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Le dictionnaire monolingue dans l'apprentissage du français à l'école élémentaire. Histoire et rôle pédagogique, de la monarchie de Juillet à nos jours

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(1)

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Submitted on 24 Sep 2013

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Le dictionnaire monolingue dans l’apprentissage du français à l’école élémentaire. Histoire et rôle pédagogique, de la monarchie de Juillet à nos jours

Françoise Guérard

To cite this version:

Françoise Guérard. Le dictionnaire monolingue dans l’apprentissage du français à l’école élémentaire.

Histoire et rôle pédagogique, de la monarchie de Juillet à nos jours. Linguistique. Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III, 2010. Français. �NNT : 2010PA030061�. �tel-00865517�

(2)

UNIVERSITƒ SORBONNE NOUVELLE-PARIS 3

ƒCOLE DOCTORALE 268

Langages et langues!: description, thŽorisation, transmission

Thse de doctorat Sciences du langage

Franoise GUERARD

Le dictionnaire monolingue dans lÕapprentissage du franais

ˆ lՎcole ŽlŽmentaire

Histoire et r™le pŽdagogique,

de la monarchie de Juillet ˆ nos jours

Thse dirigŽe par Jean-Marie OdŽric Delefosse, professeur des UniversitŽs ŽmŽrite, IUFM dÕOrlŽans-Tours

Thse soutenue le 8 octobre 2010

Jury ! : Mary-Annick MOREL,

professeur des UniversitŽs ŽmŽrite, universitŽ Sorbonne nouvelle-Paris3, prŽsidente Jean-Marie-OdŽric DELEFOSSE,

professeur des UniversitŽs ŽmŽrite, IUFM dÕOrlŽans-Tours, directeur de thse Franois GAUDIN, professeur des UniversitŽs, universitŽ de Rouen, rapporteur

Jean PRUVOST, professeur des UniversitŽs, universitŽ de Cergy-Pontoise, rapporteur

(3)

Ë mon grand-pre Daniel de Seze, en souvenir du refrain qui a bercŽ mon enfance ! : Ç ! Passe-moi le LittrŽ, je te prie ! È.

In memoriam.

(4)

Je remercie

tous ceux qui mÕont apportŽ leur appui, en particulier

le professeur Jean-Marie OdŽric Delefosse, qui a cru ˆ ce projet, mÕa initiŽe aux travaux quÕil dirige et mÕa constamment soutenue de ses conseils ;

le professeur Jean Pruvost qui mÕa gŽnŽreusement accueillie dans son Žquipe ˆ Cergy-Pontoise ;

le professeur Colette Cortes, qui mÕa offert la possibilitŽ de communiquer aux

Žtudiants du DESS dÕIndustries des langues de lÕUFR E.I.L.A. (UniversitŽ Paris 7) le peu que je sais en lexicographie et dictionnairique, et mÕa accordŽ son patronage lorsque jÕai entamŽ ce travail ;

Claudie Juilliard, engagŽe ds lÕorigine dans lÕaventure de ce DESS quÕelle a contribuŽ ˆ fonder et quÕelle a inlassablement animŽ ; elle mÕa introduite dans un univers qui mՎtait Žtranger et y a facilitŽ mes dŽbuts ;

ƒlisabeth Brisson, enseignante et Žcrivain, docteur en histoire, qui mÕa accordŽ un appui sans rŽserve ;

lՎquipe de CALIPSO, qui mÕa ouvert ses portes et mÕa fait participer ˆ ses recherches ;

dans cette Žquipe, Martine Vertalier, pour son attention et ses remarques

perspicaces ; Natacha Espinosa, pour sa vitalitŽ et son regard amical et ironique ; Christiane Morinet, pour les informations quÕelle mÕa transmises avec autant de cŽlŽritŽ que dÕamabilitŽ ;

Philippe Doray, chercheur infatigable et compagnon de travail depuis de longues annŽes ;

Aldona Kucharska, responsable des archives Hachette, qui a rŽpondu patiemment ˆ mes questions ;

les responsables de lÕIMEC, ˆ lÕabbaye dÕArdenne (Saint-Germain-la-Blanche- Herbe), qui mÕont communiquŽ de prŽcieux documents ;

les directeurs Žditoriaux dÕHatier, de Larousse et dÕHachette qui ont consacrŽ du travail et du temps ˆ rŽpondre ˆ mes questions ; ma gratitude va tout

particulirement ˆ Yves Garnier et Jean-Marc RŽgnier ;

Bruno de Loynes de Fumichon, ma”tre de confŽrences ˆ Paris I, qui mÕa donnŽ

dÕintŽressants renseignements sur la persistance du latin dans lÕenseignement

supŽrieur ;

(5)

Jeanne Garcette, qui a ŽvoquŽ pour moi sa pratique dÕenseignante en maternelle ; Aygline Ollivier, professeur des Žcoles, qui mÕa fait partager ses expŽriences sur lÕusage des dictionnaires ˆ la fin du cursus primaire ;

Sophie Urwald, qui a bien voulu enquter sur Ç le dictionnaire ˆ lՎcole È et a associŽ

ˆ cette enqute le directeur et les enseignants du groupe scolaire de Haut-Mauco (Landes), ˆ qui jÕexprime ma gratitude ;

tous les professeurs des Žcoles qui ont participŽ ˆ mon enqute ;

les Žcoliers et les Žcolires qui mÕont ™tŽ quelques illusions et mÕont ravie par leur spontanŽitŽ et leur bon sens ;

les premiers lecteurs de ce texte, dont les remarques mÕont ŽtŽ prŽcieuses, Marc Belissa, ƒlisabeth Brisson, Philippe Doray, Bernard Jourdes, AndrŽ et Daniel Pozner qui ont, en outre, traduit en anglais titre et rŽsumŽ ;

Daniel Sklar qui, de lÕautre c™tŽ de lÕAtlantique, a donnŽ son imprimatur ˆ cette version ;

Isabelle de Laborde Lassale, qui a mis ˆ ma disposition rŽcits dÕenfance et mŽmoires dont le ton intime, attendri ou rageur, donne figure humaine ˆ ce mŽmoire ;

Francienne dÕEstalenx qui mÕa permis de conna”tre les travaux Žrudits de son pre sur les parlers occitans, leurs variantes et leurs survivances ;

Henri Testemale et lÕabbŽ Joseph Dubrasquet, dont les souvenirs font revivre des aspects mŽconnus de lÕhistoire de lՎducation ;

Paul Kujawski, qui a dŽblayŽ pour moi un maquis administratif dont je ne serais pas sortie seule ;

et tous ceux qui mÕont accompagnŽe de leurs encouragements (ou de leurs

affectueux sarcasmes), notamment Bernard et Claude Bazin, SŽverine Goulay,

Marianne Massin, Sacha Pozner, et bien dÕautres.

(6)

Note liminaire

De lՎdition ˆ la recherche

Cette Žtude est le fruit dÕexpŽriences diverses. Un dipl™me de technicien dՎdition, plusieurs annŽes dans divers services de fabrication, un passage ˆ la revue Enfance fondŽe par Henri Wallon, la mise au point de collections dÕouvrages documentaires pour la jeunesse, la direction de la rŽdaction de Tout lÕUnivers, lՎdition dÕencyclopŽdiesÉ

Ë la naissance du dŽpartement Ç Hachette encyclopŽdies È, Vincent Brugre-TrŽlat nous a confiŽ la direction de lÕEncyclopŽdie gŽnŽrale Hachette, puis celle du dŽpartement. CÕest ˆ la confiance quÕil nous a manifestŽe quÕest due notre plongŽe dans lÕunivers du dictionnaire. En effet, au moment o la rŽalisation de cette encyclopŽdie arrivait ˆ son terme, la librairie Hachette a dŽcidŽ Ç dÕattaquer Larousse dans son sanctuaire sacrŽ : le dictionnaire encyclopŽdique en un volume. È (2004, Vincent Brugre-TrŽlat, Carnets dÕun tŽmoin du sicle [1926-1988], p. 363).

Une structure souple, organisŽe en deux Žquipes chargŽes lÕune de la partie encyclopŽdique, lÕautre de la partie lexicographique, a entrepris la rŽalisation dÕun fort volume de grand format, trs illustrŽ, le Dictionnaire Hachette (1980). Nous en avons assumŽ la responsabilitŽ. La dictionnairique et la lexicographie sont devenues pour nous une pratique quotidienne, et le sont demeurŽes. Cet ouvrage a ŽtŽ suivi, la mme annŽe, dÕun premier dictionnaire de langue, le Dictionnaire Hachette de la langue franaise, qui a servi de base ˆ un deuxime ouvrage, plus abouti et plus riche, le Dictionnaire du franais (1987).

Paralllement sÕesquissait une rŽflexion sur ce quÕil est convenu dÕappeler Ç les industries de la langue È, de manire ˆ Ç produire une architecture notionnelle capable dÕorganiser un ThŽsaurus gŽnŽral du franais et de servir de rŽfŽrence scientifique et lexicale dans les industries informatiques de la langue. È (2007, Ph.

