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Chapitre II - Synthèse et propriétés biologiques de POMs

III. 2 – Etudes in vivo

L’étude de l’activité inhibitrice in vitro des nouveaux complexes synthétisés s’est révélée

prometteuse. L’étape suivante logique était donc d’analyser leur activité in vivo. C’est pourquoi il a

fallu déterminer quel allait être le complexe POM/BP étudié, et sur quel modèle de xénogreffe allait-il être testé.

Dans un premier temps et afin d’étudier les potentiels effets des complexes hybrides POM/BPs, il a semblé judicieux de se baser sur le composé possédant les propriétés inhibitrices les

plus prometteuses. L’espèce {Mo4(Zol)2MnIII} a semblé la plus adaptée pour ces premiers tests in vivo,

pour plusieurs raisons : (i) les études in vitro l’ont révélé comme étant la plus active contre la lignée

cellulaire MCF-71 et comme l’une des plus puissantes contre la souche de cellules cancéreuses

NCI-H460 ; (ii) son précurseur Zol est un produit commercial alors que les dérivés à chaîne alkyle requièrent plusieurs étapes de synthèse ; (iii) le zoledronate est actuellement utilisé cliniquement ; (iv)

une étape de synthèse supplémentaire est nécessaire pour former le POM {Mo4(Zol)2MnII} qui ne

71 De récents travaux issus d’une collaboration entre les équipes de Tadahiko Kubo et d’Eric Oldfield ont démontré le potentiel effet inhibiteur sur la croissance tumorale de composés lipophiles

en utilisant le modèle de xénogreffe SK-ES-1.4 Ces cellules sont généralement dérivées d’un sarcome

provenant de tissus osseux humains et sont greffées sur des souris de laboratoire afin d’étudier leur

prolifération lors d’essais in vivo. Lors de cette précédente étude, une molécule à caractère hydrophobe

analogue au zoledronate a été administrée à ces souris, résultant en une diminution du volume des tumeurs cinq fois supérieure à celle obtenue pour le classique Zol. C’est pourquoi nous avons choisi

d’étudier le même modèle de greffe pour le composé {Mo4(Zol)2MnIII}.

En utilisant un protocole établi par le groupe de Tadahiko Kubo lors du test in vivo d’un N-BP

appelé minodronate sur la croissance tumorale suite à la xénogreffe de cellules SK-ES-1, trois groupes de six souris ont été étudiés. Ces souris de laboratoire, ou souris « nude », toutes âgées de six

semaines, ont reçu une injection sous-cutanée de 107 cellules SK-ES-1 puis ont été divisées en trois

groupes. Le premier d’entre eux, appelé groupe de contrôle, n’a reçu en injection locale qu’une solution saline. Les deux autres groupes ont reçu respectivement des injections de 5 µg de Zol ou de

{Mo4(Zol)2MnIII} par jour pendant 28 jours. Des photographies représentatives de l’état des tumeurs

développées en fonction du temps et du traitement appliqué sont présentées dans la Figure 19.

Figure 19 : Photographies de l’évolution de trois souris traitées respectivement par l’injection quotidienne de : a) 0.2 mL d’un tampon phosphate salin, b) 5 µg de Zol, c) 5 µg de {Mo4(Zol)2MnIII}

Pour chacun de ces trois groupes, les dimensions des tumeurs ont été relevées toutes les semaines et les résultats sont regroupés dans la Figure 20a. On peut y constater des barres d’erreur qui se chevauchent au bout de quatre semaines d’étude. Ces erreurs sont dues principalement à une souris dans chaque groupe qui a subi une tumeur anormalement plus grosse que celles des cinq autres (Figure 20b).

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Figure 20 : a) Graphique représentant l’évolution du volume tumoral dans le temps en fonction du traitement appliqué, b) graphique représentant le volume tumoral de chacune des 18 souris étudiées après quatre semaines

de traitement

L’interprétation de ces graphiques permet de constater l’importante influence du complexe

{Mo4(Zol)2MnIII} sur le volume tumoral. En effet, au bout de quatre semaines, les souris ayant reçu un

traitement quotidien à base de {Mo4(Zol)2MnIII} possèdent des tumeurs en moyenne cinq fois plus

petites que celles ayant reçu une injection quotidienne de Zol. Ce résultat est d’autant plus encourageant qu’en terme de quantités molaires de bisphosphonate, la quantité de zoledronate présent

est environ trois fois inférieure chez les souris ayant reçu des injections de {Mo4(Zol)2MnIII}, en raison

de la très grande masse molaire de ce complexe POM/BP par rapport à celle du Zol. Enfin, dans le but d’estimer la toxicité

des injections à base de {Mo4(Zol)2MnIII}, la

masse des souris a été relevée à chaque étape du traitement. En effet, une forte diminution de la masse des souris étudiées pourraient indiquer leur dépérissement, qui serait alors attribué à la toxicité du traitement pour le

milieu physiologique des souris.

