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Le dictionnaire ˆ lՎcole aujourdÕhui

B. EncyclopŽdies sur Žcran

3. Essai de bilan et perspectives

Nous avons tentŽ, dans ce mŽmoire, dՎvaluer la place du dictionnaire franais monolingue dans lÕenseignement, en particulier dans lÕenseignement primaire. Et nous avons ŽvoquŽ son r™le dans lÕapprentissage de la langue maternelle.

Issus des gloses mŽdiŽvales qui, en marge des manuscrits, expliquaient ou traduisaient un terme difficile, un passage obscur, les premiers dictionnaires utilisŽs dans lÕenseignement nՎtaient pas monolingues, mais bilingues (langue ancienne / langue vernaculaire). Il est vraisemblable que le dictionnaire latin-franais, alphabŽtiquement classŽ, qui constitue une des parties du Catholicon de Jean de Gnes, et dont la BnF possde une copie remontant probablement au XIVe sicle,

Žtait utilisŽ de la mme manire et sÕadressait plus ou moins au mme public.

Ë partir de lÕinvention de lÕimprimerie, nous progressons sur un terrain moins mouvant. Deux ouvrages portant le mme titre, Vocabulaire latin-franois, ont ŽtŽ

rŽalisŽs ˆ Paris (chez VŽrard) et ˆ Genve (chez Louis Cruse dit Garbin ou Guerbin) entre 1480 et 1490. Ils sÕadressent ˆ des apprenants du latin. La vocation didactique du dictionnaire est, en effet, ancienne.

Ç R. Estienne [...] avait prŽfŽrŽ rŽdiger lui-mme, en 1531, le Dictionarium seu latin¾ lingu¾ thesaurus [...] cum Gallica fere interpretatione, dictionnaire de latin classique o apparaissaient dŽjˆ, avec une certaine finesse, des interprŽtations donnŽes en franais. [...] En 1538, Žtait

paru, issu de ce dictionnaire, le Dictionarium latino-gallicum, que R. Estienne destinait aux

Žtudiants et non aux Ògens de haut savoirÒ.È (2002, J. Pruvost, Les dictionnaires de langue franaise, p. 26).

CÕest aussi ˆ ces novices quÕest destinŽ, en 1539, le Dictionaire francoislatin, contenant les motz & manieres de parler Francois, tournez en latin, de ce mme R.

Estienne, rŽpertoire qui ouvre la voie aux vrais monolingues.

Des productions de ce type, vrais bilingues ou (presque) monolingues, se sont rŽpandues dans toute lÕEurope ˆ partir de la fin du XVe sicle.

Ç En 1499, Pynson produisit un gros vocabulaire anglais-latin, le Promptorius puerorum (ÒMagasin [de mots] pour les enfantsÒ). Mieux connu sous le nom plus tardif de Promptorium parvulorum sive clericorum (ÒMagasin pour les enfants ou les clercsÓ), il est gŽnŽralement attribuŽ ˆ Geoffroy le Grammairien (Galfridus Grammaticus), un dominicain de Norfolk dont on pense quÕil lÕa composŽ vers 1440. È (2003, article Ç dictionary È, Encyclop¾dia Britannica, version Žlectronique).

Ce terme de magasin (en anglais storehouse) peut Žtonner. CÕest ainsi que le rŽdacteur (anonyme) de la Britannica traduit promptorius, promptorium, versions soit mal transcrites soit tardives des classiques promptuarius, Ç o lÕon conserve È et promptuarium, Ç armoire, magasin È. Cela Žvoque le sens ancien de trŽsor, mot

Ç empruntŽ au latin thesaurus, empruntŽ au grec thsauros, ÒdŽp™t, magasin o lÕon enferme des provisions et objets prŽcieux, trŽsorÒ. [É] Ds le XIe sicle, [ce mot] acquiert la valeur gŽnŽrale de Òce qui est considŽrŽ comme prŽcieux ou trs utileÒ. [É] Une autre valeur figurŽe Òensemble de connaissances prŽcieusesÒ fait entrer le latin thesaurus dans les titres dÕouvrages, encyclopŽdies et dictionnaires. È (1998, A. Rey [dir.], DHLF, p. 3910).

