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10.3 Etude de la dissipation en r´ egime d’effet Hall quantique dans BL006

10.3.3 Mod` ele de champ ´ electrique local

Dans l’approche QUILLS, les transitions inter niveaux de Landau sont accompagn´ees d’´echan- ges de phonons au r´eseau ou par interaction avec des impuret´es [136] (c.f. figure 10.17). Plus le champ ´electrique EHest important, plus les niveaux de Landau sont inclin´es et donc plus la proba-

bilit´e de transition inter niveaux de Landau est ´elev´ee. Autrement dit, dans le mod`ele QUILLS, le champ ´electrique agit directement. Apr`es cette transition inter niveaux de Landau, des m´ecanismes de diffusion intra niveaux de Landau rendent compte de la conductivit´e longitudinale finie. Ces m´ecanismes sont assist´es par ´echange de phonons acoustiques [138].

n n+1 niveau localisé Q E (ν) n n+1

a)

b)

c)

g

Figure 10.24 – En a), repr´esentation sch´ematique des transitions inter niveaux de Landau possibles (sch´ema tir´e de [136]). En b), sch´ema en tenant compte du d´esordre et en c), mˆeme situation dans le cas d’un conducteur fortement d´esordonn´e.

Dans l’hypoth`ese d’un semi-conducteur conventionnel non d´esordonn´e sous champ ma- gn´etique, on a vu au chapitre 2 que les fonctions d’onde sont du type oscillateur harmonique : Ψ ∝ exp(−x2/l2

B). La probabilit´e de transition entre deux niveaux de Landau va donc s’´ecrire

P ∝ exp(−Q2l2

B) o`u Q est ´echang´e soit par absorption d’un phonon ou par interaction avec des

impuret´es charg´ees. Q d´epend g´eom´etriquement de l’inclinaison des niveaux de Landau et donc du champ ´electrique (c.f. figure 10.24-a)). Par cons´equent, la probabilit´e de transition inter niveaux de Landau d´epend directement du champ ´electrique [138] :

P ∝ exp  − ~eB 3 2(m∗)2E2 H  ∝ exp " −1 2  x lB 2# avec x = ~ωc eEH (10.22)

Avec quelques manipulations on peut mettre la probabilit´e de transition inter niveaux de Landau sous la forme :

Phomog`ene∝ exp

" −1 2  ~ωc eVH W lB 2# (10.23) o`u l’on a suppos´e que le champ ´electrique ´etait homog`ene :

EH=

VH

W (10.24)

Pour les h´et´erostructures de semi-conducteurs conventionnels, les impuret´es charg´ees sont les atomes donneurs ou accepteurs situ´es `a proximit´e du plan d’´electrons. Des calculs num´eriques ont ´et´e faits concernant la probabilit´e de transition inter niveaux de Landau pour l’absorption ou l’´emission de phonons et par interaction avec des impuret´es charg´ees [136], [138]. En particulier, dans des h´et´erostructures de semi-conducteurs conventionnels, le front de transition dˆu aux phonons survient `a plus faible champ ´electrique que le front de transition dˆu aux impuret´es charg´ees. Lorsque

les impuret´es charg´ees sont loin du 2DEG, le front de probabilit´e est situ´e `a une valeur ´elev´ee du champ ´electrique. Au fur et `a mesure que la distance entre impuret´es charg´ees et 2DEG diminue, le front se d´eplace vers les plus faibles champs ´electriques. Lorsque les impuret´es charg´ees sont tr`es proches du 2DEG, on peut s’attendre `a ce que l’augmentation abrupte de la probabilit´e de transition li´ee `a leur pr´esence puisse avoir lieu avant celle due `a l’absorption de phonons.

a)

b)

Figure 10.25 – Calculs des probabilit´es de transition inter niveaux de Landau dans le cas d’´emission de phonons (courbe (a)), d’absorption de phonons (courbe (b)), d’interaction avec des impuret´es charg´ees dans le puits de potentiel (courbe (c)) et d’interaction avec des impuret´es charg´ees r´esiduelles dans le canal (courbe (d)) ; en a), lorsque la distance entre les impuret´es charg´ees et le 2DEG est de 40 nm et en b) lorsque la distance entre les impuret´es charg´ees et le 2DEG est de 7 nm. Les courbes sont tir´ees de [136].

En outre, quel que soit le m´ecanisme de transition inter niveaux de Landau, le porteur de charge subit des transitions intra niveaux de Landau une fois arriv´e sur le niveau d’indice sup´erieur ou inf´erieur. Les transitions intra sont in´elastiques et se font avec ´echange de phonons au r´eseau. Ce sont elles qui assurent la conductivit´e d’un point de vue effectif. Toutefois, on peut voir la conductivit´e comme la succession de deux processus diff´erents ; dans un premier temps le porteur de charge transite vers un niveau de Landau ´etendu diff´erent sous l’effet du champ ´electrique puis, dans un second temps, ild´egringole le long du niveau de Landau en ´echangeant des phonons

au r´eseau. Le vecteur premier de la conductivit´e dans l’approche QUILLS reste les transitions inter niveaux de Landau assist´ees par le champ ´electrique.

