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Evolution de l’entreprise après analyse du résultat

Théories d’action

Valeurs

directrices

Paradigmes

de base Stratégie d’action Résultat atteint

Evolution de l’entreprise après

analyse du résultat

Chapitre II. De l’apprentissage individuel à l’apprentissage organisationnel II.B. Interaction, apprentissage individuel et apprentissage organisationnel l’individu, bref de l’apprentissage individuel et elle passe au niveau organisationnel en devenant indépendante des acteurs pour s’inscrire dans la mémoire organisationnelle.

Au-delà d’attester de la complémentarité entre les deux niveaux d’apprentissage, l’étude de la routine tend à mettre en relief une autre dimension pertinente pour notre questionnement. Les routines sont diffusées par les échanges et la socialisation (Levitt et March 1988)50 : le partage interindividuel constitue l’un des mécanismes assurant le passage d’un niveau d’apprentissage à un autre. Dans ce contexte, les échanges interindividuels sont primordiaux dans l’accomplissement d’un apprentissage collectif efficace et productif, et constituent, avec les routines un point de compréhension du passage de l’individuel au collectif.

II.B.2.b. L’individu acteur de la socialisation

L’individu est au cœur de l’apprentissage organisationnel par deux voies majeures : celle de la diffusion des routines, actées et créées par l’être humain et celle de la socialisation. Cette dernière correspond aux échanges, aux partages interindividuels qui interviennent dans l’organisation, à la fois formels (réunions, équipes projet) et informels (communautés de pratique, pause café…). Les deux voies ne sont pas complètement dissociées : la socialisation rend possible la diffusion des routines. Après avoir considéré l’organisation comme un portefeuille de procédures standards, parfois défensives, menant à un apprentissage restreint, l’accent sera mis sur la dimension sociale à développer dans l’organisation. La socialisation est primordiale dans les deux théories fondatrices et complémentaires de l’apprentissage organisationnel. La première recouvre la notion d’apprentissage productif en double boucle (Argyris et Schön 1974). La seconde correspond à la création sociale de la connaissance (Nonaka et Takeuchi 1995). Ces deux perspectives apportent des développements supplémentaires à la compréhension du lien indissociable entre l’individu, son apprentissage et l’apprentissage organisationnel.

L’apprentissage organisationnel par modification des théories d’action correspond à un apprentissage en double boucle et à la réduction des routines défensives (Argyris et Schön 1974, 1993, 1994). L’apprentissage en double boucle induit un changement des valeurs directrices de la théorie d’usage (figure II.9).

50 Levitt et March (1988: 320): «[Routines] are transmitted through socialization, education, imitation,

Figure II.9. L’apprentissage en double boucle (Argyris et Schön 1974)

L’apprentissage en double boucle passe par un raisonnement productif (et non défensif) et par la capacité des individus à identifier les erreurs. La prise de conscience des erreurs ou encore des différences (Bateson 1977) nécessite un comportement spécifique de l’individu, qui doit adopter une attitude « transparente » c'est-à-dire exprimer ses pensées réelles, ses sentiments et sa théorie d’usage. Dans ce cadre, le raisonnement productif a trois impératifs (Argyris 1994) : il faut déclarer explicitement les prémisses, énoncer les inférences et présenter des conclusions sous une forme qui leur permettent d’être infirmées par une logique indépendante de celle qui vous à conduit ces conclusions.

Cette théorie rappelle deux points fondamentaux : la complémentarité entre l’apprentissage individuel et l’apprentissage organisationnel, et la place essentielle de l’échange interindividuel. L’apprentissage productif (en double boucle) nécessite le dialogue, la discussion, le partage entre les membres de l’organisation. Tous ces échanges, cette socialisation sont incontestablement au cœur du processus de compréhension des valeurs sous-jacentes, des modèles mentaux réels des personnes. Sans ce partage et cette ouverture des individus l’apprentissage est freiné si ce n’est bloqué. L’échange interindividuel est ainsi une composante primordiale de l’apprentissage organisationnel. La différence entre l’apprentissage en simple et en double boucle est justement cet élément clé : la simple boucle est caractérisée par le manque de dialogue tandis que la double boucle est induite par le partage. Nonaka et Takeuchi (1995) se sont également penchés sur ces questions et ont appréhendé le processus d’apprentissage organisationnel comme une conversion sociale des connaissances.

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Chapitre II. De l’apprentissage individuel à l’apprentissage organisationnel II.B. Interaction, apprentissage individuel et apprentissage organisationnel

Les recherches de Nonaka et Takeuchi (1991, 1995) s’intéressent aux problématiques majeures du champ de l’apprentissage et possèdent certaines spécificités qui les distinguent des autres travaux. Les auteurs fondent leur approche sur deux éléments. La perspective objective de l’organisation est critiquée et rejetée51 au profit d’une approche plus constructiviste dans laquelle la subjectivité est permanente. Leur conception de la connaissance s’appuie sur la distinction entre connaissance tacite et explicite52 et s’inscrit dans l’approche dynamique précédemment évoquée53.

L’apprentissage organisationnel est le processus de création et de diffusion des connaissances organisationnelles, selon deux dimensions : la dimension épistémologique (explicite versus tacite) et la dimension ontologique (individu, groupe, organisation, inter-organisation). La création de connaissances nouvelles émane du processus dynamique : « la spirale du savoir ». Cette dernière assure la conversion des connaissances tacites et explicites, qui interagissent et peuvent ainsi créer et diffuser de nouveaux savoirs. La spirale du savoir se compose de quatre étapes distinctes en interaction permanente, assurant à la fois le passage du tacite à l’explicite et de l’individuel au collectif.