Doray, ƒtymons et fondements sŽmantiques, p. 5). Le projet, faute de perspicacitŽ

de lՎditeur, a sombrŽ aprs la rŽalisation du trs modeste et trs imparfait Zyzomys

(1988), qui nÕa dÕautre mŽrite que dÕavoir ŽtŽ le premier Ç dictionnaire informatisŽ È

du marchŽ franais des dictionnaires gŽnŽraux monolingues.

(7)

Les Žditions Hachette ont, ˆ cette Žpoque, changŽ de politique Žditoriale ; cÕest alors que le professeur C. Corts et son Žquipe nous ont demandŽ dÕassurer un enseignement en lexicographie et dictionnairique dans le cadre du DESS Ç Industries de la langue et traduction spŽcialisŽe È au sein de lÕUFR EILA, ˆ lÕuniversitŽ Paris 7-Denis Diderot.

PersuadŽs que les dictionnaires sont tous pareils et rendent tous les mmes services, insoucieux des spŽcificitŽs et du fonctionnement de ces outils familiers, les

Žtudiants en ont dŽcouvert les rgles dՎlaboration et lÕinfinie diversitŽ. En les guidant dans lՎtude de la macrostructure et les finesses de la microstructure, nous les avons aidŽs ˆ ma”triser lÕusage non pas du dictionnaire mais des dictionnaires.

Ë cette occasion, nous avons constatŽ lÕabsence dÕun panorama sinon exhaustif du moins raisonnablement fiable de lՎdition dictionnairique ; il nÕexistait, ˆ la fin du sicle dernier, dÕautres listes que celles Žtablies par G. MatorŽ (1968, Histoire des dictionnaires franais) et B. Quemada (1968, Les dictionnaires du franais moderne). Il sÕagit dՎtudes pionnires dont les auteurs font remarquer quÕelles ne sont pas exemptes dÕoublis ou dÕerreurs. Elles demeurent une inapprŽciable source de documentation. En les consultant, nous avons pris conscience de lÕoubli dans lequel Žtait tombŽe la quasi-totalitŽ de ces dictionnaires qui, pour partie, sont mme ignorŽs du catalogue gŽnŽral de la Bibliothque nationale de France et du Catalogue collectif de France.

Sans vouloir remonter ˆ R. Estienne en son XVI

e

sicle, et en nous bornant aux deux cents dernires annŽes, personne, hormis quelques rares spŽcialistes, ne conna”t dÕautres ouvrages du XIX

e

sicle que Larousse et LittrŽ, parfois Bescherelle ou Larive et Fleury, peut-tre N. Landais ou Mgr GuŽrin.

Le cursus Ç dictionnairique et lexicographie È du DESS comprenait la critique dÕarticles de dictionnaires et la comparaison du traitement dÕune mme entrŽe dÕun dictionnaire ˆ lÕautre ; cela impliquait dՎtudier comment, ˆ telle Žpoque, on concevait lÕinformation et la manire de lÕexposer. La qute de textes ˆ analyser et ˆ confronter nous a poussŽe ˆ nous intŽresser ˆ lÕhistoire de lՎdition de dictionnaires. Les premiers jalons de ces recherches ont fait lÕobjet (1991) dÕune communication (non publiŽe) pour un sŽminaire de DEA (Paris 7, UFR EILA), Les dictionnaires oubliŽs du XIX

e

sicle et leurs Žditeurs, et dÕun article, Le discours encyclopŽdique dans les dictionnaires franais du XIX

e

sicle (1993, Cahiers du CIEL).

Ë lÕexception des relevŽs de G. MatorŽ et B. Quemada, la bibliographie Žtait alors

Žtique. Les linguistes et les historiens de la langue se prŽoccupent uniquement des ouvrages dÕimportance, et lÕhistoire de lՎdition nŽglige ce type de production. R.

Chartier et H.-J. Martin nÕy font que deux brves allusions, lÕune en Žvoquant P.

Larousse, lÕautre pour prŽciser : Ç Nos listes de best sellers ne tiennent pas compte de certains ouvrages trs importants, quÕil a ŽtŽ difficile dÕintŽgrer dans une telle

Žtude. Nous nÕavons comptŽ ni les Bibles [É] ni les dictionnaires. È (1985, Histoire de lՎdition franaise ; le temps des Žditeurs, du romantisme ˆ la Belle ƒpoque, p.

392).

(8)

Il fallait donc chercher lÕinformation hors des bibliothques. Le dŽpouillement de catalogues de libraires dÕancien et la frŽquentation de brocantes et autres vide- greniers ont abouti ˆ un entassement hŽtŽroclite dÕouvrages de taille fort dissemblable, de lÕin-32¡ au grand in-4¡, le plus souvent dans un Žtat lamentable.

Certains sont anonymes, dÕautres ont pour auteurs des personnages dont le nom mme ne figure plus nulle part, ou pour Žditeurs des entreprises disparues. CÕest alors que nous avons appris lÕexistence dÕun dictionnaire dÕauteur inconnu Ð ThŽodore Soulice Ð, mais dՎditeur fort cŽlbre : Louis Hachette. Il Žtait ancien Ð 1836 Ð et expressŽment destinŽ ˆ lÕenseignement ; il avait pour titre Petit dictionnaire de la langue franaise ˆ lÕusage des Žcoles primaires. CÕest, historiquement, le premier ˆ revendiquer cette spŽcificitŽ.

Cette dŽcouverte a orientŽ notre recherche vers lÕusage du dictionnaire dans lÕenseignement. Et, plus prŽcisŽment, dans lÕenseignement primaire, en nous plaant dans une perspective historique, avant dՎvoquer les usages pŽdagogiques contemporains.

Cette recherche nÕaurait pu aboutir sans notre rencontre avec le professeur J.-M.O.

Delefosse, qui a jugŽ le sujet digne dÕintŽrt. Nous lui avons soumis nos esquisses et il nous a encouragŽe ˆ les approfondir et ˆ les formaliser sous forme de thse. CÕest

ˆ son ouverture dÕesprit et ˆ sa bienveillance que ce texte doit son existence. Son appui a levŽ divers obstacles administratifs ; il nous a intŽgrŽe ˆ son Žquipe de recherche, Calipso (EA 170), et nous a ainsi permis de prŽsenter nos travaux aux chercheurs et aux Žtudiants de Calipso dont les remarques nous ont ŽtŽ prŽcieuses.

Sans lui, cette modeste contribution ˆ lՎtude de la littŽratie nÕaurait jamais vu le jour.

.

(9)

Avant-propos

Au cours de cette thse, nous nous interrogerons sur lÕusage du dictionnaire dans lÕenseignement, notamment dans lÕenseignement primaire, en nous bornant ˆ un seul type dÕouvrage : le dictionnaire franais gŽnŽral monolingue. Notre propos ne concernera ni les dictionnaires bi- ou plurilingues, ni les dictionnaires dits Ç de spŽcialitŽ È.

Avant de traiter de lÕusage du dictionnaire, nous nous attacherons ˆ lÕobjet dictionnaire : quÕest-ce quÕun dictionnaire ? Comment est-il conu et rŽalisŽ ? Et nous tenterons de donner un bref aperu de son histoire, longue de plusieurs millŽnaires.

Le dictionnaire est aujourdÕhui un objet familier, 85% (au moins) des foyers franais en sont ŽquipŽs, tout comme la quasi-totalitŽ des Žcoles. En a-t-il toujours ŽtŽ ainsi ? Les Žcoliers franais en ont-ils toujours possŽdŽ ?

Cela nous conduira ˆ nous intŽresser ˆ lÕhistoire de lÕenseignement, et plus particulirement ˆ lՎpoque o lÕenseignement primaire public a ŽtŽ, en France, institutionnalisŽ et organisŽ par lՃtat. LÕutilisation des outils pŽdagogiques Ð catŽgorie dans laquelle nous rangeons, bien Žvidemment, le dictionnaire Ð dŽpend de lՎtat de lՎcole, le mot Ç Žtat È Žtant pris dans son sens le plus gŽnŽral, Ç situation, disposition dans laquelle se trouve une chose, un ensemble de choses È (1987, Dictionnaire du franais, p. 589). Cette plongŽe historique donne de la France de 1830 une image qui, par bien des c™tŽs, Žvoque les pays Žmergents et le tiers- monde, en particulier pour ce qui tient ˆ lՎtat de lՎcole.

CÕest ˆ cette Žpoque Ð la monarchie de Juillet Ð quՎmerge le marchŽ du dictionnaire

destinŽ ˆ lÕenseignement. Nous nous attacherons au premier ouvrage explicitement

conu pour lÕenseignement ŽlŽmentaire, le Petit dictionnaire de la langue franaise ˆ

lÕusage des Žcoles primaires, de Th. Soulice. Nous tenterons de rŽpondre ˆ la

question Ç quel dictionnaire pour quelle Žcole ? È en lÕanalysant et en le comparant ˆ

un autre ouvrage strictement contemporain, le Nouveau vocabulaire de la langue

franaise, de Sauger-PrŽneuf et DŽtournel, pour dŽgager des lignes de force et

apprŽcier la pertinence des choix opŽrŽs dans chacun de ces deux ouvrages.

