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Chapitre 1 : Revue de littérature

1.4. Microstructures et propriétés du yogourt

1.4.4 Effet des procédés de brassage et lissage : construction d’une nouvelle matrice

1.4.4.1 Définition du yogourt brassé

La matrice de yogourt brassé est issue d’une « destruction » du gel de yogourt ferme. L’application de cisaillements mécaniques provoque la destruction et la réorganisation des interactions moléculaires. Ce type de produit est défini comme une suspension de « microgels » fermes dans une phase de sérum contenant divers solutés (van Marle 1998; Zoon 2003; Cayot, Schenker et coll. 2008; Küçükçetin 2008a; Mokoonlall, Nöbel et coll. 2016) (Figure 1.17).

Figure 1.17: Schéma de la formation des microgels du yogourt brassé. Adapté de Mokoonlall, Nöbel et coll. (2016)

Lors du cisaillement du produit, la structure poreuse du réseau est détruite, impactant beaucoup les phénomènes de synérèse et la viscosité (van Marle et Zoon 1995; van Marle 1998; van Marle, van Den Ende et coll. 1999). Durant les cisaillements, le gel se brise au niveau des zones les plus faibles pour obtenir des particules denses de protéines issues du gel ferme, mesurant entre 10 et 250 µm de diamètre, appelées des

Micelle de caséines associé à des WP dénaturées Fermentation Réseau continu (gel ferme) Stress mécanique Particule de microgel (gel brassé)

microgels. D’après van Marle (1998), les gels hétérogènes avec de gros pores produiront de gros microgels après cisaillement. Ainsi, les microstructures de yogourt brassé sont très différentes de celles des gels fermes (Figure 1.18). Il n’y a pas encore d’explications claires sur le rôle des microgels sur les propriétés du yogourt. On sait que des microgels plus gros et plus denses produisent une sensation granuleuse en bouche (Cayot, Schenker et coll. 2008) et plusieurs études ont relié leur taille et leur réarrangement à l’augmentation de la synérèse (van Marle 1998; Vliet, Lakemond et coll. 2004). Cependant, on ne connait pas en détail les facteurs qui déterminent leur formation et leurs propriétés (taille, solidité, porosité, forme…) ou leur organisation dans la matrice.

Pour mesurer la taille des microgels, plusieurs méthodes sont disponibles. Les méthodes les plus classiques sont la diffraction laser et la diffusion de la lumière (Krzeminski, Großhable et coll. 2011; Nöbel, Ross et coll. 2016; Zhang, Folkenberg et coll. 2016; Körzendörfer, Temme et coll. 2018). Ces méthodes permettent de mesurer des particules dont les tailles sont comprises entre 0.2 µm et 2-3 mm selon les appareils. On peut également utiliser des techniques de tamisage (van Marle 1998). Depuis une dizaine d’années, il y a eu un développement rapide des techniques d’analyse d’images. Selon la technique d’imagerie utilisée (microscope confocal, caméra à échelle réelle, analyse d’image dynamique), la préparation de l’échantillon peut nécessiter la dilution du yogourt dans l’eau ou du perméat de lait pour faciliter l’observation. Les microgels peuvent être observés à différentes échelles (du µm au cm) (Körzendörfer, Temme et coll. 2018; Moussier, Guénard- Lampron et coll. 2019). L’utilisation de l’analyse d’images permet d’extraire plusieurs indices pour décrire la structure du gel de yogourt et les microgels tels que : la taille des particules, leurs nombres, leurs formes (circulaire, allongée, rugueuse), et la rugosité du gel (Küçükçetin, Weidendorfer et coll. 2009; Hahn, Krzeminski et coll. 2012; Moussier, Guénard-Lampron et coll. 2019).

Figure 1.18 : Microstructure de gel de yogourt (0% MG ; fermentation lactique à 32°C, pasteurisation à 85°C durant 30 min) avant et après brassage observée par microscopie confocale à balayage laser.

Adapté de Lee et Lucey (2006).

brassage

1.4.4.2 Propriétés rhéologiques du yogourt brassé

Physiquement, le yogourt brassé est un matériau viscoélastique, aux propriétés thixotropiques (Schmitt, Ghnassia et coll. 1998; Abu Jdayil et Hazim 2002; O'Donnell et Butler 2002a). Cela signifie que la viscosité dépend de l’intensité des cisaillements appliqués et de leur durée. Pendant le cisaillement, un certain nombre de liens moléculaires seront détruits, tandis que d’autres se reformeront durant et après le cisaillement, mais le yogourt ne retrouvera jamais la structure originelle de yogourt ferme.

