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Etude des objets du coffret en bronze de Marquion-Sauchy-Lestrée

Chapitre IV. Analyses des collyres archéologiques

IV.5. Etude des objets du coffret en bronze de Marquion-Sauchy-Lestrée

IV.5.1. La découverte du coffret de Marquion

IV.5.1.1. Le projet Canal-Seine-Nord-Europe

Relier les grands ports maritimes du Nord de l’Europe, voici l’ambitieux projet « Canal-Seine-Nord-Europe » (CSNE). Pour le développement du transport fluvial, ce canal artificiel est creusé entre la Seine et l’Escaut (figure IV-26). Il permettra de faire naviguer tout type de gabarits du Havre aux ports du Nord de l’Europe. Il devrait voir le jour à partir de 2017 sous la maîtrise d’ouvrage des Voies Navigables de France.

Figure IV-26. Carte du tracé du futur Canal-Nord-Europe (Lasselin L., Le canal

Seine-Nord Europe, un projet d'avenir, 22/02/2015, les Echos).

Depuis 1986, pour tout permis de construire délivré, la réalisation de fouilles archéologiques préventives sur les zones de risque archéologiques est obligatoire. L’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP) a remporté l’appel d’offres pour les excavations archéologiques et conduit depuis 2008 un vaste chantier de fouilles

196 préventives sur l’ensemble du tracé du CSNE. Depuis le début des excavations, ce sont plus de 300 000 ans d’histoire qui ont été mis au jour. Trois cents sites archéologiques, datant du Paléolithique à l’époque contemporaine, ont été fouillés, et ce jusqu’en 2016.

IV.5.1.2. Le site de Marquion – Sauchy-Lestrée

Sur les communes Marquion et de Sauchy-Lestrée (Pas-de-Calais), au nord du tracé, c’est une vingtaine de sites archéologiques qui ont été découverts. Ces sites fouillés de 2011 à 2012, ont révélé des vestiges d’occupation de la Préhistoire à l’Antiquité. Deux villae datant du Ier siècle de notre ère, ont été mises au jour, à 700m de distance l’une de l’autre.

Figure IV- 27. Vue aérienne du site gallo-romain de Marquion et emplacement des deux villae.

Les deux villae faisaient partie d’un vaste domaine agricole auquel étaient reliés divers aménagements domestiques, cultuels et funéraires (figure IV-27). Ces deux villae ont été datées de la fin du Ier siècle au début du IIe siècle de notre ère. La villa dite villa 2, située au Sud-Est, a été fouillée sous la direction de Claire Barbet de l’INRAP. La zone cultuelle et funéraire de cette villa est atypique pour son époque : sept tombes hypogées – des tombes à chambres souterraines – situées entre 3 et 6 mètres de profondeur ont été mises au jour. Les fondations en craie retrouvées attestent de la présence de deux mausolées. L’accès à la tombe se faisait par un escalier, creusé dans le sol, conduisant à une antichambre aux dimensions réduites. Ensuite, on accédait à la chambre funéraire dans laquelle les cendres du défunt étaient déposées à proximité un riche mobilier témoignant du statut social de la personne inhumée.

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Figure IV-28. Vue aérienne de la tombe en hypogée 427 du site Marquion Sauchy-Lestrée. (Photographie de C. Barbet)

Le mobilier était disposé sur le sol, sur des étagères en bois disparues aujourd’hui ou dans des renfoncements aménagés à même la paroi de la chambre funéraire. Dans la tombe dite « hypogée 427 » associée à la villa 2 (figure IV-28), le mobilier funéraire accompagnant le défunt est abondant : vingt-cinq céramiques, des restes d’animaux, des objets métalliques, parmi un ensemble composé d’une pierre et d’une boîte en alliage cuivreux, comme l’atteste la couleur vert-de-gris de l’objet en sa surface.

Avant son ouverture et son nettoyage, le coffret de Marquion a été étudié par radiographie X64. Les images obtenues ont révélé la présence de deux petits objets dissimulés dans les sédiments qui, après ouverture de la boîte, se sont avérés être un bâtonnet rouge et une petite boule brune (figure IV-29).