(10)

AujourdÕhui, le dictionnaire franais semble dÕusage quasi quotidien ˆ lՎcole

ŽlŽmentaire. QuÕen est-il exactement ? De quel(s) dictionnaire(s) sÕagit-il ? Est-il (sont-ils) couramment consultŽ(s) par les enseignants et les Žlves ? Quel r™le joue(nt)-il(s) dans lÕapprentissage de la langue maternelle ? Quelle place occupent les outils numŽriques ?

Pour tenter de rŽpondre ˆ ces questions, notre thse sÕorganise en trois parties consacrŽes, respectivement, ˆ lÕinstitutionnalisation de lÕenseignement primaire ; ˆ lÕadaptation des premiers dictionnaires ˆ cet enseignement ; ˆ lÕusage actuel du dictionnaire ˆ lՎcole. Ces trois parties sont prŽcŽdŽes dÕun prŽambule qui sÕattache

ˆ la dŽfinition du dictionnaire, ˆ son Žlaboration et ˆ son histoire.

Nous tiendrons toujours compte du contexte historique, cette dŽmarche Žtant fŽconde en points de vue inattendus, sans nŽgliger les rapprochements avec dÕautres rŽalitŽs contemporaines.

En conclusion, nous tenterons de dresser un bilan des efforts accomplis et dÕouvrir des perspectives.

Ë cette Žtude sont jointes plusieurs annexes (textes de lois, listes de dictionnaires chronologiquement ou thŽmatiquement classŽs, extraits de rapports officiels, tableaux comparatifsÉ) et une bibliographie.

n.b. Dans toute la mesure du possible, les citations et les titres dÕouvrages figurent ici dans leur orthographe dÕorigine. Les dŽpartements ont gardŽ leur ancien nom. Au XIXe sicle, la Charente, la Loire et la Seine infŽrieures nÕavaient pas remplacŽ Ç infŽrieure È par Ç maritime È ou Ç atlantique È, les PyrŽnŽes de lÕOuest Žtaient basses (et non atlantiques), les Basses-Alpes ne sՎtaient pas haussŽes du col pour devenir Ç de Haute-Provence È, et les C™tes-du-Nord nÕavaient pas troquŽ leur localisation gŽographique pour un Ç dÕArmor È fort celtique.

(11)

S O M M A I R E

P RƒAMBULE 17

1.QuÕest-ce quÕun dictionnaire ? Conception, rŽalisation

17

A. Le mot Ç dictionnaire È ; Žtymologie et dŽfinition 17

Ñ A Ð 1 : ƒTYMOLOGIE

17

Ñ A Ð 2 : DƒFINITION

17

B. Essai de typologie des dictionnaires 19

Ñ B Ð1 : LES DICTIONNAIRES TECHNIQUES

19

Ñ B Ð2 : LES DICTIONNAIRES LINGUISTICO-ENCYCLOPƒDIQUES

19

Ñ B Ð3 : LES DICTIONNAIRES DE LANGUE

20

Ñ B Ð4 : LES DICTIONNAIRES DE TYPE LINGUISTIQUE

20

Ñ B Ð5 : LՃVENTAIL DES POSSIBLES

20

C. La rŽalisation dÕun dictionnaire 21

Ñ C Ð1 : QUEL DICTIONNAIRE POUR QUEL PUBLIC ?

21

a : plurilingue ou monolingue ? 21

b : dictionnaire de spŽcialitŽ ou dictionnaire gŽnŽral ? 21 c : dictionnaire pour adultes ou dictionnaire pour enfants ? 23

Ñ C Ð2 : MACROSTRUCTURE, MICROSTRUCTURE

23

D. Du clavier de lÕordinateur ˆ la table du libraire 24

2. Le dictionnaire au fil du temps 24

A. Une trs longue histoire 24

B. En Europe, avant Gutenberg 25

C. De Robert Estienne ˆ No‘l-Franois de Wailly 26

Ñ C Ð1 : LA LENTE ƒMERGENCE DU MONOLINGUE

27

a : entre tradition et modernitŽ 29

b : langues dÕhier et dÕaujourdÕhui 30

Ñ C Ð2 : LES PREMIERS VRAIS MONOLINGUES

31

Ñ C Ð3 : LE TRIOMPHE DE LA LANGUE NATIONALE

31

a : un foisonnement Žditorial 31

b : de lՎrudition ˆ lÕustensilitŽ, de lՎlite au grand public 32

b Ð1 : la maniabilitŽ 32

(12)

b Ð2 : la modicitŽ du prix 33 b Ð3 : lՎmergence dÕune nouvelle clientle 33 b Ð4 : des mots nouveaux pour un monde nouveau 35

D. Le sicle des dictionnaires 36

Ñ D Ð1 : NOVATEURS, SUCCESSEURS OU ƒPIGONES ?

36

Ñ D Ð2 : UN DƒBUT DE RENOUVEAU

37

Ñ D Ð3 : ƒMILE LITTRƒ ET PIERRE LAROUSSE

39

a : le lexicographe et lÕencyclopŽdiste 39

b : une production foisonnante 41

Ñ D Ð4 : UN VIDE LEXICOGRAPHIQUE

42

a : les dictionnaires de langue 42

b : dictionnaires encyclopŽdiques, dictionnaires militants 42

b Ð1 : dictionnaires et encyclopŽdies 42

b Ð2 : dictionnaires militants 43

b Ð3 : emprunts et dŽrivations 45

E. DÕun sicle ˆ lÕautre 45

Ñ E Ð1 : UN UNIVERS CONCURRENTIEL

46

a : un acteur inattendu 46

b : des initiatives dispersŽes 47

Ñ E Ð2 : LE Ç DEMI-SIéCLE DÕOR È

47

Ñ E Ð3 : LE MARCHƒ DU NUMƒRIQUE

48

Premire partie

I. LÕinstitutionnalisation de lÕenseignement primaire sous la monarchie de Juillet (rappel historique)

49

1. LՎcole en France avant 1830 49

A. LÕAncien RŽgime 49

Ñ A Ð1 : LA VILLE ET LA CAMPAGNE

50

a : lՎcole ˆ la ville 50

b : lՎcole au village 51

c : lÕinstruction des filles 51

B. De la RŽvolution ˆ la Restauration 52

Ñ B Ð1 : LES LOIS SCOLAIRES DE LA RƒVOLUTION

52

Ñ B Ð2 : LÕUNIVERSITƒ IMPƒRIALE

53

Ñ B Ð3 : LA LOI DE 1816

53

2. La naissance de lՎcole publique primaire 55

A. La loi Guizot 55

B. Le rapport Lorain 57

Ñ B Ð1 : LA GƒOGRAPHIE ET LES LANGUES

58

a : les voies de communication 58

b : les langues 59

b Ð1 : le monolinguisme local 61

b Ð2 : le bilinguisme institutionnel 62

(13)

Ñ B Ð2 : LES INSTITUTIONS

63

a : lՎcole et lՃglise 63

b : lՎcole et la municipalitŽ 64

b Ð1 : lÕart du contournement 65

b Ð2 : de la tricherie ˆ lÕillŽgalitŽ 66

b Ð3 : lÕabandon de lՎcole publique 66

Ñ B Ð3 : LES LIEUX DÕENSEIGNEMENT

67

a : le mobilier 68

b : la surpopulation 68

Ñ B Ð4 : LES MAëTRES

69

a : le logement de fonction 69

b : quel ma”tre pour quelle Žcole ? 70

b Ð1 : le ma”tre qui nÕen est pas un 70

b Ð2 : une existence prŽcaire, un revenu alŽatoire 71

b Ð3 : le paiement en nature 72

b Ð4 : des stratŽgies de survie 73

b Ð5 : repris de justice, infirmes et malades 73

c : la professionnalisation 74

Ñ B Ð5 : LE CONTEXTE SOCIAL

76

a : dÕinnombrables obstacles 77

a Ð1 : lÕignorance 77

a Ð2 : prŽjugŽs et privilges 78

a Ð3 : lՃglise et lՃtat 79

Ñ B Ð6 : LES ƒLéVES

81

a : quand les enfants vont-ils ˆ lՎcole ? 81

b : le travail des enfants 82

b Ð1 : labourage et p‰turage 82

b Ð2 : le travail en famille 83

b Ð3 : le travail ˆ lÕextŽrieur de la famille 83

Ñ B Ð7 : LÕINSTRUCTION DES FILLES

84

C. Programmes, mŽthodes, matŽriel pŽdagogique 85

Ñ C Ð1 : LES PROGRAMMES

85

Ñ C Ð2 : LES MƒTHODES

86

Ñ C Ð3 : LES MATIéRES

87

a : la lecture 87

b : lՎcriture 88

c : la grammaire 88

d : le calcul et le systme mŽtrique 88

Ñ C Ð4 : LES LIVRES ET LE MATƒRIEL PƒDAGOGIQUE

89

D. La mise au point dÕune norme 91

Ñ D Ð1 : LES OUVRAGES RECOMMANDƒS Ë LՃCOLE ƒLƒMENTAIRE

92

Ñ D Ð2 : LES OUVRAGES IMPOSƒS DANS LES ƒCOLES NORMALES

92

II. La place du dictionnaire ˆ lՎcole 93

A. Le dictionnaire monolingue 93

B. Le dictionnaire bilingue 94

C. Le dictionnaire, inconnu, mŽconnu, mal aimŽ ? 95

(14)

