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Chapitre 3.1 : Développements et validations méthodologiques

1 Développements et validations méthodologiques

1.2 Protocole SPE

1.2.5 Effet de matrice

La matrice de l’échantillon peut perturber l’analyse et la quantification des analytes soit lors de l’étape de séparation chromatographique soit lors de la détection.

Chromatographie : les pics peuvent présenter un élargissement voire un dédoublement, impactant la hauteur donc la sensibilité. En outre, certaines molécules peuvent subir une plus forte rétention dans la colonne et empêcher l’identification de la molécule par le seul critère du temps de rétention. Détection : dans la source d’ionisation, la matrice peut être responsable d’une extinction plus ou moins intense du signal affectant par conséquent la sensibilité. Gómez et al. (2006) ont évoqué trois raisons à cette extinction de signal : 1) l’augmentation du bruit de fond par l’ionisation d’un grand nombre d’interférents ; 2) la non détection des analytes en raison de leur association à de la matière organique, diminuant la part d’analyte sous forme libre ; 3) l’ionisation préférentielle de molécules de la matrice, appelée compétition à l’ionisation.

L’étude d’effet de matrice porte ici sur l’ensemble de ces critères (temps de rétention, extinction de signal, élargissement des pics et augmentation du bruit de fond). Quatre matrices de charge organique croissante ont été extraites en triplicats : de l’eau Vittel, de l’eau de Garonne, de l’effluent de sortie de station d’épuration et de l’effluent d’entrée de station d’épuration. Dans l’idéal, il aurait fallu disposer de matrices exemptes des analytes afin de connaître précisément la quantité de composés natifs ajoutée. En pratique, les eaux n’en étant pas exemptes, le choix s’est porté sur l’ajout d’étalons internes marqués isotopiquement aux extraits juste avant l’injection (solution de 33 étalons internes du protocole médicaments). Une partie de ces extraits a été diluée dix fois dans le solvant d’injection. Les réponses de chaque analyte sont comparées à celles d’une solution étalon préparée dans le solvant d’injection.

a) Extinction de signal

Les moyennes des coefficients d’extinction de signal, définis comme le rapport du coefficient de réponse dans la matrice sur le coefficient de réponse dans le témoin-solvant, sont présentés dans le Tableau 33. L’indinavir d6, présentant des variabilités élevées au sein d’un triplicat, a été exclu des interprétations.

Tableau 33. Coefficients moyens d’extinction de signal (sur les 33 étalons internes) observés pour différentes matrices par rapport au témoin solvant.

Vittel Garonne sortie STEP entrée STEP

Extrait 0,89 0,86 0,76 0,45

Extrait dilué 1/10 0,92 0,88 0,92 0,86

L’extinction de signal est faible pour l’eau Vittel, l’eau de Garonne et l’effluent de sortie de STEP. En revanche, avec plus de 50 % d’extinction moyenne, l’analyse de l’effluent d’entrée de STEP est altérée par la matrice. Dans le détail, l’atorvastatine d5, l’ibuprofène d3 et le diclofénac d4 sont les plus lourdement affectés, avec un facteur d’extinction de 54, 24 et 23, respectivement. Il est à noter que les molécules les plus affectées par une extinction de signal sont celles ionisées en mode négatif. Après dilution 10 fois, l’extinction de signal devient négligeable et l’atorvastatine d5, l’ibuprofène d3 et le diclofénac d4 prennent des coefficients d’extinction de 11, 2 et 2. Gómez et al. (2006) ont également reporté une élimination de l’extinction de signal après dilution au dixième, tout en observant une perte de sensibilité associée à la dilution.

b) Temps de rétention

L’étude des variations du temps de rétention mène à un constat identique : seule la matrice d’entrée de STEP affecte l’élution dans la colonne chromatographique. Les temps de rétention ne varient que pour certains composés et peuvent augmenter de 0,7 min (cas du propranolol). Les résultats en pourcentage d’augmentation par rapport au témoin solvant sont donnés Figure 51.

Figure 51. Variation du temps de rétention entre les extraits d’entrée de STEP et le témoin solvant.

Le propranolol d7, l’amitriptyline d6, la fluoxétine d5 et la cétirizine d8 sont les plus affectés avec plus de 7 % d’augmentation de temps de rétention. L’augmentation du temps de rétention de la fluoxétine dans des matrices d’entrée de STEP a déjà été observée lors de précédents travaux (Barclay et al., 2012 ; Zhao et Metcalfe, 2008). Il est intéressant de noter que le propranolol, l’amitriptyline et la fluoxétine sont des molécules à log Kow élevé. L’hypothèse d’une association à de la matière organique dissoute qui augmenterait le temps de rétention peut être faite, bien que ce phénomène n’ait pas été spécifiquement décrit dans la littérature.

Après dilution, les molécules sont éluées suivant leur temps de rétention usuel, sans décalage. L’identification de la molécule native doit donc être conduite avec précaution, en utilisant la comparaison à la transition de confirmation et à la transition de l’étalon interne.

c) Elargissement des pics

La largeur moyenne du pic est calculée par le rapport de l’aire du pic chromatographique divisée par sa hauteur. Seul l’extrait d’effluent d’entrée de STEP présente des molécules affectées par un élargissement de pic. Les 13 étalons internes pour lesquels le pic s’élargit de plus de 20 % par rapport au témoin-solvant sont donnés Figure 52.

Figure 52. Elargissement des pics entre le témoin solvant et les extraits d’effluent d’entrée de STEP.

