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De quelques enjeux de l’exemplarité romanesque : éthique et relations amoureuses

Très clairement, le problème posé par les effets de la fiction ne se limite pas aux seuls passages érotiques et aux seuls romans de chevalerie186 et touche les bonnes mœurs des

lecteurs187.

Un commentaire du curé lors de son examen de la bibliothèque de Quijano a particulièrement retenu notre attention. Alors qu’il était prêt à ne pas jeter au feu les romans pastoraux, la nièce d’Alonso intervient, craignant que son oncle ne succombe au virus de la poésie. Pero Pérez s’exprime alors en ces mots :

Verdad dice esta doncella –dijo el cura–, y será bien quitarle a nuestro amigo este tropiezo y ocasión delante. Y pues comenzamos por La Diana de Montemayor, soy de parecer que no se queme, sino se le quite todo aquello que trata de la sabia Felicia y de la agua encantada (DQ I, 6, p. 84).

En comparaison, le curé fait la requête suivante : « la de Gil Polo se guarde como si fuera del mesmo Apolo » (DQ I, 6, p. 85). Diana enamorada apporte-t-elle, donc, une solution alternative au « dénouement » narratif proposé par Jorge de Montemayor ?

Avant de répondre à cette question, rappelons les enjeux de l’épisode de la « sabia Felicia » dans l’œuvre du Portugais. Le parcours existentiel des personnages de Los siete libros de la Diana s’accomplit selon la conception néoplatonicienne d’un amour qui conçoit les êtres aimants comme les « victimes » d’une fatalité transcendantale et inaccessible à l’individu. L’explication de Juan Bautista Avalle-Arce est éclairante quant à la fonction narrative de la magicienne Felicia :

aquí la psicología neoplatónica del amor lo atrapa a Montemayor en un callejón sin salida […]. Para salir del brevete que implica la intención de aunar el psicologismo neoplatónico con el dinamismo novelístico, a Montemayor no le queda más que un recurso : apelar a lo sobrenatural (Avalle-Arce, 1974, p. 82-83).

Felicia va en effet résoudre les problèmes amoureux par un simple « coup de baguette magique ».

186 Pour Martín de Riquer, « esta censura no cae solamente sobre los libros de caballerías, sino también

sobre la novela pastoral, especialmente las Dianas, la novela sentimental al estilo de Piccolomini y Diego de San Pedro, e incluso sobre la poesía de Boscán y Garcilaso. La novela picaresca, en cambio, jamás es objeto de la más pequeña censura » (CERVANTES, 1962, p. XXI).

187 DQ II, 16, p. 753 : « ¡Bendito sea el cielo!, que con esa historia que vuesa merced dice que está impresa

de sus altas y verdaderas caballerías se habrán puesto en olvido las innumerables de los fingidos caballeros andantes, de que estaba lleno el mundo, tan en daño de las buenas costumbres y tan en perjuicio y descrédito de las buenas historias. »

La censure cervantine répond-elle à une conscience artistique ? Son enjeu est-il purement narratif, ou érotique, comme le prétend Marcelino Menéndez Pelayo188 ? On concèdera à ce

dernier l’idée que Cervantès –comme A. Lopez Pinciano189– pouvait difficilement admettre la

vraisemblance du procédé magique. Mais le concept de vraisemblance de l’auteur d’Alcalá ne doit rien à des présupposés poéticiens ; c’est d’ailleurs pour cette raison qu’Américo Castro rejette la position de M. Menéndez Pelayo. Il y a tout lieu de croire que la compréhension cervantine de la poétique aristotélicienne est imprégnée de considérations éthiques.

L’« EAU ENCHANTÉE » DE FELICIA, OU L’HUMANITÉ RENIÉE

Ce n’est pas le caractère surnaturel (surhumain) qui rend invraisemblable l’intervention de Felicia : celle-ci n’est, tout simplement, pas humaine. Montemayor, en effet, aurait laissé croire que les problèmes sentimentaux de Sireno, Selvaggia et Silvano190 n’auraient aucune forme

possible de résolution humaine, active et consciente191.

