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Le dictionnaire ˆ lՎcole aujourdÕhui

A. Les directives officielles

Ds 1972, les Instructions officielles donnent des consignes prŽcises : multiplier les occasions dÕutiliser les dictionnaires ; entra”ner, le plus t™t possible, les enfants ˆ se servir dÕun dictionnaire. Pour ce faire, elles recommandent les dictionnaires pour enfants. Ces consignes sont renouvelŽes avec insistance en 1978 et 1985.

PrŽcisons quÕil ne sÕagit, naturellement, que de dictionnaires papier ; cÕest ˆ eux que nous nous intŽresserons dans les pages qui suivent, rŽservant lՎtude des outils numŽriques pour une autre partie de cette thse.

A-1 : les consignes ministŽrielles

Il semble quÕaujourdÕhui la cause soit entendue ; les dictionnaires sont sortis de leur armoire, se sont ouverts sur les pupitres, se sont posŽs sur les Žtagres de lՎcolier ou sur le buffet de la salle de sŽjour, se sont glissŽs dans les cartables. Mais regardons-y de plus prs, en nous bornant aux annŽes rŽcentes.

En mars 2007, le ministre de lՃducation nationale insre dans son Bulletin officiel n¡ 12 un encart titrŽ Mise en Ïuvre du socle commun de connaissances et de compŽtences : lÕacquisition du vocabulaire ˆ lՎcole primaire. Ce texte est adressŽ

Ç aux rectrices et aux recteurs dÕacadŽmie ; aux inspectrices et inspecteurs dÕacadŽmie, directrices et directeurs dŽpartementaux de lՎducation nationale ; aux directrices et directeurs dÕIUFM È, autant dire ˆ lÕensemble des instances dirigeantes de lՃducation nationale. Long (6 719 signes, prs de 5 feuillets standard), il est explicitement consacrŽ ˆ lÕacquisition du vocabulaire, car

Ç lorsque les mots prŽcis manquent aux Žlves, cÕest le sens quÕils tentent de donner au monde qui sÕobscurcit. Le dŽficit lexical conduit ˆ lÕenfermement sur soi. È (op. cit.)

On ne saurait mieux dire. Et le ministre (Gilles de Robien ˆ lՎpoque) poursuit :

Ç LՎcole doit donc se mobiliser pour fixer les outils fondamentaux du langage, accro”tre et

appropriŽe. Ds lՎcole maternelle devra tre mise en place une initiation dŽjˆ mŽthodique au vocabulaire. È (op. cit.)

Les objectifs sont clairs, dŽclinŽs par Žtapes du cursus scolaire.

Ç En grande section, lÕapprentissage dÕun ou deux mots nouveaux par jour sera un objectif. Ë lՎcole primaire puis au collge, lÕenseignement du vocabulaire sera fondŽ sur une progression rigoureuse, des sŽquences spŽcifiques, des activitŽs systŽmatiques et rŽgulires. È (op. cit.)

Comme procŽder ? Essentiellement en organisant (Ç rŽgulirement È, spŽcifie le ministre) des Ç leons de mots È, qui

Ç obŽissent au souci constant de permettre ˆ lՎlve de cerner prŽcisŽment le sens propre et les sens figurŽs dÕun mot, de le rŽutiliser avec pertinence dans diffŽrents contextes [É]. Les leons de mots valent aussi par le soin apportŽ ˆ faire dŽcouvrir les composantes de chacun des termes, de sÕinterroger sur leur Žtymologie et de fixer leur forme orthographique. È (op. cit.)

Comment Ç cerner le sens propre et les sens figurŽs dÕun mot [É], sÕinterroger sur [son] Žtymologie et [É] fixer [sa] forme orthographique È ? Le lecteur na•f attendrait ici quՈ dŽfaut dÕexiger, ou mme de recommander, on suggre lÕusage du dictionnaire, recueil de dŽfinitions (sens des mots) ˆ la graphie normŽe (orthographe), souvent assorties dՎtymologies. Eh bien non : le mot dictionnaire ne figure pas dans ce texte, pourtant explicite sur les compŽtences exigŽes des moins de douze ans qui devront avoir acquis chaque annŽe au moins 500 mots nouveaux.

