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Chapitre 3. La flexibilité dans les SCOP : ajustement par les

1.1. Etudes comparatives microéconomiques en économie du travail

Dans la microéconomie néoclassique standard, le niveau de l’emploi et des salaires peut être déduite du comportement maximisateur des entreprises. Les entreprises choisissent les quantités de facteurs de production qui maximisent leur profit en fonction des prix. Le salaire est alors déterminé par la rencontre de l’offre et de la demande sur le marché du travail. L’économie du travail vise à complexifier ce cadre afin de le rapprocher de la réalité. Nous allons maintenant passer en revue un certain nombre de ces éléments de complexification, afin d’en tirer les conséquences pour notre étude et de montrer la pertinence des études comparatives microéconomiques en économie du travail. Tout d’abord, il s’agit de prendre en compte les coûts d’ajustement (Bond et Van Reenen 2007) : faire varier les quantités de facteurs de production a un coût, et c’est la raison pour laquelle les ajustements ne se font pas immédiatement. Ensuite, il faut prendre en compte l’effet des « rigidités » institutionnelles du marché du travail (coûts de licenciement, salaire minimum, etc.). Concernant la variable emploi, le modèle standard prend en compte le nombre total d’heures travaillées, sans différencier entre la marge extensive et la marge intensive. Or, une variation du nombre de personnes employées n’est pas équivalente à une variation du nombre d’heures travaillées par personne. Enfin, il faut envisager la possibilité d’une différenciation des fonctions de maximisation en fonction du type d’entreprise et en fonction des caractéristiques des individus concernés : les coûts d’ajustement peuvent varier, les pouvoirs de négociation des uns et des autres peuvent peser dans la balance, et modification plus radicale, d’autres objectifs que la simple maximisation du profit peuvent être pris en compte.

La littérature empirique prend en compte et s’efforce de quantifier ces remises en cause du modèle standard, dans une perspective principalement macroéconomique, pour évaluer l’effet des rigidités institutionnelles. Ainsi, la revue de littérature proposée par le deuxième chapitre du rapport de l’OCDE de 2013 montre l’abondance des études macroéconomiques mesurant l’impact des facteurs institutionnels sur le niveau d’emploi. A titre d’exemples, Bassanini et Garnero (2013) montre que les transitions d’un emploi à un autre dans un même secteur sont moins nombreuses lorsque la régulation encadrant les licenciements est plus stricte, tandis que les transitions vers le chômage ne sont pas affectées. De nombreuses études mesurent l’impact du salaire minimum sur l’emploi : Card et Krueger (1995) et plus récemment Metcalf (2007) ne trouvent pas d’effet significatif tandis que

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Neumark et al. (2014) trouve un effet négatif aux Etats-Unis. Cependant, une approche macroéconomique ne permet pas de prendre en considération les autres limites théoriques du modèle standard évoquées dans le paragraphe précédent. Il faut notamment adopter une échelle microéconomique pour introduire dans l’analyse l’hétérogénéité des comportements des entreprises, gommée par l’agrégation réalisée dans les études macroéconomiques.