1.4.4.3 Comportement non-newtonien durant les procédés de cisaillement

Les sources de cisaillement lors du procédé post-fermentaire de brassage-lissage sont nombreuses : les pales de brassage, le lissage, le transport par pompage dans les conduites, les systèmes de refroidissement (échangeur de chaleur tubulaire ou à plaques) et enfin le passage dans la buse de remplissage des pots. Durant toutes ces étapes, la structure, et conséquemment les propriétés rhéologiques du yogourt, sont modifiée par les cisaillements appliqués. Le yogourt a un comportement non-newtonien : s’il est soumis à un cisaillement constant (à température constante) en régime laminaire, sa viscosité diminue au court du temps pour atteindre une valeur d’équilibre au temps infini (Figure 1.19). Comme montré sur la Figure 1.19, lorsqu’on augmente l’intensité des cisaillements appliqués, la viscosité diminue indiquant une déstructuration du produit plus importante à fort cisaillement. On peut comprendre comment les microstructures et les interactions moléculaires sont impliquées dans ce phénomène avec l’exemple de Barnes (1997) en assimilant de façon simplifiée les microgels de yogourt à des particules floculées (Figure 1.20). La plupart des suspensions concentrées de particules sont rhéofluidifiantes. Cependant dans le cas d’une suspension concentrée de flocs fragiles de particules (comme le yogourt et ses microgels par exemple), Barnes (1997) parle de double effet rhéofluidifiant. Lorsqu’on cisaille le produit, les flocs de particules vont subir des frottements entre eux provoquant leur effritement (rupture de certaines interactions moléculaires) et réduisant leur taille. Ceci a pour effet de réduire leur volume hydrodynamique et donc la viscosité du fluide. Pour une même intensité de cisaillement, la viscosité d’une suspension de particules solides sera plus élevée que la viscosité d’une suspension de flocs de particules. De façon similaire la viscosité de la suspension de flocs de particules diminuera plus fortement lorsque l’on augmente l’intensité des cisaillements (Figure 1.20). En fait, le phénomène est un peu plus complexe, car durant le cisaillement, d’autres liens peuvent aussi se former entre les structures (ex. agrégation, floculation…). Ils ne sont souvent pas assez nombreux pour compenser la chute de viscosité due à la déstructuration durant les cisaillements (Abu-Jdayil 2003). C’est la différence entre la quantité d’interactions détruites et d’interactions créées au court du temps qui définit la vitesse à laquelle la viscosité chute durant les cisaillements.

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Figure 1.19 : Viscosité du yogourt pour différents cisaillements constants au court du temps. Adaptée de O'Donnell et Butler (2002a)

Figure 1.20 : Évolution de la microstructure pendant l’écoulement d’une suspension de particules floculées. Adapté de (Barnes 1997). ! ! ! !"" ! !#! !"# ! !"! $$% %&" '()*+(*+(",-) +..+/"(* 0')1,)'*2 3,/ +(2 4-'5 6+2 7" 5"8("5 72 *&" "9-+*',( " "# $ &! $:% ;,67'('(< =9)> ?!@ +(5 ?:@ 2'"A5) ! ""$ & ## ! $B%

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Temps d’application des cisaillements (s)

V is cos ité ( P a.s ) Cisaillements (s-1)

1.4.4.4 Le rebodying : réorganisation structurale du yogourt brassé

Durant les phases de repos (quand les cisaillements s’arrêtent, durant l’entreposage), de nouvelles liaisons intermoléculaires se forment dans le gel permettant de retrouver en partie les propriétés macroscopiques de départ (Cayot et coll. 2003; Renan, Guyomarc’h et coll. 2008; Renan, Guyomarc’h et coll. 2009; Mokoonlall, Nöbel et coll. 2016). Ce phénomène est appelé le rebodying (Figure 1.21). On distingue deux types de rebodying : celui ayant lieu dans les 20 à 30 premières heures après fabrication où environ 30 % de l’élasticité du gel est retrouvée par rapport au gel ferme; et celui survenant à long terme pendant l’entreposage à 4 °C dont la récupération d’élasticité est variable, mais où l’on observe toujours une augmentation de la viscosité (Arshad, Paulsson et coll. 1993; Renan, Guyomarc’h et coll. 2008). Le premier serait dû au refroidissement du gel et à la reformation rapide d’interactions entre protéines, alors que le second serait dû majoritairement à un renforcement des interactions hydrophobes dû aux phénomènes de post-acidification (Abu Jdayil et Hazim 2002; Serra, Trujillo et coll. 2009). Tous les auteurs ne s’accordent pas sur les mécanismes moléculaires sous- jacents au phénomène de rebodying. Certains auteurs comme Cayot et coll. (2003) suggèrent une agrégation des microgels via des interactions hydrophobes; alors que d’autres auteurs comme Weindendorfer et coll. (2008) avancent que le rebodying serait seulement dû à l’affaiblissement des interactions hydrophobes entre les caséines à froid provoquant le gonflement et la relaxation des microgels durant l’entreposage. Selon Renan, Guyomarc’h et coll. (2008); (2009), le pH final et la quantité de calcium solubilisé en fin de fermentation influencent le rebodying, alors que les liens disulfures n’auraient qu’un impact modéré. Le pH définit l’électronégativité des protéines et donc leur capacité à se repousser tandis que le calcium soluble serait capable de relier les résidus négatifs des protéines entre eux. Ainsi, un pH trop élevé en fin de fermentation limiterait le rebodying à court terme. On peut évaluer le rebodying à court terme par l’utilisation de boucle d’hystérèse avec un rhéomètre. Cela consiste à appliquer des cisaillements croissants, puis les cisaillements sont reproduits de façon décroissante permettant de comparer la différence entre les contraintes d’écoulements aller et retour à une vitesse de cisaillement précise (Figure 1.21). Il existe un cisaillement, propre à chaque gel, au-dessus duquel le niveau de destruction est si intense qu’il est quasiment irréversible (Afonso et Maia 1999; Mokoonlall, Nöbel et coll. 2016).