Pas nÕimporte quels mots, car, prŽcise lÕadministration,

Ç la quantitŽ ne suffit pas : lՎcole doit veiller ˆ ce que le vocabulaire acquis permette ˆ chaque

Žlve dÕaccŽder ˆ un autre registre de langue que son registre habituel. Autant que sa pŽdagogie, lÕexemple du professeur est donc essentiel : il doit tre le modle dÕune langue ˆ la fois exigeante et accessible. Enfin, dans un souci de continuitŽ entre lՎcole et le collge, lՎlve doit possŽder un vocabulaire spŽcifique suffisant pour entrer sans rupture dans chacun des champs disciplinaires du collge. È (op. cit.)

Autrement dit : toute la responsabilitŽ incombe ˆ lÕenseignant, dont le franais est prŽsentŽ comme le modle (donc comme lÕindŽpassable rŽfŽrence) dÕune langue Ç ˆ la fois exigeante et accessible È. Lourde t‰che ; cÕest ˆ lui, et ˆ lui seul, de se dŽbrouiller de manire ˆ ne pas Ç perdre de vue lÕobjet essentiel et global : enrichir le vocabulaire de chaque Žlve pour lui faire dŽcouvrir les richesses de la langue franaise, en assurer lÕutilisation juste et efficace par chacun. È

Le propos de cette circulaire nÕest, naturellement, pas dÕimposer aux enseignants telle ou telle mŽthode, lÕutilisation de tel ou tel matŽriel pŽdagogique, lՎtude de tel ou tel ouvrage. Cependant, lÕabsence de toute allusion au dictionnaire ne manque pas dՎtonner. On y trouve, certes, le mot lexique ; mais il ne se rŽfre quÕau premier apprentissage dÕun vocabulaire de base par les tout-petits, ce Ç lexique premier, mais fondamental, liŽ aux expŽriences du trs jeune enfant, ˆ son environnement, aux figures qui le frappent, aux dangers quÕil pressent, aux bonheurs quÕil Žprouve. È

A-2 : les recommandations aux enseignants

DÕautres documents laissent songeur, notamment les brochures intitulŽes QuÕapprend-on ˆ lՎcole ŽlŽmentaire ?, publiŽes chaque annŽe ˆ la fin de lՎtŽ par le

ministre de lՃducation nationale. Nous nous attacherons ici ˆ celles des annŽes 2007-2008, 2008-2009 (signŽes Xavier Darcos) et 2009-2010 (signŽe Luc Chatel).

Dans la brochure parue en 2007, le programme se dŽcline en deux parties : cycle des apprentissages fondamentaux (grande section de maternelle, CP, CE1) et cycle des approfondissements (CE2, CM1 et CM2).

Le programme des petites classes, sous la rubrique Ma”trise du langage et de la langue franaise, comprend la ma”trise du langage oral, lÕapprentissage de la lecture et de lՎcriture. Il ne sÕagit pas de lՎcriture de mots, mais de lՎcriture de textes, ce qui pose la question de lÕorthographe :

Ç En ce qui concerne lÕorthographe lexicale, il faut distinguer la capacitŽ de copier sans faute un mot, cÕest-ˆ-dire dÕaller le chercher dans un rŽpertoire pour le rŽutiliser, et la capacitŽ dՎcrire sans aide un mot connu È (op. cit., p. 87).

Ë la fin du CE1, lÕenfant doit avoir acquis la Ç ma”trise du langage dՎvocation È, cÕest-ˆ-dire savoir Ç rapporter un ŽvŽnement, un rŽcit, une information, une observation en se faisant clairement comprendre, et en adaptant son niveau de langue ˆ un destinataire prŽcis È.

Si nous passons au cycle des approfondissements, on ne parle plus de Ma”trise du langage et de la langue franaise, mais dՃducation littŽraire et humaine. MalgrŽ cet intitulŽ pompeux et assez prŽtentieux, il sÕagit toujours de parler correctement sa langue, de la lire (dŽsormais couramment) et de lՎcrire sans faute. Pour cela, lՎlve dispose dÕoutils divers ; il doit savoir

Ç consulter avec lÕaide de lÕadulte les documents de rŽfŽrence (dictionnaires, encyclopŽdies, grammaires, bases de donnŽes, sites sur la Toile, etc.) et se servir des instruments de repŽrage que ceux-ci comportent (tables des matires, index, notes, moteurs de recherche, liens hypertextesÉ) È. (op. cit., p. 193).

