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3.4 Entropic Lattice Boltzmann Method (ELBM)

3.4.2 Étape de collision : stabilisations entropiques

La seconde étape du raisonnement consiste à imposer des contraintes supplémentaires à l’opérateur de collision pour garantir la stabilité de l’équilibre local. Un outil très puis-sant pour analyser la stabilité des systèmes dynamiques est la notion de stabilité de Lyapunov. Pour un équilibre gαeq donné, une fonction V est dite fonction de Lyapunov du système s’il existe un voisinage de l’équilibre sur lequel

1. V (gα) > V (gαeq). 2. dVdt ≤ 0.

Si une telle fonction de Lypanunov existe pour le système, alors l’équilibre gαeq est stable. Or la fonction H vérifie la première condition puisque gαeqest par définition son minimum. H est alors dite candidate de Lyanpunov. Ainsi, pour assurer la stabilité de l’équilibre au sens de Lyapunov (c’est à dire une condition très forte de stabilité non-linéaire), il faut forcer la fonction de distribution à vérifier

dH

dt ≤ 0 . (3.86)

Au sens discret, cela signifie que les collisions à chaque pas de temps ne doivent pas augmenter H. Pour mieux comprendre comment forcer l’opérateur de collision à vérifier cette condition, il faut s’intéresser aux trajectoires vers l’équilibre dans la collision de Boltzmann sur réseau. Pour simplifier l’étude, nous considérons le cas de l’opérateur BGK. Rappelons que la collision BGK s’écrit pour un paramètre de relaxation adimensionnel s

gα= gα− s(gα− geqα) . (3.87)

Rappelons aussi que 0 ≤ s ≤ 2. La relaxation BGK est donc une relaxation dans la direction de l’équilibre : pour s = 1, le résultat de la collision est exactement l’équilibre local, gα= gαeq. Pour s = 0, il y a absence de collision, gα= gα. Ces observations permettent de distinguer plusieurs régimes de relaxation :

1. 0 ≤ s ≤ 1 : régime de sous-relaxation. Exprimé avec des temps de relaxation, ce régime équivaut, en écriture dimensionnelle, à ∆t ≤ τg < +∞ (on rappelle que τg = ν/c20+∆t/2). Ce régime de relaxation n’existe que si le pas de temps est extrêmement faible pour un écoulement à faible nombre de Knudsen, ou si le nombre de Knudsen est très grand. En pratique, pour des écoulements automobiles ou aéronautiques, on a toujours τg << ∆t : le régime de sous-relaxation n’est jamais rencontré.

2. 1 < s ≤ 2 : régime de sur-relaxation. Il s’agit du régime classique pour les écou-lements industriels à faible nombre de Knudsen. On a généralement dans ces cas τg très proche de ∆t/2, soit s ' 2.

Pour mieux saisir en quoi la distinction entre ces deux régimes a une importance fonda-mentale, on se réfère à la figure3.7, inspirée de [KFÖ99;SKC02].

Nous y avons représenté une projection 2D des iso-valeurs de la fonction H (H est une fonction de q variables réelles en DdQq : seule sa projection en dimension 2 est présentée

Figure 3.7 – Représentation du processus de collision BGK en un point et à un instant donné et

isovaleurs de la fonction H associée. Le minimum de la fonction H est par définition la fonction d’équilibre. La fonction pré-collision se situe au point A et celle post-collision, dans le cas particulier présenté sur cette figure, au point B. Dans le cas de sur-relaxation présenté ici, la stabilité au sens de Lyapunov n’est pas respectée.

ici par souci de clarté), ainsi qu’un exemple de trajectoire vers l’équilibre lors de l’étape de collision, à un instant et en un point donné, matérialisé par le segment [AB]. Le point E représente le minimum de la fonction H, c’est à dire la fonction d’équilibre. On remarque que pour un régime de sur-relaxation, la contrainte de stabilité de Lyapunov peut être violée : la valeur de H peut potentiellement augmenter avec la collision sur-relaxée. Le point L représente la sur-relaxation limite admissible pour respecter la non-augmentation de H. Il s’agit précisément de cette propriété qui est utilisée par Karlin et al. pour la construction des modèles entropiques. L’idée consiste à effectuer une collision forçant gα à rester dans le segment [AL] via un paramètre dit de stabilisation entropique γ(x, t), et ce quelque soit la valeur imposée pour la viscosité cinématique. De façon générale pour tous les modèles entropiques, on définit l’état miroir entropique, état post-collisionnel fictif noté gmirr, tel que

