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Le dictionnaire ˆ lՎcole aujourdÕhui

A. Dictionnaires de langue et correcteurs dÕorthographe

Bien que les Žcoles ŽquipŽes de matŽriel informatique soient de plus en plus nombreuses, tous les Žlves ne semblent pas disposer dÕordinateur au quotidien.

Mais les enseignants sÕen servent assidžment, et se connectent volontiers ˆ Internet.

A-1 : les dictionnaires en ligne

Le TrŽsor de la langue franaise, indisponible en version papier, mais consultable en ligne, ne nous a pas ŽtŽ citŽ par les professeurs des Žcoles qui ont rŽpondu ˆ notre enqute. Bien dÕautres sont disponibles, essentiellement par lÕintermŽdiaire de Google, le plus connu des moteurs de recherche (pour ne pas dire le seul : sa part de marchŽ atteint 90% en France, 65% dans le monde).

Sans faire une analyse exhaustive de lÕensemble des sources documentaires qui nous ont ŽtŽ indiquŽes, nous avons testŽ 4 dŽfinitions dans Linternaute magazine (dont le dictionnaire annonce en contenir 46 000, ce que nous nÕavons pu vŽrifier) et Mediadico ; nous les reproduisons ci-dessous, en respectant orthographe et mise en page.

Linternaute magazine coeur, nom masculin

Sens 1 Organe musculaire creux, situŽ dans la poitrine, qui permet la circulation sanguine [Anatomie]. Anglais heart

Sens 2 La poitrine. Ex Elle le prit dans ses bras et le serra contre son coeur. Synonyme poitrine

Sens 3 Le sige des Žmotions, des sentiments (amour, courage, amitiŽ, pitiŽ...). Anglais heart Sens 4 Partie au centre de quelque chose [FigurŽ]. Ex Le coeur de l'artichaut.

dictionnaire, nom masculin

Sens Ouvrage de mots et expressions d'une langue, classŽs par ordre alphabŽtique, qui donne leurs dŽfinitions et parfois leurs traductions dans une autre langue. Synonyme encyclopŽdie Anglais dictionary

dire, nom masculin

Sens 1 Ce que quelqu'un dit, affirme. Ex Selon ses dires, il est malade depuis hier. Synonyme affirmation Anglais (selon ses dires) according to him/her, (au dire de) according to

Sens 2 DŽclaration juridique [Droit].

dire, verbe transitif

Sens 1 Prononcer, Žmettre des sons. Synonyme articuler Anglais to say something

Sens 2 Signifier, dŽvoiler, indiquer. Ex Une remarque qui en dit long sur son Žtat d'esprit.

L'horloge dit huit heures. Synonyme signifier

Sens 3 Ordonner. Ex Dis-lui de me rappeler quand elle rentrera. Synonyme commander Anglais to tell somebody to do something

Sens 4 Exprimer, faire part de. Ex Dire son opinion. Synonyme communiquer Anglais (vŽritŽ, secret) to tell (somebody) somesthŽsie

Une fois passŽe la surprise (qui ne devrait pas en tre une pour lÕinternaute) causŽe par lÕorthographe du mot c Ï u r, ici coeur (le mot est introuvable ˆ sa bonne orthographe), on notera que ces dŽfinitions ne respectent aucune rgle lexicographique. Les mots dÕentrŽe figurent sans dŽterminant ; ˆ cÏur, certaines dŽfinitions en sont pourvues (mais pas toutes), ˆ dictionnaire et dire, ce nÕest pas le cas. Ë dictionnaire, on apprend que lÕordre alphabŽtique des entrŽes est consubstantiel ˆ lÕobjet dictionnaire, et que dictionnaire et encyclopŽdie sont synonymes. Le dire (dÕexpert) nÕest pas une Ç dŽclaration juridique È (syntagme, en outre, dŽpourvu de sens), mais un mŽmoire, ou une sŽrie dÕobservations consignŽes sur un registre. Quant au verbe dire, sa premire dŽfinition fait bon marchŽ de la rgle de commutabilitŽ. Et que vient faire ici le mot somesthŽsie (pour information : Ç aptitude ˆ ressentir physiquement des sensations, ensemble des sensations corporelles È) ? Le francophone qui ignore lÕanglais aura sans doute du mal ˆ identifier la (probable : tout permet de le supposer, rien ne permet de lÕaffirmer) coquille qui a transformŽ something en somesthŽsie.