LՎcolier doit aussi se familiariser avec les Žquivalences sŽmantiques par lÕÇ Žtude des synonymes : variations dÕintensitŽ (peur/terreur), de niveaux de langue (dr™le/rigoloÉ) È ; et lÕon tient pour nŽcessaire la Ç connaissance de la composition dÕun article de dictionnaire, des codes qui rŽgissent les dictionnaires È pour y trouver le sens des mots, repŽrer les dŽrivations et vŽrifier lÕorthographe.

La fin du chapitre est consacrŽe ˆ lÕorthographe grammaticale et lexicale.

Ç DÕune manire gŽnŽrale, dans chaque activitŽ mettant en jeu lՎcriture, on conduit les Žlves

ˆ utiliser tous les instruments nŽcessaires : cahier de leons, manuels, affichages, rŽpertoires, dictionnaires, correcteurs informatiques, etc. È (op. cit, p. 211).

Louable intention qui laisse sceptique quand on conna”t la plŽthore de fautes dÕorthographe (sans compter les fautes de franais) qui constellent affiches, panneaux et pancartes. On citera trois exemples relevŽs en mars 2008.

Dans le mŽtro sÕaffiche une gigantesque publicitŽ pour le rŽseau de tŽlŽphonie mobile Bouygues ainsi lŽgendŽe : Ç encore plus dÕillimitŽ tous opŽrateurs È.

QuelquÕun peut-il grammaticalement justifier la construction de cet ŽnoncŽ ?

Toujours dans le mŽtro, un immense panneau porte lÕimage dÕune grosse fraise coiffŽe dÕun chapeau breton, image ainsi commentŽe : Ç La Freizh ; La Gariguette de Plougastel È. LՎcolier qui, victime de ce hasardeux jeu de mots, aura massacrŽ

lÕorthographe de Ç fraise È dans sa dictŽe, rŽpondant ainsi ˆ lÕinjonction dÕutiliser, parmi Ç tous les instruments nŽcessaires È ˆ la ma”trise de lÕorthographe, prŽcisŽment lÕun de ceux qui lui sont recommandŽs, ˆ savoir le panneau dÕaffichage, rŽcoltera-t-il une mauvaise note ? Quelle faute aura-t-il commise ?

Dans la rue, le passant nÕest pas ˆ lÕabri des surprises : rue de Rennes, ˆ Paris, la devanture de Monoprix affiche cette pancarte : Ç LÕentrŽe des animaux domestique sont interdits dans lÕenceinte de notre magasin È. Ce chef dÕÏuvre grammatical et orthographique (un adjectif au singulier [domestique] qualifiant un nom [animaux] au pluriel ; un substantif fŽminin singulier [entrŽe] sujet dÕun verbe au pluriel [sont] dotŽ

dÕun attribut au masculin pluriel [interdits]) fait-il partie des Ç instruments nŽcessaires È ˆ lՎlve pour la ma”trise de lÕorthographe grammaticale et lexicale ? Pour en revenir ˆ la brochure ministŽrielle de 2007, la prŽsentation commentŽe des programmes de six classes (la dernire classe de maternelle, les cinq classes de lՎcole primaire) compte 254 pages (p. 55 ˆ 308), dont 75 consacrŽes spŽcifiquement

ˆ lÕenseignement du franais au sens large. Il faut presque arriver ˆ la fin de lÕexposŽ

du programme du dernier cycle dÕenseignement pour voir surgir le mot dictionnaire (p. 193).

La brochure de 2008 est plus brve ; en CP et CE1, le mot dictionnaire appara”t ˆ lÕoccasion dÕun paragraphe sur lÕemploi de lÕordinateur en classe. Nous nous posons quelques questions : en CP on a six ou sept ans, en CE1, sept ou huit ; les claviers sont-ils adaptŽs aux petits doigts ? Mme sÕils le sont, comment sont saisis les mots

ˆ chercher ? Quelle est lÕorthographe de rŽfŽrence ? Celle du manuel ou du dictionnaire papier ou celle de lՎcran ?

Pour les classes de CE2, CM1 et CM2, le prŽambule prŽcise que Ç la progression dans la ma”trise de la langue franaise se fait selon un programme de lecture et dՎcriture, de vocabulaire, de grammaire et dÕorthographe È, sans que soit fait allusion au dictionnaire (fžt-il Žlectronique).

