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Energie d’adh´ ´ esion interfaciale

5.3 Extension aux fortes concentrations en agent r´ eticulant

5.3.3 Energie d’adh´ ´ esion interfaciale

L’introduction d’un nombre plus grand de points de r´eticulation par chaˆıne dans le syst`eme va nous amener `a r´eviser de mani`ere plus profonde nos pr´edictions sur l’´energie d’adh´esion.

Dans ce but, nous commen¸cons, en guise de pr´eliminaire, par rappeler un r´esultat classique sur le nombre d’intersections d’une chaˆıne gaussienne avec un plan, qui nous sera utile par la suite.

Nombre moyen d’intersections entre une chaˆıne gaussienne et un plan

Nous cherchons `a savoir quel est le nombre moyen d’intersections par chaˆıne entre les chaˆınes gaussiennes d’un fondu et un plan imaginaire d’aireA trac´e `a travers ce fondu (figure 5.1). Notons φ(N ) ce nombre moyen d’intersections par chaˆıne avec le plan consid´er´e, o`u N d´esigne le nombre d’unit´es par chaˆıne. Toutes les chaˆınes qui interceptent le plan se situent n´ecessairement `a une distance au plus R0 de celui-ci : ces chaˆınes sont donc au nombre de ρR0A, o`u ρ = 1/(Na3) d´esigne la densit´e volumique des chaˆınes dans le fondu. Or la surface du plan doit ˆetre enti`erement recouverte par les monom`eres (de surface a2) appartenant `a ces chaˆınes, car il n’y a pas de

=

b

? @

Fig. 5.2 –Repr´esentation sch´ematique d’une chaˆıne pontante dans le r´egime de r´eaction lente (la ligne pointill´ee repr´esente l’interface). Les points de r´eticulation sont symbolis´es par des points noirs. Puisque

Nc< N , `a la fin de la r´eaction, la chaˆıne est subdivis´ee en N/Nctron¸cons de Ncmonom`eres. `A l’ouverture de l’interface, quatre de ces tron¸cons de chaˆıne (not´es a, b, c, d) devront se rompre. Cette chaˆıne contribue donc au m´ecanisme de scission `a hauteur de quatre connecteurs d’adh´esion contenant chacun Nc unit´es.

que chaque chaˆıne place en moyenne φ(N ) (A/a2)/(ρR0A) monom`eres sur le plan. Avec ρ = 1/(N a3) et R0 = aN1/2, on obtient donc que le nombre moyen d’intersections par chaˆıne de N unit´es est de

φ(N ) 1

a2ρR0 N1/2. (5.11)

Apr`es ce rappel, nous pouvons passer au calcul des ´energies d’adh´esion proprement dites.

Adh´esion dans le r´egime de r´eaction lente

Nous commen¸cons par ´evaluer, dans le r´egime de r´eaction lente, l’´energie d’adh´esion G qui doit ˆetre fournie pour propager (`a tr`es petite vitesse) une fracture `a l’interface. Dans ce r´egime, on a α 1, c’est-`a-dire Tdiff  Tr´eac, ainsi l’interface a le temps d’atteindre l’´equilibre (vis-`a-vis de l’interdiffusion) avant que la r´eaction se produise. Dans l’´etat final de l’interface, les chaˆınes ´

etendent des bras de taille comparable des deux cˆot´es de l’interface ; la densit´e de chaˆınes pontant l’interface est alors maximale, et son expression est donn´ee par la formule (3.6) : σ(t) = ρ0R0. Les chaˆınes portent en moyenne un point de r´eticulation tous les Nc monom`eres, et sont ainsi ancr´ees des deux cˆot´es de l’interface. Par cons´equent, au passage de la fracture interfaciale, les chaˆınes vont devoir se rompre chimiquement, et nous devons utiliser le mod`ele de Lake et Thomas (3.12) pour estimer l’´energie G :

