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Chapitre 1 : Cadre de l’étude

5 Comportement des molécules d’intérêt en STEP

5.1 Généralités

La réduction de l’émission des résidus de médicaments et des filtres UV dans l’environnement peut s’envisager de plusieurs façon (Choubert et al., 2011a) : par diminution de leur consommation, par optimisation des procédés de traitement existant ou par l’instauration de nouveaux procédés ayant vocation à abattre spécifiquement les micropolluants organiques. On qualifie les performances de traitement d’une molécule dans un procédé de traitement par son rendement d’épuration, c’est-à-dire le taux d’abattement du flux entre l’entrée et la sortie du procédé.

5.1.1 Traitement primaire

Le traitement primaire des eaux usées consiste en une simple décantation des particules en suspension de l’effluent, faisant généralement suite à son dessablage/dégraissage. Des réactifs de précipitation (chlorure ferrique, polymères anioniques dérivés de polyacrylamides) peuvent être ajoutés pour favoriser la décantation. Le piégeage des MES permet une élimination des micropolluants organiques hydrophobes comme les PBDE ou les HAP (Choubert et al., 2011b) mais le traitement primaire est d’efficacité mineure pour l’élimination des molécules plus hydrophiles comme les médicaments (Soulier et al., 2011; Stasinakis et al., 2013).

5.1.2 Traitement secondaire par boues activées

Le traitement des eaux usées par procédé biologique de boues activées est d’usage courant en France. Ce procédé a pour but de favoriser le développement de bactéries afin que celles-ci éliminent la matière organique de l’effluent primaire par leur propre développement. Les flocs servent de support aux bactéries et sont en partie retournés au bassin et en partie soutirés : on

les deux phases solide et liquide vont être séparées en récupérant le surnageant et en soutirant les boues activées.

Les micropolluants organiques contenus dans l’effluent primaire peuvent être dégradés par les bactéries (biodégradation), adsorbés à la surface des flocs ou rester dissous dans le liquide interstitiel (Pomiès et al., 2013). La part de ces phénomènes est propre à chaque molécule et à ses propriétés physico-chimiques ; Stasinakis et al. (2013) évaluent à 8 et 17 % l’adsorption du naproxène et du diclofénac sur les boues, contre 50 et 30 % de perte par dégradation, respectivement. Cette même étude donne une dégradation à plus de 99 % de l’ibuprofène, non détecté dans les boues. Plus le temps de rétention des boues est grand, plus les micropolluants sont susceptibles d’y être adsorbés ou biodégradés par les bactéries (Radjenović et al., 2009). En règle générale, le rendement d’élimination des micropolluants est plus élevé lorsqu’il y a traitement de l’azote (oxydation de l’ammonium en nitrate), cela étant obtenu pour des temps de séjour des boues supérieurs à 10 j à 10 °C (Choubert, communication personnelle). Cependant, un temps de rétention élevé, impliquant l’utilisation de boues âgées, favorise le développement de bactéries filamenteuses indésirables, rentrant en compétition avec les bactéries désirées et empêchant les boues activées de décanter. Le traitement usuel par boues activées des micropolluants organiques est donc limité par cette contrainte sur le temps de rétention.

5.1.3 Traitement secondaire par bioréacteurs à membranes (MBR)

Le bioréacteur à membrane est une amélioration du traitement biologique classique par boues activées. Le décanteur final est remplacé par un dispositif de filtration (micro ou ultrafiltration) situé dans le dernier bassin de traitement biologique. Il s’agit la plupart du temps de faisceaux de fibres immergés (dans Radjenović et al. (2009), le diamètre des pores est de 0,4 µm pour la microfiltration et de 0,05 µm pour l’ultrafiltration). Cette technique permet de s’affranchir de l’étape de décantation et donc du problème de filamentation limitant la décantation. Les bactéries filamenteuses ne sont plus indésirables et participent de façon bénéfique à la consommation de la matière organique. L’augmentation du temps de rétention des boues entraîne l’augmentation de la biomasse et permet un meilleur retrait des micropolluants organiques de la phase dissoute, soit par adsorption soit par biodégradation par les bactéries.

La comparaison du traitement usuel par boues activées et de bioréacteurs à membrane pour 31 médicaments montre un rendement d’épuration sensiblement amélioré en utilisant ce dernier procédé, jusqu’à 50 % d’élimination supplémentaire (Radjenović et al., 2009 ; Figure 5). Martin Ruel et al. (2010) ont confirmé les performances supérieures des bioréacteurs à membrane par rapport aux boues activées, en particulier pour les molécules les plus hydrophobes.