Figure 1.21 : Viscosité apparente selon une boucle d’hystérèse de cisaillement pour un yogourt concentré (labneh) à différents temps de stockage.

Adaptée de Abu Jdayil et Hazim (2002)

1.4.4.5 Effet des conditions physiques de cisaillement

Type et intensité des cisaillements

Les cisaillements ne modifient pas seulement les structures en les détruisant mais également en les orientant. Par exemple, dans le cas d’un gel de yogourt contenant des EPS libres, le cisaillement laminaire orientera ces structures parallèlement au cisaillement réduisant alors leurs diamètres hydrodynamiques et donc la viscosité du produit (van Marle, van Den Ende et coll. 1999). De nombreuses études ont été réalisées pour établir le profil d’écoulement du yogourt dans les conduites de transport (Schmitt, Ghnassia et coll. 1998; O'Donnell et Butler 2002b; Abu-Jdayil, Nasser et coll. 2013; Mokoonlall, Nöbel et coll. 2016) ou pendant d’autres opérations unitaires (Afonso et Maia 1999; Afonso, Hes et coll. 2003; Fernandes, Dias et coll. 2006). Globalement, le profil est laminaire pour la plupart des opérations unitaires constituant le procédé post-fermentation. L’effet cumulatif de toutes les opérations du procédé post-fermentation (pompage, transport, refroidissement, lissage,

conditionnement) a fait l’objet de peu d’études (Mokoonlall, Sykora et coll. 2016; Zhang, Folkenberg et coll. 2016; Lussier 2017; Guénard-Lampron, St-Gelais et coll. 2018).

Il est souhaitable que le produit ne soit pas cisaillé trop intensément ou trop longtemps sous peine de voir sa viscosité diminuer jusqu’à une valeur limite où le rebodying serait insuffisant pour réinstaurer la consistance épaisse du produit (Suwonsichon et Peleg 1999; Abu Jdayil et Hazim 2002; Abu-Jdayil 2003; Maingonnat, Muller et coll. 2005; Abu-Jdayil, Nasser et coll. 2013; Mokoonlall, Sykora et coll. 2016; Zhang, Folkenberg et coll. 2016; Lussier 2017). Selon van Marle (1998) il existerait une intensité de cisaillement pour laquelle les structures sont réduites à des particules primaires individuelles non destructibles. Grâce à un modèle micro-rhéologique, ils ont estimé que la taille de ces microgels serait en dessous de 8 µm de diamètre. Arrivé à ce point, le fluide perdrait ses caractéristiques élastiques et se comporterait comme un fluide newtonien, car une fois cette limite de cisaillement dépassée, la viscosité ne serait plus dépendante des cisaillements. Ceci explique l’utilisation fréquente d’une pompe volumétrique et non d’une pompe centrifuge pour le déplacement du yogourt lors de la production. Connaitre le profil d’écoulement est important car les écoulements laminaires détruisent beaucoup moins le produit et ont un comportement plus prévisible que les écoulements turbulents.