Deuxime partie

Quel dictionnaire pour quelle Žcole ? (deux dictionnaires publiŽs en 1836)

98

I. Petit dictionnaire de la langue franaise ˆ lÕusage

des Žcoles primaires (Soulice) 98

1. LÕauteur et lՎditeur 98

A. LÕauteur 98

B. LՎditeur 100

2. Un ouvrage ˆ la nomenclature ŽquilibrŽe 101

A. Proportion des entrŽes dans divers dictionnaires 101

B. Le respect des normes 101

3. Fiche technique 102

A. Format et couverture 102

B. Pages introductives 103

Ñ B Ð1 : PAGE DE TITRE

103

Ñ B Ð2 : NOM ET ADRESSE DE LÕIMPRIMEUR

104

Ñ B Ð3 : AVERTISSEMENT

104

Ñ B Ð4 : TABLE DES ABRƒVIATIONS

105

C. Nombre de pages et typographie 105

4. La macrostructure 106

A. Typologie des entrŽes 106

B. Le choix des mots 106

Ñ B Ð1 : LES MOTS DE LA LANGUE

106

a : mots et sens disparus ; dŽfinitions inadŽquates 107

a Ð1 : mots et sens disparus 107

a Ð2 : dŽfinitions inadŽquates 107

b : la nomenclature au crible de la biensŽance 108

b Ð1 : les mots tabous de la physiologie 109

b Ð2 : les mots tabous de la sexualitŽ 109

Mots dont la dŽfinition ne fait aucune allusion ˆ lÕanatomie ou ˆ la physiologie, ne donnant que des sens dŽrivŽs, figurŽs, ou sans rapport

avec lÕanatomie et la physiologie.

111

Mots absents du dictionnaire, qui en donne pourtant des dŽrivŽs.

112

Mot dŽfini, mais utilisŽ dans la dŽfinition dÕun autre mot dans

un sens diffŽrent

112

c : les mots venus dÕailleurs 113

Mots dÕorigine turque ou arabe

113

Mots dÕorigine russe

115

Mots dÕorigine britannique

115

Ñ B Ð2 : LES NOMS PROPRES

116

C. La cohŽrence 117

(15)

a : renvois non honorŽs 117

b : renvois omis 118

Ñ C Ð2 : QUELQUES BALBUTIEMENTS

118

Ñ C Ð3 : TRAITEMENTS DES ENTRƒES DE LÕENSEMBLE Ç CHRISTIANISME È

119

D. LÕadaptation de lÕouvrage ˆ son public 121

Ñ D Ð1 : MESURES ANCIENNES

122

a : mesures de longueur et de superficie 122

b : mesures de poids et de capacitŽ 123

Ñ D Ð2 : NOUVELLES MESURES

123

a : mesures de longueur et de superficie 124

b : mesures de poids et de capacitŽ 124

5. La microstructure 125

A. Les mots de langue 125

Ñ A Ð1 : LES CATƒGORIES GRAMMATICALES (mots variables et invariables)

126

Ñ A Ð2 : LES CONJUGAISONS (verbes)

126

Ñ A Ð3 : DIFFICULTƒS ET EXCEPTIONS Ë LA RéGLE

127

Ñ A Ð4 : SENS FIGURƒS ET NIVEAUX DE LANGUE

128

Ñ A Ð5 : PRONONCIATION

129

Ñ A Ð6 : PLURISƒMIE, HOMOGRAPHIE

129

a : plurisŽmie 129

b : homographie 130

Ñ A Ð7 : TERMINOLOGIE, VOCABULAIRES DE SPƒCIALITƒ

131

B. Les noms propres 131

Ñ BÐ1 : GƒOGRAPHIE PHYSIQUE

131

Ñ BÐ2 : CIRCONSCRIPTIONS ADMINISTRATIVES

132

Ñ BÐ3 : VILLES ET BOURGS

133

II. Nouveau vocabulaire de la langue franaise 134

(Sauger-PrŽneuf et DŽtournel)

1. Les auteurs et les Žditeurs 134

2. Fiche technique 135

A. Format et couverture 135

B. Pages introductives 135

Ñ B Ð1 : PAGE DE TITRE

135

Ñ B Ð2 : PAGES LIMINAIRES

137

C. Corpus dictionnairique 137

III. Les comparaisons et leurs contraintes 138

1. La lettre F dans le Soulice 138

A. Traitement des entrŽes 139

Ñ A Ð1 : VRAIE ET FAUSSE PLURISƒMIE

139

Ñ A Ð2 : ERREURS ET CULS-DE-SAC

140

Ñ A Ð3 : MOTS ABSENTS

140

(16)

2. La lettre F dans le Sauger-PrŽneuf et DŽtournel 142

A. La terminologie 142

Ñ A Ð1 : FRƒQUENCE DES OCCURRENCES

143

B. Les dŽfinitions 143

Ñ B Ð1 : MOT NON DƒFINI

143

Ñ B Ð2 : MOTS DƒFINIS PAR UN (DES) MOT(S) NON DƒFINI(S)

144

Ñ B Ð3 : MOT DƒFINI PAR UN MOT ABSENT DU DICTIONNAIRE

144

Ñ B Ð4 : DƒFINITIONS FAUSSES

144

Ñ B Ð5 : DƒFINITIONS INCOMPREHƒNSIBLES, OU QUI NE DƒFINISSENT RIEN

144

Ñ B Ð6 : ERREUR DE MARQUE DE VOCABULAIRE DE SPƒCIALITƒ

144

C. Les rgles typographiques 144

3. Similitudes et diffŽrences 145

A. Approche qualitative 145

B. Approche quantitative 146

Troisime partie

Le dictionnaire ˆ lՎcole aujourdÕhui (1972-2009) 146

1. Le dictionnaire et lÕapprentissage de la langue maternelle

146

A. Les directives officielles 147

Ñ A Ð1 : LES CONSIGNES MINISTƒRIELLES

147

Ñ A Ð2 : LES RECOMMANDATIONS AUX ENSEIGNANTS

148

B. LÕusage du dictionnaire sur le terrain 151

Ñ B Ð1 : DICTIONNAIRES Ç POUR ENFANTS È ET DÕAPPRENTISSAGE

154

Ñ B Ð2 : LES CHOIX DES ENSEIGNANTS

154

a : les dictionnaires qui jouent le r™le de manuels 155

b : les dictionnaires de consultation 158

Ñ B Ð3 : LE REGARD DES ENSEIGNANTS

159

a : lÕaspect extŽrieur, la prŽsentation 160

b : la nomenclature 160

b Ð1 : la terminologie 161

b Ð2 : le langage familier ou populaire 162

b Ð3 : le franais littŽraire 163

Ñ B Ð4 : DES ATTENTES DIFFUSES

163

Ñ B Ð5 : LES DICTIONNAIRES POUR UN PUBLIC INDIFFƒRENCIƒ ET LEUR EMPLOI

167 C. La langue du dictionnaire et la langue de la vie 169

Ñ C Ð1 : LA LANGUE PARLƒE

169

Ñ C Ð2 : LA LANGUE TELLE QUÕELLE EST TRANSCRITE

174

(17)

2. Le dictionnaire papier et les outils numŽriques 175

A. Dictionnaires de langue et correcteurs dÕorthographe 175

Ñ A Ð1 : LES DICTIONNAIRES EN LIGNE

175

Ñ A Ð2 : LES CORRECTEURS DÕORTHOGRAPHE

178

B. EncyclopŽdies sur Žcran 182

3. Essai de bilan et perspectives 185

Conclusion 191

Sources documentaires 197

Bibliographie 198

Glossaire des sigles et abrŽviations 218

Index des noms de personnes et dÕinstitutions 219

(18)

PrŽambule

1. QuÕest-ce quÕun dictionnaire ? Conception, rŽalisation

Avant mme dÕesquisser une typologie des dictionnaires et de nous intŽresser ˆ la conception et ˆ la rŽalisation dÕun tel objet, il nous faut dŽfinir le mot.

A. Le mot Ç dictionnaire È ; Žtymologie et dŽfinition.

A-1 : Žtymologie

Ce mot transcrit le latin mŽdiŽval dictionarium, de dictio, Ç action de dire È, puis Ç conversation, propos, discours È. Il est plaisant que cet objet muet, de consultation gŽnŽralement individuelle, nous Ç parle È dՎchanges verbaux et dÕart oratoire.

A-2 : dŽfinition

Souvent dŽfinition varie. Pour LittrŽ (Ždition de 1863), il sÕagit dÕun

Ç recueil des mots dÕune langue, des termes dÕune science, dÕun art, rangŽs par ordre alphabŽtique ou autre, avec leur signification È.