Figure IV-29. Photographie du contenu du coffret de Marquion après son ouverture (Photographie C. Chalvidal). Deux objets ont été repérés au milieu des sédiments : un bâtonnet rouge et une boule brune.

Quelle est donc la nature des ces deux objets ? A quelle utilisation étaient-ils destinés ? Le contexte funéraire de découverte ne permet pas de répondre à ces questions, faute d’autres

198 éléments matériels caractéristiques d’une utilisation spécifique. Il pourrait s’agir de médicaments antiques, mais aussi de produits cosmétiques ou de pigments. Les deux objets nous ont été confiés, après des études préliminaires effectuées par Sigrid Mirabaud à l’Institut National du Patrimoine (INP), dont les résultats seront présentés dans le paragraphe IV.5.3.1. Forts de l’étude de plusieurs collections de collyres archéologiques, nous avons cherché à savoir si ces deux objets en présentaient les caractéristiques.

IV.5.2. Etude morphologique du coffret et de son contenu

IV.5.2.1. Le contenant

Une fois extrait du chantier de fouille et consolidé, le coffret a pu être étudié et restauré. Comme le suggérait l’observation sur le terrain, il est en bronze et il est constitué d’une partie concave et d’une petite planche en pierre plate aux quatre bords biseautés (15cm x 10cm). La figure IV-30 le représente associé à sa pierre plate après restauration par Clémence Chalvidal, conservatrice-restauratrice en art du feu.

Figure IV-30. Photographie du coffret et de sa « palette à broyer » après restauration par Clémence Chalvidal. (Photographie C. Chalvidal).

La planche en pierre rappelle, par sa forme et ses dimensions, les palettes à fard ou les « pierres à broyer » de l’Antiquité. Ces pierres servaient à broyer et mélanger les divers ingrédients nécessaires à la préparation de cosmétiques ou de médicaments. Elles sont souvent retrouvées accompagnées d’instruments permettant le travail des différentes substances. La figure IV-31 montre plusieurs exemples de ces « pierres à broyer », retrouvées à différents endroits en Allemagne, et rassemblées à l’occasion de l’exposition « La médecine romaine » au Musée Romain-Germanique de Cologne (2015).

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Figure IV-31. « Palettes à broyer » et leurs instruments exposés au Musée Romain Germanique de Cologne (Allemagne) lors de l’exposition Der Arzt im römischen Imperium, «Le médecin dans l’Empire Romain », septembre 2015 (photographie M. Aubin).

Les analyses par XRF du matériau de fabrication du coffret ont permis d’établir qu’il s’agissait d’un coffret en bronze. Ce matériau était très employé à l’époque romaine et en particulier pour tout ce qui avait attrait à la médecine (Gruyer, 1856). En effet, les propriétés antiseptiques de ce matériau réduisaient les risques d’infection par les instruments de médecine (cf chapitre I). Le coffret est compartimenté pour faciliter le stockage, que ce soit des substances brutes, des produits transformés ou même des instruments de travail. D’autres coffrets similaires ont été retrouvés en contexte archéologique. Grâce à la présence d’instruments médicaux et chirurgicaux, certains de ces coffrets ont pu être identifiés comme des « trousses » de médecin. C’est le cas de la trousse de la tombe de Saint-Médard-des-Prés, en Vendée présentée dans la figure IV-32 (Santrot, 2013). A côté de cette trousse, les archéologues ont également retrouvé une coupelle en bronze qui rappelle la partie concave du coffret de Marquion.

Figure IV-32. Trousse retrouvée dans une tombe datée du IIe siècle, à Saint-Médard-des-prés (Vendée). Cette trousse était accompagnée de nombreux objets interprétés comme des instruments médicaux (Santrot, 2013).

Dans de rares cas, la présence de collyres estampillés permet de certifier l’usage médical de la boîte. C’est le cas pour les trousses de La Favorite, à Lyon ou et à Viminacium en Serbie