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10.3 Etude de la dissipation en r´ egime d’effet Hall quantique dans BL006

10.3.4 Effet de la temp´ erature

La rupture de l’effet Hall quantique pr´esente une d´ependance en temp´erature entre 0.35 K et 1.5 K (c.f. Figure 10.27). Nous avons vu pr´ec´edemment qu’un effet de chauffage ne pouvait `a lui seul expliquer la diff´erence de comportement de la conductivit´e entre T = 0.35 K et T = 1.5 K. Pour expliquer cette diff´erence de comportement, nous allons introduire un effet qui est d´ebloqu´e par la temp´erature et par un faible effet de chauffage dˆu au courant. Pour mod´eliser ce m´ecanisme, nous avons ´ecrit la conductivit´e sous la forme suivante :

σxx= σ0+ σ1exp  −Eg(ν) eVH  × exp  − Ec kB(T + γσxxVH2)  (10.31)

Dans l’´equation 10.31, le premier terme en exponentiel correspond au m´ecanisme QUILLS avec un fort champ ´electrique local que nous venons d’´etudier (terme en I0/I  ) ; le second

terme en exponentiel mod´elise le m´ecanisme de blocage `a faible ´energie. Ec est l’´energie critique

qui va nous permettre de traduire ph´enom´enologiquement la diff´erence de comportement entre les deux temp´eratures ; Ec est une ´energie de bloquage en dessous de laquelle des processus ne sont

pas activ´es. Dans ce second terme, le d´enominateur est form´e de l’´energie thermique kBT et d’un

second terme qui traduit la dissipation d’´energie : il s’agit d’un terme du typeKomiyama qui

consiste `a ´ecrire l’augmentation de temp´erature due `a un effet de dissipation : Pdissip´ee= σxxVH2.

Grˆace `a l’´equation 10.31, nous avons pu ajuster (c.f. Figure 10.28) toutes les courbes avec un nombre tr`es limit´e de param`etres ajustables : les valeurs obtenues pour Ecet γ sont identiques pour

les deux temp´eratures et les trois densit´es. Les seuls param`etres sont : σ0(quand il est possible de

voir la saturation de la conductivit´e `a tr`es bas courant, donc uniquement `a T = 1.5 K), σ1et Eg(ν).

ln σ

ln 1/I

1

T=0.35 K

T=1.5 K

Figure 10.27 – Evolution typique des conductivit´es en fonction du courant `a T = 0.35 K (trait gris) et T = 1.5 K (trait noir).

Eg(ν) est donn´ee par l’ajustement simple de la conductivit´e `a T = 1.5 K (´equation 10.19 page 178).

On calcule ensuite le rapport des conductivit´es σ(T = 1.5 K)/σ(T = 0.35 K) que l’on ajuste par le second exponentiel de l’´equation 10.31 avec les temp´eratures correspondantes. Ce premier ajus- tement permet de d´eterminer les valeurs initiales de Ec et γ. On ajuste ensuite, ind´ependamment

pour chaque temp´erature et chaque densit´e, la conductivit´e par la formule compl`ete 10.31. La valeur de Ec que l’on obtient est faible : Ec ≈ 95 µeV et correspond `a une temp´erature de 1.1

K. Le param`etre γ qui couple la temp´erature `a la puissance dissip´ee vaut : γ ≈ 4.8 K/pW. Les valeurs des param`etre issues de l’ajustement sont donn´ees dans le tableau 10.7. On constate grˆace `

a la figure 10.28 que cet ajustement, qui int`egre un effet de temp´erature, permet de mieux d´ecrire le comportement de la conductivit´e `a T = 1.5 K par rapport au premier ajustement, montrant notamment que ln σ n’est pas tout fait lin´eaire avec −1/I. De plus, l’effet de dissipation permet de reproduire le changement de comportement de la conductivit´e `a T = 0.35 K.

Figure 10.28 – Ajustement des conductivit´es par l’´equation 10.31 pour les trois densit´es et aux deux temp´eratures.

On peut comparer les nouvelles valeurs de Eg(ν) aux valeurs th´eoriques. La figure 10.29

Param`etre nS = −1.8 × 1012cm−2 nS = −2 × 1012 cm−2 nS = −2.2 × 1012 cm−2

σ0 6.5.10−5e2/h 9.10−5e2/h 2.6.10−4e2/h

σ1 0.24e2/h 0.25e2/h 0.32e2/h

∆E(ν) 42.6 meV 33.6 meV 24.5 meV

Table 10.7 – Valeurs des param`etres issues des ajustements ph´enom´enologiques de la conductivit´e aux deux temp´eratures et pour les trois densit´es.

tement simple que nous avions fait au d´ebut de cette partie. De plus, en extrapolant `a Eg,exp= 0, on

peut estimer la position du bord de mobilit´e `a ν ≈ −5.55. On peut calculer la diff´erence d’´energie, Ebord, entre le centre du niveau de Landau ν = −6 et le bord de mobilit´e grˆace`a la formule 10.21.