Pierre Larousse, qui sait tre dÕune brivetŽ digne de Tacite lorsque la nŽcessitŽ sÕen fait sentir, dŽfinit le dictionnaire comme le

Ç recueil alphabŽtique des mots dÕune langue avec leur dŽfinition È (1855, Nouveau dictionnaire de la langue franaise, p. 189),

mais, lorsquÕil en a la libertŽ, savoure le plaisir dÕun ŽnoncŽ moins sec, avec une

ŽlŽgante dŽfinition :

Ç Recueil des mots ou dÕune catŽgorie de mots dÕune langue, rangŽs soit par ordre alphabŽtique, soit par ordre de matires, soit par analogies, et expliquŽs dans la mme langue ou traduits dans une autre È (1870, Grand dictionnaire universel du XIXe sicle [dŽsormais GDU], tome 6, p. 755).

Ces ŽnoncŽs du XIX

e

sicle sont peu diffŽrents de celui de la premire Ždition du Dictionnaire de lÕAcadŽmie franaise (1694) :

Ç Vocabulaire, recueil par ordre de tous les mots dÕune langue. È

Cet optimisme qui tient pour possible la description de la totalitŽ du lexique dÕune langue vivante, par dŽfinition en constante Žvolution (Ç tous les mots È), se retrouve dans lՎdition 1835 de ce mme dictionnaire :

Ç Vocabulaire, recueil de tous les mots dÕune langue, rangŽs dans un certain ordre et expliquŽs dans la mme langue, ou traduits dans une autre. È

(19)

Plus complte quÕau XVII

e

sicle, elle introduit la dŽfinition (les mots sont Ç expliquŽs È) et note lÕexistence de dictionnaires bi- ou plurilingues (Ç ou traduits È).

On est tout aussi optimiste ˆ lÕextrme fin du sicle : La Grande encyclopŽdie (1885- 1902) copie ce texte mot ˆ mot en y ajoutant toutefois, entre parenthses, une utile prŽcision : ces mots rangŽs Ç dans un certain ordre È le sont Ç le plus souvent par ordre alphabŽtique È.

Dans le Dictionnaire du franais dÕHachette (dŽsormais DFH), on lit :

Ç Ouvrage qui recense et dŽcrit, dans un certain ordre, un ensemble particulier dՎlŽments du lexique. È (1987, DFH, p. 472).

A. Rey, dans le Dictionnaire culturel en langue franaise (dŽsormais DCLF), se place dans la perspective des sciences du langage :

Ç Recueil dÕunitŽs signifiantes dÕune langue ou de plusieurs langues confrontŽes (mots, termes, locutions, ŽlŽments) rangŽes dans un ordre convenu, qui donne des dŽfinitions et diverses informations sur les signes du langage ; ouvrage rŽunissant ces informations È. (2005, DCLF, tome 1, p.

On ne peut mieux dire. Cependant, dans ce mŽmoire, nous nous en tiendrons ˆ la dŽfinition du DFH, simple sans tre pauvre.

Dernire prŽcision : les mots dictionnaire, glossaire, lexique, vocabulaire (cf. les anciennes Žditions du Dictionnaire de lÕAcadŽmie franaise), sont parfois donnŽs comme synonymes, notamment par Pierre Larousse qui, aprs avoir posŽ cette affirmation, la contredit immŽdiatement :

Ç Un dictionnaire est un ouvrage o beaucoup de mots, souvent tous les mots dÕune langue, sont rangŽs suivant un certain ordre ; tout livre ainsi composŽ est un dictionnaire, quel quÕen soit dÕailleurs le but, et quels quÕen soient les moyens dÕexŽcution. Le glossaire est un dictionnaire consacrŽ spŽcialement ˆ lÕexplication des mots obscurs, inusitŽs ou mal connus. Le vocabulaire est un dictionnaire o chaque mot ne reoit quÕune explication trs courte, ou bien cÕest un dictionnaire o lÕon ne fait entrer que les mots propres ˆ un art, ˆ une certaine classe de personnes. Enfin le mot lexique ne sÕest dit dÕabord que des dictionnaires grecs classiques ; mais, par extension, il arrive souvent quÕon lÕemploie dans toutes les acceptions du mot dictionnaire. È (1870, GDU, vol. 6, p. 755).

Il ne semble pas que la synonymie soit aussi parfaite. Le mot dictionnaire, qui date du XVI

e

sicle (1501),

Ç partiellement synonyme de vocabulaire (latin vocabularium), a dÕabord ŽtŽ appliquŽ ˆ un ouvrage bilingue ou multilingue, ˆ c™tŽ de thesaurus, puis thrŽsor, rŽservŽ aux dictionnaires unilingues ou quasi unilingues, comme le Thresor de la langue franoyse de Nicot È. (1998, DHLF, p. 1078).

Il a longtemps eu pour exact Žquivalent le mot lexique, les deux emplois se sont peu

ˆ peu diffŽrenciŽs ˆ partir du XVIII

e

sicle. Le glossaire tire son origine de la glose mŽdiŽvale, annotation en marge des manuscrits qui donnait le sens dÕun terme difficile ou expliquait un texte ardu ; il a conservŽ ce sens hermŽneutique. Quant au mot vocabulaire, lorsque le mot dictionnaire sÕappliquait aux bilingues, il en a ŽtŽ

lÕexact synonyme (Vocabulaire latin-franois, 1485) avant de prendre son sens actuel

au XVIII

e

sicle.

(20)

B. Essai de typologie des dictionnaires

Nous adopterons ici, avec des nuances, la typologie Žtablie par L. Guilbert (1969, Dictionnaire et linguistique : essai de typologie des dictionnaires monolingues franais contemporains, in Langue franaise n¡ 2, p. 4-28). Nous ne nous intŽresserons donc pas ˆ lÕencyclopŽdie, Ç extŽrieure ˆ lÕobjet de la linguistique È, selon lÕauteur. Notons, cependant, que cette affirmation peut tre contestŽe, et que lÕon ne raisonnait pas ainsi autrefois ; en effet,

Ç [É] la frontire entre dictionnaire et encyclopŽdie est assez floue pour que la cŽlbre Ïuvre encyclopŽdique publiŽe en France par les soins de Diderot et dÕAlembert ait pour titre EncyclopŽdie ou dictionnaire raisonnŽÉ È (2005, A. Rey, article Ç Dictionnaire È in DCLF, tome 1, p. 41).

Et nous nous bornerons, comme L. Guilbert, aux dictionnaires monolingues contemporains, quÕon peut, en sÕen tenant au champ ainsi dŽlimitŽ, classer en plusieurs ensembles.

B-1 : les dictionnaires techniques

Dans les dictionnaires scientifiques ou techniques, les entrŽes ont les caractŽristiques du signe linguistique, mais elles sont traitŽes selon des modalitŽs particulires ; lÔouvrage ne sÕadresse pas au grand public, il touche une clientle restreinte, parfois limitŽe ˆ un milieu professionnel. Entrent difficilement dans cet ensemble des dictionnaires non gŽnŽraux, mais apprŽciŽs par ce quÕil est convenu dÕappeler (sans quÕil soit possible dÕen donner une bonne dŽfinitionÉ) le Ç grand public cultivŽ È, tels que certains dictionnaires historiques. Nombre dÕouvrages de ce type ont ŽtŽ publiŽs ˆ partir de 1950, dans des domaines trs diffŽrents. Ils concernent lÕhistoire du monde (M. Mourre, Dictionnaire encyclopŽdique dÕhistoire, 8 vol., 1978), lÕhistoire dÕun peuple, dÕune civilisation, dÕune pŽriode historique (A.

Decaux, Dictionnaire dÕhistoire de France, 1981 ; G. Posener, S. Sauneron et J.

Yoyotte, Dictionnaire de la civilisation Žgyptienne, 1959), voire lÕhistoire de la langue (A. Rey, Dictionnaire historique de la langue franaise, 1992). Les innombrables dictionnaires de biographie (ou biographiques), ne comportant que des noms propres, ne seront pas ŽvoquŽs ici.

B-2 : les dictionnaires linguistico-encyclopŽdiques

On peut nommer dictionnaire[s] linguistico-encyclopŽdique[s], selon la terminologie

employŽe par L. Guilbert, le Dictionnaire encyclopŽdique Quillet (6 vol., 1965) et le

Grand Larousse encyclopŽdique (10 vol., 1960-1964). Ils font la synthse de trois

formules : au dictionnaire de langue sÕajoutent des glossaires techniques et une

encyclopŽdie des connaissances, particulirement soignŽe dans le Quillet. Ce

dictionnaire a fait lÕobjet, en 1975, dÕune rŽŽdition profondŽment remaniŽe et

augmentŽe, en 10 volumes ; les Žditeurs ont ensuite renoncŽ aux entreprises de

cette ampleur, extrmement onŽreuses et dont le public sÕamenuisait. Ils se sont

contentŽs dÕactualisations ponctuelles et ont privilŽgiŽ la production de supplŽments.

(21)

B-3 : les dictionnaires de langue Le dictionnaire de langue est

Ç le dictionnaire auquel on a recours pour trouver des informations sur la langue des gens cultivŽs È (op. cit., p. 19).

