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2.2 Le rapport au politique

2.2.2 Les modes d’engagement privilégiés par les jeunes

2.3.2.1 Les engagements dans la sphère publique

Les modes d’engagement centrés sur la sphère publique correspondent, généralement, à des modes d’engagement plus « traditionnels » et, parmi ceux-ci, l’engagement direct en poli- tique active représente sans doute la manifestation la plus évidente. En effet, pour certains répondants, « la meilleur façon [de rendre la société meilleure] reste d’entrer en politique pour représenter tout le monde et proposer des projets » (033-LQ-2) et, tandis que certains jugent suffisant de « faire des études en politique afin de pouvoir s’impliquer dans le changement des choses » (023-LQ-1), d’autres considèrent qu’il faut plutôt « devenir un député ou un politicien afin de devenir le chef de notre province » (050-LQ-2). Cette implication directe correspond, pour ces jeunes, à un mode d’engagement privilégié puisque, tel que l’exprime 060-FX-1, « on peut inspirer ses semblables en tentant d’être démarcheur pour une cause, mais rien ne vaut l’adoption de lois qui forcent l’ensemble de la société à s’y conformer ». Il faut toutefois noter

qu’au-delà de cette forme d’engagement prônant l’immersion totale, d’autres formes d’im- plication dans la sphère publique sont mises de l’avant par les jeunes et ne requièrent pas nécessairement de se présenter comme candidat aux élections. Parmi ceux-ci, le vote apparaît, évidemment, comme un élément primordial de la participation citoyenne. C’est ainsi que 012- LQ-1, comme plusieurs autres, estime que pour rendre la société meilleure, « il faut exercer notre devoir de citoyen, c’est-à-dire faire valoir nos idées et opinions en exerçant le droit de vote lors d’élections » ; « c’est le seul moyen, affirme 061-FX-1, d’obtenir un gouvernement qui reflète réellement les besoins et désirs de la population » et, en cela, la participation au processus électoral leur apparaît comme le meilleur moyen de s’engager.

En dehors de la politique partisane active, plusieurs jeunes estiment que le réel changement passe d’abord et avant tout par l’action collective et concertée de groupes de citoyens. Dans cette optique, un individu seul ne peut faire une différence et doit impérativement, s’il désire avoir un impact significatif sur sa communauté, agir de concert avec d’autres individus qui partagent ses opinions et former, avec eux, des associations ou des organisations (150-SF-3). Car, en définitive, ce sont les grands nombres qui portent un poids politique suffisamment important pour faire bouger les choses. C’est ce que croit, notamment, 035-LQ-2, pour qui « la mobilisation sociale et l’unité d’un mouvement restent les meilleurs moyens [de rendre la société meilleure] ». Pour ces jeunes, le vrai changement vient de la base ; il émerge d’une volonté populaire et, surtout, d’une prise en charge, par les gens eux-mêmes, des grands ou des petits enjeux qui touchent leur monde et sur lesquels ils souhaitent avoir une emprise. C’est pour cette raison, pense 042-LQ-2, que les citoyens ne doivent « pas toujours attendre l’aide du gouvernement, mais se regrouper afin d’agir ensemble ».

C’est ainsi que, dans une optique d’action collective et concertée, plusieurs de mes répondants sont amenés à considérer les organisations communautaires ou citoyennes comme les meilleurs moyens de s’impliquer afin d’exercer un impact concret et significatif sur le monde. Tel que l’exprime, par exemple, 079-FX-1, « plusieurs organismes ont le bien-être de la société à cœur et c’est pourquoi, en s’impliquant dans ceux-ci, on peut rendre la société meilleure ». Main- tenant, les types d’organisations dans lesquelles les jeunes disent s’impliquer varient dans leur nature et dans leurs objectifs. Ils varient également en regard de l’échelle ou de la portée des actions entreprises. Ainsi, à la question « quels sont, d’après vous, les meilleurs moyens de s’im- pliquer pour réellement changer le monde et rendre la société meilleure ? », certains semblaient privilégier une implication dans des organisations à l’échelle locale. Par exemple, 058-FX-1 af- firme que « toutes les organisations ou les conseils scolaires sont des endroits parfaits pour les jeunes débutants, car ils apprendront des méthodes, ils forgeront leurs convictions et pour- ront changer leur environnement immédiat ». Mais de manière générale, du côté de ceux qui privilégient une approche locale, deux types d’organisations suscitent l’adhésion. D’une part, 003-LQ-1 croit qu’il est préférable de « s’impliquer directement au sein du monde politique par son adhésion à des groupes militants ». Pour d’autres, plus nombreux, cette forme d’enga-

