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D´ ecrire les radiations : patrons macro´ ecologiques et macro´ evolutifs

1.1 Radiations ´ evolutives : diversifications explosives de biodiversit´ e

1.1.4 D´ ecrire les radiations : patrons macro´ ecologiques et macro´ evolutifs

Les patrons de diversit´e g´en´er´es lors des radiations peuvent ˆetre d´ecrits de deux mani`eres diff´erentes, et compl´ementaires : d’une part via les caract´eristiques temporelles de la di-versification (patrons macro´evolutifs), et d’autre part via les caract´eristiques actuelles de distribution de la diversit´e, notamment au niveau spatial (patrons macro´ecologiques). Avant de d´ecrire les diff´erents types de patrons macro´evolutifs et macro´ecologiques les plus scrupt´es, il faut rappeler que ces derniers ne refl`etent pas forc´ement la r´ealit´e des radiations ´evolutives, car ils sont reconstruits `a partir des donn´ees empiriques disponibles, et de l’analyse que nous en faisons.

D’une part, comme nous le disions plus haut, la diversification n’est pas seulement le r´esultat de processus de sp´eciation, mais aussi d’extinctions. Cela pose probl`eme lors de l’analyse des patrons phylog´en´etiques, qui ne contiennent que les lign´ees ancestrales des esp`eces connues actuellement (Fig. 1.3), mais ´egalement lors de l’analyse de toute donn´ee de diversit´e ´etant donn´ee l’ampleur des extinctions r´ecentes d’origine anthropique ayant perturb´e la distribution “naturelle” de la biodiversit´e (Blackburn et Gaston, 1998; Barnosky et al., 2011; Warren et al., 2015). Les donn´ees sur les extinctions pass´ees disponibles `a travers les registres fossiles

sont en effet parcellaires, ne concernent qu’un nombre restreint de clades (Marshall, 1990; Benton, 1995; Benton et Ayala, 2003), et ne sont pas toujours utilis´ees pour “corriger” les donn´ees de diversit´e actuelles (Faurby et Svenning, 2015). De nombreuses ´etudes ont par exemple montr´e un accroissement significatif de la diversit´e actuelle de la m´egafaune avec l’altitude, relation qui disparaˆıt pourtant lorsque l’on consid`ere la diversit´e “naturelle” de la m´egafaune, en amont des extinctions d’origine anthropique (potentiellement en raison des variation altitudinales du couvert forestier et de l’habitat offert aux populations humaines ; Faurby et Svenning, 2015).

Figure 1.3 – Fig.1 de Stadler (2013b). Gauche : arbre phylog´en´etique complet, dont cinq esp`eces ont ´et´e ´echantillonn´ees (sp1-sp5). Droite : arbre phylog´en´etique reconstruit, obtenu en enlevant de l’arbre phylog´en´etique complet les esp`eces non ´echantillonn´ees et les lign´ees ´eteintes.

D’autre part, les patrons reconstruits sont issus de processus d’´echantillonnage (nous ne connaissons souvent qu’une petite partie de la diversit´e totale), ainsi que de choix dans la d´elimitation des esp`eces (question complexe en soi, notamment au niveau des esp`eces cryptiques, i.e. en cours de sp´eciation ; Ricklefs, 2007). L’effort d’´echantillonnage a un impact `

a la fois sur l’identification des ´ev`enements de radiation ´evolutive (e.g., Koenen et al., 2013; Spriggs et al., 2015) et sur la description des patrons associ´es `a ces radiations (e.g. tempo de branchement des arbres phylog´en´etiques, ou distributions log-normales vs. log-series des abondances d’esp`eces ; Preston, 1948; Nee et al., 1994; Pybus et Harvey, 2000; McPeek, 2008; Heath et al., 2008; Cusimano et Renner, 2010; Marazzi et Sanderson, 2010; Boettiger et al., 2012). Enfin, la calibration temporelle d´epend du registre fossile disponible et des variations temporelles des taux de mutation (Kumar, 2005; Welch et Bromham, 2005; Forest, 2009), et ne peut pas toujours ˆetre r´ealis´ee de mani`ere pr´ecise.

la comparaison des patrons macro´ecologiques et macro´evolutifs aux pr´edictions th´eoriques.

Patrons macro´evolutifs

Le terme “macro´evolution” d´esigne la discipline scientifique qui vise `a observer et `a com-prendre la structuration de la diversit´e biologique (supra-sp´ecifique) sur de grandes ´echelles temporelles (Filipchenko, 1927; Dobzhansky, 1937). La caract´erisation de cette structuration temporelle peut prendre plusieurs formes : il peut s’agir de d´ecrire les patrons d’accumu-lation des lign´ees au cours du temps, ou bien d’analyser plus finement la forme de l’arbre phylog´en´etique, voire les patrons d’´evolution ph´enotypique ou d’´evolution des abondances d’esp`eces le long des branches de l’arbre.