Pour rŽsumer : le mot cÏur nŽglige la graphie Ï, que la Toile intgre aussi mal que les lettres accentuŽes. La dŽfinition de dictionnaire est partiale ; le dernier sens du substantif d i r e est faux ; la dernire ligne de lÕentrŽe d i r e (verbe) est incomprŽhensible.

Mediadico

Une des quatre couleurs du jeu de cartes.

Avoir, prendre quelque chose ˆ coeur: y prendre beaucoup d'intŽrt.

S'en donner ˆ coeur joie: profiter.

Avoir le coeur sur la main: tre gŽnŽreux.

De bon coeur: volontiers.

DŽsigne Žgalement des dictionnaires qui portent sur un aspect ou sur un domaine particulier de la langue : un dictionnaire de synonymes, un dictionnaire d'orthographe, un dictionnaire de conjugaisons, un dictionnaire d'homonymes, un dictionnaire de rimes.

Paralllement aux dictionnaires monolingues, il existe des dictionnaires bilingues, voire multilingues, qui donnent les traductions des mots d'une langue vers une ou plusieurs langues

Žtrangres.

On donne aussi le nom de dictionnaire ˆ des ouvrages de type encyclopŽdique qui contiennent, classŽ par ordre alphabŽtique ou thŽmatique, tout ce qui concerne une science, un art, des faits ou des noms. Un dictionnaire de mathŽmatiques, un dictionnaire de mŽdecine, un dictionnaire d'Žconomie, un dictionnaire d'informatique, un dictionnaire de noms propres.

dire expressions ŽnumŽrŽes sans ordre apparent. Dans dictionnaire, les rgles lexicographiques sont nŽgligŽes et (comme plus haut), lÕordre alphabŽtique est prŽsentŽ comme une caractŽristique intangible. Les dŽfinitions de dire (verbe) et dire (substantif) sont Žtiques. Ajoutons que (pour compenser la maigreur de lÕinformation ? pour sÕapproprier les mŽrites dÕun illustre anctre ?), aprs ces menues dŽfinitions, le site livre au lecteur le texte complet du LittrŽ, sans commentaire ni prŽsentation. Que vient donc faire ici lÕancien condisciple de Louis Hachette ?

Ë lՎvidence, de tels articles ne permettent gure de vŽrifier le (les) sens des mots. Ni de perfectionner son orthographe. PrŽcisons que nous nÕavons pas choisi ˆ dessein des articles particulirement mauvais pour asseoir notre propos, hormis le mot dictionnaire, ces mots (il est vrai plurisŽmiques, mais lՎtude de monosmes nÕaurait pas ŽtŽ significative) ont ŽtŽ pris au hasard.

Il manque ˆ ces objets documentaires une fonction essentielle du dictionnaire, la fonction dŽfinitionnelle. Victime de lÕeffet Canada Dry (Ç ‚a ressemble ˆ lÕalcool, cÕest dorŽ comme lÕalcoolÉ mais ce nÕest pas de lÕalcool È), lÕinternaute peut ˆ premire vue prendre pour des dŽfinitions des ŽnoncŽs qui nÕen sont pas. Sur le plan philosophique, la dŽfinition est un Ç ensemble de propositions qui analysent la comprŽhension dÕun concept È, et, dans le langage courant, une Ç explication prŽcise de ce quÕun mot signifie. È (DFH, p. 445). On conviendra que Ç dŽfinir È le dictionnaire comme un Ç ouvrage de mots È (Linternaute magazine) nÕanalyse pas Ç la comprŽhension [de ce] concept È et ne donne pas davantage une Ç explication prŽcise È sur le sens de ce mot. Et faire du cÏur le Ç moteur de la circulation sanguine È (Mediadico) nÕest pas particulirement Žclairant. Au-delˆ du relevŽ