On traite ensuite de la rŽdaction, et lˆ appara”t le mot dictionnaire, sans prŽcision quant ˆ sa nature :

Ç Ils [les Žlves] sont entra”nŽs ˆ rŽdiger, ˆ corriger et ˆ amŽliorer leurs productions, en utilisant le vocabulaire acquis, leurs connaissances grammaticales et orthographiques, ainsi que les outils mis ˆ disposition (manuels, dictionnaires, rŽpertoires). È (op. cit., p. 60).

Le dŽtail sur les types de dictionnaires vient ensuite, ˆ la rubrique Ç vocabulaire È ; on y lit que Ç lÕusage du dictionnaire, sous une forme papier ou numŽrique, est rŽgulier È.

On notera quÕil a fallu attendre la page 61 dÕun fascicule qui en consacre un peu moins de 100 aux requis de lՎcole ŽlŽmentaire pour entendre parler du dictionnaire dans lÕapprentissage de la langue maternelle.

Ë la fin du CM2, les Žlves doivent Ç savoir utiliser un dictionnaire È, toujours sans prŽcision. Le ministre sÕattarde ensuite un peu sur cet ouvrage, dans le chapitre Progression, ˆ propos de sa ma”trise par les Žlves de CM2 :

Ç Utilisation du dictionnaire. Dans une dŽfinition de dictionnaire, identifier le terme gŽnŽrique.

Utiliser le dictionnaire pour vŽrifier le sens dÕun mot (en particulier quand il en a plusieurs), ou sa classe, ou son orthographe, ou son niveau de langue. Se servir des codes utilisŽs dans les articles de dictionnaire. È (op. cit., p. 72).

Ne retenons que lÕinsistance portŽe sur lÕutilisation dÕun dictionnaire, sans nous attarder sur les maladresses dÕexpression : on se demande pourquoi, dans ces recommandations, la ma”trise des codes vient en dernier ; comment peut-on trouver classe et niveau de langue si on ignore leurs codes ? Et les Ç leons de dictionnaire È ne devraient-elles pas, justement, sÕattacher trs t™t ˆ lՎtude de ces codes, dont la ma”trise est loin dՐtre acquise par tous les adultes ?

En 2009, la brochure Ç Žcole ŽlŽmentaire È nÕapporte pas de nouveautŽs fondamentales. Dans celle qui est consacrŽe aux programmes de lՎcole maternelle, peu novatrice, elle aussi, nous relevons, toutefois, une formulation plut™t surprenante :

Ç Ë la fin de lՎcole maternelle, ils [les enfants] utilisent de manire adaptŽe les principales [cÕest nous qui soulignons] classes de mots (articles, noms, verbes, adjectifs, adverbes, prŽpositions) È. (2009, QuÕapprend-on ˆ lՎcole maternelle ?, p. 43)

Nous ignorions quÕil existait des Ç classes de mots È principales et dÕautres secondaires. Parmi les ŽlŽments grammaticaux apparemment nŽgligeables, figurent les pronoms. Est-il inutile de familiariser les enfants, mme petits, avec le maniement correct du je et du moi, du tu et du toi, du il[s], elle[s] et du lui, eux, du nous et du vousÉ au minimum ? Cela para”t indispensable pour savoir qui parle ˆ qui de qui ou de quoi. Dans la catŽgorie des Ç classes de mots È jugŽes secondaires, ici superbement ŽcartŽes du propos pŽdagogique, figurent les interjections et les conjonctions, qui rejoignent les pronoms dans la mme poubelle. Pauvre Ornicar ! B. LÕusage du dictionnaire sur le terrain

Les enseignants nÕont pas boudŽ le dictionnaire ; ils sÕen servent sans rŽticence.

Comme le rappelle G. Gross, Ç le dictionnaire a toujours joui dÕune autoritŽ presque incontestŽe. Sa nature spŽculative et moins charpentŽe que celle des grammaires, par exemple, le rend moins dŽpendant des modes et de conceptions thŽoriques nŽcessairement mouvantes È.

Nous nous permettrons un bŽmol : lÕautoritŽ du dictionnaire nՎtait, en effet, pas contestŽe par ses utilisateurs ; mais qui Žtaient-ils ? Pendant des sicles, uniquement des adultes Ç lettrŽs È (au sens premier du terme), lՎlargissement du public aux enfants est rŽcent.