Température de cisaillement

La température le long du circuit est également un paramètre à considérer. En effet, des variations de température survenant pendant le transport d’un yogourt induisent des changements de viscosité et influencent le niveau de déstructuration qu’il subit. Un terme de type Arrhenius a été ajouté à la modélisation du comportement à l’écoulement des yogourts pour tenir compte de l’effet de la température (Afonso et Maia. 1999). Afonso et Maia (1999) et Afonso, Hes et coll. (2003) ont montré que le gel de yogourt entre 6 et 25 °C avait une viscosité 2,5 à 6 fois moins dépendante aux changements de température que dans l’intervalle 25 et 45 °C. Il n’y a donc probablement pas le même type de déstructuration entre les yogourts brassés en dessous et au- dessus de 25 °C. D’après Mokoonlall, Nöbel et coll. (2016) les interactions hydrophobes sont plus fortes et les microgels deviennent plus compacts avec un volume hydrodynamique plus faible au-dessus de 25 °C. En- dessous de 25 °C, la viscosité du sérum augmente et les interactions non-covalentes (électrostatiques et hydrophobes) du gel s’affaiblissent, provoquant la diminution de la stabilité des microgels. Souvent, il est conseillé de brasser le gel à une température proche de la température de fermentation et de le lisser avant de le refroidir pour l’entreposage (Tamime et Robinson 2007; Mokoonlall, Nöbel et coll. 2016), car une température trop basse pourrait provoquer une déstructuration trop intense du gel avec une chute de sa viscosité qui ne serait pas compensée par le rebodying du gel durant l’entreposage. Récemment, Guénard-Lampron, St-Gelais et coll. (2018) ont comparé l’effet du lissage à 20 °C et 38 °C sur des yogourts brassés. Après 1 jour d’entreposage à 4 °C, le lissage à 38 °C a produit des yogourts avec une fermeté (mesurée par un test de compression en texturomètre) plus forte que les yogourts lissés à 20 °C. Par contre, la viscosité (mesurée par

viscosimètre en rhéomètre) et la synérèse (mesuré par centrifugation) n’étaient pas différentes entre les deux produits. Malheureusement, la taille des particules n’a pas été déterminée pour comprendre la différence de déstructuration du gel durant les deux types de lissage.

1.4.4.6 Effet des procédés avant fermentation et brassage

Les modifications apportées aux propriétés des yogourts fermes via un changement de formulation, différents traitements thermiques du lait, ou encore différentes conditions de fermentation n’ont pas toujours un effet sur les propriétés du yogourt après son brassage. Lee et Lucey (2006) et Cayot, Schenker et coll. (2003) ont clairement démontré que les améliorations des propriétés élastiques, de la rétention d’eau et de la densification du réseau apportées par la dénaturation des WP lors de la pasteurisation sont observées aussi après brassage. Par contre Lee et Lucey (2006) et Haque, Richardson et coll. (2001), en étudiant la température d’incubation, sont arrivés à deux conclusions différentes. Lee et Lucey (2006) préconisent une fermentation longue à basse température, tandis que Haque, Richardson et coll. (2001) conseillent des températures plus élevées pour acidifier les gels brassés. Ces deux études ont cependant utilisé des techniques de cisaillement différentes à des températures différentes. Lee et Lucey (2006) ont d’abord refroidi le gel ferme à 15 °C, puis ont utilisé un mélangeur motorisé équipé d’une hélice triple pour effectuer un cisaillement de 5 s-1. Dans le cas de l’étude de Haque, Richardson et coll. (2001), le gel a été brassé à chaud (43 °C), d’abord manuellement à l’aide d’un piston perforé, puis avec un agitateur motorisé équipé d’une hélice triple (500 rpm, 2min et 3 min à 450 rpm). Les deux différents procédés de brassage utilisés dans ces deux études peuvent avoir influencé les résultats obtenus. Cayot, Schenker et coll. (2008) ont rapporté que la taille des microgels obtenus dans un yogourt brassé diminue avec l’intensité des cisaillements reçus et augmente avec la quantité de WP dénaturées. Il existerait donc un optimum de WP à incorporer et à dénaturer dépendant des cisaillements qui seront appliqués après la fermentation. Zhang, Folkenberg et coll. (2016) ont mis en évidence que la présence d’EPS pouvait pallier la perte de viscosité engendrée par les cisaillements tant que ceux-ci restaient modérés. L’effet des EPS sur la matrice du yogourt brassé sera décrit ultérieurement dans le paragraphe 1.5.5.

Pour résumer, le yogourt brassé est une suspension de microgels dont la granulométrie dépend, entre autres, des cisaillements. Le rebodying dépend de la post-acidification et éventuellement du calcium solubilisé, qui est lui-même affecté par la cinétique d’acidification du lait et la température d’entreposage. Cependant, les rares études s’appuyant sur la production d’un yogourt brassé en conditions industrielles ou semi-industrielles (pilote) associent peu ou pas les procédés de cisaillement à l’organisation finale des microstructures obtenues et ne décrivent pas l’effet des températures de cisaillement.

1.5 Utilisation des ferments producteurs d’exopolysaccharides