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Effets indésirables et toxicologie de la caféine

Partie IV : La caféine

III. Effets indésirables et toxicologie de la caféine

1.) Effets indésirables.

Aux posologies employées en clinique, la caféine possède très peu d’effets indésirables. Les effets indésirables répertoriés sont observés pour des concentrations élevées en caféine.

La caféine qui est la « drogue psychoactive » la plus consommée dans le monde provoque certains effets indésirables qui sont bien connus. Ils affectent le système cardiovasculaires (tachycardies, palpitations), le système nerveux central (insomnies, tremblements, maux de tête, agitation, nervosité, anxiété), et le système digestif (douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhées). 101

En dehors de ces effets secondaires bien connus, de nombreux autres effets sont attribués à la consommation de caféine. Cependant le manque d’études ou leurs résultats discordants ne permettent pas de conclure sur le lien de cause à effet entre la consommation de caféine et la survenue de ces effets.

a.) Effets cardiovasculaire :

La caféine a longtemps eu la réputation d’avoir des effets néfastes au niveau cardiovasculaires. On pensait que la caféine pouvait augmenter le risque de développement de maladies coronariennes telles que des infarctus du myocarde, aggraver des arythmies cardiaques ou encore augmenter le risque de développement d’un AVC. Or pour des doses de caféine de 400mg (qui est la dose moyenne de référence) ces effets là ne sont pas observés et la caféine aurait même un effet protecteur. Une dose de 400mg de caféine correspond à l’absorption de 5 à 6 tasses de café.102

Les seuls effets néfastes attribués à la caféine au niveau cardiovasculaire sont une augmentation de la tension artérielle, des tachycardies et des palpitations. Une dose de

101 Higdon et Frei, « Coffee and Health: A Review of Recent Human Research ». 102

91 200-250 mg de caféine augmenterait la pression systolique de 2,4 mmHg et la pression diastolique de 1,2 mmHg. Cette augmentation de la pression artérielle est plus marquée chez les personnes hypertendues. 103

b.) Effets sur le développement de cancers :

L’on pensait également que la caféine pouvait être un facteur favorisant le développement de cancers. Or à ce jour les études ne montrent pas de lien entre la consommation de caféine et le développement de cancers. En revanche, il a été établi que la caféine aurait un effet protecteur vis-à-vis du développement d’un carcinome hépatocellulaire. 104

c.) Effets sur le système osseux :

Il est très difficile d’évaluer l’effet réel que la caféine a sur le système osseux. De nombreuses études ont été menées et les résultats qu’elles fournissent sont discordants. Certaines concluent que l’absorption de caféine n’a aucun effet sur la déminéralisation osseuse105 alors que d’autres prouvent le contraire106. Actuellement il est recommandé aux personnes qui n’ont pas suffisamment d’apports en calcium et vitamines D de diminuer leur consommation de caféine ou de prendre un traitement de supplémentation et ce notamment chez la femme.

d.) Caféine et femmes enceinte :

Chez les femmes enceintes des études ont été menées sur plusieurs effets potentiels de la caféine.

Tout d’abord elles ont essayé d’établir un lien entre la consommation de caféine et le taux d’avortements spontanés. Certaines études ont révélé un lien entre une

103 Nurminen et al., « Coffee, Caffeine and Blood Pressure ». 104

Wikoff et al., « Systematic review of the potential adverse effects of caffeine consumption in healthy adults, pregnant women, adolescents, and children ».

105 Heaney, « Effects of caffeine on bone and the calcium economy ». 106

92 consommation élevée de caféine et le risque d’avortement spontanés.107 D’autres études n’ont pas prouvé d’association significative. De plus, le risque d’avortement serait associé à de fortes consommations de caféine (>600mg/j). Il a été proposé qu’une association entre la consommation de caféine et le risque d’avortement soit expliquée par la relation entre les nausées et la viabilité fœtale. En effet les nausées sont plus fréquentes chez les femmes ayant des grossesses viables. Or ces nausées limitent la consommation de caféine. Cependant des auteurs de revues épidémiologiques ont conclu qu’une association causale entre la caféine et le risque d’avortement spontané n’était pas démontrée.108

Une autre conséquence de la caféine serait une diminution du poids de naissance de l’enfant ainsi qu’un retard de développement intra-utérin. Plusieurs études ont montré que des apports de caféine allant de 200 à 400 mg/j étaient associés à une diminution du poids moyen de naissance d’environ 100g et un léger retard de croissance. Chez la femme enceinte la demi-vie de la caféine est deux fois plus élevée que chez une femme non enceinte. De plus la caféine traverse les membranes biologiques dont le placenta. Le fœtus est donc très exposé à la caféine (Figure28). 109

Figure 28: Profil temps-concentration après une prise orale de 200mg de caféine chez une femme enceinte, une femme non enceinte et le résultat sur le fœtus.