Les traductions du grec thsauros (selon Bailly) et du latin promptuarium (selon Gaffiot) sont identiques. Ce Ç magasin È est un recueil de connaissances prŽcieuses, ici explicitement destinŽ aux enfants (parvulorum), dont le cursus Ç scolaire È comprend lÕapprentissage du latin (voire : se dŽroule en latin), et aux clercs (clericorum) qui doivent ma”triser le latin. Il sÕagit donc bien dÕun ouvrage ˆ vocation didactique.

Les ouvrages de ce type se sont rŽpandus ˆ partir du XVIIe sicle dans les

Žtablissements consacrŽs ˆ ce que nous nommons aujourdÕhui Ç enseignement secondaire È.

Les vrais bilingues y voisinaient avec des productions hybrides qui, partant du latin, langue dÕenseignement autant que langue enseignŽe, ouvraient la voie ˆ lÕapprentissage du franais, dont la ma”trise Žtait de plus en plus nŽcessaire. Ë ce groupe appartiennent ces Parallles et autres Inventaires des pres Monet, Delbrun ou Pomey qui sÕentassaient dans les bibliothques des collges de la Compagnie de JŽsus et de lÕOratoire.

Ils ne sÕen Žchappent pas ; lÕinstruction primaire est embryonnaire, les Žcoles sont peu nombreuses. Mme si, parfois, on apprend ses lettres, on apprend ˆ dŽchiffrer des mots dans un texte latin, le latin est, en tant que langue et non en tant quÕensemble de lettres et de syllabes, inconnu dans les Žcoles de charitŽ urbaines comme dans la plupart des Žtablissements congrŽganistes. Il nÕa pas sa place chez les frres des Žcoles chrŽtiennes de saint Jean-Baptiste de la Salle, qui a fait de

lÕapprentissage de la lecture en franais le fondement de sa pŽdagogie, ni dans les (rarissimes) Žcoles de filles tenues par les sÏurs de saint Vincent de Paul, elles aussi non latinophones. Ne parlons mme pas des Žcoles rurales, en thŽorie assez nombreuses, mais souvent vides dÕenseignants comme dՎlves.

Dans ces Ç Žcoles È au mobilier absent ou rudimentaire, pourvues, dans le meilleur des cas, de livres dŽpareillŽs, le dictionnaire nÕavait pas Ð ne pouvait pas avoir Ð sa place.

En tŽmoigne la longue sŽrie des dictionnaires qui, au XIXe sicle, se posaient comme outils pŽdagogiques, sans faire allusion, dans leurs intitulŽs ou leurs textes introductifs, ˆ lÕinstruction primaire.

Le premier ˆ comporter les mots Žcole(s) primaire(s) dans son titre est, nous lÕavons vu, le Petit dictionnaire de la langue franaise ˆ lÕusage des Žcoles primaires commandŽ par L. Hachette ˆ Th. Soulice, ˆ une date inconnue, et sorti des presses en 1836. Revu et corrigŽ, il a ŽtŽ, comme nous lÕavons notŽ, rŽŽditŽ pendant plus dÕun sicle sous le titre abrŽgŽ de Petit dictionnaire de la langue franaise. On ignore

ˆ quand remonte ce nouvel intitulŽ ; il est dŽjˆ celui du contrat du 10 fŽvrier 1851, premier traitŽ ˆ figurer dans les archives de lՎditeur. Cette modification Žtait-elle intervenue auparavant ? Il est impossible de le savoir : il nÕexiste, tant dans les bibliothques publiques que dans les archives de la maison Hachette, aucune sŽrie complte des Žditions successives de cet ouvrage entre 1836 et 1851.

On peut, toutefois, raisonnablement dŽduire de ce deuxime intitulŽ que lՎditeur sՎtait aperu que ce dictionnaire ne pouvait tre utilisŽ que par lÕenseignant, et non par lՎcolier, par lÕadulte, et non par lÕenfant.

Pourquoi ? On ne peut mettre en avant uniquement la petitesse des caractres et lÕaustŽritŽ de la prŽsentation : Le tour de la France par deux enfants, qui a fait la joie de dizaines de millions de moins de 12 ans, nÕest pas, malgrŽ ses illustrations au trait, beaucoup plus attrayant ; et son texte nÕest pas Ç Žcrit gros È.

