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CHAPITRE III : L’ESPACE INTERMEDIAIRE, L’INSECURITE D’UN LIEU :

III.2. L’insécurité dans l’habitat : l’expansion d’un phénomène

III.2.1. Les processus contribuant au développement de l‟insécurité dans le logement

III.2.1.2. Espace et sécurité : Un lien dissipé

Le problème de l‟insécurité dans l‟habitat collectif relève aussi de la relation entre l‟espace et la sécurité. Ces deux concepts forment un ensemble de paramètres ou il est question de gestion, de fonctionnalité, de définition et d‟usages d‟espaces. Les acteurs locaux de l‟aménagement ajoutent l‟ambiance urbaine, le sentiment et l‟image de l‟insécurité. Ce qui entraine une réalité particulière et une approche élargie de la sécurité qui devrait répondre aux réalités du terrain et aux attentes de la société.

III.2.1.2.1. Stigmatisation et mauvaise image :

La dégradation d‟un espace contribue à sa dévalorisation ce qui entraine des tensions sociales et des conflits entre les habitants. Cette dégradation est synonyme d‟exclusion sociale, du rejet dont les conséquences sont la violence et les incivilités. Elle nourrit un sentiment d‟abandon et de perte de cofinance des habitants vis-à-vis des institutions. Certaines études de recherches affirment que la détérioration de l‟environnement est un indicateur de problèmes socio-économiques. George L.Kelling et James Q.Wilson développent une théorie des "incivilités" à partir de la "vitre brisée". Cette théorie a été développée au début des années 1980 et s‟articule autour d‟une idée logique et cohérente : « si on laisse une vitre brisée dans un quartier sans réagir très rapidement les

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actes d‟incivilité se multiplient ». Les moindres dégradations ou petits désordres jouent un rôle essentiel dans la détérioration de l‟ambiance et du sentiment de sécurité. Car plus l‟espace cumul les nuisances, plus le citoyen adopte une position passive, de là émergent des comportements déviants.

III.2.1.2.2. Une configuration spatiale inappropriée :

L‟organisation de l‟espace urbain ne produit pas mécaniquement l‟insécurité mais peut contribuer à son développement. Certaines formes d‟organisation urbaine peuvent à la fois générer de l‟inquiétude pour les usagers et favoriser les agressions. De multiples facteurs liés à la conception des espaces et au statut qui leur est conféré interagissent dans ces processus217. Mais ce qu‟il faut noter également c‟est que l‟insécurité est pour une part coproduite par une certaine fraction de la population, ainsi que la déficience des systèmes de gestion. Ce qui induit à une monopolisation de l‟espace par des groupes et la propagation des pratiques déviantes.

III.2.1.2.2.1. L’échelle démesurée :

L‟échelle démesurée des bâtiments immenses crée un sentiment d‟anonymat. L‟uniformité des quartiers ne permet pas aux habitants l‟appropriation de leur espaces, encore moins former leurs identité. L‟absence d‟identité est souvent renforcée par l‟indifférence des pouvoirs publics par rapport à ces espaces gigantesques non aménagés et des espaces verts abandonnés. De ce fait, ces espaces laissés à l‟abandon sans règles d‟usage, deviennent les lieux propices de la délinquance et des pratiques déviantes.

Figure 11 : échelle démesurée et perte d’identité

Source : Michel Bonetti, L’influence de l’organisation de l’espace et de la gestion urbaine sur le développement de l’insécurité,

217 Michel Bonetti, l’influence de l’organisation de l’espace et de la gestion urbaine sur le développement de l’insécurité, laboratoire de sociologie urbaine générative, Communication au 84èmecongrès de l‟ASTEE « de l‟hygiène à environnement » Paris – 30 mai au 3 juin 2005

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III.2.1.2.2.2. Prolifération des vides urbains :

La configuration spatiale des ensembles d‟habitation génère un ensemble d‟espaces résiduels surdimensionné et laissé à l‟abandon. Ces espaces font office d‟un dépotoir de déchet et de ferraille. Ils ont un statut particulièrement dévalorisant et inquiétant car il donne le sentiment qu‟il n‟y a aucune règle d‟usage, aucun contrôle, ce qui donne une liberté d‟usage. Ils sont propices au développement de la délinquance. Les conséquences de cet état de fait sur les habitants peuvent être résumées comme suit (Selon Michel Bonneti) :

- Sentiment de vivre dans un no man‟s land ; - Des espaces inquiétants au passage des habitants ; - Des espaces dangereux pendant la nuit ;

- Coûts de gestion élevés ;

- Espaces souvent laissés à l‟abandon ;

- Difficulté de repérage et de lisibilité dans l‟espace ; - Espaces angoissants ;

- Espaces favorables aux regroupements de délinquants ; - Conflits d‟usages dans les espaces ;

- Espaces laissés à l‟abandon dévalorisant les habitations.

Figure 12 : Prolifération de vides urbains

Source : Hayet Mebirouk, Anissa Zeghiche et Kaddour Boukhemis , « Appropriations de l’espace public dans les ensembles de logements collectifs, forme d’adaptabilité ou contournement de normes ? »

III.2.1.2.2.3. Complexité et confusion des espaces :

La complexité de l‟organisation urbaine ne permet pas de distinguer l‟espace public de l‟espace privé. Ce flou de conception est dû au manque d‟aménagement, d‟entretien, et de contrôle, ce qui favorise leur dégradation et génère de nombreux conflits entre les usagers.