Les patrons d’accumulation temporelle des lign´ees, ou “lineages-through-time (LTT) plots”, ont ´et´e tr`es utilis´es pour estimer les taux ´evolutifs lors de radiations (Baldwin et Sanderson, 1998; Linder et al., 2003; Ribera et al., 2003; Kozak et al., 2006; Ricklefs, 2006). Ils permettent non seulement d’estimer le taux de diversification des clades (en divisant simplement le nombre d’esp`eces actuelles par l’ˆage du clade), mais ´egalement d’estimer les taux de sp´eciation et d’extinction sous un mod`ele de naissance-mort `a taux constants (Harvey et al., 1994; Nee et al., 1994). Ce mod`ele (“birth-death process” ; Kendall, 1948; Raup et al., 1973) pr´esente en effet une acc´el´eration de l’accumulation des lign´ees `a l’approche du pr´esent, appel´ee “pull-of-the-present” : proche du pr´esent, le taux de diversification est ´egal au taux de sp´eciation en raison de la non extinction des lign´ees apparues r´ecemment (Fig. 1.4), ce qui permet d’estimer s´epar´ement le taux d’extinction et le taux de sp´eciation.

Figure 1.4 – Fig.I de Ricklefs (2007). Pa-trons d’accumulation du nombre de lign´ees au cours du temps, pour toutes les lign´ees ayant exist´e (en rouge) ou pour les lign´ees appa-rentes (i.e. reconstruites `a partir des esp`eces actuelles, en bleu), simul´e `a partir d’un pro-cessus de naissance-mort. La diff´erence entre les courbes des lign´ees r´eelles et apparentes, indiqu´ee par a, permet d’estimer le taux de sp´eciation et le taux d’extinction.

Ces estimations sont cependant bas´ees sur l’hypoth`ese de taux ´evolutifs constants. `A partir des travaux de Cox et Lewis (1966) et de Zink et Slowinski (1995), Pybus et Harvey (2000) ont introduit la statistique γ pour d´ecrire les variations temporelles du taux de diversification `

a partir des arbres phylog´en´etiques (“tempo de branchement”, Fig. 1.5) :

γ = ( 1 n−2 Pn−1 i=2(Pi k=2kgk)) −T2 Tq12(n−2)1 , T = n X j=2 jgj

o`u g2, g3,..., gn d´esignent les distances inter-noeuds d’un arbre phylog´en´etique contenant n esp`eces. La valeur de γ d’un arbre phylog´en´etique peut ˆetre compar´ee `a z´ero, la valeur atten-due suivant un mod`ele nul de naissance pure (Yule, 1925) : si γ est positif, les branchements sont situ´es plus proche des feuilles qu’attendu, alors que si γ est n´egatif, les branchements sont situ´es plus proche de la racine qu’attendu. Bien que la valeur de γ soit d´ependante de la taille des clades et du degr´e d’´echantillonnage (Pybus et Harvey, 2000; McPeek, 2008; Boettiger et al., 2012), de nombreuses ´etudes sur des donn´ees empiriques ont utilis´e cette statistique pour d´ecrire les patrons temporels de diversification (e.g. R¨uber et Zardoya, 2005; McPeek, 2008; Phillimore et Price, 2008; Liow et al., 2010; Davies et al., 2011).Tempo de branchement

Topologie

Accélération Décélération de l’accumulation des lignées au cours du temps

Hétérogénéité Homogénéité

Figure 1.5 forme_arbre

Figure 1.5 – Diversit´e des tempos de branchement des arbres phylog´en´etiques. Centre : tempo de branchement similaire `a celui d’arbres g´en´er´es par un processus de naissance-mort ho-mog`ene en temps (γ = 0). Gauche : tempo de branchement acc´el´erant au cours du temps (γ > 0). Droite : tempo de branchement d´ec´el´erant au cours du temps (γ < 0).

L’analyse de la forme d’un arbre phylog´en´etique ne fournit pas seulement des informations sur les variations temporelles du processus de diversification, mais ´egalement sur les variations des taux ´evolutifs entre lign´ees : si la topologie de l’arbre est d´es´equilibr´ee, cela signifie que les

taux ´evolutifs sont h´et´erog`enes entre lign´ees, alors que si elle est ´equilibr´ee, ils sont homog`enes entre lign´ees (Fig. 1.6). Plusieurs mesures ont ´et´e utilis´ees pour d´ecrire la topologie d’un arbre, c’est-`a-dire son niveau d’´equilibre ou de d´es´equilibre (ou de “sym´etrie et d’asym´etrie”). Kirkpatrick et Slatkin (1993) recense par exemple six mesures diff´erentes (correspondant au test de diff´erentes hypoth`eses alternatives) : ¯N , σN2 (Sackin, 1972), C (Colless, 1982), Z(n) (Furnas, 1984), B1 et B2 (Shao et Sokal, 1990). Parmi celles-ci, l’une des plus connues est l’indice de Colless, C = n(n−3)+22 Pn−1