On ne peut pas non plus incriminer la complexitŽ des dŽfinitions, ou la difficultŽ ˆ Ç reconstituer lÕimplicite È : les dŽfinitions sont simples et brves, les abrŽviations et les symboles particuliers ˆ ce dictionnaire, dÕune parfaite clartŽ.

La question du prix nÕintervient pas davantage. Cette question a jouŽ pendant des sicles (de la diffusion de lÕimprimerie ˆ la mŽcanisation de la composition typographique) un r™le central. Rappelons que, de 1454 ˆ 1950 environ (un demi-millŽnaireÉ), les textes sont composŽs en plomb. Et cette composition se fait ˆ la main, au composteur, jusquՈ la fin du XIXe sicle, au rythme de 1 000 ˆ 1 200 signes ˆ lÕheure, pour les as du mŽtier. Ë partir de 1900 (et seulement de 1900, information ˆ conserver en mŽmoire lors de tout discours sur lÕhistoire et lÕemploi du dictionnaire), on commence ˆ utiliser partout des machines ˆ composer (toujours avec du plomb, naturellement), la linotype, mise au point en 1884, et la monotype, mise au point en 1887, qui produisent de 5 000 ˆ 8 000 signes ˆ lÕheure. Cela va donc beaucoup plus vite, il faut moins dÕheures de travail pour composer un ouvrage, les Žconomies sont considŽrables, relayŽes par lÕamŽlioration des presses ˆ imprimer, de plus en plus fiables et rapides.

MalgrŽ ces contraintes techniques, le Soulice nՎtait pas cher : 1,50 franc, ce qui, nous lÕavons vu, le mettait, comme dÕautres ouvrages contemporains tels les opuscules dÕAjasson de Grandsagne (cf. supra, p. 96), ˆ la portŽe des bourses modestes.

Et, trs petit Ð 9x14,5 cm Ð, il Žtait tout ˆ fait maniable, les mains enfantines pouvaient le tenir, lÕouvrir et le feuilleter sans peine.

Une fois ŽliminŽs les problmes de prŽsentation, de complexitŽ dŽfinitionnelle, de prix et dÕencombrement, la question reste entire : pourquoi le dictionnaire en gŽnŽral, et celui-ci en particulier, sont-ils ˆ ce point ignorŽs des responsables de lÕinstruction publique, jusquÕau milieu (au moins) du XXe sicle ?

De Vatimesnil, sous la Restauration, de Montalivet et Guizot, sous la monarchie de Juillet, ˆ Waddington ou Jules Ferry, sous la IIIe RŽpublique, aucun ministre de lÕInstruction publique nÕy a portŽ la moindre attention. Aucune circulaire officielle nÕy fait allusion. Les choses restent en lՎtat aprs le changement de nom du ministre qui devient, en 1932, Ç ministre de lՃducation nationale È, sous lՎgide dÕAnatole de Monzie qui, pourtant, se passionnait pour le dictionnaire et lÕencyclopŽdie : cÕest ˆ lui quÕon doit la publication de lÕEncyclopŽdie franaise (1935-1962, tables et index 1966).

Nous avons vu que, vers 1830, lՎtat de lՎcole interdisait ˆ peu prs lÕusage par les enfants de quelque livre que ce soit. Non que toutes les Žcoles aient ŽtŽ totalement dŽpourvues de matŽriel pŽdagogique ; il en existait, parfois sous forme rudimentaire.

Des Žducateurs inventifs ont palliŽ lÕinsuffisance de lÕoffre commerciale.

Ç Les petites Žcoles lyonnaises usaient de cartes de lÕalphabet, de dŽs en bois o se trouvaient gravŽs lettres et chiffres : innovation considŽrable par rapport ˆ lՎpellation individuelle ou collective dans un livre latin. È (2008, F. Mayeur, LՎducation des filles en France au XIXe sicle, p. 23).

On conna”t des initiatives de ce type un peu partout en France ; nous avons fait allusion plus haut (cf. supra, p. 76-77) aux prouesses de certains instituteurs ruraux, relevŽes avec admiration par les missi dominici de Guizot.