LÕauteur cite le Grand Robert (Dictionnaire alphabŽtique et analogique de la langue franaise, 1953-1964), le Dictionnaire Larousse de la langue franaise (alors en cours de rŽalisation) et le TrŽsor de la langue franaise (encore dans les limbes ; les 16 volumes para”tront entre 1971 et 1994) o

Ç le lexique recensŽ comprend tous les mots qui peuvent tre rencontrŽs dans la presse contemporaine non spŽcialisŽe [É], dans les Ïuvres des romanciers de la seconde moitiŽ du XIXe sicle, du XXe sicle et jusque dans les Ïuvres les plus rŽcentes, plus rarement dans les textes poŽtiques È. (op. cit., p. 23).

Ë ces monuments se sont ajoutŽs des ouvrages plus maniables et moins cožteux, le Dictionnaire alphabŽtique et analogique de la langue franaise en 1 vol., dit Petit Robert (1967), que L. Guilbert passe sous silence, et le Dictionnaire du franais Hachette (1987).

B-4 : les dictionnaires de type linguistique

Pour L. Guilbert, le Dictionnaire du franais contemporain (1966) est un dictionnaire de type linguistique ; il relve le parler du Parisien cultivŽ, en totale synchronie, sans

Žvoquer lՎtymologie. Ses 25 000 entrŽes, dont la prononciation est partout indiquŽe en alphabet phonŽtique international, ne comportent pas de Ç dialectismes È. Les mots sont groupŽs dans

Ç un ensemble lexical, morphologique et sŽmantique ˆ la fois È (op. cit., p. 27).

LÕouvrage est complŽtŽ par des tableaux : tableaux grammaticaux, de systmes lexicaux, etc.

B-5 : lՎventail des possibles

Cette typologie donne un cadre ˆ lՎtude de lՎdition dictionnairique ; elle peut sembler discutable dans les dŽtails. Est-il nŽcessaire de crŽer une catŽgorie spŽciale pour un seul ouvrage, le Dictionnaire du franais contemporain (dŽsormais DFC) ? Si original quÕil soit, cÕest un dictionnaire de langue. Le classement des entrŽes dans un ordre non alphabŽtique nÕest pas une totale nouveautŽ. Le Dictionnaire de lÕAcadŽmie a dÕabord (jusquՈ 1700) classŽ ses entrŽes par ordre de mots-souches, cÕest-ˆ-dire par racines :

Ç Comme la Langue Franoise a des mots Primitifs, & des mots Derivez & Composez, on a jugŽ quÕil seroit agreable & instructif de disposer le Dictionnaire par Racines, cÕest ˆ dire de ranger tous les mots Derivez & Composez aprŽs les mots Primitifs dont ils descendent. È (PrŽface de la premire Ždition, 1694).

(22)

Le DFC est, certes, beaucoup mieux fondŽ scientifiquement, beaucoup plus cohŽrent que son lointain prŽdŽcesseur, gr‰ce aux progrs de la linguistique et au talent de ses auteurs, mais le propos nÕest pas fondamentalement diffŽrent. La mme mŽthode sera utilisŽe dans le Dictionnaire Hachette de 1980, avec moins de rigueur.

Il faut ajouter que ce mode de classement a dŽconcertŽ le public, qui a trouvŽ difficile la consultation de ces deux dictionnaires et nÕen a pas fait des succs de librairie.

Ë la fin du sicle dernier et au dŽbut de celui-ci ont surgi des ouvrages de toute sorte, nommŽs Ç dictionnaires È, qui

Ç nÕont en commun avec les ÒvraisÒ dictionnaires quÕune mise en ordre alphabŽtique de textes placŽs chacun sous une entrŽe-mot. È (2005, A. Rey, DCLF, p. 45).

Nous nÕen citerons que deux, dÕabord ce Dictionnaire culturel en langue franaise qui

Žchappe ˆ toute classification et quÕon ne peut ranger dans aucune catŽgorie prŽexistante, puis le Dictionnaire des idŽes reues de Flaubert.

C. La rŽalisation dÕun dictionnaire

Les techniques modernes, en particulier lÕusage de lÕinformatique, ont modifiŽ

certains processus rŽdactionnels et Žditoriaux. Mais, sur le fond, rien nÕa changŽ.

Nous nous bornerons aux grandes lignes, pour les dŽtails, on pourra se reporter ˆ lÕannexe 1 (Comment sՎlabore un dictionnaire).

C-1 : quel dictionnaire pour quel public ?

QuÕon parle dÕun dictionnaire papier ou dÕun dictionnaire Žlectronique, il sÕagit toujours de

Ç produire une liste cohŽrente de signes isolables appartenant ˆ une ou plusieurs langues mises en rapport. È (2005, A. Rey, DCLF, p. 45).

Nous sommes donc toujours en prŽsence dÕune crŽation intellectuelle dont la mise en forme diffre suivant le support, la spŽcificitŽ de ce support influant, en amont et en aval, sur la rŽalisation de lÕouvrage, mais nÕen modifiant pas fondamentalement le propos. Nous nous intŽresserons ici, pour lÕessentiel, aux dictionnaires papier.

a : plurilingue ou monolingue ?

Quel que soit le support, les dictionnaires se rŽpartissent dÕabord en bi- ou plurilingues, et monolingues. Peu nombreux, les bilingues langue ancienne / franais ont un public restreint et en constante Žrosion. On ne commence plus ˆ Ç faire È du latin en 6

e

, du grec en 4

e

, on sÕy met (quand on sÕy met : collŽgiens et lycŽens sont de moins en moins nombreux ˆ entamer ce cursus) beaucoup plus tard. Le marchŽ

du bilingue est celui des langues modernes, avec prŽdominance de lÕanglais.

b : dictionnaire de spŽcialitŽ ou dictionnaire gŽnŽral ?

Si le choix sÕest portŽ sur un dictionnaire monolingue, il faut en dŽterminer le genre :

dictionnaire de spŽcialitŽ ou dictionnaire gŽnŽral ? Dans le domaine des vocabulaires

(23)

Žlectronique. La diffusion de techniques de plus en plus complexes, la mondialisation des Žchanges, les difficultŽs de communication entre professionnels de langues et de cultures diffŽrentes, ont crŽŽ des besoins auxquels sÕefforcent de rŽpondre des dictionnaires destinŽs ˆ des publics ciblŽs ; ils sont souvent en plusieurs langues, ce qui brouille les repres entre plurilingues et monolingues.

Le dictionnaire gŽnŽral, sÕil ne se croit plus capable de traiter, tel Pic de la Mirandole, de omni re scibili, sÕefforce de couvrir un large champ de connaissances, quÕil sÕagisse de dictionnaire de langue ou de dictionnaire encyclopŽdique. Le dictionnaire de langue

Ç dŽcrit le sens, les valeurs, les emplois, etc., des mots dÕune langue È (1987, DFH, p. 472).

Le dictionnaire encyclopŽdique

Ç outre les descriptions de mots, fournit des dŽveloppements encyclopŽdiques consacrŽs aux objets dŽsignŽs par les mots. È (op. cit., p. 472).

Le rve de dresser une cloison Žtanche entre les deux types de dictionnaire est un fantasme rŽcurrent. La prŽface du Dictionnaire de lÕAcadŽmie franaise de 1694 se termine par une note en italiques, en petits caractres :

Ç LÕAcadŽmie nÕayant pas jugŽ ˆ propos de donner place dans son Dictionnaire aux termes particulierement attachez aux Sciences & aux Arts [É] quelques AcadŽmiciens ont creu quÕils feroient un ouvrage utile & agreable dÕen composer un Dictionnaire ˆ part : Et comme ils lÕont fait avec beaucoup de soin, il y a lieu de croire que le public sera content de leur travail. È

Mais ce nÕest pas si simple.

Ç LÕembarras Žtait, et reste, que bien des mots (gŽnŽraux) sont en mme temps des termes (techniques) ; et rŽciproquement. È (1995, J. Cellard, postface ˆ Comment jÕai fait mon dictionnaire, dՃmile LittrŽ, p. 104).

La difficultŽ nÕavait, dÕailleurs, pas ŽchappŽ aux acadŽmiciens du grand sicle. Aprs avoir affirmŽ que

Ç lÕAcadŽmie a jugŽ quÕelle ne devoit pas y [dans le dictionnaire] mettre les vieux mots qui sont entierement hors dÕusage, ni les termes des Arts & des Sciences qui entrent rarement dans le discours È,

ils insistent sur les problmes que leur ont posŽs les mots quÕils nÕont pu nŽgliger, car ils Ç entrent dans le discours È de manire suffisamment frŽquente pour quÕil soit nŽcessaire de les relever. LÕAcadŽmie a donc

Ç donnŽ la definition de tous les mots communs de la Langue dont les IdŽes sont fort simples ; et cela est beaucoup plus mal-aisŽ que de definir les mots des Arts & des Sciences dont les IdŽes sont fort composŽes ; Car il est bien plus aisŽ, par exemple, de definir le mot de Telescope, qui est une Lunette ˆ voir de loin, que de dŽfinir le mot de voir ; Et lÕon esprouve mesme en definissant ces termes des Arts & des Sciences, que la definition est toujours plus claire que la chose definie ; au lieu quÕen definissant les termes communs, la chose definie est toujours plus claire que la Definition. È (PrŽface de lՎdition de 1694).

