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1.3 Limite hydrodynamique de l’équation de Boltzmann

2.1.4 Erreurs introduites pour des quadratures de degré 5

En pratique, les modèles les plus utilisés industriellement sont basés sur des quadratures de degré 5 comme le D2Q9 ou le D3Q19/D3Q27. Le choix d’utiliser des quadratures à faible nombre de points, pour des raisons de coût calcul, a plusieurs conséquences que nous allons passer en revue.

L’approximation isotherme/athermale.

Avec une quadrature de degré 5, l’équation de la chaleur ne peut être résolue. On fait l’hypothèse que l’écoulement est isotherme, c’est à dire que T = T0 constante. Plus rigoureusement, on parle d’hypothèse athermale : l’équation d’énergie étant entièrement remplacée par une contrainte scalaire, la température n’a plus aucune existence physique dans de tels modèles. Ainsi, la température adimensionnelle devient

rT = 1 . (2.45)

Cette hypothèse étant assez forte et non sans conséquences, nous allons analyser plus en détail. Le lecteur pourra également se référer à l’article de Dellar [Del01].

Sauf dans quelques cas purement théoriques et inintéressants en pratique, un écoule-ment rigoureuseécoule-ment isotherme n’existe pas. Une première façon de cerner le problème est d’effectuer le développement de Chapman-Enskog sur l’équation de Boltzmann et en considérant T = T0 dans les relations de fermeture obtenues (voir [Del01]). On observe que le tenseur

τ

devient de trace non nulle, ce qui entre en contradiction avec les défini-tions (1.3)-(1.5), puisque celles-ci impliquaient nécessairement tr(

τ

) = 0 : ainsi, l’énergie n’est tout simplement plus conservée par les collisions. Concrètement, sous approximation isotherme/athermale, on obtient

τ

= −2µS , (2.46)

soit

tr(

τ

) = −2µ∇ · u . (2.47)

Notons ν = µ/ρ la visosité cinématique. L’expression précédente fait donc apparaître une viscosité de volume non nulle,

ξ = 2

2.1. L’ÉQUATION DE BOLTZMANN À VITESSES DISCRÈTES 33

avec d la dimension de l’espace.

Autrement, en partant du point de vue macroscopique, on peut remarquer qu’il existe dans la loi de conservation de l’énergie un terme source de production de chaleur par la viscosité et par la compressibilité du fluide qui ne disparaît pas lorsque l’on considère T = T0(ou encore e = cte). Il correspond dans l’équation de conservation de la quantité de mouvement au terme puits de dissipation visqueuse et à celui de la pression. Lorsque l’on remplace entièrement l’équation de la chaleur par la contrainte T = T0, l’énergie dissipée par la viscosité est alors tout simplement perdue.

Pour comprendre quel type d’évolution pourrait rigoureusement être considérée therme (et ainsi avoir une estimation du domaine de validité de "l’approximation" iso-therme), on peut remanier l’équation de l’énergie (1.22). On montre que cette dernière peut se mettre sous la forme suivante, utilisée par [SYC06], mais où l’on considère la trace non nulle du tenseur des contraintes visqueuses (par rapport à [SYC06], notre définition du flux de chaleur est différente à un facteur (1/2) près) :

ρ∂e(1 −  2bτ 3 ∇ · u) ∂t + ρ∇ · [e(1 −  2bτ 3 ∇ · u)u] +

σ

: ∇u + ∇ · q = 1 2 Z R3 |c|2Ω dc (2.49) avec

σ

= pI − 2τ ρSb (2.50) On a vu que classiquement R

|c|2Ω dc = 0 car, par définition en régime thermique, la trace de la partie déviatorique du tenseur des contraintes est nulle (la partie déviatorique correspond à la partie hors équilibre du tenseur des contraintes ). En régime athermal on a donc à présent pour l’opérateur BGK, d’après l’équation (2.47)

1 2 Z R3 |c|2Ω dc = −1 2bτtr  − 2τ ρSb = ρ∇ · u . (2.51)

Pour T = cte (soit e = cte, ou encore rT = cte = 1 ), le développement de Chapman Enskog à l’ordre 1 donne q = 0. En écriture adimensionnelle athermale, on a également p = ρ et e = 3/2. Si on considère  = cte et en remarquant que

S : ∇u = S : S = |S|2 (2.52)

on obtient après un calcul rapide

−τb∂(∇ · u)

