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Chapitre 4 – Pour une sociologie interprétative des inégalités de logement : bases

4.2 La démarche de la recherche

4.2.2 La collecte de récits d’expérience

4.2.2.2 Les entretiens semi-directifs

Lors de l’été 2013, à mi-chemin du travail de terrain et suite au Forum sur le logement qui s’est tenu fin avril, nous avons effectué des entrevues avec des participants de ce forum, et également avec des locataires que nous avons rencontrés dans les locaux du comité logement. L’objectif de ces entretiens était d’aller davantage en profondeur afin de retracer le parcours de logement. En effet, dans ces entretiens nous refaisions, à rebours, l’histoire de locataire de ces participants. Pour ce faire, nous avons choisi des thèmes que nous avons exploités lors des entretiens. Nous avons procédé par des questions ouvertes, liés à ces thèmes, et nous avons invité l'interviewé à construire ses réponses (Blee, 2002). Ainsi, l’interviewer a pu « créer un cadre dans lequel la personne interrogée se sent à l’aise d’exprimer ses propres idées et sentiments concernant les thèmes abordés » (Boutin, 2000 : 46). Les thèmes qui orientaient les questions (l’histoire du logement et les conditions du logement.) étaient évidemment liés aux épreuves et aux expériences du logement, mais visaient surtout à amener les participants à s’exprimer sur leur vécu comme locataire dans le logement actuel et dans celui ou ceux du passé (la grille d’entrevue se trouve à l’Annexe D).

Dans la démarche phénoménologique, l’entretien représente la base de la quête de données liées au vécu tout en respectant la parole des participants. En effet, cet outil leur permet de reconstruire leur propre expérience à travers leurs propres mots. À cet égard, la grille d’entretien est dénuée de tout concept afin de ne pas guider les locataires vers des réponses précises. Après une brève présentation sociodémographique, nous demandions aux locataires de

raconter leur histoire de logement à partir d’une question ouverte sur la mobilité ou sur le changement. Quand l’activité le permettait, nous commencions par la question suivante : « pourquoi habitez-vous ici ? ».

Ainsi, pour le recrutement des participants, nous avons utilisé les activités du comité logement. Dans un premier temps, les trois premiers participants ont été recrutés lors de la tenue du forum sur le logement. Par la suite, les personnes rencontrées ont toutes été référées par le Comité logement qui avait préalablement discuté avec les locataires de la possibilité de participer à la recherche. Tous les participants ont signé un formulaire de consentement présenté par le chercheur avant que l’entrevue débute. Nous répondions d’abord à leurs questions avant de leur demander de signer le formulaire de consentement. C’est seulement après ces deux étapes que l’entretien pouvait commencer. Afin de rassurer et de mettre le participant en confiance, nous acceptions toute offre de boissons ou de collations. En général, ces moments avant l’entretien permettent de construire une proximité avec le participant, réduisant l’impression de distance en termes de capital culturel. En général, cela contribuait à diminuer « l’ambiance scientifique » pour laisser la place au vécu des locataires (Rubin et Rubin, 2012).

Nous n’avons pas interviewé la totalité des locataires qui ont participé aux activités du comité de logement. Il fallait donc sélectionner un certain nombre de répondants qui ont été invités à faire partie de l’étude. En ce sens, la référence à la notion d’échantillonnage est appropriée dans cette étude. Toutefois, dans une recherche comme la nôtre, il faut prendre la notion d’échantillon dans un sens large comme le dit Pires (1997), c’est-à-dire qu’elle « désigne le résultat de n’importe quelle opération visant à constituer le corpus empirique d’une recherche » (p. 114.).

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Tableau 4.2 Profil migratoire des participants

Nous avons conservé huit entretiens (sur dix) à analyser, effectués auprès quatre femmes et quatre hommes. Les participants étaient majoritairement immigrants et cinq étaient au Canada depuis moins de cinq ans. Cette « surreprésentation » des immigrants dans l’échantillon reflète la population desservie par le comité logement Saint-Laurent. L’immense majorité des personnes qui contactent le comité sont immigrants et une grande proportion d’entre eux est arrivée au Canada récemment (moins de cinq ans). Notre choix de sélectionner les participants aux entretiens parce qu’ils avaient participé aux activités du comité se reflète dans les profils des interviewés. Les participants étaient âgés entre 28 et 51 ans et ils vivent pour la plupart en ménage familial de quatre personnes ou plus. En outre, la moitié des interviewés a un travail. Ces personnes que nous avons interviewées n’étaient pas dans une situation aussi vulnérable que les locataires qui venaient rencontrer le comité dans ses bureaux. Ceux qui ont accepté de participer aux entrevues étaient déjà dans une démarche de transformation de leurs situations de logement. Toutefois, nous estimions qu’ils avaient davantage de recul face à leur expérience de logement. Dans ce sens, ces locataires ne sont pas représentatifs des locataires de Saint-Laurent,

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mais ils nous ont permis d’accéder davantage à l’expérience de locataires.

Au plan de la situation locative, le profil des interviewés est davantage diversifié (voir Tableau 4.3). En ce qui a trait au type de logement occupé et au type d’immeuble, la majorité des locataires vit dans des immeubles de plus de cinq logements. Toutefois, ils habitent différents modèles d’immeuble locatif puisque certains d’entre eux vivent dans une coopérative. Il en découle une diversification des propriétaires impliqués, soit les coopératives, les propriétaires privés et les entreprises. Les interviewés habitent également différents secteurs de Saint-Laurent, tant en termes administratif et populaire (les quartiers selon la ville, mais également l’usage) qu’en termes statistiques (quartier de recensement). En outre, selon l’évaluation des participants, les ménages rencontrés consacrent entre 25 % et 60 % de leurs revenus à se loger. Pour ceux qui n’habitent pas dans une coopérative, l’effort est évidemment plus grand. Finalement, la majorité des locataires rencontrés ont déménagé à plus d’une reprise, ce qui signifie qu’ils nous ont raconté plusieurs histoires de logement, plusieurs analyses de situations de logement.

Tableau 4.3 Profil locatif des participants

4.2.3 L’analyse des données : entre interprétation analytique et reconstruction