ŽlŽmentaire du sens premier des mots, le dictionnaire de langue nous permet de vŽrifier ce que nous apprend notre usage spontanŽ de la langue. LÕutilisateur cherche ce quÕil ignore, mais il y accde par ce quÕil conna”t ; on doute que sa connaissance de lÕaspect et du fonctionnement dÕun moteur le conduise au sens du mot cÏur et lÕinforme sur la fonction physiologique de cet organe. Dire que le cÏur Ç permet la circulation sanguine È (Linternaute magazine) nÕest pas plus satisfaisant, le verbe Ç permet È Žtant particulirement inadŽquat.

A-2 : les correcteurs dÕorthographe

Les instructions ministŽrielles stipulent que, dans toute activitŽ mettant en jeu lՎcriture, les Žlves seront conduits ˆ utiliser tous les instruments ˆ leur disposition, dont les correcteurs informatiques. Cette recommandation aurŽole ces derniers du nimbe de lÕinfaillibilitŽ. Or, le plus rŽpandu dÕentre eux, intŽgrŽ au logiciel Word, ne veut pas du quant de quant ˆ ; il propose quand, suant, cant, cants, ou Kant. Il pense que le tandis de tandis que nÕexiste pas, tout comme ˆ lÕenvi (que, toutefois, il admet volontiers lorsquÕil lit ˆ lÕenvie de, syntagme immŽdiatement corrigŽ en ˆ lÕenvi) ou afin, et remplace ces graphies par tendis, ˆ lÕenvie et affin. Il corrige parce (que) en par ce, le manque de blanc entre par et ce le scandalise, tout comme il dŽteste le mme manque dans plupart, quÕil modifie obstinŽment en plu part. Et il refuse le bric dans de bric et de broc, pour un improbable bris ou une solide brique. Il nÕa pas lu La famille Fenouillard, dont la boutique Ë lÕinstar de Paris affiche sur sa porte Ç EntrŽe de lÕinstar È, car il ignore ce mot, proposant ˆ lÕin star, ŽnoncŽ qui brille dans le ciel nocturne, mais dont nous ne parvenons pas ˆ saisir le sens. La langue de La Fontaine (oui, oui, le monsieur ˆ perruque dont les fables sont ŽtudiŽes en classeÉ) lui est Žtrangre, la fourmi ne peut pas tre Ç fort aise È puisque aise ne peut tre un adjectif. Impossible de rŽsoudre les problmes au fur et ˆ mesure, le mot fur nÕexiste pas, ni de sÕintŽresser peu ou prou ˆ une question dÕhistoire : le mot prou nÕa pas davantage dÕexistence. Ne parlons pas de son usage trs particulier des capitales, de la bizarrerie de ses accords grammaticaux, de ses contradictions ˆ lÕintŽrieur du mme texte dÕun paragraphe ˆ lÕautre, de ses affirmations Žtranges, etc.

Franois de Closets, dans son ouvrage ZŽro faute (2009), se lance dans un fougueux plaidoyer pour lÕusage du correcteur informatique ; il recommande la consultation de correcteurs morphosyntaxiques, capables de pallier les insuffisances des outils Ç de base È dont la fonction est intŽgrŽe au traitement de texte. Il affirme que lÕordinateur ne prend pas sur lui dÕeffectuer les corrections, se contentant le plus souvent de faire des propositions.

Ç Le plus souvent È, sans doute, mais pas toujours. Le correcteur peut se montrer fort directif : en premire lecture, morphosyntaxiques a ŽtŽ, dÕautoritŽ, corrigŽ en monophonŽmatiques, pour des raisons qui nous demeurent mystŽrieuses ; les deux mots sont aussi spŽcialisŽs et aussi rares lÕun que lÕautre. Dans un registre moins technique, le terme plurisŽmique est toujours sŽvrement changŽ en plurilingue.

