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4 Etude de l’interaction entre les β-arrestines et AP3

III-4-1 Le complexe AP3

La famille des complexes adaptateurs AP comprend les complexes AP1 et AP2, et deux complexes découverts plus récemment, AP3 (Dell'Angelica et al., 1997; Simpson et al., 1996) et AP4 (Dell'Angelica et al., 1999a; Hirst et al., 1999). Ces complexes comprennent quatre

chaînes polypeptidiques appelées adaptines : deux chaînes longues de 100 à 150 kDa (g/b1, a/b2, d/b3, e/b4) et deux chaînes courtes de 20 (s1-4) et 50 kDa (m1-4) (pour revue : Kirchhausen, 1999). Ces adaptines sont organisées sous forme de complexes très stables et adoptent une structure en "tête de Mickey" dans laquelle les oreilles sont reliées à la tête par deux liaisons charnières (Figure 61). Une particularité d’AP3 est que ce complexe est présent sous deux formes : l’une ubiquiste (δ/β3A/σ3/μ3A) et l’autre spécifiquement neuronale (δ/β3B/σ3/μ3B).

Figure 61 : Schématisation de la structure des complexes AP, exemple de AP1 (adaptée de Robinson et Bonifacino, 2001)

Ces complexes ont une organisation structurale conservée mais des distributions et des rôles intracellulaires différents. Alors que les complexes AP1 et AP2 sont clairement impliqués, respectivement, dans le tri des molécules dans le réseau trans-golgien et dans l’endocytose au niveau de la membrane plasmique, les rôles exacts des complexes AP3 et AP4 sont encore peu connus.

III-4-2 Validation et discussions des résultats de protéomique concernant AP3

Pour valider l’interaction entre les β-arrestines et la sous-unité β3A du complexe AP3, des essais de co-immunoprécipitation ont été réalisés. La protéine β3A endogène ou

100-150 kDa Liaison à la clathrine Sélection du cargo (reconnaissance de motifs dileucine : DXXLL) 50 kDa Sélection du cargo

(reconnaissance de motifs tyrosine : YXX

φ)

100-150 kDa Liaison à la clathrine

20 kDa Stabilisation du complexe

surexprimée n’a pas pu être détectée après Western blot et immunodétection avec les anticorps commerciaux dans des lysats cellulaires totaux. L’ADNc codant la sous-unité β3A a donc été fusionné à une étiquette V5 pour permettre son immunodétection. Les deux isoformes de β-arrestine étiquetées TAP ont été immunoprécipitées sur billes d’IgG-agarose et la co-précipitation de β3A-V5 a été examinée par Western blot et immunodétection par les anticorps anti-V5.

La protéine β3A-V5 est retrouvée dans les échantillons d’immunoprécipitation des β- arrestines-TAP sur billes d’IgG-agarose alors qu’elle n’est pas détectée dans des échantillons préparés de la même manière mais en absence de β-arrestine-TAP (Figure 62A). Cette protéine est donc effectivement en interaction directe avec l’une et l’autre des deux isoformes de β-arrestine étiquetées TAP. Des expériences similaires de co-précipitation ont été menées sur la β-arrestine 2-TAP à partir de cellules stimulées ou non par un agoniste de FPRL1. Il apparaît que la protéine β3A-V5 est co-précipitée avec la β-arrestine 2-TAP de manière plus efficace lorsque le récepteur FPRL1 est activé (Figure 62B). De plus, l’association entre β3A- V5 et la β-arrestine 2-TAP semble être maximale aux temps courts de stimulation puisque la quantité de β3A-V5 co-précipitée est légèrement plus faible après 30 minutes de stimulation qu’à 2 et 5 minutes. Ces observations portent à penser que l’interaction entre β3A-V5 et la β- arrestine 2-TAP est dépendante de la stimulation du récepteur FPRL1.

Figure 62 : Caractérisation de l’interaction entre les β-arrestines et la sous-unité β3A du

complexe AP3

Les immunodétections ont été réalisées après immunoprécipitation des β-arrestines-TAP avec des billes d’IgG-agarose. IP : immunoprécipitation, IB : immunodétection

(A) à partir de lysats de cellules HEK-293 exprimant de façon transitoire β3A-V5 et aucune, l’une ou

l’autre des isoformes de β-arrestine fusionnée à l’étiquette TAP.

(B) à partir de lysats de cellules HEK-293-βArr2-TAP-FPRL1 stimulées ou non par le peptide

Pour éliminer un artéfact éventuel lié à la présence de l’étiquette TAP, des essais de co- précipitation de la protéine β3A-V5 et des β-arrestines endogènes en utilisant un anticorps anti-V5 ont été réalisés mais se sont révélés infructueux. Les cellules HEK-293 ont donc été co-transfectées avec les plasmides permettant l’expression des protéines β3A-V5 et β-arrestine 1 ou 2 non étiquetée. La co-précipitation soit avec l’anticorps anti-V5, soit avec les anticorps commerciaux anti-β-arrestine 1 ou 2 n’a pas donné de résultats exploitables. Aucune observation n’a donc pu écarter l’hypothèse que l’interaction détectée soit due à la présence de l’étiquette TAP. Toutefois, étant donné que cette interaction semble dépendante de l’activation du récepteur FPRL1, cette hypothèse reste peu probable.

