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1 Découplage du récepteur à la protéine G

Depuis la première mise en évidence d’une interaction entre un récepteur phosphorylé et une arrestine, en l’occurrence la rhodopsine photoactivée et l’arrestine visuelle (Kuhn et al., 1984), et l’arrêt d’activation de la protéine G résultant de cette interaction, de nombreux travaux ont été réalisés afin d’étendre ce modèle aux autres récepteurs couplés aux protéines G et de mieux comprendre ses mécanismes.

III-1-1 Protéines G et arrestines

Il est intéressant de noter que les arrestines (arrestine visuelle, de cône ou β-arrestines) possèdent plusieurs domaines d’homologie avec les sous-unités α des protéines G, notamment avec le domaine C-terminal des Gα, domaine impliqué dans le couplage au récepteur (Figure 20). Cette propriété pourrait indiquer que les sites de liaison du récepteur avec les arrestines et avec les protéines G se chevaucheraient, au moins en partie.

Par exemple, dans le cadre des cellules photoréceptrices, il existe une forte homologie de séquence entre les fragments 373-393 de l’arrestine visuelle et les 25 résidus C-terminaux de la transducine α1 (d’après Wistow et al., 1986). Ce domaine C-terminal de Gα présente le site de reconnaissance d’ADP-ribosylation par la PTX, il a donc probablement une importance fonctionnelle pour l’interaction avec le récepteur. Toutefois, les arrestines ne présentent pas de cystéine dans ce site de reconnaissance par la PTX et ne peuvent donc pas connaître d’ADP-ribosylation. Par ailleurs, les séquences 379-388 et 377-389 des β-arrestines 1 et 2, respectivement, présentent des similitudes avec un fragment très conservé des sous- unités Gα (Gαs ou Gαi2) important pour le couplage au récepteur. Il en va de même pour la séquence GK(Q)LKHED des β-arrestines très homologue à un fragment des sous-unités Gαs absent des Gαi et potentiellement impliqué dans la liaison des Gαs au récepteur (Lohse et al.,

1990). Ainsi, les β-arrestines pourraient mimer les protéines Gα et donc se lier à leur place aux récepteurs couplés aux protéines G. Ce mimétisme étant plus marqué pour les Gαs que pour les Gαi, il pourrait y avoir une préférence d’interaction (ou du moins un comportement différent) des β-arrestines pour les RCPGs couplés aux protéines Gs.

tranducine α1 325-QNVKFVFDAVTDIIIKENLKDCGLF-349 vis-arrestine 373-QDANLVFEE----FARHNLKDAGEA-393 β-arr1 379-LDTN---DDDIVF-388 291-GKLKHED-297 β-arr1 β-arr2 377-FDTNYATDDDIVF-389 293-GQLKHED-299 β-arr2 Gαs 367-VDTE---NIRRVF-376 304-GKSKIED-310 Gαs Gαi2 327-TDTK---NVQFVF-336 --- Gαi

Figure 20 : Homologies entre les arrestines et les protéines G

Numéros d’accession Uniprot : arrestine visuelle (P10523), β-arrestine 1 (P49407), β-arrestine 2 (P32121), transducine α1 (P11488), Gαs (P63092) et Gαi2 (P04899) humaines

Récemment, les affinités de la protéine G transducine ou de l’arrestine visuelle avec la rhodopsine ont été quantifiées et comparées (Gibson et al., 2000). Les constantes d’affinité de la transducine et de l’arrestine pour la rhodopsine varient selon la phosphorylation du récepteur. L’affinité de la protéine G diminue tandis que celle de l’arrestine augmente pour chaque phosphate ajouté sur la rhodopsine. Jusqu’à une stoechiométrie de deux phosphates par molécule de rhodopsine, la protéine G interagit mieux que l’arrestine avec le récepteur. A des niveaux de phosphorylation supérieurs, c’est la fixation de l’arrestine qui est favorisée.

L’ensemble de ces données comparatives entre arrestines et protéines G, qu’elles soient structurales ou biochimiques, convergent vers une idée consensus où les interactions du récepteur avec les β-arrestines ou les protéines G seraient mutuellement exclusives ; ce qui expliquerait comment la fixation de l’arrestine participe au découplage de la protéine G de son récepteur et, par voie de conséquence, à l’arrêt de l’activation de la protéine G.

III-1-2 Interaction entre récepteur et arrestines

Il a été clairement établi que l’interaction entre les arrestines et les récepteurs couplés aux protéines G est dépendante de la phosphorylation du récepteur. Toutefois, cette condition nécessaire n’est pas suffisante. Il a été montré dans le groupe du Dr. Eric Prossnitz, à

l’exemple du récepteur FPR, que le domaine "DRY" conservé parmi les RCPGs, est essentiel pour le couplage de l’arrestine au récepteur phosphorylé. Le mutant R123G du récepteur FPR qui garde la capacité d’être phosphorylé mais ne lie pas la protéine G, n’est en effet pas non plus capable d’interagir avec les β-arrestines (Bennett et al., 2000). Ce motif DRY des RCPGs, déjà connu comme impliqué dans l’activation de la protéine G, interviendrait donc également dans l’interaction récepteur / β-arrestines.

Les affinités entre membres de la famille arrestine et membres des récepteurs couplés aux protéines G sont diverses. La caractérisation de ces différences a mené à l’établissement d’une classification bipolaire parmi les récepteurs couplés aux protéines G (Oakley et al., 2000) :

- les récepteurs de classe A, qui ont une affinité plus forte pour la β-arrestine 2 que pour l’isoforme 1 et faible pour l’arrestine visuelle. Les récepteurs β2-adrénergique, μ-opioïde et de la dopamine 1A ont été classés dans cette catégorie (Oakley et al., 2000). Les complexes récepteur / β-arrestine formés sont relativement instables et se dissocient au niveau de la membrane plasmique après de courts temps d’incubation. Ces récepteurs sont rapidement recyclés vers la membrane plasmique.

- les récepteurs de classe B, qui lient les deux isoformes de β-arrestine avec de fortes affinités et qui peuvent également interagir avec l’arrestine visuelle. Ils comprennent les récepteurs de l’angiotensine II type 1A (AT1AR), de la vasopressine 2, de la substance P (Oakley et al., 2000) et de l’anaphylatoxine C5a (Braun et al., 2003). Les complexes récepteur / β-arrestine formés sont beaucoup plus stables et restent associés durant l’internalisation dans les vésicules d’endocytose. Ces récepteurs sont retenus dans les endosomes pendant de plus longues périodes avant d’être recyclés.

Il ne semble pas exister de lien entre cette classification et les différents types de protéines G couplées aux RCPGs puisque les deux classes de récepteurs comportent des récepteurs couplés à Gs, Gi ou Gq. Les caractéristiques moléculaires déterminant la formation d’un complexe stable entre les récepteurs et les β-arrestines, c'est-à-dire la classification B, ont pu être identifiées. Il s’agit de clusters spécifiques de sérines et thréonines présents au niveau la queue C-terminale des récepteurs, ces clusters sont très conservés dans leur position parmi les récepteurs classés B et absents du domaine C-terminal de la plupart des récepteurs de classe A (Oakley et al., 2001).