On obtient : Ebord ≈ 10.3 meV. Cette ´energie est la moiti´e de la largeur du niveau de Landau

ν = −6. D’autre part, rappelons qu’`a nS = −2 × 1012cm−2, on a τtr ≈ 50.3 fs. La largeur totale

du niveau de Landau ν = −6, Eν=−6≈ 20.57 meV, est l´eg`erement sup´erieure, mais du mˆeme ordre

de grandeur, `a l’´elargissement typique ~/τtr≈ 13 meV.

En consid´erant les droites des points exp´erimentaux et des points th´eoriques, on remarque qu’il existe une diff´erence d’´energie `a ν = −6 entre ces deux droites. Enfin, les deux droites se croisent en un certain facteur de remplissage ν0. Grˆace aux ajustements des deux droites, on a :

∆E ≈ −14.15 meV et ν0≈ −4.65 (10.32)

La diff´erence d’´energie `a ν = −6 est tr`es proche de ~/τtr≈ 13 meV.

Bord de mobilité

Figure 10.29 – Energies de gap th´eoriques et exp´erimentales en fonction du fac- teur de remplissage. On a introduit des barres d’incertitude sur ν.

Avant de discuter des origines possibles de cet effet de temp´erature, revenons rapidement sur le couplage entre la temp´erature et la puissance dissip´ee. Ce couplage est donn´e par γ = 4.8 K/pW ; la valeur obtenue est tr`es importante et semble traduire la mauvais couplage entre le feuillet de graph`ene et le substrat. La seule possibilit´e pour ´evacuer la chaleur est l’´evacuation par les contacts ce qui peut expliquer pourquoi la valeur de γ est aussi ´elev´ee. Autrement dit, si la temp´erature du r´eseau est inf´erieure `a Ec (ce qui est le cas pour les mesures `a T = 0.35 K) les

processus d’´evacuation de la chaleur des ´electrons sont bloqu´es ; du fait du mauvais couplage au substrat, la temp´erature ´electronique augmente.

Quels peuvent ˆetre les m´ecanismes possibles `a l’origine de cet effet de temp´erature ? Le pre- mier m´ecanisme auquel on peut penser de mani`ere raisonnable est l’´echange de phonons. Rappelons que dans le cadre du mod`ele QUILLS, l’´energie minimale impliqu´ee dans un processus d’absorption de phonon v´erifie : E > ~cs/lB o`u cs est la vitesse du son. Avec les valeurs de cs des mat´eriaux

environnant le feuillet de graph`ene, on peut calculer les ´energies typiques. Celles-ci sont donn´ees dans le tableau 10.8. On voit que l’´echange de phonons avec le PMMA pourrait expliquer l’ordre de grandeur de la valeur de Ec que nous avons obtenue.

Mat´eriau Graphite SiO2 PMMA

cs 20000 m.s−1 6000 m.s−1 1600 m.s−1

E 2.2 meV ≈ 25.6 K 0.66 meV ≈ 7.7 K 0.13 meV ≈ 1.53 K Table 10.8 – Energies typiques pour des processus d’´echanges de phonons.

Le second m´ecanisme qu’on peut envisager est le blocage de Coulomb dans les ˆılots com- pressibles. L’´energie de ces ˆılots est donn´ee par E = e2/2CΣo`u CΣest la capacit´e ´electrostatique

de l’ˆılot dˆue au couplage avec l’environnement. Avec Ec = 95 µeV, on obtient CΣ≈ 8.4 × 10−16

F. Cette valeur tr`es forte de la capacit´e entraine des tailles d’ˆılots de l’ordre de 1 µm. Conjugu´ee aux inhomog´en´eit´e macroscopiques de la densit´e, l’hypoth`ese du blocage de Coulomb pourrait ex- pliquer l’effet de temp´erature observ´e. Toutefois, la manifestation du ph´enom`ene de blocage sur des ´echelles typiques de 1 µm parait peu probable.

Cependant, en l’absence de donn´ees supl´ementaires, il n’est pas possible d’avoir une expli- cation d´efinitive `a l’effet de temp´erature que nous observ´e exp´erimentalement.

On vient de voir que le mod`ele de champ ´electrique local permet d’expliquer la rupture de l’effet Hall quantique `a T = 1.5 K. De plus, en introduisant un m´ecanisme de blocage avec une ´energie caract´eristique Ec ≈ 95 µeV, on peut rendre compte de la diff´erence de comportement entre

les deux temp´eratures auxquelles nous avons ´etudi´e cette rupture. A plus bas courant, le syst`eme ob´eit probablement au m´ecanisme de VRH pour lequel nous avons pu observer des fluctuations de r´esistance.