Quant aux Ç livres de classe È ˆ proprement parler, ils ont fait lÕobjet dÕune attention soutenue ds les annŽes 1820. Vatimesnil, en 1827, crŽe une commission chargŽe de conseiller le ministre sur les livres ŽlŽmentaires. Montalivet, ministre de mars 1831 ˆ avril 1832, aprs avoir, lui aussi, fondŽ une commission priŽe de donner un avis ŽclairŽ sur les ouvrages existants, dŽcide de faire envoyer dans toutes les

Žcoles de France des livres de qualitŽ.

Louis Hachette rŽpond avec enthousiasme ˆ ces demandes, publiant ˆ lÕenvi livres de lecture, manuels de grammaire et dÕarithmŽtique, voire prŽcis dÕhistoire de France (ce dernier ouvrage remporte un succs prodigieux : lorsque sortit, en 1880, la dernire Ždition, le nombre total dÕexemplaires vendus depuis 1834 atteignait le chiffre invraisemblable de 2 276 708, bien que lÕhistoire ne fžt pas au programme).

En quelques annŽes, lՎditeur conquiert la premire place sur ce marchŽ, ˆ la fois admirŽ et jalousŽ par ses confrres qui lÕaccusent de collusion avec les pouvoirs

publics. AllŽgation non totalement dŽnuŽe de fondement : il avait pris soin de sÕassurer dÕinapprŽciables concours au ministre. Dont, en particulier, celui de ThŽodore Soulice, qui occupait un poste clŽ ˆ la commission dՎvaluation des ouvrages proposŽs aux Žcoles.

Cela dit, pas le moindre dictionnaire ne figure dans les listes Žtablies par cette commission.

La conclusion sÕimpose : de 1833 ˆ 1938, le dictionnaire nÕest pas seulement mŽconnu, il nÕest mme pas autorisŽ. Autrement dit : lՎducation nationale ne fait pas que le nŽgliger, elle sÕen mŽfie. Il nous est difficile, aujourdÕhui, de comprendre pourquoi. Les histoires de lՎducation partageant ce dŽdain, les textes officiels nÕy faisant pas rŽfŽrence, il est impossible de rŽpondre ˆ cette question. On ne peut que constater : avant 1938, on ne laisse pas les Žcoliers sÕen servir. En 1959, les collŽgiens obtiennent la permission de manipuler cet objet apparemment fort dangereux. En 1963, on peut le mettre entre les mains des enfants de lՎcole

ŽlŽmentaire. Et, en 1972, il semble avoir perdu de sa dangerositŽ : son usage est fermement recommandŽ, avec insistance et de faon rŽpŽtŽe, par tous les ministres de lՃducation nationale, sous tous les gouvernements.

Combien de temps cela durera-t-il ? SÕil lui a fallu prs dÕun sicle et demi pour trouver sa place dans les salles de classe, cette place lui est aujourdÕhui disputŽe par dÕautres outils plus Ç modernes È, plus sŽduisants, plus Ç performants È, dit-on : les outils numŽriques.

Nous avons vu que ces derniers Žtaient largement utilisŽs par les enseignants. Moins par les enfants ; toutes les Žcoles ne sont pas ŽquipŽes dÕordinateurs individuels, les familles nÕen possdent pas toutes et bien des parents nÕautorisent pas leurs enfants

ˆ se servir de lÕordinateur familial. En outre, nombre dÕinstituteurs notent que les petits sont (pour combien de temps ?) souvent mal ˆ lÕaise avec cet objet.

Ces outils sont-ils aussi satisfaisants sur le plan intellectuel, aussi fiables que les dictionnaires et encyclopŽdies papier ? Dans lÕensemble, non.