Ne contestons, cependant, pas lÕutilitŽ de ces correcteurs que les Canadiens nomment correcticiels ; encore faut-il ne point leur faire une confiance aveugle. Cette prudence sÕapplique aussi ˆ ces auxiliaires perfectionnŽs que sont les logiciels Antidote, Cordial ou Prolexis (relativement rŽpandus en France), et ˆ plusieurs autres moins diffusŽs. Certaines options portent sur le niveau de langue et signalent les phrases jugŽes trop longues, des expressions considŽrŽes comme archa•ques ou trop littŽraires, des ponctuations discutables. DÕautres correcteurs intgrent un dictionnaire de co-occurrences (800 000 items) qui permet de choisir lÕadjectif le plus juste pour accompagner un mot. Conquis par leur supposŽe plurivalence (leur omniscience ?), F. de Closets les considre comme de Ç vŽritable[s] prof[s] de franais È parce quÕils relvent les formes passives, impersonnelles, les phrases trop longues ou sans verbes, les clichŽs.

Mme si ces outils, certes Ç imbattables sur les doubles consonnes È, sont infaillibles sur le plan orthographique (ce qui reste ˆ prouver), leurs prŽsupposŽs laissent rveur. Sur quels critres se fondent-ils pour juger quÕune phrase est trop longue ? quÕune expression est archa•que ou Ç trop littŽraire È (lÕusage dÕune langue littŽraire est donc, apparemment, considŽrŽ comme peccamineux ou ringard) ? Que tel adjectif est Ç juste È et quÕun autre ne lÕest pas ? Il y a lˆ un risque de normalisation, de neutralisation de lՎcriture. Se prenant pour Procuste, le correcteur couche tous les textes sur le lit de la banalitŽ. Est-ce une bonne idŽe de suivre ses suggestions si lÕon veut favoriser, chez les Žcoliers, lÕoriginalitŽ de lÕexpression Žcrite ?

DÕautant que ces suggestions sÕapparentent souvent ˆ des ordres. Voici quelques-unes des (innombrables) volŽes de bois vert informatiques que nous a values cette thse. Ë lՎcran, le ton est parfois aimable. Chaque apparition de Ç quÕon È suscite lÕobservation Ç en style soutenu on prŽfre utiliser Òque lÕonÒ È. Le subjonctif nÕest pas en odeur de saintetŽ : la phrase Ç il est plus vraisemblable quÕil ait ŽtŽ cartonnŽ È ne pla”t pas, car Ç ait : cette forme subjonctive semble anormale dans ce contexte È (nous nous demandons encore pourquoi). Mais fŽrule, martinet et bonnet dՉne ne sont jamais loin. Impossible dՎcrire Ç en reprenant dans la liste È, car Ç la prŽposition correcte [cÕest nous qui soulignons] est ÒsurÒ È. Tout aussi inadmissible est cette autre phrase : Ç certains maires dŽclarant quÕils nÕont pas de fondsÉ È, puisque Ç ont : ce verbe [sans doute le participe prŽsent dŽclarant] impose [cÕest nous qui soulignons] une complŽtive au subjonctif. È Et les variations stylistiques sont vouŽes aux gŽmonies, le censeur dŽteste Ç dont ils constatent les dŽsastreux rŽsultats È : en effet, Ç dŽsastreux rŽsultats : cet adjectif prŽcde rarement le

nom È. Dans certains logiciels, le correcteur, sentencieux, met en garde le rŽdacteur supposŽ incompŽtent en lui faisant remarquer que Ç dans un texte non littŽraire, lÕemploi du passŽ simple nÕest pas recommandŽ È. Ce qui fait de lui le juge ultime des intentions de lÕauteurÉ

LÕadulte familier de lՎcriture sÕamusera (sÕagacera, sÕil est pressŽ ou de mauvaise humeur) de ces cuistreries, mais lÕenfant ? LՎcolier ? Osera-t-il passer outre ? Ou bien se bornera-t-il ˆ lÕexpression la plus neutre, la plus incolore, comme le lui suggre cet outil dont la ma”trise est non pas seulement conseillŽe, mais exigŽe ? Ces correcteurs ont si bonne presse ˆ lՎcole et au collge, et sont dÕun maniement si aisŽ par lՎlve, quÕils dispensent souvent du moindre effort.