Figure 5. Comparaison du rendement d’épuration moyen de 25 médicaments par traitement à boues activées conventionnelles (CAS, temps de séjour des boues : 10 j) et bioréacteur membranaire (MBR) : 1. naproxène, 2.

kétoprofène, 3. ibuprofène, 4. diclofénac, 5. indométacine, 6. paracétamol, 7. acide méfénamique, 8.propyphénazone, 9. ranitidine, 10. loratadine, 11. carbamazépine, 12. ofloxacine, 13. sulfaméthoxazole, 14. érythromycine, 15. aténolol, 16. métoprolol, 17. hydrochlorothiazide, 18. glibenclamide, 19. gemfibrozil, 20. bézafibrate, 21. famotidine, 22. pravastatine,

23. sotalol, 24, propranolol, 25. triméthoprime (Radjenović et al., 2009). A noter de meilleures performances de

traitement de l’azote obesrvées dans le cas des bioréacteurs membranaires.

5.1.4 Traitement secondaire par procédés à cultures fixées

Ce procédé de traitement consiste également en une épuration biologique, les micro-organismes étant fixés sur un support. On distingue les lits bactériens, utilisant des galets ou des supports alvéolaires, et les biofiltres, utilisant des matériaux de plus petite taille comme des argiles cuites, des schistes, du polystyrène, des graviers ou des sables.

Choubert et al. (2011a) ont comparé les rendements d’épuration entre procédés à cultures fixées et boues activées : une majorité de molécules présentent un rendement d’épuration équivalent entre ces deux procédés et les auteurs concluent qu’il n’est pas possible de les différencier.

5.2 Les apports du projet AMPERES

Le projet de recherche AMPERES (analyse des micropolluants prioritaires et émergents dans les rejets et les eaux de surface) s’est déroulé de 2006 à 2009 et visait à étudier les micropolluants contenus dans les eaux usées urbaines et les boues de STEP en France. Le suivi de 21 stations d’épuration et de 8 filières de traitement a permis d’évaluer les performances d’élimination des filières d’épuration conventionnelles pour les eaux et les boues, ainsi que de certaines filières avancées pour le traitement de l’eau (Coquery, 2009).

Les fréquences de quantification et les niveaux de concentration des substances prioritaires de la DCE ainsi que de 38 médicaments ont été évalués, confirmant le caractère ubiquiste des médicaments dans les eaux usées. L’analyse des phases dissoute et particulaire en entrée et en sortie de STEP a montré que le flux en médicaments était majoritairement porté par la phase dissoute, un partage pouvant atteindre 50 % sur les effluents d’entrée a toutefois été observé pour les molécules les plus hydrophobes : amitriptyline, bromazépam, doxépine et fluoxétine (Soulier et al., 2011). L’analyse des boues de STEP a révélé des fréquences de quantification globalement inférieures à celles observées en phase dissoute des effluents. En outre, les concentrations en médicaments y sont de l’ordre de 0,1 µg.g-1 quand les concentrations en HAP, alkylphénols ou métaux sont respectivement de l’ordre de 1 - 100 µg.g-1, 1 000 – 10 000 µg.g-1 et > 10 000 µg.g-1 (Coquery et al., 2011). Relativement à ces molécules, les médicaments sont donc quantifiés à de faibles concentrations dans les boues de STEP.

L’élimination des médicaments de la phase dissoute s’est révélée incomplète puisque de nombreux médicaments ont été quantifiés en sortie de STEP (Soulier et al., 2011). Les rendements d’élimination de procédés de traitement secondaires biologiques dépendent de chaque molécule : entre 90 et 100 % pour les hormones, l’acébutolol ou le paracétamol contre des rendements inférieurs à 10 %, voire négatifs, pour la carbamazépine, l’oxprénolol ou le diclofénac. Dans le détail des procédés de traitement, la décantation primaire, qu’elle soit simple ou physico-chimique par ajout de coagulant, ne permet pas une élimination des médicaments des effluents, alors qu’elle est efficace pour une élimination des micropolluants organiques et métalliques hydrophobes par piégeage dans les MES, comme c’est le cas pour les PBDE, les HAP et plusieurs métaux (Choubert et al., 2011b). Lorsqu’un traitement tertiaire avancé est appliqué aux effluents de sortie de traitement biologique, une amélioration des rendements d’épuration a été constatée par ozonation, filtration sur charbon actif et osmose inverse. Lorsqu’il s’agit de traitements tertiaires dits d’affinage (décantation rapide, filtration sur sable et lagunage) les rendements ne sont pas sensiblement améliorés.

Les variabilités inter-journalières ont été caractérisées sur 3 jours consécutifs et se sont révélées faibles : inférieures à 50 % pour une majorité de composés (Soulier et al., 2011). En revanche, les variabilités inter-STEP sont élevées, en entrée (91 %) comme en sortie de STEP (92 %). La comparaison des STEP situées en zones rurales aux STEP situées en zones urbaines n’a pas permis de mettre en évidence une différence significative des niveaux de concentration, la variabilité des concentrations était en revanche supérieure en zone rurale pour 10 des médicaments étudiés (œstriol, metoprolol, nadolol, bisoprolol, acébutolol, aténolol, kétoprofène, théophylline, aspirine et sulfaméthoxazole).