Selon une enqute du journal LibŽration (M. PŽnicaut, Les lettres et les chiffres, 8-9-1986) sur laquelle sÕappuie G. Gross (op. cit., p. 177), dans les annŽes 1980, 80%

des enseignants du primaire, 100% de ceux du collge apprenaient ˆ leurs Žlves ˆ se servir dÕun dictionnaire, et 93% dÕentre eux en conseillaient lÕachat aux familles.

MenŽe, pour le compte de la maison Hachette, non pas dans les Žcoles et auprs des enseignants mais auprs du grand public, une enqute antŽrieure avait, en 1975, abouti ˆ des conclusions similaires : on trouvait un dictionnaire gŽnŽral franais monolingue dans 80% des foyers franais, et 85% de ces ouvrages Žtaient un Petit Larousse, souvent ancien, dÕailleurs. Le Petit Larousse illustrŽ Žtait, en effet, devenu ds les annŽes 1920-1930 lÕouvrage-pivot de la bibliothque dÕun foyer, parfois mme le seul. Son prestige Žtait incomparable, il faisait la loi, il Žtait lÕalpha et lÕomŽga de la connaissance, il Žtait censŽ avoir rŽponse ˆ tout. Qui dÕentre nous, sÕinterrogeant sur le sens, lÕorthographe, lÕemploi dÕun mot, ne sÕest pas attirŽ, en rŽponse, un pŽremptoire Ç cÕest dans le dictionnaire È (donc : on peut lÕutiliser) ou Ç ce nÕest pas dans le dictionnaire È (donc : ce mot nÕexiste pas). Le dictionnaire

Ç est lÕarbitre, le souverain juge, il est la langue dans sa totalitŽ, de A ˆ Z (combien de personnes achetant un dictionnaire pensent en fait acquŽrir la langue, un savoir, une compŽtence linguistique ?), il nÕest pas un livre, un manuel comme les autres, il a une forme, une structure, un texte et un contenu spŽcifiques : texte morcelŽ, ŽclatŽ, mais se prŽsentant cependant comme cohŽrent, chaque parcelle de texte Žtant solidaire des autres ; texte qui ne se lit pas en continu, mais qui se consulte, o lÕon recherche le vrai, le bon usage, ce quÕil convient de dire ou plut™t dՎcrire, texte didactique qui se donne comme Žtant la vŽritŽ, qui accorde ou refuse lÕexistence aux mots (Òce nÕest pas dans le dictionnaire, alors a ne se dit pas, cÕest un mot qui nÕexiste pasÒ) ; texte culturel tenant un discours sur les mots et sur les choses, vŽhiculant Òun ensemble dÕassertions sur lÕhomme et sur la sociŽtŽ, assertions prenant la valeur de lois universelles pour la communautŽ socio-culturelle que forment les lecteursÒ, assertions fondŽes sur une Ònorme culturelle [É] conforme ˆ lÕidŽologie de la classe sociale dominante.Ò [1971, J. et C. Dubois Introduction ˆ la lexicographie, p. 99] È. (1983, C. Buzon, Ç Au sujet de quelques dictionnaires monolingues franais en usage ˆ lՎcole ŽlŽmentaire ; rŽflexions critiques et ŽlŽments de proposition È, in ƒtudes de linguistique appliquŽe n¡ 49, p.

147).

Ë partir du dernier quart du XXe sicle, lÕutilitŽ du dictionnaire ˆ lՎcole ne se discute donc plus. Et les enfants suivent, sans problme, des Ç leons de mots È, pour reprendre lÕexpression de G. de Robien, et font des fichiers de vocabulaire et des lexiques de classe.