Une inflexion avait déjà été tentée par Gaspar Gil Polo dans sa continuation romanesque. Le dernier livre du roman fait discourir Felicia au sujet de la prétendue efficacité de son intervention et de l’utilisation de « puissantes herbes ». Le point de vue qu’elle exprime s’applique à réduire son rôle au profit d’un emploi plus sage de la raison et du contrôle de soi de la part des âmes en peine :

Y aunque en los remedios que yo a todos os di, mostré claramente mi saber y publiqué mi nombre, tuviera por mejor que vosotros hubiésedes vivido con tanta discreción, que no tuviérades

necesidad de mis favores. Porque más estimara yo vuestra salud que mi fama, y a vosotros

os fuera más conveniente dejar de caer en vuestros engaños y penas que, después de caídos, ser con mi mano levantados (1988, p. 311).

L’intervention magique censée corriger les erreurs commises par les bergers se veut être la dernière, puisque Felicia les enjoint de ne plus la considérer dorénavant comme la personne salvatrice des égarements passés et des maux actuels :

No tengáis de hoy más atrevimiento de abalanzaros a semejantes trances, con esperanzas de ser remediados como ahora lo fuistes, que no tenéis tanta razón de estar confiados por la salud que a vosotros se os dio, como temerosos por los desastres que a muchos enamorados acontecieron (ibid., p. 312).

Les héros de La Galatée ne pourront donc profiter de l’espoir et de la facilité d’un agent extérieur à eux-mêmes pour résoudre leur labyrinthe amoureux, ni partir, comme en pèlerinage,

188 L’interprétation de M. Menéndez Pelayo est citée par A. Castro (1980, p. 145).

189 « Para atar el ñudo, lícito es el socorro divino; para desatarle, parece muy mal y es mucha falta de

artificio, porque el passo más deleitoso de la fábula es el desañudar y, trayendo socorro del cielo, no queda la acción tan verosímil como cuando humanas manos lo obran » (LOPEZ PINCIANO, 1998, p. 214).

190 Au sujet de la spécificité des résolutions amoureuses, nous renvoyons aux commentaires de Juan

Montero (« la voluntariosa Felismena deberá seguir su peregrinación amorosa tras las huellas de don Felis; en cambio, la irresoluta Belisa permanecerá recluida hasta el final » ; MONTEMAYOR, 1996, p. 419-421).

retrouver la science infuse d’une magicienne éclairée. Le roman pastoral de Cervantès trouve sa « vraisemblance » grâce à un dénouement romanesque accompli selon des modalités humainement possibles192. Très explicitement, Cervantès situe aussi l’exemplarité du recueil de

1613 dans le cadre fixé par G. Gil Polo. Le protagoniste de la dernière nouvelle, Berganza, condamne l’usage romanesque de l’« eau enchantée » pour résoudre les « complications » (enredos) amoureuses (CP, p. 553). Ce qui est visé, c’est bien le « coup de baguette magique » proposé aux lecteurs (« varilla de virtudes », p. 604), qui, pour eux, n’a aucun sens pratique, imitable, applicable, bref, « exemplaire ».

LES « ETRES MEILLEURS », OU L’HUMANITE CIVILISEE

La seconde raison qui rend la notion cervantine de vraisemblance tributaire de conceptions éthiques tient à la défense d’une poétique responsable, où l’humanité existe comme tension vers un dépassement de ses traits les plus nuisibles.

S’il y a bien un consensus entre don Quichotte et ses opposants, c’est à ce sujet. Les opinions du chanoine, d’A. Quijano et de Sansón, se rejoignent pour affirmer que la poésie se distingue de l’histoire en ce qu’elle montre les personnages, non comme ils sont ou auraient pu être, mais comme ils doivent être selon l’idéal humain.

- […] quiero conceder que hubo Doce Pares de Francia, pero no quiero creer que hicieron todas aquellas cosas que el arzobispo Turpín dellos escribe, porque la verdad dello es que fueron caballeros escogidos por los reyes de Francia, a quien llamaron pares por ser todos iguales en valor, en calidad y en valentía: a lo menos, si no lo eran, era razón que lo fuesen, y era como una religión de las que ahora se usan de Santiago o de Calatrava, que se

presupone que los que la profesan han de ser deben ser o caballeros valerosos, valientes y bien nacidos (DQ I, 49, p 567).

