1.2 De la cavitation à l’érosion
1.2.3 Endommagement des matériaux
La réponse d’un matériau solide va être caractérisée par les différentes lois de
com-portement du solide : élasticité, plasticité voire viscoplasticité qui seront détaillées
dans le chapitre 3 consacré à la mécanique des solides. Ces comportements vont être
liés à l’amplitude des contraintes qui seront appliquées sur le solide. Si la contrainte
imposée sur un seul chargement dépasse la limite de rupture, le matériau solide va
se détériorer. Au sein du solide, nous verrons apparaître des fissures qui pourront
déclencher la dissociation d’un partie du solide qui sera entraîné par l’écoulement :
c’est le phénomène de perte de masse. Cependant l’amplitude de la contrainte n’est
pas l’unique responsable de la détérioration du solide.
1.2.3.1 Fatigue dans les matériaux
Pendant longtemps, la valeur de contrainte de rupture pour un essai statique était
utilisée pour estimer les risques de rupture des matériaux. À la fin duXIX
mesiècle,
Auguste Wöhler a mis en évidence le rôle de la répétition des chargements sur la
diminution de la contrainte de rupture. Cette caractérisation de la limite de rupture
est résumée sous la forme de courbes définissant les différents niveaux de fatigue
dans un solide en fonction du nombre de cycles de mise en contraintes. La figure 1.5
présente un exemple générique d’une courbe dite de Wöhler.
Figure1.5 – Exemple théorique d’une courbe de Wöhler avec les différents niveaux
de fatigue.
Nous retrouvons les différents niveaux de fatigue dans le solide en fonction de la
répétition des cycles :
Fatigue illimitée Le matériau est soumis à des contraintes inférieures à une limite
dite limite de fatigue. Cette limite de fatigue est elle-même bien inférieure à la limite
d’élasticité du matériau. Celui-ci pourra subir un nombre infini de chargements de
ce type sans être sujet à une rupture. Cependant, ce domaine de fatigue illimitée
n’existe pas forcément pour tous types de matériau.
Fatigue limitée Dans ce cas, les contraintes exercées sur le matériau sont
com-prises entre la limite de fatigue et la limite d’élasticité. Aucune déformation
per-manente n’est constatée dans le matériau. Cependant au fur et à mesure des cycles
de chargement, la limite de rupture diminue. Elle va passer en dessous de la
li-mite d’élasticité et le risque de détérioration va augmenter au fur et à mesure de la
répétition des cycles de mise en contrainte.
Fatigue oligocyclique Dans cette configuration, les contraintes exercées sur le
matériau sont relativement élevées, comprises entre la limite d’élasticité et la limite
de rupture. Des déformations permanentes issues de la plastification du matériau
sont constatées. Néanmoins, tant que la contrainte exercée reste inférieure à la limite
de rupture, il n’y aura pas de perte de masse dans le matériau. Cependant au bout
de quelques cycles, la limite de rupture passera sous la limite d’élasticité et
inévita-blement des fissures puis une rupture ou de la perte de masse dans le matériau sera
constatée.
Lors de l’implosion d’un nuage de bulles, les implosions de bulles répétées sur
le solide peuvent être traduites sur ce diagramme comme autant de cycles de mise
en contraintes du matériau solide. Plus l’écoulement sera agressif, avec de fortes
surpressions générées pas les implosions de bulles, plus le risque d’érosion du
maté-riau sera important. De plus, plus un écoulement génère des implosions de bulles à
proximité du solide, plus le risque d’érosion sera important dû au grand nombre de
cycles de mise en contraintes.
1.2.3.2 Erosion de cavitation
Une fois le processus d’arrachement de matière enclenché, celui-ci va évoluer à travers
différentes étapes avant de se stabiliser. Nous allons revenir sur les différentes étapes
du phénomène de perte de masse qui ont été clairement décrites par Chahine et al.
[32].
Incubation Dans un premier temps, la surface du solide se durcit sous l’effet des
pits de cavitation (déformation locale du solide). Il y a une plastification en surface
du solide. Aucune perte de masse n’est constatée durant cette phase. La fin de
la période d’incubation se traduit par le début de l’érosion proprement dite et la
détérioration du matériau.
Accélération Des fissures se créent dans le matériau et la matière commence à être
arrachée suite à la répétition des chocs. Durant cette phase, la vitesse d’arrachement
de matière ne fait qu’augmenter jusqu’à atteindre un maximum. Cette valeur est
principalement définie par les caractéristiques de résistance du matériau et le niveau
d’agressivité de l’écoulement.
Régime stationnaire À ce stade, la surface du matériau est considérablement
modifiée, en particulier sa rugosité. Les multiples pores créés dans le solide vont
capturer les bulles de gaz générés par la cavitation. Les cratères les plus larges
peuvent piéger des bulles de gaz. La gaz contenu dans la cavité peut avoir un
ef-fet d’amortissement des ondes de chocs générées par l’implosion de bulle (efef-fet de
couche souple). Une forme d’équilibre va être atteinte entre l’agressivité du fluide sur
le solide et la réaction de celui-ci. Cette phase va se caractériser par une stabilisation
de la vitesse d’arrachement de la matière tant que les propriétés de l’écoulement ou
que les propriétés du solide n’évoluent pas de manière significative.
La figure 1.6 permet d’illustrer cette évolution des volumes arrachés et de la
vitesse de détérioration de matière.
Figure1.6 – Essai d’érosion d’un échantillon de NAB (Boucle Prevero, Laboratoire
LEGI, Grenoble)
Sur le haut de la figure 1.6 nous avons l’évolution du taux d’arrachement interpolé à
partir des données expérimentales de deux tests sur un échantillon de NAB (alliage
de Nickel Aluminium Bronze). Nous retrouvons bien les trois périodes, l’incubation
sur les premières heures, puis le début de l’érosion et l’accélération progressive de la
vitesse d’arrachement, puis une stabilisation de cette vitesse d’arrachement au-delà
de 100h d’érosion. La partie centrale donne un aperçu de la surface des échantillons
après différents temps d’érosion. Enfin, la partie basse de la figure 1.6 propose une
mesure de la profondeur des zones érodées en fonction de la position sur l’échantillon.
A l’issue de cette section, nous avons une première approche du phénomène
de cavitation en abordant la création de vapeur, les interactions avec le solide et
l’arrachement de matière solide. De nombreux domaines cherchent aujourd’hui à
éviter ou encore à se servir du phénomène de cavitation. La section suivante va
proposer un petit aperçu de ces applications de l’érosion par cavitation.
Dans le document
Interaction Fluide-Structure et Érosion de Cavitation
(Page 30-34)