∂t − bτ ∇ · [(∇ · u)u] + ∇ · u − 2τ |S|b 2 = ∇ · u (2.53) dont on peut séparer les échelles par ordre de puissance en . L’ordre 0 impose une contrainte d’incompressibilité ∇ · u = 0. L’ordre 1 imposerait alors τ |S|b 2= 0, c’est à dire soit un écoulement inviscide, soit un écoulement possédant un tenseur des déformations nul (écoulement uniforme ou rotation en bloc, cas physiquement irréalistes ou inintéressants). Strictement parlant, on retrouve ici le résultat établi pour les équations de Navier-Stokes : une évolution rigoureusement isotherme n’est possible que pour un fluide par-fait incompressible. Une viscosité nulle étant proscrite avec l’opérateur BGK du par-fait de la présence du facteur 1/τ , il faudra se contenter d’une viscosité faible et de gradients de vitesses raisonnables.

En résumé, ces limitations sont équivalentes à la condition de faible nombre de Knudsen  = M a/Re : un nombre de Mach faible (pour obtenir un écoulement faiblement compres-sible), mais aussi très faible devant le nombre de Reynolds. Cela permet de rappeler qu’un nombre de Mach trop haut n’est pas la seule source d’erreur possible en approximation athermale : un nombre de Reynolds trop proche du nombre de Mach l’est aussi.

Étant donné notre objectif industriel, nous choisissons d’utiliser cette approximation pour la suite de ce travail.

Remarque : conséquences sur l’acoustique.

L’apparition d’une viscosité de volume ξ non nulle a nécessairement une conséquence sur l’acoustique. On montre en effet que la dissipation en champ libre des ondes acoustiques s’effectue au taux ΓN Sac = −(23ν + 12ξ)|k|2 dans les équations de Navier-Stokes compres-sibles, avec k le nombre d’onde. Pour un écoulement régi par l’équation de Boltzmann à vitesses discrète BGK sous hypothèse athermale, impliquant ξ = 23ν en 3D, on aura ainsi ΓBGK,athermac = −ν|k|2, contre ΓBGK,thermac = −23ν|k|2 sans cette hypothèse. Cette diffé-rence est très faible, et complètement négligeable pour des simulations aéroacoustiques en automobile.

Erreur de troncature pour les quadratures d’ordre faible

Nous avons vu plus haut que pour retrouver avec une précision d’ordre 2 en nombre de Knudsen les équations de Navier-Stokes sans équation d’énergie, une quadrature de degré 6 était nécessaire. Utiliser une quadrature de degré 5 relève donc d’une autre approximation, totalement indépendamment de l’approximation athermale : un terme d’erreur apparaît dans le calcul des moments d’ordre 2 de f , plus précisément dans le tenseur des contraintes visqueuses : ce dernier devient en effet

τ

= −2µS + τ ∇ · (ρu ⊗ u ⊗ u)b (2.54)

Cette expression montre l’apparition d’un terme non physique d’ordre O(M a3), qui induit une erreur sur la viscosité effective d’ordre O(M a2) [Del14;SYC06]. L’ordre de grandeur de ce terme reste donc raisonnable pour des écoulements faiblement compressibles à bas nombre de Mach. Son expression sera retrouvée analytiquement avec le développement de Chapman-Enskog effectué sur l’équation de Boltzmann sur réseau dans la partie suivante. Cette erreur à l’ordre dominant constitue une rupture d’invariance galiléenne[Del14] à l’ordre dominant, et d’autres erreurs de ce type peuvent apparaître aux ordres supérieurs. Nous reviendrons sur ce point important lors de l’étude des schémas de Boltzmann sur réseau.

En résumé, une quadrature de degré 5 comme le D2Q9, D3Q19 ou D3Q27 ne permettra de simuler qu’une version dite faiblement compressible des équations de Navier-Stokes, sans équation d’énergie. De plus, une erreur en O(M a3) apparaît dans le tenseur des contraintes, provoquant une erreur en O(M a2) sur la viscosité. Le nombre de Mach sera donc contraint de rester faible, tout en conservant M a << Re. Nous insistons sur le fait que ces erreurs sont introduites avant même toute discrétisation spatio-temporelle : ces erreurs préexistent aux schémas numériques de Boltzmann sur réseau. Toutefois, nous verrons que l’un des objectifs des schémas modernes est de corriger certaines de ces erreurs, tout en maintenant le même degré de quadrature. C’est en particulier le cas de l’erreur d’invariance galiléenne. Toutefois, il est important de préciser que les erreurs d’ivariance galiléenne pour la limite hydrodynamique ne sont jamais entièrement supprimées : elles ne sont que repoussées à des ordres supérieurs.