H(g) = H(gmirr) , (3.88)

3.4. ENTROPIC LATTICE BOLTZMANN METHOD (ELBM) 91

modèles entropiques, la collision est effectuée comme suit :

g =1 − βg + βgmirr . (3.89)

Le paramètre β ∈ [0; 1] pondère la collision sur le segment [AL] et sera fixé en fonction de la viscosité cinématique souhaitée. Le paramètre γ(x, t) intervient dans la définition de l’état miroir entropique. Deux grandes familles d’états miroirs entropiques, apparues dans l’ordre chronologique, existent dans la littérature. Elles mènent à des modèles très différents, c’est pourquoi nous les étudierons dans l’ordre.

Dans la première version des modèles entropiques [KFÖ99;AK00; AK02], le pa-ramètre de stabilisation entropique γ1 est défini en tout point et à tout instant comme la racine non-triviale (c’est à dire non-nulle) de l’équation

H(g) = Hg − γ1(g − geq) . (3.90) Cela revient à définir l’état miroir entropique comme

gmirr,1α = gα− γ1(gα− gαeq) , (3.91)

pour α = 0..q − 1. Notons que dans la limite d’un calcul parfaitement résolu, γ1 → 2. Ceci fournit dans cette première version des modèles entropiques

gα= gα− γ1β(gα− geqα) . (3.92) Le paramètre β est lié à la viscosité cinématique par 1/β = 2/s = 2ν/c2s + 1. Point important, la forme présente de la relaxation montre que la viscosité effective du calcul νef f,1 est différente de ν : en particulier,

νef f,1= ν ⇐⇒ γ1 = 2 , (3.93)

c’est à dire que la viscosité effective à l’ordre dominant n’est correcte que dans le cas d’un calcul parfaitement résolu, où la collision entropique se réduit explicitement à la collision BGK. Pour tous les cas de figure courants, on aura en réalité une viscosité effective valant

νef f,1= 4ν + c

2

s(2 − γ1)

1 . (3.94)

Notons que de manière a priori contre-intuitive, le paramètre γ peut également prendre des valeurs supérieures à 2, c’est à dire induire une hyperviscosité négative par endroits [Kar+15]. Quoiqu’il arrive, le procédé de stabilisation conduit à un ajout automatique de viscosité à l’ordre dominant, dépendant du comportement de γ1(x, t). Une telle propriété rend ce modèle peu satisfaisant, aussi stable qu’il puisse être.

Dans un deuxième temps, Karlin et al. ont proposé une autre version de leur stabilisation entropique qui, cette fois, ne modifie pas la viscosité cinématique [KBC14;

BCK15;Dor+16a]. L’idée est de ne faire agir la stabilisation entropique que sur les

mo-ments d’ordres supérieurs non liés au tenseur des contraintes, c’est à dire ceux dont la relaxation est pilotée par des paramètres "libres" dans les modèles MRT. Pour ce faire, la fonction de distribution est divisée en différentes contributions. En reprenant les notations des auteurs, on a :

où kα(kinetic part) ne dépend que des moments conservés (qui ne sont donc pas affectés par la collision), sα (shear part) représente la partie liée au tenseur des contraintes (relaxée selon la viscosité cinématique) et hα (higher order part) représente les moments non-hydrodynamiques (précisons que hαne représente plus une partie de la fonction H comme dans le début de la section. Ces notations sont celles des auteurs eux-mêmes). Les auteurs proposent également des réalisations dans lesquelles un moment d’ordre 3 est inclus dans

sα [BCK15]. Le nouvel état miroir entropique est défini comme

gαmirr,2= kα+ 2(sα− sαeq) + γ2(hα− heqα) (3.96) avec γ2 le stabilisateur entropique, solution de l’équation (3.88) pour gαmirr = gmirr,2α . Ensuite, on effectue la collision (3.89) sur ce nouvel état miroir. La valeur 2 en facteur de la partie hors équilibre du tenseur des contraintes montre que la collision entropique n’impose cette fois pas de facteur limitant sur la partie liée au tenseur des contraintes : par conséquent on a ici, pour toute valeur de γ2

νef f,2= ν . (3.97)

Pour un calcul parfaitement résolu, on a toujours γ2 → 2 et la collision entropique se réduit à nouveau à une collision BGK.

3.4.3 Influence du stabilisateur entropique sur les propriétés