions X et Z (soit parallèlement et orthogonalement à la surface), elle part de la partie inférieure du plasma dans le cas du PS pour évoluer ensuite préférentiellement perpendiculairement à la surface. Or nous savons que le PE et le PA ne contiennent que des liaisons CC simples, au contraire du PS possédant également des liaisons CC doubles dû à la présence de cycle aromatique. L’évolution spatio-temporelle du CN semble confirmer cette séparation. Alors que le CN évolue peu spatialement dans le PE et PA, semblant même se tasser à 400ns, il englobe tout le plasma dans le cas du PS, étant également présent dans la partie frontale du plasma, au-dessus du C2.

 La disparité de l’évolution des intensités met en lumière la différence des processus de formation des molécules. Ainsi, la diminution continuelle de l’intensité de la population de C2 dans le PE et PA laisse penser que le processus de formation de C2 et par conséquent celui de CN fait suite à une atomisation prédominante au sein du plasma, dans la mesure où l’énergie des photons à 266

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nm est supérieure à l’énergie de la liaison C-C. Cependant, nous pouvons constater une augmentation de l’intensité de C2 dans l’échantillon de PS entre 50 et 150 ns, menant alors à envisager l’hypothèse que des fragments de Cn (n>2) sont éjectés de la matrice de PS sans être complètement atomisés. Par la suite, et sous l’effet de la haute température du plasma dans la zone proche de la surface de l’échantillon, ces fragments sont dissociés en molécule diatomique de C2, compensant la consommation de ce dernier dans la réaction principale de formation du CN connue pour être prépondérante (équation 4.1)[120]. Cela laisse également supposer que d’autres réactions de formation du CN peuvent avoir lieu.

Nous venons donc de voir que la technique d’imagerie spectroscopique différentielle présentée dans ce rapport semble permettre une identification des polymères en établissant un parallèle entre la structure même du polymère et l’évolution spatio-temporelle des molécules dans le plasma induit par laser, confirmant ainsi les précédentes études menées sur le comportement des espèces moléculaires sur des matrices organiques. Nous pouvons par exemple citer les contributions de St-Onge et Al, Portnov et al, mais également les travaux de Grégoire et al, dont cette thèse constitue une continuité. Il reste cependant quelques questions autour de ces premières images, particulièrement en considérant le contexte général de ce chapitre qui est l’identification et l’analyse des plastiques. En effet si la technique d’imagerie permet d’identifier des polymères ayant des liaisons C-C différentes, est-elle capable d’en faire autant dans le cas d’échantillons ayant le même type de liaisons C-C, comme le PE et le PA qui à première vue ne semblent pas pouvoir être séparés. De plus, nous avons vu qu’un plastique est un polymère au sein duquel des charges ont été incorporées afin de répondre aux contraintes de l’industrie (thermiques, mécaniques, esthétiques…). Dès lors, ces charges influencent-elles le comportement spatio-temporel des molécules de C2 et CN et par conséquent l’identification des échantillons ? Enfin, l’analyse faite précédemment à partir des images de la figure 4.11 est qualitative, faisant appel aux équations de réaction des molécules et à des considérations spatiales non mesurables. Or la finalité des travaux de cette thèse étant de pouvoir fournir à moyen terme une méthode d’analyse en ligne des plastiques, pouvons-nous extraire des observables à partir de ces images, quantifiables et donc potentiellement intégrables dans une analyse automatisée ? Nous tenterons d’apporter des réponses à toutes ces questions dans la suite de ce rapport.

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