G = Uχ˜σ , (5.12)

o`u pour m´emoire, Uχ, ˜n, et ˜σ d´esignent respectivement l’´energie typique d’une liaison covalente, le nombre de monom`eres dans les connecteurs rompus et leur densit´e surfacique. Pour appliquer judicieusement cette formule, consid´erons la figure 5.2 qui repr´esente une chaˆıne pontante ty-pique : une fois la r´eaction totalement finie, la chaˆıne est subdivis´ee en ✭✭ tron¸cons ✮✮ contenant

chaˆıne vont se rompre. Ainsi, chaque chaˆıne pontante fournit un certain nombre de connecteurs d’adh´esion, simplement ´egal au nombre de tron¸cons interceptant l’interface. Pour connaˆıtre ce nombre de tron¸cons de chaˆınes qui ont une intersection avec l’interface, nous nous servons de l’argument rappel´e plus haut qui permet de calculer le nombre d’intersections d’une chaˆıne avec un plan [´eq. (5.11)]. Mais ici, nous raisonnons `a l’´echelle des tron¸cons, qui constituent des ✭✭ blobs ✮✮ de Nc monom`eres : chaque chaˆıne contient N/Nc de ces blobs, donc chacune compte en moyenne φ(N/Nc) = (N/Nc)1/2 blobs traversant l’interface. Par cons´equent, chaque chaˆıne fournit (N/Nc)1/2 connecteurs d’adh´esion. La densit´e surfacique de ces connecteurs se d´eduit donc de la densit´e de chaˆınes pontantes en la multipliant par ce facteur :

˜ σ N Nc 1/2 σ N Nc 1/2 ρ0R0. (5.13)

En outre, la longueur typique ˜n des connecteurs est celle des tron¸cons de chaˆıne, c’est-`a-dire ˜

n Nc. En reportant ces r´esultats dans l’´eq. (5.12), on obtient la forme suivante pour l’´energie d’adh´esion :

G Uχ

a2 Nc1/2 (α 1) . (5.14)

On constate que contrairement `a ce que nous avions vu jusqu’`a pr´esent, cette ´energie n’est

pas proportionnelle au degr´e de coalescence [donn´e par (5.5)]. De plus, elle est ind´ependante de la longueur N des chaˆınes et ne d´epend que de la concentration en agent r´eticulant Nc. Plus cette derni`ere est ´elev´ee (i.e. plus Nc est petit), plus l’´energie d’adh´esion diminue. Cette forme de l’´energie est ainsi sensiblement diff´erente de celle que l’on avait trouv´ee `a basse concentration (Nc N), pour laquelle on avait G ∼ N1/2 [´eq. (4.36)]. D’autre part, nous pouvons ajouter que l’´energie interfaciale (5.14) est du mˆeme ordre de grandeur que l’´energie de fracture coh´esive du mat´eriau, puisque dans le r´egime de r´eaction lente o`u nous nous trouvons, l’interface a atteint son ´etat d’´equilibre avant que la r´eaction se produise et ´etait devenue indiscernable de tout autre plan dans le mat´eriau. Ainsi, l’´energie donn´ee dans l’´eq. (5.14) est l’´energie maximale que l’on puisse obtenir dans le syst`eme :

Gmax Uχ

a2 Nc1/2. (5.15)

Nous passons maintenant `a l’´evaluation de l’´energie dans le r´egime de r´eaction rapide.

R´egime de r´eaction rapide – Sous-r´egime de scission

Le r´egime de r´eaction rapide apparaˆıt aux grandes valeurs de α : α  1. Comme nous

allons le montrer, une nouveaut´e est ici que ce r´egime se subdivise, du point de vue de l’´energie d’adh´esion, en deux sous-r´egimes.

Nous commen¸cons par le premier sous-r´egime que l’on atteint lorsque on augmente la valeur de α depuis le r´egime de r´eaction lente : il s’agit du sous-r´egime de scission, ainsi d´enomm´e parce que les processus de scission y dominent.