La distinction entre ces deux types de dictionnaires, dictionnaire de langue /

dictionnaire encyclopŽdique, nÕa donc gure de valeur ; seule la proportion mots de

(24)

la langue / termes techniques varie selon le projet dictionnairique. Avec une diffŽrence, toutefois : la nomenclature des dictionnaires de langue ne comporte pas de noms propres, celle des dictionnaires encyclopŽdiques, en gŽnŽral, en intgre.

c : dictionnaire pour adultes ou dictionnaire pour enfants ?

Monolingues ou bilingues, les dictionnaires peuvent sÕadresser aux adultes ou aux enfants. Ceux qui sont destinŽs ˆ des enfants sont rŽalisŽs par des enseignants ou avec le concours dÕenseignants ; la pŽdagogie est au cÏur du travail conceptuel et

Žditorial. Ë premire vue, ils se distinguent totalement des ouvrages pour adultes. En rŽalitŽ, les diffŽrences autres quÕextŽrieures (caractres, mise en page, illustrations, traitement des dŽfinitions, articulation dŽfinitions / exemplesÉ) sont minimes. Il sÕagit toujours de donner des informations sur les mots de la langue (en simplifiant les

ŽnoncŽs, il ne peut tre question dÕun vŽritable dictionnaire de langue), et sur les choses que dŽsignent ces mots. La nomenclature est brve, dÕautant plus brve que le public est plus jeune, les ouvrages qui sÕadressent aux petits de la maternelle sont plus des abŽcŽdaires que des dictionnaires.

C-2 : macrostructure, microstructure

Tout dictionnaire repose sur une nomenclature, une liste de mots, mots de la langue et parfois noms propres, qui font chacun lÕobjet dÕun article, ou entrŽe . Cette nomenclature nÕest pas seulement une liste, plus ou moins longue, cÕest un ensemble organisŽ quÕon nomme macrostructure. Tous les mots employŽs pour dŽfinir tout autre mot doivent eux-mmes tre dŽfinis ; cÕest cette cohŽrence qui fait la valeur dÕun dictionnaire, non le nombre de mots quÕil recense, bien que cet aspect quantitatif soit constamment utilisŽ comme argument promotionnel.

Quand on parle de macrostructure, on Žvoque le nombre des entrŽes dÕun dictionnaire et le choix de celles-ci, Žtabli selon des critres dŽterminŽs.

LÕorganisation interne de chacune de ces entrŽes se nomme microstructure

.

Le travail de rŽdaction, dÕune grande complexitŽ, obŽit ˆ des rgles quÕon ne peut transgresser, sous peine de perdre clartŽ et prŽcision.

Le travail est aujourdÕhui facilitŽ par lÕinformatique. Les textes, mis en mŽmoire, apparaissent ˆ la demande sur lՎcran. Le rŽdacteur semble ˆ lÕabri de la mŽsaventure quÕa connue LittrŽ au moment de la remise de la copie.

Ç Je nÕavais pas pris soin de faire mettre, en cette rŽdaction que je prenais pour la relire et la livrer, chaque signification et chaque exemple sur un papier sŽparŽ. Et maintenant, avec une pareille copie, comment opŽrer les classements, les rectifications, les additions de la masse

Žnorme de matŽriaux recueillis postŽrieurement ? Il fallait beaucoup recopier ; et recopier beaucoup en un travail o les Žcritures tenaient tant de place, allongeait une besogne dŽjˆ trop longue. È (ƒ. LittrŽ, Comment jÕai fait mon dictionnaire, Ždition 1995, p. 29).

Mais si lÕon remplace papier sŽparŽ par fichier, et recopier par copier-collerÉ Bien

que lÕinformatique libre le rŽdacteur de la corvŽe de recopier signe ˆ signe ses

textes corrigŽs, les affres du lexicographe aux prises avec les subtilitŽs de la

microstructure ne sont gure diffŽrentes.

(25)

D. Du clavier de lÕordinateur ˆ la table du libraire

Une fois achevŽes rŽdaction et correction, le dictionnaire Žchappe aux lexicographes et passe aux mains des techniciens de fabrication, des imprimeurs, des relieurs. Puis aux services de vente et de communication, qui en assurent la commercialisation.

Sans eux, le travail conceptuel resterait lettre morte.

Ç Les dictionnaires, objets techniques et commerciaux, relvent de lÕhistoire des Žconomies (pas de Grimm [Deutsches Wšrterbuch] sans une structure dÕinstituts de recherche financŽe, pas de LittrŽ [Dictionnaire de la langue franaise] sans Louis Hachette, pas dÕOxford [Oxford English Dictionary, ou O E D] sans la structure spŽcifique des Žditions universitaires britanniques). È (2005, A. Rey, DCLF, p. 51).

Le dictionnaire est un objet marchand, il lui faut donc trouver une clientle. Sa consultation justifie son existence. Ou, pour parler comme Roland Barthes, si Ç le dictionnaire dŽborde son ustensilitŽ È (1980, PrŽface au Dictionnaire Hachette, p.

VII), cÕest cette ustensilitŽ qui est sa raison dՐtre.

2. Le dictionnaire au fil du temps

Il est hors de question de tracer ici lÕhistoire des dictionnaires depuis la naissance de lՎcriture ; les rayons dÕune bibliothque de moyenne importance nÕy suffiraient pas.

Nous nous bornerons donc ˆ un bref panorama en tentant de fixer quelques repres.

A. Une trs longue histoire

Les premiers dictionnaires ont ŽtŽ bilingues, au moins sous leur forme la plus modeste, celle du lexique. Le rŽdacteur de lÕarticle Dictionary de lÕEncyclop¾dia Britannica en donne beno”tement la raison :

Ç Comme lÕhomme de la rue a moins de problmes avec une seule langue, la sienne, quÕavec lÕapprentissage dÕautres langues, le dictionnaire plurilingue sÕest dŽveloppŽ t™t et a acquis beaucoup dÕimportance È. (2003, Encyclop¾dia Britannica, version Žlectronique).

Deux exemples parmi dÕautres. En Gaule, ˆ partir du II

e

sicle, les parlers celtes disparaissent peu ˆ peu, sauf en Armorique ; au V

e

sicle,

Ç on rŽdige un glossaire gaulois-latin, preuve que la langue maternelle nÕest plus parlŽe puisque le besoin se fait sentir de traduire les mots essentiels par Žcrit. È (2003, M. Rouche, Histoire de lÕenseignement et de lՎducation. I. Ve av. J.-C.-XVe sicle, p. 68-69).

Plus loin dans le temps, et dans lÕespace : les tablettes dÕEbla (aujourdÕhui Tell Mardykh, en Syrie, prs dÕAlep), bilingues Žbla•te / sumŽrien, ont prs de quatre mille cinq cents ans (elles datent d'environ 2400-2350 av. J.-C.). Et elles sont beaucoup plus que des lexiques.

Ç Il fut [É] Žtabli un recueil de signes cunŽiformes avec indications de la prononciation et des listes de mots sumŽriens assorties de transcriptions phonŽtiques ou de traductions Žbla•tes.

Environ une quarantaine de listes portent des mots sumŽriens ordonnŽs selon une certaine thŽmatique : professions, villes, animaux - quadrupdes, poissons et oiseaux -, choses. [É] Les

(26)

scribes Žbla•tes [É] pourvurent une de ces listes sumŽriennes dՎquivalences en Žbla•te. Il sÕagissait lˆ de vrais dictionnaires, les premiers dans lÕhistoire des sciences humaines. Ce ne fut pas une mince affaire, en particulier pour les formes verbales et la terminologie administrative. Il sÕagissait de bien plus que dÕune simple traduction. Parfois, ˆ une simple correspondance lexicale, on prŽfŽrait une dŽfinition, mme extrmement succincte. Deux grandes tablettes identiques reproduisent la liste sumŽrienne de base de mille deux cents mots, et donnent une traduction de chacun des termes, alors quÕune sŽrie de cinq tablettes plus petites sÕinterrompent aux deux tiers de la liste. Celle-ci se poursuit cependant sur une autre tablette avec trois cent cinquante mots. On retrouve ensuite la liste entire rŽunie sur une grande tablette disposŽe en vingt et une colonnes sur chacune des faces. È (1993, A. Archi, Ç Les archives royales dÕEbla È, in catalogue de lÕexposition Syrie, mŽmoire et civilisation [IMA, 14-9-1993 au 28-2-1994], p.

109-110).

Ces deux langues dÕAsie mineure nÕont aucun trait commun. LՎbla•te est une langue sŽmitique, et le sumŽrien une langue aux origines inconnues, trs isolŽe, que lÕon ne rattache ˆ aucune autre. Elle nՎtait

Ç ni sŽmitique, ni perse, ni Žlamite et [...] diffŽrait autant de lÕassyrien que le vietnamien diffre du franais. [É] SI cette langue appartient bien, par sa structure, au vaste groupe des Òlangues agglutinantesÒ [É], elle ne ressemble morphologiquement ˆ aucune autre langue connue, morte ou vivante È. (1992, G. Roux, Ç Les SumŽriens sortaient-ils de la mer ? È, in Initiation ˆ lÕOrient ancien [prŽsentation de J. BottŽro], p. 38 et 40).