La socialisation (1) est le processus qui maintient la connaissance dans sa forme tacite. L’interaction et le partage d’expériences par l’imitation, l’observation ou la pratique permettent la diffusion de la connaissance auprès d’une autre personne. Ce processus correspond au partage d’une connaissance difficilement formalisable et est facilité par les pratiques de compagnonnage et de formation sur le terrain.

L’extériorisation (2) ou l’énonciation est le processus d’articulation des savoirs tacites en concepts explicites. L’objectif est de formaliser des pratiques ou connaissances. La difficulté réside dans l’explicitation de connaissances tacites, qui ne sont pas toujours conscientes et par essence difficilement exprimables. Cet obstacle peut être pallié par le recours au langage figuratif et symbolique, à la métaphore et à l’analogie, c’est à dire percevoir la chose ou l’objet en imaginant symboliquement autre chose. L’extériorisation se traduit concrètement dans l’entreprise par la généralisation d’une pratique individuelle à un groupe ou encore la formalisation de la pratique de compagnonnage.

51 « Pour dépasser cette difficulté, les théoriciens de l’apprentissage prétendent qu’il est nécessaire de recourir à

certains types d’interventions artificielles, tel qu’un programme de développement organisationnel. La limite de cette argumentation est qu’elle suppose que quelqu’un au sein de l’organisation sache « objectivement » quelle est la bonne période et la bonne méthode pour pratiquer l’apprentissage en double boucle. Cette hypothèse dissimule une conception cartésienne de l’organisation » Nonaka et Takeuchi (1995).

52 « La pierre angulaire de notre épistémologie se trouve dans la distinction entre connaissances tacites et

explicites ».

53 « Nous considérons la connaissance comme un processus humain dynamique de justification des croyances

La combinaison (3) consiste en l’articulation des connaissances explicites en nouvelles connaissances explicites et induit le « processus de systématisation de concepts en un

système de connaissances ».

Cette étape correspond à un nouvel agencement des informations existantes par des médias tels que les documents, les réunions, et bien entendu les outils de communication informatique et de bases de données. La combinaison est une réorganisation des savoirs existants et ne concourt pas directement à l’accroissement des connaissances de l’entreprise. Enfin, l’intériorisation (4) transforme l’explicite en tacite. Les savoirs explicites se diffusent dans l’entreprise et deviennent implicitement tacites. Ils sont alors intégrés dans les habitudes, routines et modèles mentaux des salariés. La diffusion se fait dans la pratique, parce que l’on appelle « l’apprentissage en faisant ».

Les deux étapes clés de la spirale sont l’extériorisation et l’intériorisation. Elles requièrent une implication et un engagement personnel et replacent l’individu au cœur de l’apprentissage organisationnel. Ce dernier doit être compris comme un processus qui amplifie de façon organisationnelle les connaissances créées par les individus et les cristallisent au niveau du groupe par le dialogue, la discussion. L’apprentissage collectif est conditionné par l’accessibilité du savoir individuel, tacite et explicite. La théorie de la spirale du savoir Nonaka et Takeuchi mène à des conclusions relativement proches de celles d’Argyris et Schön, malgré des postulats divergents : l’apprentissage individuel fonde l’apprentissage organisationnel et la socialisation est une condition nécessaire à la création et la diffusion des connaissances. La spirale des savoirs met en évidence la nécessité de dialogue, de partage, formel ou non, par le langage ou l’analogie. L’interaction est le fondement du processus d’apprentissage : « notre modèle dynamique de création des

connaissances est ancré dans le postulat fondamental que la connaissance humaine est créée et étendue au travers de l’interaction sociale entre connaissances tacites et explicites »

(Nonaka et Takeuchi 1995 :115).

Cette conception sociale du processus d’apprentissage organisationnel est également soutenue par l’approche située de l’apprentissage (Brown et Duguid 1991, Lave et Wenger 1991, Tsoukas 2003). S’intégrant dans l’épistémologie de la pratique, cette approche conçoit l’apprentissage comme un processus distribué au sein d’un contexte et des artefacts sociaux. Les processus d’apprentissage individuel et organisationnel sont difficilement dissociés, au profit d’un apprentissage collectif né de l’interaction sociale située. La place de l’interaction dans cette perspective apparaît clairement et a déjà été évoquée précédemment.

Chapitre II. De l’apprentissage individuel à l’apprentissage organisationnel II.B. Interaction, apprentissage individuel et apprentissage organisationnel

Conclusion II.B.

La complémentarité entre les processus d’apprentissage individuel et d’apprentissage organisationnel repose sur la place de l’individu et de l’interaction sociale dans les théories sur l’apprentissage organisationnel. L’individu est la source de l’apprentissage organisationnel selon deux voies : la routine et la socialisation. L’interaction sociale constitue le point convergent : la routine est diffusée par l’interaction tandis que la socialisation suppose l’interaction.

Le concept de routine, développé successivement dans l’apprentissage par adaptation et dans l’approche d’Argyris et Schön, est étroitement lié à l’individu. La routine cristallise l’expérience et les situations passées de l’individu. Elle est même appréhendée dans certains cas comme le fruit de l’interprétation et de l’enactement de l’environnement par l’individu. La routine est un processus social diffusé par l’interaction et inscrit dans la mémoire organisationnelle.

Le processus de socialisation constitue le second fondement de l’apprentissage organisationnel. La recherche cognitive d’Argyris et Schön, la conversion sociale des connaissances de Nonaka et Takeuchi et l’apprentissage situé de Brown et Duguid en attestent. L’apprentissage en double boucle, la spirale des savoirs et l’apprentissage dans la pratique nécessitent le dialogue, le partage et l’échange entre les individus de l’organisation. La complémentarité des processus d’apprentissage se cristallise dans la notion d’interaction sociale, qui assure la dynamique de l’entreprise apprenante.