Dans le cas pr´esent (r´eaction rapide), la r´eaction se produit tˆot dans le processus d’interdif-fusion et l’interface n’est pas `a l’´equilibre. Par suite, les chaˆınes pontantes ne sont pas r´eparties de mani`ere sym´etrique de part et d’autre de l’interface, et leur bras le plus long se trouve dans

 R0

 Lfinal

Fig. 5.3 – Repr´esentation d’une chaˆıne pontante dans le sous-r´egime de scission. Une portion de taille (rectiligne) de l’ordre de Lfinal traverse l’interface et engendre plusieurs connecteurs du point de vue de l’adh´esion.

leur milieu d’origine. Nous savons de plus que lorsque la r´eaction se produit et fige le syst`eme, ces chaˆınes pontantes ont une densit´e surfacique [d’apr`es l’´eq. (3.5), p. 87]

σfinal= σ(t)

t=Tr´eac ρ0Lfinal. (5.16)

Dans cette ´equation, on a introduit la notation Lfinal, d´efinie par

Lfinal= L(t)

t=Tr´eac, (5.17)

soit d’apr`es l’´eq. (3.4) :

Lfinal R0 T r´eac Trep 1/4 R0 α1/4 . (5.18)

Ici encore, une fois la r´eaction achev´ee, les chaˆınes sont subdivis´ees en tron¸cons de Nc monom`eres. Lorsque l’interface s’ouvre, il se produit `a nouveau des ph´enom`enes de scission. Il nous faut donc, comme auparavant, ´evaluer la densit´e surfacique ˜σ des connecteurs (leur

longueur est toujours ˜n Nc), en nous gardant d’identifier d’embl´ee un connecteur `a une chaˆıne pontante. Examinons en effet la chaˆıne pontante repr´esent´ee sur la figure 5.3 : on voit ici encore qu’elle donne naissance `a plusieurs connecteurs qui vont ˆetre amen´es `a se rompre. Initialement (`a t = 0), cette chaˆıne n’avait aucune intersection avec l’interface. Au temps t, une portion de celle-ci s’est d´egag´ee de son tube initial, et a effectu´e une marche au hasard qui l’a am`en´ee `

a traverser l’interface. Cette portion de chaˆıne est ainsi susceptible de fournir des connecteurs pour l’adh´esion (et elle seule, le reste de la chaˆıne ´etant encore enferm´e dans le tube de repta-tion initial). Nous savons, d’apr`es la th´eorie de la reptation, que la longueur rectiligne de cette portion✭✭ lib´er´ee ✮✮ correspond `a la distance L(t) parcourue par l’extr´emit´e de la chaˆıne (puisque

l’extr´emit´e, lors de son exploration,✭✭ tire ✮✮ derri`ere elle la chaˆıne). Ainsi, lorsque la r´eaction se

produit `a t = Teac, cette portion de chaˆıne a atteint une taille (rectiligne) finale ´egale `a Lfinal. Elle contient donc finalement Lfinal2/a2 monom`eres, ce qui entraˆıne que, suite `a la r´eaction, elle

est subdivis´ee en Lfinal2/(Nca2) tron¸cons de Nc monom`eres. Nous pouvons alors d´eduire, grˆace `

a la formule (5.11), que le nombre de connecteurs que cette portion de chaˆıne engendre est ´egal `

a φ

Lfinal2/(Nca2)

Lfinal/(a√

Nc). Ainsi, le nombre de connecteurs par unit´e de surface est donn´e en multipliant la densit´e σfinal de chaˆınes pontantes [´eq. (5.16)] par le nombre ci-dessus, ce qui s’´ecrit ˜ σ σfinal· Lfinal a√ Nc ρ0 a√ NcLfinal 2. (5.19)

Nous sommes maintenant en mesure de calculer l’´energie d’adh´esion G, en utilisant la relation de Lake et Thomas (5.12). Avec ˜σ donn´e par la formule ci-dessus et ˜n Nc, on parvient `a

G Uχ Nc ρ0 a Lfinal 2, (5.20)

ce qui donne finalement, en utilisant l’expression (5.18) de Lfinalet en prenant la densit´e initiale de chaˆınes mobiles ρ0 de l’ordre de 1/(N a3) :

G Gmax

1

α1/2, (5.21)

o`u nous rappelons que Gmax = Uχ

Nc/a2 est la valeur maximale d’adh´esion dans le syst`eme, obtenue dans le r´egime de r´eaction lente [´eq. (5.15)].

Nous observons que dans ce sous-r´egime, l’´energie d’adh´esion pr´esente une d´ependance in-verse en α. Nous notons en outre, que cette fois encore, l’´energie d’adh´esion n’est pas non plus proportionnelle au degr´e de coalescence. Ainsi, il nous faut souligner que la propri´et´e de propor-tionnalit´e directe entre adh´esion et coalescence, qui avait ´et´e constat´ee dans les syst`emes `a faible concentration en agent r´eticulant (Nc N), n’est pas une propri´et´e g´en´erale dans ces syst`emes.