En introduisant du d´esordre dans le mat´eriau, on autorise en quelque sorte le niveau de Fermi `a ˆetre situ´e sur un niveau localis´e entre les deux niveaux de Landau (c.f. figure 10.24-b)). On va donc consid´erer des transitions entre des ´etats localis´es au niveau de Fermi et des ´etats ´etendus au niveau de Landau d’indice sup´erieur. Dans l’hypoth`ese simple o`u l’´energie varie de mani`ere lin´eaire avec ν sur le plateau, l’´ecart en ´energie entre le niveau de Fermi au facteur de remplissage ν et le centre du niveau de Landau d’indice −2 dans le graph`ene se met sous la forme :

Eg(ν) = ~ω c

2 (1 + ν + 4

et la probabilit´e de transition :

Pfaible d´esordre∝ exp

" −1 2  Eg(ν) eVH W lB 2# . (10.26)

Mˆeme si cette expression fait apparaˆıtre le rapport Eg(ν)/eVH, elle ne rend pas compte de nos

observations exp´erimentales du fait du rapport W/lB et de l’exposant carr´e.

Consid´erons maintenant un syst`eme fortement d´esordonn´e (c.f. figure 10.24). Les fonctions d’onde sont localis´ees au niveau des impuret´es. Il a ´et´e montr´e que les fonctions d’onde ´evolue, `

a longue distance, selon : Ψ ∝ exp(−x/ξloc) o`u ξloc est la longueur de localisation. Avec cette

consid´eration, la probabilit´e de transition s’´ecrit : Pfort d´esordre ∝ exp

 −Eg(ν) eVH W ξloc  . (10.27)

Comme pr´ec´edemment, cette expression fait intervenir le rapport Eg(ν)/eVH en accord avec nos

observations. Mais il reste un facteur g´eom´etrique, W/ξloc, qui n’est pas observ´e.

Dans un syst`eme fortement d´esordonn´e, le champ ´electrique varie de mani`ere irr´eguli`ere sur la largeur de l’´echantillon. Par exemple, on peut s’attendre `a une forte variation du champ ´electrique pr`es des bords. En reprenant l’image de Thouless [134], le champ ´electrique varie de mani`ere brutale dans la zone incompressible aux bornes des zones compressibles qui sont de taille typique ξloc. Le courant qui circule en r´egime d’effet Hall quantique doit d’une certaine mani`ere

trouver son chemin dans une vall´ee de potentiel ; c’est `a dire au sein de la mer incompressible, entre les zones compressibles (c.f. Figure 10.26). C’est ce champ ´electrique local qui peut provoquer des transitions inter niveaux de Landau en couplant un ´etat situ´e sur le niveau de Fermi et un ´etat du niveau de Landau d’indice sup´erieur.

Figure 10.26 – Circulation du courant (trait rouge) dans la mer incompressible (zone hachur´ee) entre les zones compressibles (zones blanches) dans une image de type Thouless.

Le mod`ele QUILLS va nous permettre de d´ecrire nos observations si on suppose que le champ ´electrique local est donn´e par EH= VH/ξloc. En effet, la probabilit´e de transition va maintenant

se mettre sous la forme :

Pfort d´esordre, champ local∝ exp



−Eg(ν) eVH



. (10.28)

En utilisant la relation VH = RHI, on peut ´ecrire, avec nos hypoth`eses simples, les pro-

babilit´es de transition inter niveaux de Landau dans les cas de faible et de fort d´esordre sous la forme :

Pfort d´esordre, champ local∝ exp

 −I0 I  avec I0= Eg(ν) eRH (10.29) Rappelons que dans l’approche QUILLS, ce sont ces transitions qui conditionnent la conductivit´e. On voit que la th´eorie QUILLS permet d’expliquer nos observations exp´erimentales si l’on consid`ere un champ ´electrique local fort qui s´ecrit : EH = VH/ξloc. Les impuret´es charg´ees de

l’oxyde sont `a l’origine du fort d´esordre qui lui-mˆeme engendre ce champ. En effet, les impuret´es charg´ees provoquent des fluctuations de densit´es et donc du facteur de remplissage. Il existe un chemin percolant, correspondant `a ν = −4, tr`es fin aux bornes duquel toute la chute de tension a lieu. Ce champ ´electrique ´elev´e, assist´e par les impuret´es charg´ees, favorise les transitions inter niveaux de Landau de mani`ere plus importante que les phonons.

On a vu au chapitre pr´ec´edent que la taille typique des flaques d’electrons et de trou dans la bicouche BL006 est de 11 nm. Cette distance est proche de la longueur magn´etique sous une induction de 18.5 T : lB≈ 6 nm. On va consid´erer pour la calcul du champ ´electrique critique que

ξloc = ξflaques. Avec un courant critique de l’ordre de 1 µA, on peut estimer le champ ´electrique

critique dans l’´echantillon BL006 : EH,c=

RHIc

ξloc

≈ 5.64 × 104 kV.cm−1 (10.30)

Ce champ ´electrique est tr`es ´elev´e mais il est du mˆeme ordre de grandeur que ce que l’on peut calculer avec la formule 10.22 pour un semi conducteur conventionnel qui aurait une masse effective m∗ = 0.033me et qui serait soumis `a une induction magn´etique B = 18.5 T [138], [139]. C’est ce

champ ´electrique local qui explique le comportement de la conductivit´e `a 1.5 K, en particulier la rupture de l’effet Hall quantique au voisinage de I = 1 µA.

Toutefois, comme on peut le voir sur les courbes de la Figure 10.22, il existe une diff´erence de comportement entre les deux temp´eratures. Au niveau de la rupture de l’effet Hall quantique, le logarithme de la conductivit´e `a 1.5 K est quasi lin´eaire en fonction de l’inverse du courant : ln σ ∝ −1/I. A 0.35 K, la conductivit´e a un comportement diff´erent. Dans le cadre du mod`ele QUIILS avec un champ ´electrique local, il n’est pas possible d’expliquer cette diff´erence de comportement. Nous allons maintenant essayer d’expliquer cet effet de temp´erature par un second m´ecanisme de blocage.