Heureusement, un tel comportement n’a pas été observé. Que ce soit pour le groupe de

souris traitées par du Zol ou celui traité par notre POM hybride, la masse des souris est restée

relativement constante au cours du temps (Figure 21). Ainsi, le complexe {Mo4(Zol)2MnIII} ne s’est

pas révélé plus toxique que le zoledronate libre. De plus, sa faible concentration en bisphosphonate (trois fois moins élevées que lors de l’utilisation du Zol), est un aspect positif supplémentaire. Ces

différents résultats ont donc amené au dépôt d’un brevet.17

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IV – Conclusions et perspectives

En conclusion, l’utilisation de deux zoledronates à caractère hydrophobe a permis l’obtention

de trois nouveaux complexes hybrides. Deux d’entre eux sont de type {Mo6(BP)2} tandis que le

dernier incorpore un centre manganèse au degré d’oxydation +III pour former un composé de formule

générale {Mo4(ZolC8)2MnIII}. Plusieurs techniques de caractérisation ont été utilisées pour prouver

que le POM hybride {Mo6(ZolC8)2} possède une structure similaire à celle observée lors de la

résolution structurale de son analogue pourvu de deux ligands ZolC6. Cette dernière a d’ailleurs

indiqué la présence à l’état solide d’un conformère jusqu’alors inconnu pour les espèces de type

{Mo6(BP)2}. De plus, la présence de plusieurs conformères en solution a été confirmée par une étude

RMN en température.

Ces nouveaux composés, ainsi qu’une espèce de formule {Mo4(Zol)2MnII} ont été analysés

par l’équipe du Pr. Eric Oldfield pour leur activité anticancéreuse in vitro. Les mesures obtenues lors

de l’étude de leur effet inhibiteur sur la lignée cellulaire NCI-H460 ont indiqué que les complexes les

plus puissants possédaient des valeurs d’IC50 de l’ordre de 4-5 µM par bisphosphonate. Ainsi, ces

nouvelles espèces se sont révélées être approximativement six fois plus actives que le zoledronate libre, molécule actuellement utilisé en tant que médicament pour traiter l’ostéoporose ou les complications osseuses dues à la propagation de cellules tumorales. Un complexe hybride

{Mo4(Zol)2MnIII} reporté précédemment a également été analysé lors de tests in vitro et in vivo. Son

effet inhibiteur sur la croissance tumorale chez des souris de laboratoire est spectaculaire, induisant une diminution de la croissance des tumeurs d’un facteur 5 comparé à l’utilisation du bisphosphonate Zol libre.

Le mécanisme d’action impliquant les complexes POM/BPs dans l’inhibition des cellules tumorales reste à expliquer. Il est de plus en plus suggéré que les POMs agissent comme des prodrogues en libérant des espèces monomériques ou des fragments non identifiés qui sont

responsables de l’activité anticancéreuse.18

Dans le cas des composés de type POM/BP, plusieurs éléments peuvent jouer un rôle, comme par exemple le couplage des bisphosphonates aux POMs, les empêchant ainsi de s’accrocher au minéral osseux, ce qui potentiellement pourrait avoir comme effet de viser plus rapidement les cellules cancéreuses. Cependant, la raison pour laquelle la partie inorganique est responsable de l’activité anticancéreuse augmentée par rapport aux bisphosphonates libres est encore inconnue, bien que les différents travaux effectués jusqu’à maintenant aient permis

d’identifier les éléments permettant d’obtenir les composés les plus actifs (à base d’ions MoVI

liés à un centre manganèse et à des BPs de type zoledronate). De plus amples études sont nécessaires afin de comprendre la relation structure-activité de ces espèces hybrides. Malheureusement, ceci représente un réel défi puisqu’il faudrait pouvoir avoir accès aux concentrations exactes des complexes au sein des

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cellules cancéreuses, et qu’il faudrait connaître les éléments biomoléculaires visés par les parties inorganiques (à la fois les ions molybdates et les centres manganèse). De plus, la stabilité des

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Chapitre III

Synthèse de POMs hybrides et étude

de leurs propriétés photochromes

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Chapitre III – Synthèse de POMs hybrides et étude