Il existe en version numŽrique ou sur la toile (sans compter les ouvrages anciens numŽrisŽs) des dictionnaires de langue dÕexcellente rŽputation (le TrŽsor de la langue franaise, le Grand RobertÉ), des encyclopŽdies dignes de confiance (lÕEncyclop¾dia Britannica, lÕEncyclop¾dia UniversalisÉ), des sites universitaires donnant des informations pointues, dÕinestimables bases de donnŽes. Leur consultation est souvent gratuite, ce qui devrait leur ouvrir un vaste public dÕinternautes. Les professeurs des Žcoles font-ils frŽquemment appel ˆ eux ? Tout porte ˆ croire que non. Sont-ils connus des enfants ? Il ne semble pas. En tout cas, ils ne nous ont pas ŽtŽ citŽs.

Les dictionnaires et encyclopŽdies qui reviennent le plus souvent dans les rŽponses des instituteurs ne rŽpondent pas aux critres de qualitŽ exigibles dÕune Ç bibliothque numŽrique È en passe de devenir la principale source de documentation des enseignants. On nous objectera que Ç tout le monde peut se tromper È, quÕil ne suffit pas quÕune information soit imprimŽe pour quÕelle soit exacte,

et que des erreurs se glissent partout. Certes. Mais, selon notre expŽrience, elles prŽfrent lՎcran au papier.

Dans ces conditions, quel est lÕavenir du dictionnaire papier ˆ lՎcole ? Aprs une longue attente, il est enfin entrŽ dans les classes ; il y a rŽgnŽ sans partage un peu plus de trente ans. Pas davantage. Sa coexistence avec les outils numŽriques est, pour le moment, paisible. Mais ses chiffres de vente baissent. Cette Žrosion semble impossible ˆ arrter.

Est-ce, dÕailleurs, souhaitable ? Toute nouvelle forme dÕacquisition du savoir est-elle dÕemblŽe suspecte ? Faut-il, comme U. Eco, affirmer

Ç Le livre est comme la cuiller, le marteau, la roue ou le ciseau. Une fois que vous les avez inventŽs, vous ne pouvez pas faire mieux. [É] Le livre a fait ses preuves et on ne voit pas comment, pour le mme usage, nous pourrions faire mieux que le livre. È (2009, U. Eco, in J.-C.

Carrire et U. Eco (avec J.-P. de Tonnac), NÕespŽrez pas vous dŽbarrasser des livres, p. 18-19)

Il para”t tout aussi illusoire de vouloir se dŽbarrasser des livres que de nier la montŽe en puissance de ses concurrents : Internet, Ždition Žlectronique, CD-ROM, DVD, etc.

Ils ont le vent en poupe, ils bŽnŽficient de lÕaura de la modernitŽ. Ils paraissent faciles

ˆ utiliser et semblent bien plus accessibles que les gros volumes austres de grand-papa ; et ils tiennent moins de place. Ils offrent dÕinfinies possibilitŽs de consultation, de comparaison, de confrontation des sources. Mais ils sont ŽphŽmres. La durŽe moyenne de prŽsence dÕune information Ç dÕactualitŽ È sur Internet est de 4 mois (avec dÕinnombrables exceptions, naturellement). Et les supports modernes sont fragiles.

Ç Nous pouvons encore lire un texte imprimŽ il y a cinq sicles. Mais nous ne pouvons plus lire, nous ne pouvons plus voir, une cassette Žlectronique ou un CD-ROM vieux de quelques annŽes ˆ peine. [É] Les cassettes magnŽtiques perdent leurs couleurs, leur dŽfinition et sÕeffacent vite. Les CD-ROM sont terminŽs. Les DVD ne feront pas long feu. Et dÕailleurs, [É] il nÕest mme pas certain que nous disposions dans lÕavenir de lՎnergie nŽcessaire pour faire fonctionner toutes nos machines. [É] Sans ŽlectricitŽ, tout est irrŽmŽdiablement perdu. En revanche, nous pourrons encore lire des livres dans la journŽe, ou le soir ˆ la bougie, quand lÕhŽritage audiovisuel aura disparu. È (J.-C. Carrire, op. cit., p. 29 et 36).

J.-C. Carrire ne tient compte ici que des ouvrages imprimŽs, des Ïuvres produites depuis le milieu du XVe sicle. Les Ç objets lisibles È (mme sÕils nÕont jamais eu beaucoup de lecteurs) sont bien plus anciens : les tablettes dÕargile mŽsopotamiennes ont plus de cinq millŽnaires dÕexistence, les hiŽroglyphes

Žgyptiens ne sont gure plus jeunes.