gement devrait plutôt s’effectuer au sein d’organismes à but non lucratif, à titre de bénévole. L’objectif étant, ici, « de s’impliquer dans des programmes qui visent à aider des gens dans le besoin » (077-FX-1).

Ces gens dans le besoin peuvent se retrouver au sein de notre communauté, mais, également, ailleurs dans le monde. C’est ce qui amène une partie des jeunes répondants à privilégier des engagements au sein de grandes organisations œuvrant à l’échelle globale. Ainsi, pour 068-FX- 1, l’important, c’est de « faire de petits gestes au sein de grands organismes, que ce soit de manière bénévole ou non ». La répondante 023-LQ-1, jette quant à elle un regard un peu plus tranché et estime qu’« en tant que citoyen, il n’y a pas grand-chose que nous pouvons faire, à part des voyages humanitaires afin d’aider d’autres sociétés ». Généralement, on remarque que ceux qui privilégient les actions de type humanitaires sont ceux et celles qui ont déjà pris part à ce type d’activité. Évidemment, ces engagements, que ce soit à l’international ou au niveau local, ne sont pas exclusifs et plusieurs répondants, tels que 055-LQ-2, jugent qu’« il est important de s’impliquer autant dans les petits organismes locaux que dans les partis politiques, ou même à travers les organisations telles qu’Amnistie [internationale] ».

Jusqu’à maintenant, les points que j’ai fait ressortir du discours des jeunes concernent des modes d’engagement collectifs qui s’appuient sur des actions structurées, organisées et coor- données. Cependant, il se trouve de nombreux jeunes pour affirmer que ce sont plutôt les actions réalisées de manière individuelle qui constituent, en réalité, les meilleurs moyens de s’engager pour améliorer la société. Nous verrons, à la section suivante, que parmi ces formes d’engagement, certaines mettent en jeu l’individu à l’intérieur de sa sphère privée et visent surtout des changements de mentalité, des prises de conscience au niveau personnel. Mais il existe également des modes d’engagement individuels dont l’objectif consiste à occuper l’espace public, à opérer des changements d’un peu plus grande envergure ayant trait, non seulement à l’individu, mais à la collectivité. En fait, selon plusieurs jeunes, c’est le fait d’investir l’es- pace public avec des revendications, avec des idées et des objectifs, qui constitue le premier pas essentiel dans la construction d’un monde meilleur. L’implication dans des organisations apparaît, bien sûr, comme une façon pertinente et importante de faire avancer les choses. Mais d’abord et avant tout, que l’on s’implique ou non de manière « structurée », ce qui importe réellement c’est de porter des convictions, d’agir, de se lever et de faire quelque chose. C’est ainsi que 011-LQ-1 affirme que nous devons « arrêter de parler et commencer à agir. Car oui, on parle et on trouve des solutions, mais personne n’agit pour changer les choses ». Pour 029- LQ-2, « n’importe quelle action concrète (. . .) a son importance ». « Il faut utiliser nos forces pour mettre du temps et de l’énergie dans ce à quoi nous pouvons être utiles » (077-FX-1)