Enfin aucune relation n’a été établie entre la consommation maternelle de caféine et la naissance prématurée d’enfants ainsi que la présence de malformations congénitales.

107 Cnattingius et al., « Caffeine Intake and the Risk of First-Trimester Spontaneous Abortion ». 108

Signorello et McLaughlin, « Maternal Caffeine Consumption and Spontaneous Abortion: A Review of the Epidemiologic Evidence ».

109 Partosh et al., « Caffeine intake in pregnancy: Relationship between internal intake and effect on birth

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2.) Toxicologie aigue et overdoses :

Quelques cas d’intoxications létales ont été rapportés dans la littérature.110Ces intoxications sont généralement dues à l’ingestion de caféine sous forme de médicaments. Des doses orales de 5 à 50g ont entrainé des décès chez des adultes. La dose létale est estimée à 100-200mg/kg de poids corporel. Une intoxication sévère se manifeste par une agitation, des délires, des convulsions, des dyspnées, des arythmies cardiaques, des myoclonies, des nausées, des vomissements, une hyperglycémie, une hypokaliémie, une rhabdomyolyse, une hypertension suivie d’une hypotension et la mort par collapsus cardiovasculaire.111

3.) Effets chez les prématurés et les enfants :

Chez les enfants prématurés, aux doses thérapeutiques (20mg/kg en dose d’attaque

puis 5mg/kg en doses d’entretiens) la caféine possède très peu d’effets indésirables. Elle est responsable d’une tachycardie, elle augmente la consommation d’oxygène et les dépenses énergétiques. Il en résulte une diminution de la prise de poids par rapport aux enfants non traités. Cependant lorsque les enfants sont suivis vers 18-21 mois, cette différence devient insignifiante et le retard de prise de poids est rattrapé. Chez les enfants recevant plus de caféine (10mg/kg) en doses d’entretiens, d’autres effets peuvent être observés tels qu’une polypnée, une nervosité, des vomissements inexpliqués et des convulsions dans les cas les plus graves. Ceci est dû à l’immaturité du système enzymatique hépatique et donc à l’augmentation de la demi-vie de la caféine par absence de métabolisation.

Dans la littérature, un cas d’intoxication d’une petite fille née prématurément a été rapporté. Suite à son extubation à son troisième jour de vie, elle avait développé une apnée. Elle a donc reçu une dose de 20mg/kg de caféine et une dose de 5mg/kg en entretien. Suite à la réémergence d’apnée la dose d’entretien a été augmentée à 9mg/kg/j. Sous ce dosage une tachycardie est apparue, de fait la posologie a été diminuée à 7mg/kg/j. À ce dosage le contrôle de l’apnée était bon et il n’y avait pas de signe de surdosage. Cependant un contrôle a révélé la présence d’une rhabdomyolyse. La concentration de caféine dans le sérum a été mesurée et elle était supérieure à la

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Ishikawa, Yuasa, et Endoh, « Non specific drug distribution in an autopsy case report of fatal caffeine intoxication ».

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94 concentration thérapeutique recherchée (8 à 20mg/ml la dose toxique est >50mg/ml). Chez cette patiente la demi-vie était de 245,2 h comparé à 72-96 h chez les nouveau-nés. A la suite de cet examen, la dose de caféine a été diminuée et le taux de créatine kinase est redevenu normal. Ce cas a permis de mettre en avant un nouvel effet indésirable potentiel de la caféine qui est la rhabdomyolyse.112

Effets sur les enfants : l’académie américaine de pédiatrie déconseille l’utilisation et la

consommation de caféine par les enfants. La consommation à long terme de caféine serait responsable d’une perturbation des habitudes de sommeil, d’une hypertension, de dépendance physiologique ainsi que d’une exacerbation des maladies psychiatriques sous jacentes. Le cerveau des enfants serait particulièrement sensible à la caféine et des effets indésirables apparaîtraient à de faibles doses (tremblements, anxiété, insomnies, changements d’humeur, gêne gastro-intestinale, diminution de l’attention, psychose etc.) 113

112 Nakaoka et al., « Caffeine Toxicity in a Preterm Neonate ». 113

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