Danile Sallenave en porte tŽmoignage ; elle a ŽtŽ invitŽe, en 2007-2008, ˆ assurer

ˆ plusieurs reprises le cours de franais dans deux classes de troisime du collge toulonnais de la Marquisanne. Unique contrainte : aprs discussion avec lՎquipe enseignante, ses interventions, libres dans leur forme, devaient respecter le programme. Lors dÕun de ses voyages, un Žlve ˆ qui elle expliquait la nŽcessitŽ de respecter lÕorthographe lui a rŽpondu : Ç Mais madame, lÕorthographe, on sÕen fiche, lÕordinateur, il corrige tout È.

On admire (ou on dŽplore) cette foi du charbonnier : lÕordinateur corrige toutÉ Mme si cՎtait le cas, F. de Closets, malgrŽ son enthousiasme, prŽcise quÕil est inutile dÕattendre de lÕinformatique le zŽro faute sans effort, car ce rŽsultat suppose tout ˆ la fois Ç une premire connaissance du franais et, surtout, une utilisation experte des correcteurs È.

Cette Ç utilisation experte È est privilŽgiŽe par lÕauteur (Ç surtout È) qui semble juger seconde la Ç premire connaissance du franais È ; quÕil nous soit permis de nous

Žtonner de cette hiŽrarchie : la ma”trise dÕune technique serait donc plus importante que la connaissance de lÕobjet auquel elle sÕappliqueÉ Il serait donc plus important pour un Žtudiant en mŽdecine de savoir interprŽter les indications dÕun thermomtre que de diagnostiquer, chez un patient, la pathologie dont sa fivre est un sympt™me.

Si utiles que soient ces outils, il nÕest pas raisonnable, chacun en convient, de laisser les Žlves en tte ˆ tte avec un appareil qui rectifie leurs erreurs (ou ne les rectifie pas). Cela risque de leur donner, comme aux collŽgiens de D. Sallenave, lÕillusion dÕune infaillibilitŽ technique rendant inutile tout cursus scolaire. Des Žcoliers en plein effort dÕapprentissage pourraient se muer en consommateurs passifs. Voire en consommateurs ˆ la fois passifs et abusŽs, tant les risques dÕerreurs sont nombreux et (si lÕon ose dire) pervers. Plus rŽpandus en AmŽrique du Nord et, en gŽnŽral, dans le monde anglo-saxon quÕen France, les correcticiels ont fait lÕobjet dՎtudes universitaires en Australie et au Canada. Les chercheurs invitent ˆ mettre en doute systŽmatiquement toute proposition du correcteur.

Comment, ˆ 8 ou 9 ans, peut-on pratiquer ce Ç doute systŽmatique È ˆ propos de quelque chose que les adultes prŽsentent comme la vŽritŽ, puisquÕils demandent aux enfants dÕen tenir compte ? CÕest au professeur de franais que revient la t‰che de montrer aux Žlves que, loin dՐtre infaillible, la machine dŽclenche de fausses alarmes, oublie de vraies fautes, voire en ajoute. CÕest ˆ lui dÕinsister sur lÕimportance

des rgles grammaticales qui, seules, permettront aux enfants de choisir entre les diverses solutions qui apparaissent sur lՎcran.

CÕest dÕautant plus important que les correcticiels ne se contentent pas toujours de proposer des orthographes discutables ou des accords aventureux ; il leur arrive de suggŽrer (avec, rappelons-le, lÕautoritŽ qui leur est couramment attribuŽe) de vŽritables (si lÕon ose dire) fautes, difficiles ˆ repŽrer pour un Žcolier. Voici quelques exemples parmi beaucoup dÕautres.