En définitive, ces actions, cette « occupation » de l’espace public vise essentiellement à dif- fuser ses points de vue et ses revendications et à rallier le plus grand nombre à sa cause. En réalité, ce que nous disent les jeunes, c’est que si l’on souhaite rendre la société meilleure, il faut conscientiser les gens autour de soi afin qu’ils reprennent, à leur tour, le flambeau de

l’engagement. « Il faut sensibiliser les gens », affirme 001-LQ-1 ; « sensibiliser les autres sur des enjeux qui nous touchent » (076-FX-1). Et c’est par effet boule de neige que ce travail de sensibilisation fera en sorte de « tranquillement [encourager] ceux qui pense comme moi à le dire et le manifester » (049-LQ-2). Mais pour que ses idées fassent du chemin et qu’elles parviennent à toucher d’autres individus, encore faut-il avoir le courage de ses opinions et la détermination de les faire entendre.

En ce sens, la participation politique est, dans le discours de plusieurs participants, beaucoup associée au fait de donner son opinion. Est-ce lié au contexte médiatique particulier à la ville de Québec qui semble mettre beaucoup d’emphase sur la diffusion d’opinions, à la radio (Radio X, Fm93) comme dans la presse écrite (Journal de Québec) ? Toujours est-il que le fait d’avoir des opinions semble être, pour plusieurs, un acte politique majeur et même, suivant la formulation de la question que je leur posais, l’un des « meilleurs moyens de s’impliquer pour réellement changer le monde ». Pour eux, la capacité de pouvoir exprimer ses idées est à la base d’une société en santé : « il s’agit de faire entendre son opinion », estime 018-LQ-1 ; il faut « faire entendre parler de soi, avec une bonne cause, mais sans tout casser » (053-LQ-2). À cet effet, certains se montrent plus rétifs, plus rebelles, plus proactifs. Pour ceux-là, « il ne faut pas avoir peur de s’exprimer et de dire notre façon de penser ». D’autres sont plus réservés : « il faut faire valoir notre opinion politique lorsque cela est demandé » (068-FX-1). Mais dans un cas comme dans l’autre, l’occupation de l’espace publique, à travers l’expression de ses opinions apparaît à leurs yeux comme le meilleur moyen de rendre la société meilleure. On sent, d’ailleurs, qu’ils sont les enfants de leur temps et qu’ils ont compris tout l’impact que peuvent avoir les médias sur l’opinion publique. À ce propos, 031-LQ-2 souligne, non pas sans une pointe d’ironie, l’importance d’« utiliser les médias pour dire notre message : les gens n’ont presque pas de raisonnement et croient beaucoup trop aux informations dans les médias. Il faut les avoir de notre bord ». De façon un peu plus nuancée, 001-LQ-1 remarque que « les médias ont une grande place dans nos vies et [qu’]en passant des messages ou en parlant positivement de quelque chose [dans les médias], ça changerait la plupart des pensées de la société ».

Nous voyons donc émerger, à partir de ces éléments du discours des jeunes, des modes d’en- gagement sociaux ou politique qui s’inscrivent, de manière prédominante, au sein de la sphère publique. Les jeunes qui privilégient cette forme d’engagement feront valoir l’importance de l’action collective et concertée des citoyens ; ils feront état de la nécessité de se regrouper afin de disposer d’une plus grande capacité d’agir et d’une plus grande force de persuasion. Pour certains, cela prendra la forme d’une implication directe dans le monde de la politique « ac- tive », que ce soit à travers le vote ou la participation à des partis ou à des groupes militants. D’autres jeunes seront davantage enclins à intégrer des organismes citoyens ou communau- taires, c’est-à-dire des organismes dont la mission, au niveau local ou international, est de militer en faveur d’un objectif « circonscrit », par exemple, la lutte à la pauvreté, à l’exclu-

sion, à l’homophobie, etc. Cependant, si les moyens divergent, la plupart des jeunes qui optent pour ce type d’implication s’entendent sur la nécessité d’occuper l’espace public afin d’opérer une prise de conscience et un réel changement au sein de la société. Dans la section qui suit, nous allons voir que d’autres jeunes croient plutôt que le changement survient d’abord dans la sphère privée, par un travail que l’individu effectue à la fois sur lui-même et par lui-même.