L’impact de certaines caractéristiques des entreprises a été étudié empiriquement, notamment en lien avec les syndicats. Ainsi pour le Royaume-Uni, Alogoskoufis et Manning (1991) montre les effets des différents systèmes de négociation. Pour les Etats-Unis, Card (1986) propose une équation d’emploi adaptée au modèle syndical du secteur aérien et Boal et Pencavel (1994) mesure l’impact des syndicats sur l’emploi et les salaires dans l’industrie minière en Virginie. Pour le Canada, Christofides et Oswald (1991) estime une fonction de demande de travail et montre que le salaire effectif est proche du salaire « efficace » pour les entreprises syndicalisées. Il est intéressant de noter que ces études visent à quantifier l’« inefficacité » de la présence syndicale, mesurée par deux indicateurs : l’écart entre les salaires des employés syndiqués et des autres, et l’écart entre la flexibilité de l’emploi dans les entreprise à présence syndicale et les autres. Les syndicats sont considérés comme faisant entrave à la concurrence et c’est l’ampleur de cette entrave qu’il s’agit de quantifier. Le modèle de la concurrence pure et parfaite n’est bien sûr pas pris pour argent comptant puisque Bond et Van Reenen (2007) montre que le principal problème méthodologique est de déterminer le salaire et le niveau d’emploi avec lesquels la comparaison doit être faite. Cependant, ce sont bien les écarts par rapport à un modèle théorique considéré comme efficient qui sont mesurés. Plus récemment mais toujours pour prendre en compte l’hétérogénéité des entreprises, les spécificités des entreprises familiales ont été étudiées : Bassanini et al. (2013) met en évidence des salaires moyens plus faibles dans les entreprises familiales françaises, compensés par une plus grande stabilité de l’emploi. Ellul et al. (2016) montre que l’emploi est moins flexible et les salaires plus flexibles dans les entreprises familiales, et que cela est accentué lorsque les règles de protection de l’emploi sont strictes dans le pays. Cette différence est interprétée comme un contrat d’assurance implicite. Les entreprises familiales sont mieux placées que les autres pour proposer de tels contrats car plus crédibles lorsqu’elles s’engagent à ne pas les rompre puisque les coûts en termes de réputation seraient trop élevés. Des études comparatives ont également été réalisées entre les entreprises domestiques et internationales : Fabbri et al. (2003) s’appuie sur une étude méso-économique (situant l’analyse au niveau des secteurs d’activité au Royaume-Uni et aux Etats-Unis) pour montrer que l’emploi est plus élastique au salaire lorsque la proportion d’entreprises

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internationales augmente. Dans une étude microéconomique, Navaretti et al. (2003) trouve au contraire que, si l’ajustement se fait plus rapidement dans les entreprises multinationales, l’élasticité de l’emploi au salaire y est plus faible. Ce résultat est attribué aux caractéristiques des travailleurs des multinationales, qui sont en moyenne plus qualifiés, et donc plus difficilement substituables. La comparaison entre ces deux études permet de faire ressortir deux éléments pertinents pour notre analyse : d’abord l’intérêt d’une étude microéconomique qui peut faire apparaitre des éléments nouveaux permettant de préciser l’analyse, et ensuite l’importance de prendre en considération, non seulement les caractéristiques des entreprises, mais également celles des salariés. La différence entre travail qualifié et non qualifié n’est alors pas la seule distinction possible, comme nous le verrons dans la description de notre stratégie empirique. Là encore, les études sur le sujet sont plus souvent macroéconomiques (Acemoglu et Autor, 2011) et gagneraient à être complétées par une approche microéconomique.

Enfin, l’analyse des variations de l’emploi ne serait pas complète sans une distinction entre la marge intensive et la marge extensive des ajustements. Ainsi Bargain et al. (2012) à partir de la modélisation de différents scénarios pour les conséquences de la crise en Allemagne, montre qu’un ajustement par la marge intensive (diminution du nombre d’heures travaillées pour l’ensemble des travailleurs) a des conséquences beaucoup moins importantes sur les inégalités et l’augmentation de la pauvreté qu’un ajustement par la marge extensive. Il existe de nombreuses études microéconomiques concernant l’offre de travail (Saez 2002, Blundell et al. 2013, Chetty et al. 2011) mais très peu du point de vue de la demande : les individus sont considérés comme étant en mesure de choisir le nombre d’heures qu’ils souhaitent travailler, en fonction du salaire qui leur est proposé. Or le cas français est difficile à étudier sans faire référence à la demande puisque le temps partiel subi représente une part importante et croissante du temps partiel : l’INSEE l’estime à 30 % du temps partiel en 2013 (Guedj 2013). Nous prendrons cela en compte pour établir notre stratégie empirique.

On a donc mis en avant la nécessité d’études microéconomiques prenant en compte les coûts d’ajustement des facteurs de production, les caractéristiques des entreprises et distinguant les ajustements intensif et extensif de la quantité de travail demandée. C’est ce que nous voulons mettre en œuvre en comparant les SCOP et EC françaises. Les modèles théoriques construits pour modéliser le comportement des LMF et déjà évoqués dans le premier chapitre nous fournissent un cadre pertinent, qu’il s’agit d’ajuster aux caractéristiques des SCOP.

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1.2. La fonction objectif des Labour-managed