Cependant, mˆeme si la relation entre ces deux quantit´es devient ici un peu plus complexe, le sens intuitif en reste inchang´e : les deux grandeurs restent intrins`equement li´ees, et l’obtention d’une bonne adh´esion n´ecessite toujours une bonne coalescence.

R´egime de r´eaction rapide – Sous-r´egime d’extraction

Nous avons d´ecrit dans le paragraphe pr´ec´edent le sous-r´egime de scission. Lorsque la valeur

de α augmente encore, l’´energie d’adh´esion transite vers un sous-r´egime d’extraction, pour lequel

c’est le m´ecanisme d’extraction de chaˆınes qui domine (la valeur de α pour laquelle se fait la transition sera discut´ee plus loin).

En effet, lorsque α augmente, la r´eaction devient de plus en plus rapide par rapport `a l’in-terdiffusion, qui est ainsi stopp´ee de plus en plus tˆot. Par cons´equent, nous devons envisager un nouveau sous-r´egime qui se caract´erise par le fait que la r´eaction intervient tellement tˆot que les portions ins´er´ees par les chaˆınes pontantes de l’autre cˆot´e de l’interface deviennent suffisamment petites pour n’avoir que peu de chances d’ˆetre r´eticul´ees (figure 5.4) ; par cons´equent, lors de l’ouverture de la fracture interfaciale, ces morceaux de chaˆınes seront extraits et non bris´es.

Nous devons donc ici utiliser, pour ´evaluer l’´energie d’adh´esion, la relation de Rapha¨el et de Gennes (3.13) :

Fig. 5.4– Chaˆıne pontante dans le sous-r´egime d’extraction. La portion ins´er´ee par la chaˆıne `a droite est petite et n’a que de tr`es faibles chances d’ˆetre r´eticul´ee. Au passage de la fracture, elle sera extraite de sa matrice environnante.

o`u Uv est une ´energie typique d’une liaison de van der Waals, et o`u ˜n repr´esente la longueur des connecteurs extraits et ˜σ leur densit´e surfacique. Ici, les connecteurs sont simples `a d´eterminer : ce sont les portions ins´er´ees par les chaˆınes pontantes de l’autre cˆot´e de l’interface. De plus, les complications qui se manifestaient dans le cas de la scission pour le d´ecompte des connecteurs disparaissent ici : on sait en effet [89] que dans des conditions d’ouverture de fracture quasi-statique, le fait qu’une chaˆıne pontante effectue ou non des all´ees et venues d’un cˆot´e et de l’autre de l’interface ne change rien, et que dans tous les cas, chaque chaˆıne pontante ne doit ˆ

etre compt´ee qu’une fois (c’est-`a-dire ne donne qu’un connecteur). La densit´e de connecteurs est donc simplement ´egale `a la densit´e pontante (5.16), soit

˜

σ = σfinal ρ0Lfinal. (5.23)

Le nombre de monom`eres extraits ˜n est quant `a lui ´egal `a ˜

n Lfinal2/a2, (5.24)

qui s’obtient en observant que la longueur (rectiligne) des portions ins´er´ees de l’autre cˆot´e de l’interface par les chaˆınes pontantes est ´egale `a Lfinal. En utilisant ces deux r´esultats, et en explicitant Lfinaleq. (5.18)], on trouve l’expression suivante de G :

G Uv ρ0 a2Lfinal3 Uv ρ0R03 a2 1 α3/4 . (5.25)

Sous cette forme, on remarque que l’adh´esion redevient dans ce sous-r´egime proportionnelle au degr´e de coalescence [´eq. (5.6)]. On constate en outre que la d´ependance inverse en α s’est encore accentu´ee dans ce sous-r´egime par rapport au pr´ec´edent (on est pass´e d’une puissance−1/2 dans

la formule (5.21) `a une puissance −3/4ici). Finalement, avec ρ0 1/(Na3) et R0 = aN1/2, on aboutit `a G UvN 1/2 a2 1 α3/4. (5.26)