Faute dÕorthographe

Texte examinŽ par le correcteur Correction Ç laisser les Žlves en tte ˆ tte avec un

appareilÉ È

Ç laisser les Žlves en tte ˆ tte avecÉ : Un trait dÕunion semble nŽcessaire È

La Ç machine È confond le substantif masculin, le tte-ˆ-tte, qui (avec deux traits dÕunion et non un seul) dŽsigne un sige ˆ deux places en vis-ˆ-vis en forme de S, ou un service ˆ cafŽ ou ˆ thŽ pour deux personnes, avec la locution adverbiale qui (prŽcisent tous les dictionnaires) ne comporte pas de traits dÕunion.

Faute de sens

Texte examinŽ par le correcteur Correction Ç la langue quÕil parle est un Žtonnant

mŽlangeÉ È

Ç qu : La forme correcte est : dont. È

Le correcticiel confond deux sens du mot parler. Dans le texte jugŽ incorrect, parler est un verbe transitif direct qui signifie Ç pouvoir sÕexprimer, converser dans (une langue). Parler franais, anglais. È. Le correcteur veut lui substituer un verbe transitif indirect qui signifie Ç donner son avis sur (qqch., qqn). Parler du franais des citŽs. È.

LÕacquiescement ˆ cette suggestion (plut™t impŽrative : Ç la forme correcteÉ È) produit un contresens.

Faute de grammaire

Texte examinŽ par le correcteur Correction

Ç que se passe-t-il si lÕon fait partieÉ È Ç fait : Cette conjonction de subordination impose le subjonctif. È

Curieuse affirmation, assŽnŽe comme vŽritŽ rŽvŽlŽe. Le correcteur est seul de son avis ; tous les dictionnaires (DFH, p. 1534-1535 ; Nouveau Petit Robert 1 [1993], p.

2086) prŽcisent que si est toujours suivi dÕune subordonnŽe ˆ lÕindicatif. La remarque qui impose (cÕest nous qui soulignons) le subjonctif impose donc pŽremptoirement une faute de grammaire.

Comment peut-on, sur les bancs de lՎcole, dŽjouer ces piges ? CÕest ici quÕintervient la relation enseignant / enseignŽ, au cÏur de tout projet pŽdagogique, relation qui permet dՎviter (ou de limiter) certains dangers du Ç tout numŽrique È :

Ç Plus besoin de compter, il y a des calculettes ; plus besoin de mettre lÕorthographie, disent ÒmesÒ Žlves, lÕordinateur sÕen charge. Je confonds le nord et le sud ? Je ne suis pas capable de

La technique ne se donne pas ˆ comprendre, seulement ˆ utiliser. È (2009, D. Sallenave, Ç Nous, on nÕaime pas lire È, p. 125-126)

DÕautant que la ma”trise de lÕorthographe est plus que jamais nŽcessaire. Il y a quinze ans, dans une entreprise, on rŽglait un problme en un coup de fil, il faut aujourdÕhui envoyer un courriel ˆ plusieurs personnes, et en garder copie. Ce courrier Žlectronique doit tre vierge de toute faute : la moindre bourde se voit, sur un

Žcran, comme le nez au milieu de la figure.

Si nŽcessaire quÕelle soit, cette ma”trise peut faire dŽfaut. En octobre 2008, dans Livreshebdo, une offre dÕemploi concernant un poste de technicien de fabrication prŽcisait, aprs les requis habituels (dipl™mes, expŽrience) : Ç excellente orthographe exigŽe È. Il semblait, pourtant, que, dans lՎdition, cela allait de soi. Il faut croire que non : dans presque tous les numŽros de ce mme hebdomadaire, une Ç correctrice faute grammaticale, orthographiqueÉ È offre ses services dans une petite annonce. LՎditeur rappelant une des exigences fondamentales des mŽtiers du livre a peut-tre eu des dŽboires avec un collaborateur qui croyait, comme les Žlves de D. Sallenave, que Ç lÕordinateur, il corrige tout È. Et la correctrice (que lÕon imagine utilisatrice compulsive du dictionnaire papier, et qui en a sans doute rŽduit plusieurs en charpie depuis son CP) a peut-tre un bel avenir devant elle.