- [Las] acciones que ni mudan ni alteran la verdad de la historia no hay para qué escribirlas, si han de redundar en menosprecio del señor de la historia. A fee que no fue tan piadoso Eneas como Virgilio le pinta, ni tan prudente Ulises como le describe Homero.

Así es –replicó Sansón–, pero uno es escribir como poeta, y otro como historiador: el poeta puede contar o cantar las cosas, no como fueron sino como debían ser; y el historiador las ha de escribir, no como debían ser, sino como fueron, sin añadir ni quitar a la verdad cosa alguna (p. 649-650).

Comme le dit Edward Riley, « no establecer una clara distinción entre "lo que podría ser" y "lo que debería ser" era un rasgo de la teoría renacentista » (1990, p. 89) ; parce que, d’une part, la compréhension de la Poétique devait essentiellement à une interprétation morale193 et parce que,

d’autre part, la Poétique d’Aristote, dans son chapitre 25, donnait à la fiction des référents d’ordre moral :

192 L’opinion de Francisco López Estrada est d’ailleurs la suivante : « La predilección de [Cervantes] por

Gaspar Gil es un evidente caso de afinidad electiva, pues el autor del Quijote parte de esta experiencia del valenciano para lograr la nueva identidad de la novela europea » (ibid., p. 30).

- Puisque le poète est auteur de représentations, tout comme le peintre ou tout autre faiseur d’images, il est inévitable qu’il représente toujours les choses sous l’un de trois des aspects possibles : ou bien telles qu’elles étaient ou qu’elles sont, ou bien telles qu’on les dit ou qu’elles semblent être, ou bien telles qu’elles doivent être [60b 7-11]. - […] si on objecte qu’une chose n’est pas vraie, il se peut que par ailleurs elle soit comme

elle doit être –c’est ainsi que Sophocle disait qu’il faisait quant à lui des hommes tels qu’ils doivent être, et Euripide tels qu’ils sont–, c’est de là qu’il faut tirer la solution [60b 32-35].194

La reprise presque littérale, dans Don Quichotte, des expressions aristotéliciennes marque ainsi le profond attachement de Cervantès pour la théorie de la tragédie et la monstration d’« êtres meilleurs ». C’est là l’une des originalités de notre auteur en regard de la position défendue par A. López Pinciano :

mientras que el autor de la Philosophía Antigua Poética, más fiel al espíritu de la Poética que los teóricos franceses del XVII interpreta la catarsis en un sentido más psíquico que ético, Cervantes prácticamente la sustituye por el concepto mucho más vago de

ejemplaridad moral. Para el Cura, la comedia es « ejemplo de las costumbres » […]. Así,

para Cervantes, ya no se trata de purificar pasiones sino de inculcar virtudes (Canavaggio, 1958, p. 55).

Pour terminer cette description de la notion cervantine de vraisemblance, nous voudrions attirer l’attention sur une réflexion de Sancho qui illustre mieux qu’aucune autre la polarité éthico- humaine du concept :

parecíame a mí que estaba la reina Maguncia obligada a desmayarse antes que a morirse, que con la vida muchas cosas se remedian y no fue tan grave el disparate de la infanta, que obligase a sentirle tanto. Cuando se hubiera casado esa señora con algún paje suyo o con otro criado de su casa, como han hecho otras muchas, según he oído decir, fuera el daño sin remedio; pero el haberse casado con un caballero tan gentilhombre y tan entendido como aquí nos le han pintado, en verdad en verdad que, aunque fue necedad, no fue tan grande como se piensa (DQ II, 39, p. 946-947).195

Dans cette interprétation du récit, on aura remarqué que, pour le bon sens de Sancho, l’invraisemblance n’a rien à voir avec les maléfices du géant Malambruno, mais bien plutôt avec l’inadéquation patente de l’action du personnage vis-à-vis des réalités empiriques et des principes sentimentaux. Bref, la lecture de la vraisemblance ne saurait se départir d’une compréhension axiologique.