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L‟absence de délimitation claire entre les espaces entourant les bâtiments et les vois publiques accentuent le sentiment d‟insécurité et deviennent des espaces de « no man‟s land ». Les conséquences de cette interpénétration peuvent être :

- Imbrication des bâtiments

- Confusion des espaces publics et privés

- Multiplication des escaliers, des dalles, des passerelles de passage entre immeubles - Profusion d‟espaces « résiduels » inutilisables

- Voieries labyrinthiques

- Envahissement et contrôle des halls d‟immeubles par les Habitants

Figure 13 : Complexité et confusion d’espace

Source : http://www.elwatan.com/archives/edition.php?ed=2008-05-13

Figure 14 : Magma urbains (Imbrication des espaces)

Source : Michel Bonetti, L’influence de l’organisation de l’espace et de la gestion urbaine sur le développement de l’insécurité,

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III.2.1.2.3. Une gestion urbaine conditionnée par une architecture brutaliste

Comme il a été mentionné précédemment l‟insécurité est alimentée par le déficit de gestion des espaces qui entraine leurs dégradations. Mais les difficultés techniques de la gestion dépendent du mode de conception. Un mode ou les espaces intermédiaires des ensembles d‟habitation sont surdimensionnés et se caractérisent par la multiplication d‟espaces résiduels, ce qui induit à une gestion coûteuse et problématique.

Ainsi le déficit de la gestion urbaine entraîne une dégradation des espaces urbains qui se traduit par une dévalorisation des quartiers, « la gestion urbaine est au cœur des enjeux de citoyenneté et de ségrégation sociale et un élément majeur de la régulation sociale de l’espace public et donc du fonctionnement de la société »218.

III.2.1.2.3.1. Les carences de la gestion urbaine :

Le développement de l‟insécurité urbaine est pour une large part alimenté par les déficiences de la gestion urbaine et l‟inadaptation des organisations qui en ont la charge219. Ces déficiences peuvent être résumées comme suit :

- Une multiplicité d‟intervenants et la dilution des responsabilités ;

- L‟insuffisance des moyens de gestion pour entretenir les espaces extérieurs ; - Absence de coordination entre les responsables et les habitants ;

- Manque de compétences et d‟encadrement ;

- Manque de communication et de coordination entre les services participants. III.2.1.2.3.2. Les conséquences des carences de la gestion urbaine :

Suite à ce qui a été présenté précédemment, les conséquences des carences de la gestion urbaine peuvent être résumées comme suit :

- Dégradation et dévalorisation des espaces collectifs ;

- Manque de prise en charge par les institutions publiques face aux délabrements de certains quartiers ;

- Le contrôle des espaces par les groupes de délinquants, ce qui induit à l‟insécurité ; - La disparition des règles de vie sociale favorise le développement du vandalisme.

218 Michel Boneti : L‟incidence de la gestion urbaine sur le statut des habitants, la ségrégation sociale la cohésion sociale et l‟insécurité

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Figure 15 : Schéma récapitulatif des processus contribuant au développement de l’insécurité

Source : Julie DANDURAND, Rapport de recherche présenté comme exigence partielle de la maitrise en études urbaines Dans le cadre d’un stage

III.2.1.2.4. L’habitat et l’usager : des comportements à corriger

L‟environnement physique n‟est pas seulement une toile de fond pour l‟action sociale, il est lui-même une forme de comportement. Les gens occupent l‟espace et les liens réciproques qu‟ils y nouent relèvent d‟une sorte de« communauté à l‟état latent »220.l‟échec de l‟habitat social des années 60-70 reflète les complexités sociaux spatiales qui ne correspondaient pas à la clarté et la lisibilité désirées par le consommateur de l‟espace urbain et architectural « plus l‟espace est structuré et lisible plus il est mieux vécu par le consommateur »221. C‟est dans ce cadre qu‟une organisation fonctionnelle des espaces offre un atout fondamental qui permet d‟inscrire des règles de vie sociale à travers les modes de traitement et de qualification de ces espaces. Michel Bonneti illustre l‟importance dès la délimitation, comme suit : «Lorsque les places de parking sont correctement tracées, les automobilistes se garent effectivement aux emplacements prévus à cet effet. Par contre lorsque ces traçages sont effacés, on ne distingue plus les espaces de circulation et les espaces de stationnement,

220Bill Hillier. « Le langage commun de l‟espace » in Space syntaxe laboratory.www .spacesyntax.org /publications/

commonlang.html

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ce qui crée un certain désordre et provoque des conflits entre les habitants. Ce désordre signifie qu‟il n‟y a pas de règles d‟usage de l‟espace, que cet univers social n‟est pas organisé ni maîtrisé. Il est d‟ailleurs remarquable de voir qu‟en l‟absence de traçage de ces places de parking dans certains quartiers, les habitants ont néanmoins recréé des règles d‟usage en alignant les voitures d‟une certaine manière. Ce phénomène est toujours le signe qu‟il existe une forme d‟organisation sociale spontanée »222.