Le site d’interaction entre les β-arrestines et la sous-unité β2 du complexe AP2 est connu. Il a été identifié dans le domaine C-terminal de la β-arrestine 2 et inclut les résidus arginines 394 et 396 (Laporte et al., 2000). Etant donné que les complexes AP2 et AP3 appartiennent à la même famille, il est possible que ce site soit également requis pour l’interaction avec la sous-unité β3 du complexe AP3. Les arginines 394 et 396 de la β- arrestine 2-TAP ont donc été remplacées par des alanines par mutagenèse dirigée (cf. Matériels et Méthodes, § B/III-2). L’interaction entre le mutant R394,396A de la β-arrestine 2- TAP et la protéine β3A-V5 a été examinée. Comme précédemment, la β-arrestine 2-TAP (sauvage ou mutée) a été immmunoprécipitée sur billes d’IgG-agarose et la co-précipitation de β3A-V5 a été détectée par Western blot. La quantité de protéine β3A-V5 co-précipitée avec la β-arrestine 2-TAP n’est pas modifiée par l’introduction des mutations R394,396A affectant le site de liaison de la β-arrestine 2 avec AP2. L’interaction entre les β-arrestines et AP3 ne semble donc pas reposer sur les mêmes bases moléculaires que celles impliquées dans l’interaction avec AP2.

Figure 63 : Effet des mutations R394,396G de la β-arrestine 2 sur son interaction avec AP3 Les immunodétections ont été réalisées après immunoprécipitation de la β-arrestine 2-TAP avec des billes d’IgG-agarose à partir de lysats de cellules HEK-293-FPRL1 stimulées (2 min, 100 nM WKYMVM) et exprimant de façon transitoire β3A-V5 seul ou avec la β-arrestine 2 de type sauvage ou

muté fusionnée à l’étiquette TAP. IP : immunoprécipitation, IB : immunodétection

Les complexes AP1 et AP2 sont connus comme facteurs favorisant l’assemblage des triskèles de clathrine. La propriété du complexe AP3 à agir comme adaptateur de la clathrine a été très controversée. Sa sous-unité µ3B n’est pas enrichie dans des préparations de CCV (Clathrin Coated Vesicles) issues de cerveaux, au contraire de la γ-adaptine de AP1 (Simpson et al., 1996). Pourtant la chaîne lourde de la clathrine a été identifiée dans une expérience de pull-down à partir du domaine C-terminal de la sous-unité β3A fusionné à la GST (Dell'Angelica et al., 1998). Récemment, une étude convaincante réalisée par protéomique comparative montre que le complexe adaptateur AP3 (mais pas AP4) est effectivement associé aux CCV issues de cellules HeLa (Borner et al., 2006).

Une série de travaux ont été réalisés à partir de mutations ou de déficiences affectant le complexe AP3 (pour revue : Boehm et Bonifacino, 2002). L’implication du complexe AP3 dans le transport spécifique de molécules cargo vers la vacuole de la levure S. cerevisiae (Cowles et al., 1997) est en étroite relation avec des observations faites sur d’autres organismes. Des études sur la drosophile ont montré que AP3 était impliqué dans la biogenèse des granules pigmentaires. Par exemple, le mutant de drosophile garnet, dans lequel l’expression de l’orthologue de la sous-unité δ de AP3 est altérée, présente une couleur anormale des yeux due à une réduction du nombre de granules pigmentaires autour des ommatidies (Ooi et al., 1997). Des souches mutantes de l’amibe Dictyostelium discoïdeum déficientes en sous-unité µ3 ont été réalisées (Mercanti et al., 2006). Chez cet organisme modèle utilisé pour l’étude du transport vésiculaire, il a été montré qu’AP3 joue un rôle dans la compartimentation de la voie endocytaire (Charette et al., 2006). La souris pearl, dans

laquelle le gène codant la sous-unité β3A comporte des mutations (Feng et al., 1999), montre une hypopigmentation du pelage et des yeux, ainsi que des saignements prolongés dus à des défauts dans la biogenèse des mélanosomes et des granules denses plaquettaires. Ces souris sont un modèle d’étude du syndrome d’Hermansky-Pudlak de type 2. Cette pathologie humaine se traduit par une hypopigmentation, des saignements prolongés et l’absence de certains marqueurs lysosomaux (Dell'Angelica et al., 1999b; Hermansky et Pudlak, 1959). Elle est due à une mutation sur le gène HPS2 codant la sous-unité β3A du complexe AP3 (Shotelersuk et al., 2000).

L’ensemble de ces observations suggère fortement un rôle d’AP3 dans la formation de vésicules ou le transport vers les organelles comme les granules pigmentaires, les granules denses plaquettaires ou le lysosome. AP3 pourrait donc également jouer un rôle dans le transport des vésicules mantelées de clathrine.

Des travaux complémentaires restent à conduire pour comprendre le rôle de l’interaction entre les β-arrestines et le complexe AP3. A l’exemple d’un travail réalisé dans le groupe de Margaret Robinson sur AP2 (Motley et al., 2003), la technique d’interférence ARN pourrait être utilisée pour inhiber l’expression d’une des sous-unités de AP3. Les complexes AP n’étant actifs que sous forme d’hétérotétramères, ceci suffirait à inhiber l’action du complexe AP3 dans sa globalité et peut-être à faire apparaître un phénotype.

III-5 Discussions et perspectives sur l’étude protéomique menée sur les β-