De ce point de vue, le texte le plus significatif est un passage peu fréquenté par la critique, mais qui nous intéresse grandement par sa place, au centre du dernier récit des Nouvelles

194 Le commentaire de l’édition critique est tout à fait éclairant : « En mieux reprend "comme ils doivent

être" de 60b 11 : il s’agit de la promotion, à la fois esthétique et éthique, des caractères qui fait d’eux des caractères de tragédie (cf. chap. 15, 54 b 8 sq., où Aristote indique que, la tragédie étant représentation d’êtres "meilleurs que nous" (beltionôn è hèmeis), les poètes doivent "donner de la classe" (epieikeis poiein) à leurs personnages). Cette promotion est ainsi plus qu’une simple possibilité, une obligation spécifique de la représentation tragique […]. Il ressort à l’évidence de la Poétique que Sophocle, et non Euripide […] est aux yeux d’Aristote le poète tragique par excellence » (ibid., p. 392-393).

195 La réflexion de Sancho semble refléter celle que Mabilia fait à Oriana : RODRIGUEZ DE

exemplaires. Plutôt intéressés par la littérature hispanique, les exégètes cervantins oublient

d’associer la critique de l’eau enchantée de Felicia à celle de la rose salvatrice et milésienne de Photis196, quand, précisément, Cervantès les rapproche au sein du même espace narratif (CP, p.

553, 595). Notre auteur refuse l’invraisemblance lorsqu’elle n’est pas éthiquement exemplaire. Le commentaire sur la rose que devait manger Lucius prolonge la réflexion qui était la sienne à propos de la magie pastorale inimitable en lui insufflant une dimension plus « politique ». La Cañizares regrette, en effet, que l’animal cervantin, à savoir Berganza, ne puisse retrouver sa forme humaine originelle aussi simplement que Lucius, son modèle antique :

con grandísimo gusto doy noticia de tus sucesos y del modo con que has de cobrar tu forma primera; el cual modo quisiera yo que fuera tan fácil como el que se dice de Apuleyo en El asno de oro, que consistía en sólo comer una rosa. Pero este tuyo va fundado en acciones ajenas y no en tu diligencia. Lo que has de hacer, hijo, es encomendarte a Dios allá en tu corazón, y espera que éstas, que no quiero llamarlas profecías, sino adivinanzas, han de suceder presto y prósperamente (CP, p. 595).

Avec les Ejemplares, le temps de la facilité est arrivé à son terme. Le recueil de 1613 souhaite ouvrir une période où les auteurs responsables guideront les lecteurs, au lieu de leur faire miroiter des « solutions miracles », comme celles proposées par exemple par les Celestinas en tout genre. Pour sortir du malheur, la Cañizares enjoint Berganza et ses lecteurs, en sorcière exemplaire, de trouver des solutions qui soient à la fois éthiques, c’est-à-dire pleinement compatibles avec autrui (le bonheur « va fundado en acciones ajenas »), et morales, c’est-à-dire en accord avec le respect de Dieu (« encomendarte a Dios »). Cervantès ne fait pas de zèle religieux ; il reconduit seulement une pensée populaire (« no quiero llamarlas profecías, sino adivinanzas », « refranes »).

Peut-on croire, dès lors, que la critique cervantine des romans de chevalerie est purement poétique, à l’image des commentaires du chanoine de la fin de la première partie, et que l’auteur de Don Quichotte, si « moderne » soit-il, ne condamne pas, comme ses contemporains,les périls pour la jeunesse des fictions de son temps ?

Nous pensons, au contraire, que Cervantès est le porte-parole des dangers d’une certaine fiction pour la jeunesse, comme l’avait été, avant Aristote, Platon lui-même. En substance, dans sa conclusion à La République, il ne condamnait nullement la littérature dans son ensemble ; il invitait plutôt à asphyxier la « Muse séduisante ». Les mots attribués à Socrate sont dépourvus d’ambiguïté :

Dès lors, Glaucon, repris-je, quand il t’arrivera de tomber sur des admirateurs d’Homère […], il faudra les considérer comme des amis et leur donner notre affection […], et nous accorder avec eux pour dire qu’Homère est suprêmement poétique et qu’il est le premier des poètes tragiques. Il faudra cependant demeurer vigilants : les hymnes aux dieux et les éloges des gens vertueux seront la seule poésie que nous admettrons dans notre cité. Si au contraire tu y accueilles la Muse séduisante, que ce soit la poésie lyrique ou épique, le plaisir et la peine règneront alors dans ta cité à la place de la loi et

de ce que la communauté reconnaît comme ce qu’il y a de mieux : la raison (La

République, 606e-607a).