Et cela bien que les prŽrequis soient nombreux et complexes. Nous reprenons ici lÕessentiel de lÕanalyse de G. Gross. Pour se servir sans trop de peine dÕun dictionnaire, lÕenfant doit :

- - savoir lire (il semble inutile de le prŽciser, mais entre 30% et 50% des enfants entrant en 6e ne savent pas ou savent mal lire) ;

- - conna”tre lÕordre alphabŽtique ;

- - reconna”tre homonymes et homophones (vin ; vain ; vingtÉ) ;

- - reconna”tre les formes flŽchies des mots pour repŽrer la forme qui constitue lÕentrŽe du dictionnaire ;

- - reconna”tre la forme des caractres : romain, italique, gras, maigre, et savoir

ˆ quoi cela correspond ;

- identifier les parties du discours, leurs abrŽviations et les autres -abrŽviations courantes : adj., pop., synÉ. ;

- - repŽrer et identifier les symboles particuliers de quelques dictionnaires : flches, tiretsÉ ;

- - distinguer dŽfinitions et phrases-exemples ;

- - reconstituer lÕimplicite : dans Ç cahier, n. m. È, la virgule (ou tout autre signe de ponctuation) signifie Ç est un È (nom masculin).

On peut, ˆ ce propos, parler de Ç ma”trise des techniques de consultation È ; cela conditionne (ou, ˆ tout le moins, facilite) dÕautres apprentissages.

De divers sondages menŽs en 2008 et 2009 auprs de professeurs des Žcoles (Žcoles rurales publiques, Žcole catholique provinciale, groupe scolaire de zone dՎducation prioritaire, Žcoles publiques de gros bourg Ç rurbain È), ˆ lÕaide dÕun questionnaire volontairement bref (voir annexe 13), il ressort que le dictionnaire a droit de citŽ partout ˆ lՎcole primaire, parfois ds le CE1, et quÕil est peu prŽsent en maternelle (les enseignants qui ont rŽpondu ont tout bonnement barrŽ les paragraphes concernant la maternelle, les renseignements obtenus sur ce sujet lÕont

ŽtŽ au cours de conversations avec certains dÕentre eux).

Le dictionnaire ne peut tre consultŽ avec profit que si lÕon conna”t parfaitement lÕordre alphabŽtique. Cet ordre est plus ou moins familier aux enfants qui ont, en maternelle, appris ˆ Žcrire leur nom en grosses lettres pour identifier leurs affaires, et rangŽ alphabŽtiquement ces Žtiquettes. Mais tous ne sont pas dans ce cas. Il sÕagit en gŽnŽral dÕun savoir prŽliminaire ˆ acquŽrir en CP, ˆ lÕentrŽe ˆ la Ç grande Žcole È.

Une fois satisfait ce prŽrequis, lՎcolier utilise le dictionnaire pour apprendre sa langue. Donc : pour apprendre des mots, pour enrichir son vocabulaire.

Il ne suffit pas de donner u n sens ˆ u n mot. Les mots ne sont pas tous monosŽmiques, la plupart mme ont plusieurs sens, plusieurs emplois. Sens et emplois doivent tre dŽfinis de manire contrastive, de faon que les diffŽrences soient clairement perues. Les enseignants insistent sur la nŽcessaire clartŽ de ces

ŽnoncŽs qui, souvent, ne les satisfont pas. Leurs griefs sont nombreux : dŽfinitions compliquŽes, mauvais systme de renvois, exemples trop peu nombreux. Dans le cas particulier du Dictionnaire du franais contemporain, pourtant explicitement conu pour lÕenseignement, ils trouvent inadŽquat le regroupement des entrŽes par familles.

Quel que soit le dictionnaire quÕil a en main, cÕest en y repŽrant un mot que lՎcolier dŽcouvrira Ç ce que a veut dire È et Ç comment a sՎcrit È. En confrontant le sens des mots et leur graphie, il dŽcouvrira quÕun mme groupe de lettres peut avoir des sens diffŽrents : les trois lettres du mot ŽtŽ dŽsignent aussi bien une saison que le participe passŽ du verbe tre. Ce qui conduit ˆ apprŽhender le systme de la langue : un mot se comprend dans le cadre dÕune phrase et les phrases ont des

Quel que soit le dictionnaire quÕil a en main, cÕest en y repŽrant un mot que lՎcolier dŽcouvrira Ç ce que a veut dire È et Ç comment a sՎcrit È. En confrontant le sens des mots et leur graphie, il dŽcouvrira quÕun mme groupe de lettres peut avoir des sens diffŽrents : les trois lettres du mot ŽtŽ dŽsignent aussi bien une saison que le participe passŽ du verbe tre. Ce qui conduit ˆ apprŽhender le systme de la langue : un mot se comprend dans le cadre dÕune phrase et les phrases ont des