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La réponse d’un diélectrique (comme la fibre optique) soumis à la lumière n’est pas linéaire lorsque le champ électromagnétique est intense. Une telle réponse non- linéaire est due au mouvement anharmonique des électrons liés sous l’influence d’un champ appliqué. De tels phénomènes sont également observables dans les fibres optiques.

1.5.1 Ordres de non-linéarités

La relation liant la polarisation totaleP du milieu au champ électrique E incident n’est pas toujours linéaire, mais répond à une relation plus générale [54] [55] [56] :

P = ε0 

χ(1)E+χ(2)E2+χ(3)E3+...



, (1.42)

où χ(1) est la susceptibilité linéaire et contribue le plus à P. Ses effets, dans une fibre optique, sont liés aux paramètres abordés à la section1.2. La susceptibilité de second ordre, χ(2), est responsable des effets non-linéaires tels que le doublage et la sommation de fréquence. Cette susceptibilité est inexistante en théorie dans les fibres en verre de silice à cause du caractère centro-symétrique du matériau. Les effets non-linéaires d’ordre supérieurs dans les fibres optiques proviennent notamment du troisième ordre de la susceptibilité, χ(3), qui est responsable de phénomènes tels que la génération de troisième harmonique, le mélange à quatre ondes et la réfraction non-linéaire. Ces effets non-linéaires sont élastiques dans le sens où aucune énergie n’est échangée entre le champ électromagnétique et le milieu diélectrique. La plupart des effets non-linéaires dans les fibres optiques proviennent de la réfraction non- linéaire, un phénomène faisant référence à la dépendance de l’indice de réfraction avec l’intensité. Dans sa forme la plus simple, l’indice de réfraction peut s’écrire de la manière suivante [57] [56] :

¯n(ω,|E|2) =n(ω) +η2|E|2, (1.43) avec n(ω)la partie linéaire de l’indice de réfraction,|E|2, l’intensité optique à l’inté-

rieur de la fibre et η2le coefficient d’indice de réfraction non-linéaire. Sa valeur, dans le cas des fibres à base de silice, est comprise entre 2.2 et 3.4×10−20m2/W selon la composition de la fibre [58] [56]. On parle de la non-linéarité de Kerr dans le cas où l’indice de réfraction croît linéairement avec l’intensité I du mode qui se propage dans la fibre [56].

Une deuxième classe d’effets non-linéaires résulte d’une diffusion inélastique sti- mulée dans laquelle le champ optique transfère une partie de son énergie au milieu non-linéaire. Deux effets non-linéaires importants dans les fibres optiques entrent dans cette catégorie et sont liés aux modes d’excitation vibrationnelle de la silice. Ces phénomènes sont la diffusion Raman et la diffusion Brillouin stimulée. La principale différence entre les deux est que les phonons optiques participent à la diffusion Ra- man stimulée tandis que les phonons acoustiques participent à la diffusion Brillouin stimulée.

1.5.2 Solitons optiques

Un soliton fondamental (c’est-à-dire d’ordre 1, discuté plus loin) est un paquet d’onde qui ne change pas de forme au cours de sa propagation. Dans la fibre optique, les solitons apparaissent grâce à une combinaison des effets de la dispersion de vitesse de groupe et de l’auto-modulation de phase (processus auto-induit de décalage de phase subit par un champ électromagnétique durant dans sa propagation dans une fibre optique) [59].

En effet, le développement en série de Taylor, autour de la fréquence centrale ω0 du spectre de l’impulsion, de la constante de propagation β d’un mode d’une fibre optique permet de se rendre compte des effets de la dispersion dans les fibres [56] :

β(ω) =neff(ω)ω

c = β0+β1(ωω0) + 1

2!β2(ωω0)

2+... , (1.44) avec βm la dérivée d’ordre m de β :

βm=  d m β m  ω=ω0 (m=0, 1, 2, ...). (1.45)

Les coefficients β1et β2sont liés à l’indice et à la vitesse de groupe (rubrique1.2.2) ainsi que leur dérivée par :

β1 = 1 vg = ng c = 1 c  neff+ωdneff  , (1.46) β2= 1 c  dng  (1.47)

Longueur d’onde (µm)

Figure 1.18 – Variation de β2et de Dλen fonction de la longueur d’onde

pour la silice. β2et Dλs’annulent tous les deux à la longueur d’onde dite de

zéro-dispersion λD=1270 nm (source : modifiée de [56]).

La figure1.18montre la courbe de la dispersion chromatique de vitesse de groupe et du paramètre β2 pour la silice où la longueur d’onde de dispersion nulle (zéro- dispersion) se trouve autour de λD =1270 nm. Dans une fibre optique, la dispersion du guide d’onde en fonction du profil d’indice de ce dernier, fait varier diversement la dispersion chromatique de vitesse de groupe, soit en décalant la longueur d’onde de dispersion nulle, en compensant la dispersion de la silice, ou même en l’augmen- tant fortement. Les effets non-linéaires dans les fibres optiques peuvent avoir des comportements différents en fonction du signe de la dispersion chromatique de vi- tesse de groupe. Pour les longueurs d’onde telles que β2>0, on dit que la fibre pré- sente une dispersion normale (Figure1.18). En revanche, la dispersion est anormale lorsque β2<0 (Dλ> 0). Le régime de dispersion anomale est d’intérêt considérable

pour l’étude des effets non-linéaires car c’est dans ce régime que les fibres optiques supportent les solitons grâce à un équilibre entre les phénomènes dispersifs et les effets non-linéaires [56].

