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La pr´esentation du ph´enom`ene de condensation de Bose-Einstein que nous ferons ici sera volontairement rapide et simplifi´ee. Il existe par ailleurs de nombreuses sources pr´esentant la condensation de Bose-Einstein : dans les livres de physique statistique[108], dans des articles [37, 39], des collections d’articles[38] et des cours[35, 36] et dans d’autres th`eses du groupe d’optique atomique[103, 104].

1.1.2.1 Pr´esentation simplissime

Pour dire les choses rapidement, « condenser » des atomes — au sens de Bose-Einstein — signifie « mettre tous les atomes dans le mˆeme ´etat quantique ». C’est-` a-dire les mettre tous dans le mˆeme ´etat, rigoureusement. Comment cela est-il possible ? Dans les grandes lignes, on proc`ede comme suit. La nature a tendance `a minimiser l’´energie. Ce que l’on veut faire, c’est donc mettre tous les atomes dans l’´etat de plus basse ´energie. Le probl`eme est essentiellement de limiter l’´energie cin´etique `a la valeur la plus basse possible, donc de refroidir l’´echantillon. Si l’on est assez contraignant sur la temp´erature, la thermodynamique la plus intuitive nous pr´edit donc une accumulation d’atomes dans l’´etat de plus basse ´energie, l’´etat fondamental. On a alors un nombre macroscopique d’atomes dans un mˆeme ´etat, c’est-`a-dire un condensat.

Il reste alors `a comprendre quand ce ph´enom`ene se produit : quelle est la temp´erature Tc de la transition de phase entre le gaz thermique et le condensat ?

A ce stade, on doit prendre en compte le pi´egeage des atomes pour d´eterminer quels sont les niveaux d’´energie qui entrent en jeu. Ceux-ci sont confin´es dans un pi`ege harmonique, qu’on prendra isotrope pour simplifier. Le potentiel de pi´egeage a ainsi la forme g´en´erique

V(x, y, z) = 1

2mω2(x2+y2+z2) (1.1) o`u la pulsation ω donne la raideur du pi`ege. On sait alors que le niveau fondamental a une ´energie 32~ω par rapport au fond du puits de potentiel, et les excit´es sont `a une

´energie (nx+ny+nz)~ω plus ´elev´ee, o`u lesnx, ny, nz sont des nombres entiers. Il faut donc comparer, pour chaque dimension spatiale, l’´energie thermique 12kBT avec l’´energie du premier ´etat excit´e ~ω. Au total, on voudrait donc comparerkBT avec ~ω. Ceci est tr`es restrictif. Le raisonnement qui suit aboutit `a un r´esultat qui montre qu’en r´ealit´e la condensation se produit mˆeme bien avant qu’on atteigne kBT =~ω.

Pour obtenirTc, on va maintenant utiliser un crit`ere qualitatif. On veut trouverλT, une longueur caract´eristique des effets de la statistique de Bose-Einstein. On la compare ensuite `a la distance entre atomesn−1/3, avec nla densit´e des atomes. Si deux atomes se trouvent `a moins de λT l’un de l’autre, alors ils « se sentent » via la statistique de Bose-Einstein. En particulier, si la densit´e est telle qu’en moyenne deux atomes sont `a

moins deλT l’un de l’autre, alors la distribution des atomes doit ˆetre reconsid´er´ee. Ce n’est plus la distribution thermique qui est pertinente. La statistique quantique se fait pleinement sentir : on obtient le condensat. Ceci arrive donc pourλTn1/3 ≥1. On voit donc que ce qui intervient n’est pas directement la longueur caract´eristique du pi´egeage l mais la distance moyenne entre deux atomesl/N1/3. C’est cette distance1 qu’on veut comparer `a λT.

Il nous reste donc `a trouver l et λT. Dans une distribution thermique E = 3kBT (12kBTpar degr´e de libert´e) ; dans un pi`ege harmoniqueE = 322l2(voir ´equation 1.1).

Donc l ≈ q

kBT

2. Pour λT c’est plus difficile. On verra au chapitre 2 que la longueur cherch´ee n’est autre queλdB, la longueur d’onde thermique de De Broglie. Je laisse pour l’instant de cˆot´e la justification, et j’admets le r´esultat.λdB trouve son origine dans la correspondance entre onde et particule. Elle est d´efinie comme la longueur d’onde de l’onde ´equivalente `a la particule. Pour une particule d’impulsion p, elle vaut λdB = hp. Il se trouve ici qu’il faut prendre une sorte de particule «moyenne », fictive, qui a une

´

energie de l’ordre de kBT. Ce sera donc la longueur d’onde thermique de De Broglie.

Dans un pi`ege harmonique, cela correspond `a une impulsion √

2mkBT. L’expression compl`ete est

λdB=~ r 2π

mkBT .