Le propranolol d7 est le plus touché par le phénomène, son pic s’élargissant d’un facteur 4. Le chromatogramme correspondant est donné à titre indicatif Figure 53.

Figure 53. Chromatogrammes du propranolol d7 dans le témoin solvant et dans l’extrait d’entrée de STEP.

d) Bruit de fond

Le bruit de fond dépend des interférents qui répondent à la même transition que l’analyte. Pour cette raison, il n’est pas lié aux propriétés physico-chimiques des analytes mais aux schémas de fragmentation de l’ensemble des molécules composant la matrice. Le bruit de fond est estimé par le rapport de la hauteur du pic sur le rapport signal sur bruit, sa mesure étant effectuée entre 0,4 min et 0,2 min avant le pic.

La hauteur moyenne du pic maximal du bruit de fond (conséquence du mode de détection du bruit « peak-to-peak ») pour les 33 étalons internes considérés est donnée Figure 54 en fonction de la

Figure 54. Hauteur moyenne du bruit de fond précédant les 33 étalons internes considérés.

Une augmentation progressive de la hauteur du bruit de fond est observée pour des matrices de plus en plus chargées. Ce résultat est à mettre en parallèle avec le nombre croissant de molécules organiques contenues dans ces échantillons, point qui sera discuté dans le chapitre 4.1, section 1.7. L’extrait d’eau d’entrée de STEP, bien que probablement plus riche en molécules organiques, ne présente pas la hauteur de bruit de fond maximale. Ce constat est à considérer à la lumière des extinctions de signal précédemment évoquées : les interférents contenus dans la matrice peuvent subir une extinction différente de celle des analytes, rendant difficile la comparaison de ce type de matrices à celles n’altérant pas le signal. Après dilution 1/10, la hauteur moyenne du bruit de fond est indépendante de la matrice.

e) Bilan sur l’effet de matrice

Excepté pour le bruit de fond, l’effet de matrice est perceptible sur les matrices très chargées de type extraits d’entrée de STEP. L’étude des extraits dilués dix fois, comparables au témoin-solvant, montre que cet effet semble se manifester à partir d’une valeur seuil.

A partir de ces observations, il est possible d’estimer des limites de quantification adaptées à la matrice considérée en appliquant un coefficient correcteur aux LQ calculées dans l’eau Vittel. En toute rigueur, ce coefficient devrait prendre en compte l’extinction de signal ainsi que l’augmentation du bruit de fond. Toutefois, la correction liée au bruit de fond est complexe et variable et n’a pas été prise en compte dans le cadre de ce travail.

Pour les molécules ne disposant pas de leur homologue marqué, le coefficient d’extinction moyen calculé sur l’ensemble des étalons internes a été appliqué.

Les limites de quantification corrigées pour les matrices de sortie et d’entrée de STEP sont présentées dans le Tableau 34. L’influence de la matrice est maximale pour l’atorvastatine, l’ibuprofène et le diclofénac.

Tableau 34. Limites de quantification corrigées dans la matrice par extrapolation des limites de quantification précédemment déterminées dans l’eau Vittel.

Analyte LQ (ng.L-1) Mesurée eau Vittel Corrigée sortie STEP Corrigée entrée STEP abacavir 0,5 0,6 0,8 indinavir 1,0 1,0 1,0 lamivudine 2,5 3,0 5,8 nelfinavir 0,3 0,3 1,1 névirapine 0,8 1,0 1,5 ritonavir 1,1 1,3 5,0 saquinavir 0,4 0,5 1,8 zidovudine 11,1 21,0 26,5 bromazépam 3,6 4,4 7,0 nordiazépam 0,8 1,0 1,8 alprazolam 0,6 0,8 2,9 diazépam 1,3 1,4 2,9 oxazépam 2,8 2,7 3,4 lorazépam 3,2 3,8 14,6 clonazépam 1,5 1,8 6,7 méprobamate 1,5 1,9 2,1 kétoprofène 7,2 8,7 17,6 naproxène 0,6 0,9 1,9 diclofénac 3,0 3,5 72,8 ibuprofène 14,8 16,1 342,2 hydroxy-ibuprofène 6,0 7,6 18,6 paracétamol 16,2 22,1 47,5 gemfibrozil 0,5 0,5 2,4 bézafibrate 2,0 1,9 2,1 ac. 4-chlorobenzoïque 17,7 21,0 80,3 acide fénofibrique 0,5 0,5 1,0 acide clofibrique 0,7 0,7 1,1 pravastatine 2,5 3,4 9,9 atorvastatine 6,0 12,0 254,4 aténolol 4,7 5,1 7,2 bisoprolol 0,6 0,8 2,9 métoprolol 1,6 1,9 7,2 propranolol 0,9 1,2 1,6 sotalol 4,8 5,5 8,2 timolol 0,4 0,4 1,7 acébutolol 0,4 0,4 1,7 imipramine 0,3 0,4 1,4 doxépine 1,5 1,8 6,7 amitriptyline 0,5 0,5 0,7 fluoxétine 0,5 0,5 0,6 primidone 6,6 8,7 12,4 carbamazépine 1,5 1,7 2,4

Analyte LQ (ng.L-1) Mesurée eau Vittel Corrigée sortie STEP Corrigée entrée STEP clenbuterol 0,8 1,0 3,8 caféine 21,0 29,2 46,8 théophylline 10,9 12,9 49,3 sildénafil 0,9 0,8 0,8 losartan 0,2 0,3 1,1 salbutamol 0,6 0,7 2,6 clopidogrel 0,8 0,9 3,6 terbutaline 2,0 2,4 9,0 disopyramide 0,3 0,4 1,4