L’apparition d’une instabilité de modulation dans le régime de dispersion anomale est une indication d’un caractère fondamentalement différent dans l’équation de propagation non-linéaire de Schrödinger définie (dans une version simplifiée) dans une fibre optique sans pertes par [56] :

jA ∂z = β2 2 2A ∂T2 −γ|A| 2A , (1.48)

oùA(z, T)représente l’amplitude de l’enveloppe du champ à la position z, T (en s) est une variable reliée au temps, η2 est défini plus haut (voir la rubrique 1.5.1), A

paramètre non-linéaire responsable de l’auto-modulation de phase donné par :

γ(ω0) =

η2(ω0)ω0

cAeff , (1.49)

la quantité γ|A|2 est alors exprimée en m−1. L’équation (1.48) a des solutions spé- cifiques qui ne changent pas suivant la longueur de la fibre ou suivent un modèle d’évolution périodique appelées solitons optiques. Ceux-ci sont caractérisés par le nombre N défini par :

N2 = γP0T

2 0

|β2|

, (1.50)

où P0est la puissance crête du signal envoyé dans la fibre et T0sa largeur. Le soliton du premier ordre (fondamental) est obtenu lorsque N=1. Il faut noter que la valeur de N n’est pas nécessairement entière.

Temps normalisé t 104 -1 -0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 |A(t )| 2 (W) 0 2000 4000 6000 longueur d'onde ( m) 0.7 0.8 0.9 1 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 |A ( )| 2 106 0 2 4 6 8 10000 of 10000

Figure 1.19 – Solution de l’équation non-linéaire de Schrödinger (1.48), dans une fibre optique, pour un mode fondamental ayant comme paramètres,

β2=−6000 fs2m−1, β3= 50 000 fs3m−1et Aeff= 160 µm2à la longueur

d’onde de 1000 nm, après une distance de 30 m : spectre du signal en sortie de la fibre dans le domaine (haut) temporel et (bas) fréquentiel. Les pics les plus hauts correspondent au soliton fondamental.

La méthode de diffusion inverse qui est semblable à celle de la transformée de Fourier, utilisée couramment pour résoudre les équations aux dérivées partielles li- néaires, permet de résoudre l’équation (1.48). Elle consiste à identifier un problème de diffusion approprié dont le potentiel est la solution recherchée. Le champ incident

à z = 0 est utilisé pour trouver les données de diffusion initiales, dont l’évolution le long de z est ensuite déterminée en résolvant le problème de diffusion linéaire. Le champ propagé est reconstruit à partir des données de diffusion extraites [56]. La résolution numérique de l’équation (1.48), dans une fibre optique, pour un mode fondamental ayant comme paramètres, β2 = −6000 fs2m−1, β3 = 50 000 fs3m−1 et Aeff = 160 µm2 à la longueur d’onde de 1000 nm, donne les résultats de la figure

1.19après une distance de propagation de 30 m. Pour cette résolution, nous avons supposé une condition initiale dans le domaine temporelle :

A0 =pP0×sech(

−t T0

), (1.51)

avec T0= 150 fs, et P0= 3 kW.

Le spectre fréquentiel en sortie (figure1.19) montre que trois solitons ont été créés, avec un soliton fondamental de puissance supérieure à 5.3 kW et de largeur à mi- hauteur égale à 98 fs. Le spectre fréquentiel permet de se rendre compte du décalage solitonique d’environ 100 nm.

1.5.3 Mélange à quatre ondes

Le mélange à quatre ondes est un processus dans lequel deux photons de pulsations

ω1 et ω2 de pompe sont annihilés pour créer deux photons de pulsations ω3et ω4. Cette interaction respecte les lois de conservation de l’énergie et des moments qui s’écrivent : ω1+ω2=ω3+ω4; (1.52) −→ k1 + −→ k2 = −→ k3 + −→ k4 (1.53)

Le vecteur d’onde−→k comporte deux contributions, l’une linéaire due à la disper- sion chromatique et l’autre non-linéaire provenant de l’effet Kerr. Lorsque les deux pompes ont la même pulsation (ω1 = ω2 =ωpompe), les nouvelles fréquences géné- rées (ω3 = ωsignal =et ω4 =ωimage) sont symétriques par rapport à la pompe et on parle de mélange à quatre onde dégénéré [56].

Même si les deux photons de pompe ont la même fréquence, ils peuvent se propager dans une MMF sur différents modes, n’ayant pas les mêmes indices effectifs [60]. Ainsi, pour les MMFs, il existe deux conditions principales d’accord de phase en fonction du couplage intermodal. La première implique deux photons de pompe dans deux modes distincts, p et q [61] :

β = β

p(image)+

βq(signal)−βp(pompe)−βq(pompe) =0 , (1.54)

où βp(pompe)représente la constante de propagation de la pompe dans le mode p. Le second cas, le plus simple, implique deux photons de pompe dans le même mode avec la condition d’accord de phase [61].

induit par l’auto-modulation de phase. Dans le cas d’impulsions ultracourtes et in- tenses, le spectre élargi peut s’étendre sur 100 THz ou plus, en particulier lorsque le mélange à quatre ondes accompagne d’autres processus non-linéaires tels que l’auto-modulation de phase et la diffusion Raman stimulée. Un tel élargissement spectral extrême est appelé génération de supercontinuum [56]. Cette génération de supercontinuum s’obtient plus facilement dans les PCFs présentant une petite aire effective et une dispersion anormale. Récemment, des travaux ont démontré la gé- nération de supercontinuum dans une fibre optique légèrement multimode (FMF) à partir du mélange à quatre onde intermodal [61]. Par ailleurs, le supercontinuum a déjà été généré dans les FMFs en excitant un mode spécifique d’ordre élevé [62].