C’est cette« taille» qui donne l’´echelle de longueur o`u se jouent les effets de la nature quantique des particules2. Le crit`ere pertinent est donc N(kω

BT)3 ≥1, ou encore T < Tc avec Tc≈N1/3~ω¯

kB

Dans notre cas, ¯ω ≈103rad.s−1 etN ≈105 donc on en d´eduit une temp´erature de l’ordre de 1µK : c’est la gamme de temp´eratures `a atteindre pour condenser avec notre montage.

1.1.2.2 Pr´esentation simplifi´ee

Nous allons maintenant pr´esenter une version plus compl`ete de la condensation, qui permet de mieux suivre l’apparition du condensat, en donnant notamment la frac-tion condens´eef, et qui d´etermine une valeur plus pr´ecise de Tc. Nous serons amen´es

`

a faire l’approximation semi-classique. Nous nous pla¸cons toujours dans un potentiel harmonique.

On commence avec l’expression

np = 1 eβ(εp−µ)−1

qui donne le nombre moyen d’occupation du niveaupen fonction de son ´energieεp. La re-lation exprime que les particules ob´eissent `a la statistique de Bose-Einstein.β= 1/kBT et le potentiel chimique µ d´ecrivent les thermostats du calcul de thermodynamique

1On aurait pu penser aussi `a une autre taille caract´eristique : celle de l’´etat fondamental du pi`ege q

~

. Elle d´epend du pi`ege viaω. Mais elle ne sert qu’`a donner la taille du condensat, une fois celui-ci form´e (et en l’absence d’interactions). Pour l’instant, le nuage remplit a priori un grand nombre d’´etats du pi`ege, la distribution ´etant donn´ee par la temp´eratureT.

2et je renvoie au chapitre 2 pour les d´etails

sous-jacent, effectu´e dans l’ensemble grand-canonique : ils traduisent que l’on a mo-mentan´ement relˆach´e les contraintes sur l’´energie et le nombre d’atomesN du syst`eme.

Dans un syst`eme r´eel, on doit alors s’assurer notamment queN =P

pnp, ´equation qui est satisfaite en ajustantµ.

Lorsque la temp´erature d´ecroˆıt, la condition sur N ne peut ˆetre satisfaite que si εp−µd´ecroˆıt aussi. Le potentiel chimique augmente progressivement.εp augmente avec p, doncε0 est le niveau de plus basse ´energie. La conditionnp>0 impose alorsµ < ε0. Le potentiel chimique se rapproche (par valeurs n´egatives) du l’´energie du fondamental.

A la limite o`uT tend vers z´ero, tous les np tendent vers 0. La condition surN ne tient donc que siµ→ε0. Dans cette limite, la population de l’´etat fondamental diverge alors que les autres ´etats se d´epeuplent. Il y a accumulation dans le fondamental : c’est la condensation.

Pour calculer Tc et f, on particularise donc cet ´etat en notant N0 sa population.

On fait ensuite l’approximation semi-classique pour calculer N −N0 : on consid`ere la temp´erature assez ´elev´ee pour n´egliger la discr´etisation des niveaux d’´energie, c’est-` a-dire qu’on faitτ = kω

La condensation se produit lorsque n0 diverge, donc lorsque µ → ε0, c’est-`a-dire z→1. Cela se produit n´ecessairement pourT assez petit. En effet, g3 est une fonction strictement croissante etz <1. Donc le nombreN −N0 des particules excit´ees sature, et le surplus ne peut que s’accumuler dans l’´etat fondamental. Ceci donne

Tc= ~ω¯

1.1.2.3 Pr´esentation plus d´etaill´ee

Ce qui pr´ec`ede permet de se forger une repr´esentation intuitive du ph´enom`ene de la condensation. Cela permet aussi d’obtenir une valeur assez bonne deTc, et d´ecrit assez bien l’´evolution de la fraction condens´ee en fonction de la temp´erature.

N´eanmoins, il se pose deux probl`emes si l’on veut regarder plus pr´ecis´ement ce qui se passe. Premi`erement, le calcul pr´ec´edent est fait sur un gaz parfait de bosons : on ne prend donc pas en compte les interactions. Prendre en compte les interactions conduirait notamment `a d´eplacer un peuTc, mais change aussi la fraction condens´ee[34].

Une autre correction `a apporter serait d’aller au-del`a de l’approximation semi-classique, c’est-`a-dire de s’affranchir de la condition τ = k~ω¯

BT 1, ou au moins de d´evelopper autour de ce param`etre. Une autre encore consiste `a rester en de¸c`a de la limite thermodynamique. Le calcul qui aboutit au r´esultat pr´ec´edent est fait dans la limite thermodynamique, `a savoir N → ∞, en gardant la densit´e constante. Ceci est trait´e dans le cas du gaz parfait dans la r´ef´erence [40] (voir aussi annexe B).