DÕautres civilisations anciennes ont produit des ouvrages quÕon appelle Ç dictionnaires È, faute de trouver un terme plus adŽquat pour les nommer, alors que, au sens moderne du mot, ce ne sont pas des dictionnaires. Nous ne nous y attarderons pas, et nous en tiendrons ˆ lÕEurope occidentale.

B. En Europe, avant Gutenberg

Les Grecs, puis les Latins, nous ont donnŽ plusieurs lexiques, ou glossaires, ˆ partir du V

e

sicle avant notre re, certains mettant en regard grec et latin. Ë Rome, Varron (Marcus Terentius Varro, 116-27 av. J.-C.) se montre, dans les livres de son traitŽ De lingua latina consacrŽs ˆ lՎtymologie, un prŽcurseur de la linguistique moderne.

Isidore de SŽville (v. 560-636),

Ç nÕoubliant pas que toute culture commence par le maniement prŽcis dÕune langue, [É] attentif

ˆ la grammaire et aux savoirs profanes È (2002, J. Fontaine, article Ç Isidore de SŽville È, in Encyclop¾dia Universalis, vol. 12, p. 457),

sÕen inspirera de loin pour ses Etymologiae (Originum sive etymologiarum libri). Ce mot nÕa pas alors le sens que nous lui donnons aujourdÕhui, Ç science de la filiation sŽmantique et phonŽtique des mots È, mais, dans la tradition platonicienne,

Ç le sens abstrait du vocable grec de lÕetymologia, Òpar laquelle le vrai se manifeste dans la clartŽÒ. È (2002, J. Fontaine, op. cit., p. 458).

LÕencyclopŽdie de Raban Maur (v. 780-856), De Universo ou De rerum naturis, devra beaucoup au prŽlat sŽvillan.

Dans lÕempire dÕOrient, on sÕattache davantage aux mots. Le patriarche Photius (v.

820-895) donne une anthologie (Myriobiblion) et un lexique (lexe™n sunag™g,

Ç rassemblement de mots È) ; le Suidas (ou Souda ; X

e

ou XI

e

sicle) dÕauteur

(27)

citations littŽraires et noms propres en les classant par ordre phonŽtique et non alphabŽtique.

Ce dernier classement sÕimpose assez tard ; le plus cŽlbre des ouvrages lÕayant adoptŽ est le Catholicon de Jean de Gnes. Le dominicain Johannes Balbus (Giovanni Balbo ou Jean Balbi), dit Jean de Gnes (?-v. 1298), achve (1286) un ouvrage grammatical en cinq parties (Summa), vite connu sous le nom de Catholicon (le tout). Quatre parties sont occupŽes par une grammaire ; une autre par un dictionnaire latin alphabŽtique compilŽ de lÕElementarium Doctrinae rudimentum de Papias (moine italien du XI

e

sicle), des Derivaciones dÕHugocio de Pise (?-1210) et de cent autres grammairiens et lexicographes. CÕest un Thesaurus grammatical,

Ç dictionnaire encyclopŽdique de la latinitŽ ancienne, biblique et mŽdiŽvale È, (1938, M.

Roques, Recueil gŽnŽral des lexiques franais du Moyen åge. XIIe-XVe sicles, p. X),

contenant les mots

Ç quae frequenter inueniuntur in Biblia et in dictis sanctorum et poetarum [que lÕon trouve frŽquemment dans la Bible et les Žcrits des saints et des potes] È. (op. cit., p. X),

et o lÕon trouve de tout : commentaires, grammaire, Žtymologies, exposŽs dÕhistoire religieuse ou de thŽologieÉ Cette partie a ŽtŽ traduite (ou adaptŽe) en franais, ce qui donne un lexique latin-franais. La meilleure version semble tre un manuscrit de la BnF, sur 166 feuillets allant de aalma (virge secrete ou sainte) ˆ zucara, re (succres, une espice). Il ne sÕagit pas de lÕoriginal, mais dÕune copie non datable (XIV

e

sicle ?).

Ç CÕest une sorte de dictionnaire de lÕusage latin [qui] ne comportait que des indications de sens plus ou moins prŽcisŽes, des traductions sans commentaire, des mots sans explication sur les choses È (M. Roques, op. cit., p. XI),

ˆ lÕusage de ceux qui apprennent le latin.

Ces productions hybrides, ˆ la frontire entre encyclopŽdie, glossaire et lexique bilingue (latin / langue vernaculaire), parfois trilingue, seront nombreuses jusquÕau XV

e

sicle, issues des monastres o les copistes les reproduisent inlassablement.

C. De Robert Estienne ˆ No‘l-Franois de Wailly

LÕinvention de lÕimprimerie a fait de la production de livres une industrie. LÕatelier de

lÕimprimeur a remplacŽ le scriptorium monastique. Cette industrie nÕaurait pu na”tre

sans une autre invention, celle des caractres mobiles (il en existait depuis le XI

e

sicle en Chine, mais il ne semble pas que cela ait ŽtŽ connu en Occident), et la

mise au point de lÕalliage plomb / antimoine qui donnait leur soliditŽ aux types : en

plomb pur, trop mous, ils auraient ŽtŽ ŽcrasŽs dans la presse. Le premier grand livre

imprimŽ date de 1454 (et non 1455, comme on lit partout) ; cÕest la Bible ˆ quarante-

deux lignes (B 42), de Johannes Gensfleish, dit Gutenberg, installŽ ˆ Mayence. En

1454, Enea Silvio Piccolomini, futur pape Pie II, en dŽcouvre ˆ Francfort plusieurs

cahiers disponibles ˆ la vente et, dans une lettre ˆ son ami le cardinal Juan de

Carvajal, il prŽcise :

(28)

Ç Volumina centum et quinquagenta octo absoluta esse ex pluribus testibus didici, quamvis aliqui centum et octuaginta esse confirmaverint. [Par plusieurs tŽmoins, jÕai appris que cent cinquante-huit volumes Žtaient finis, quoique dÕautres assurent quÕil sÕagit de cent quatre vingts]

È. (1992, G. Bechtel, Gutenberg et lÕinvention de lÕimprimerie, p. 364 et 604).

La technique sÕest vite rŽpandue en Europe, en Italie, dÕabord, puis en France, o

des imprimeurs allemands ouvrirent ˆ la Sorbonne, au cours de lÕhiver 1469-1470, un atelier dÕo sortirent, en 1470,

Ç les Epistolae de lÕhumaniste italien Gasparino Barbizza, premier livre imprimŽ dans le royaume. È (1998, U. Baurmeister, in Des livres rares depuis lÕinvention de lÕimprimerie, A.

Coron dir., p. 26).

Il faudra attendre une quinzaine dÕannŽes avant que sorte des presses europŽennes un (presque) vrai dictionnaire, le Vocabulaire latin-franois, imprimŽ ˆ Paris, chez VŽrard.

C-1 : la lente Žmergence du monolingue

En 1502 para”t le Dictionarium latin dÕAmbrogio Calepino (v. 1435-1511) qui servira de base ˆ un dictionnaire plurilingue ; dÕabord limitŽ ˆ deux langues (latin / italien), il enflera au point dÕen compter, en 1590, onze, mortes ou vivantes, dont le hongrois. Il deviendra si cŽlbre que le nom propre deviendra un substantif :

Ç Dans le Lancashire, un testament de 1698 comporte la clause suivante : ÒJe lgue ˆ Henry Marrecrofte mon calepin et mes paraphrases (la paraphrase est une imitation de passages de lՃcriture sainte)Ò È. (2003, article Ç Dictionary È in Encyclop¾dia Britannica, version

Žlectronique).

Dans ce texte, il sÕagit du dictionnaire ; plus tard, le nom de Calepino (en franais Calepin) sera lexicalisŽ pour dŽsigner un carnet de notes.

Personne ne songe, cependant, ˆ discuter la souverainetŽ du latin, la langue par excellence. Imprimeur en un temps o lÕimprimeur Žtait aussi Žditeur (au sens de lÕanglais editor, diffŽrent du sens actuel du franais Žditeur, et quÕon pourrait traduire Ð ou plut™t gloser Ð par accoucheur de texte, ma•euticien de livres), Robert Estienne (1503-1559) produit une Ïuvre gigantesque, en particulier dans le domaine des

Žtudes bibliques,

Ç onze Žditions de la Bible entire, tant en hŽbreu quÕen latin et en franais, et douze Žditions du Nouveau Testament en grec, en latin et en franais, indŽpendamment des psautiers et concordances de la Bible. È (1870, P. Larousse, GDU tome 7, p. 975).

Familier des langues anciennes, il publie en 1531 un Dictionarium latino-gallicum, o

le latin vient en premier ; on va de la quantitŽ des entrŽes ˆ la qualitŽ des informations et des commentaires. Pour la premire fois, le franais occupe une place significative.

Cependant, mme lorsquÕil se lance dans un dictionnaire qui fait une grande place au

franais (Dictionaire francoislatin, 1539), il sÕadresse dÕabord aux latinophones, le

public francophone est secondaire, on ne lÕatteint quÕen relation avec le latin. Cet

ouvrage est le

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