Que conclure ? Faut-il clore cette thse sur la Chronique dÕune mort annoncŽe ? Ce serait hasardeux. Et inutilement pessimiste : le pire nÕest pas toujours sžr, dit un proverbe portugais. La disparition du livre (du vrai livre sÕentend, du bloc de papier imprimŽ en forme de parallŽlŽpipde rectangle) est annoncŽe ˆ son de trompe depuis une petite vingtaine dÕannŽes. Elle ne sÕest pas produite. Se produira-t-elle un jour ? Peut-tre. Nul nÕen sait rien.

En attendant cet hypothŽtique ŽvŽnement, il para”t sage dÕutiliser ˆ lՎcole, pour lÕapprentissage de la lecture, pour la ma”trise de la littŽratie, tous les outils disponibles. Et dÕapprendre aux Žlves ˆ utiliser

Ç les instruments de documentation imprimŽs ou numŽrisŽs, adaptŽs ˆ leur ‰ge. È (2007, QuÕapprend-on ˆ lՎcole ŽlŽmentaire ?, p. 65),

de manire quÕils sachent

Ç consulter avec lÕaide de lÕadulte les documents de rŽfŽrence (dictionnaires, encyclopŽdies, grammaires, bases de donnŽes, sites sur la Toile, etc.) et se servir des instruments de repŽrage que ceux-ci comportent (tables des matires, index, notes, moteurs de recherche, liens hypertextesÉ). È (op. cit., p. 193).

On ne peut, cependant, retenir une question : ce programme de consultations tous azimuts (Ç bases de donnŽes, sites sur la Toile, etc. È) nÕest-il pas bien ambitieux pour un Žcolier de 9 ou 10 ans (ces requis sÕappliquent au Ç cycle des approfondissements È, donc ds le CE2), mme Ç avec lÕaide de lÕadulte È ? Toutes les Žcoles ont-elles les moyens de sՎquiper en outils numŽriques, bien plus onŽreux que les bons vieux dicos ou les modestes manuels de grammaire ? Les moins bien loties ne feront-elles pas figure de lanternes rouges ?

En novembre 2009, la Cour des comptes a dŽmontrŽ que lÕabandon progressif de la carte scolaire contribuait ˆ ghetto•ser les Ç mauvais È Žtablissements, les meilleurs

Žlves en profitant pour les fuir. Dans ces Žcoles, ces collges dÕo la mixitŽ sociale a disparu, dont les Žlves cumulent les difficultŽs, les ordinateurs et les liaisons Internet empcheront-ils Žcoliers et collŽgiens de parler plus volontiers le franais Ç du quartier È que celui Ç de lՎcole È, de faire des fautes dÕorthographe, de devenir des adultes en insŽcuritŽ ˆ lՎcrit ?

Puisque le pire nÕest pas toujours sžr, on ne peut sÕempcher dÕespŽrer quÕils auront en main, outre une souris, un clavier et un Žcran, un outil simple, bon marchŽ, dÕune utilitŽ ŽprouvŽe depuis des sicles : un dictionnaire gŽnŽral franais monolingue. Et quÕils Žprouveront ˆ le consulter la mme jubilation que les Žlves de D. Pennac.

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Conclusion

En entamant cette recherche, nous espŽrions parvenir ˆ donner des rŽponses simples ˆ des questions simples : le dictionnaire joue-t-il un r™le dans lÕenseignement ? Si oui, lequel, et depuis quand ? De quel genre de dictionnaire sÕagit-il ? Ë quelle Žtape de lÕenseignement trouve-t-il sa place ?

Au terme de cette Žtude, nous nous voyons contrainte de laisser bien des interrogations en suspens.

Avant que lÕenseignement ŽlŽmentaire et, plus gŽnŽralement, lÕinstruction proposŽe aux enfants, aient fait lÕobjet dÕun minimum dÕorganisation en Occident, les gloses

Avant que lÕenseignement ŽlŽmentaire et, plus gŽnŽralement, lÕinstruction proposŽe aux enfants, aient fait lÕobjet dÕun minimum dÕorganisation en Occident, les gloses