Dans son Interpretación cervantina del Quijote, Daniel Eisenberg avait évoqué très justement dans l’œuvre de l’auteur d’Alcalá un aspect critique similaire :

Además de incluir largas discusiones sobre los defectos del género y comentar las deficiencias de muchos libros y las excelencias de muy pocos, Cervantes ilustra los defectos que su lectura produce. Muchos de sus lectores ficticios tienen graves problemas. Dorotea y Luscinda, por ejemplo, han perdido su virginidad (1995, p. 145- 146).

LA QUESTION DU MARIAGE

Le cas chevaleresque

Si, dans les deux cas de Dorotea et de Luscinda, la critique reste implicite, il en va différemment dans le tout dernier chapitre du texte de 1615, parfaitement explicite quant à l’enjeu humain de toute lecture de romans de chevalerie.

Iten, es mi voluntad que si Antonia Quijana, mi sobrina, quisiere casarse, se case con hombre

de quien primero se haya hecho información que no sabe qué cosas sean libros de caballerías; y, en caso

que se averiguare que lo sabe, y, con todo eso, mi sobrina quisiere casarse con él, y se casare, pierda todo lo que le he mandado, lo cual puedan mis albaceas distribuir en obras pías a su voluntad (DQ II, 74, p. 1220).

Un faisceau d’éléments donne à ces mots une portée singulière.

Le contexte dans lequel s’insère la requête de l’hidalgo fournit un premier indice interprétatif. D’une part, dans les dernières lignes qui précèdent la fin de la fiction, l’œuvre distille ses dernières informations à l’attention du lecteur ; d’autre part, l’ex-chevalier prodigue ses derniers conseils avant sa mort. À la lecture, ce moment crucial (« déjense burlas aparte », p. 1220) prédispose à une lecture sérieuse et place les palabres du vieillard, à la fois, dans la perspective d’un testament moral, voire spirituel197 et dans le prolongement d’une expérience

édifiante dont « el bueno » veut léguer le fruit le plus sûr et le plus efficace. Enfin, rappelons que l’énonciation du testament intervient après que la narration a eu soin de souligner la radicale métamorphose de l’hidalgo :

Miráronse unos a otros, admirados de las razones de don Quijote, y, aunque en duda, le quisieron creer; y una de las señales por donde conjeturaron se moría fue el haber vuelto con tanta facilidad de loco a cuerdo, porque a las ya dichas razones añadió otras muchas tan bien dichas, tan cristianas y con tanto concierto, que del todo les vino a quitar la

duda, y a creer que estaba cuerdo […].

-Verdaderamente se muere y verdaderamente está cuerdo Alonso Quijano el Bueno ; bien

podemos entrar para que haga su testamento […].

197 « Los [cuentos] de hasta aquí -replicó don Quijote-, que han sido verdaderos en mi daño, los ha de

-Señores –dijo don Quijote–[…]. Yo fui loco y ya soy cuerdo […]. Pueda con vuestras mercedes mi arrepentimiento y mi verdad volverme a la estimación que de mí se tenía, y prosiga adelante el señor escribano (DQ II, 74, p. 1218-1220).

198

Les lecteurs avertis des risques que supposait la lecture de la prose chevaleresque ne pouvaient manquer de voir, dans les derniers mots du sage et dans la jeunesse de la nièce, le noyau de la critique cervantine sur les romans de chevalerie (« la vérité »). Très explicitement, le problème de leur lecture se pose en termes pratiques et humains, et concerne très précisément le mariage.

En assimilant le mariage entre sa nièce et un lecteur de romans de chevalerie à un mariage clandestin, les dispositions testamentaires d’Alonso Quijano rappellent évidemment les pratiques civiles qu’exerçaient –avant le concile de Trente, surtout199– les parents à l’encontre des mariages

clandestins conclus par leurs enfants200.

La fable chevaleresque, au-delà de ses défauts poétiques, recelait, pensait-on, une exemplarité désastreuse pour les jeunes en âge de se marier. Les deux histoires citées par Daniel Eisenberg –celle de Dorotea, figure centrale de la première partie, et celle de Luscinda201– ont eu