i=1 ri − si, o`u n correspond au nombre de branches terminales (nombre d’esp`eces), et ri et si aux partitions internes des esp`eces qui descendent de chaque noeud i (avec ri ≥ si). Un poids plus important est accord´e au d´es´equilibre des noeuds proches de la racine par rapport aux noeuds proches des feuilles. Quand un arbre est parfaitement ´equilibr´e, C vaut 0, et quand un arbre est parfaitement d´es´equilibr´e, C vaut 1. Une autre mesure, propos´ee plus r´ecemment, a aussi ´et´e tr`es utilis´ee : il s’agit de β, l’estimateur du maximum de vraisemblance du param`etre β de l’arbre sous un mod`ele de diversification Beta (“β-splitting model” ; Aldous, 1996, 2001; Blum et Fran¸cois, 2006). Dans ce mod`ele, les n feuilles de l’arbre sont d’abord tir´ees uniform´ement dans l’intervalle [0, 1]. Le segment [0, 1] est divis´e en deux suivant une loi Beta de param`etre (β + 1, β + 1), et la probabilit´e p(i|n) que le segment de gauche contienne i esp`eces parmi les n esp`eces est donn´ee par

p(i|n) = 1 an(β)

Γ(β + i + 1)Γ(β + n − i + 1) Γ(i + 1)Γ(n − i + 1)

o`u Γ(z) est la fonction Gamma et an(β) un facteur de normalisation (Blum et Fran¸cois, 2006). Les n esp`eces sont alors s´epar´ees au niveau du premier branchement. Ce processus de division selon la loi Beta (β + 1, β + 1) est r´ep´et´e au sein de chaque sous-arbre jusqu’`a ce que chacune des n esp`eces appartienne `a un intervalle distinct. La valeur de l’estimateur β du maximum de vraisemblance de l’arbre peut ˆetre compar´ee `a z´ero, la valeur attendue suivant le mod`ele nul de naissance pure (Yule, 1925) : si β > 0, l’arbre est plus ´equilibr´e qu’attendu, et si β < 0, l’arbre est plus d´es´equilibr´e qu’attendu.

Les variations temporelles et entre lign´ees des patrons de branchements dans les arbres phy-log´en´etiques sont d´ecrites de mani`ere de plus en plus fine grˆace `a l’ajustement de mod`eles de diversification lign´e-centr´es. Nous avons d´ej`a ´evoqu´e les mod`eles de naissance pure (Yule,

Tempo de branchement

Topologie

Accélération Décélération

de l’accumulation des lignées au cours du temps

Hétérogénéité Homogénéité

de l’accumulation des lignées entre sous-clades

Figure 1.5 forme_arbre

Figure 1.6 – Diversit´e des topologies d’arbres phylog´en´etiques. Centre : topologie similaire `a celle d’arbres g´en´er´ees par un processus de naissance-mort homog`ene entre lign´ees (β = 0). Gauche : topologie d´es´equilibr´ee (β < 0). Droite : topologie ´equilibr´ee (β > 0).

1925) et de naissance-mort (Kendall, 1948; Raup et al., 1973). Des mod`eles plus complexes permettent de consid´erer des taux de sp´eciation et d’extinction d´ependant de la diversit´e (e.g. Rabosky et Lovette, 2008a; Etienne et al., 2012), d´ependant de la valeur des traits le long des branches de l’arbre phylog´en´etique (e.g. Maddison et al., 2007; FitzJohn, 2010, 2012), ou d´ependant du temps, g´en´erant potentiellement des distorsions des taux ´evolutifs entre sous-clades (e.g. Rabosky, 2006; Alfaro et al., 2009; Morlon et al., 2011; Stadler, 2011a; Rabosky, 2013, 2007). Ces mod`eles permettent de d´ecrire plus pr´ecis´ement la dynamique de la diversification.

Grˆace `a l’utilisation des approches mentionn´ees ci-dessus, des tendances ont pu ˆetre mises en ´

evidence quant aux patrons macro´evolutifs g´en´er´es lors des radiations. Beaucoup d’auteurs ont notamment observ´e un ralentissement du tempo de branchement dans les arbres phy-log´en´etiques, associ´e `a une diversit´e-d´ependance du taux de diversification (e.g. Nee et al., 1992; Zink et Slowinski, 1995; Lovette et Bermingham, 1999; Pybus et Harvey, 2000; R¨uber et Zardoya, 2005; Kozak et al., 2006; Seehausen, 2006a; Weir, 2006; McPeek, 2008; Phillimore et Price, 2008; Rabosky et Lovette, 2008a; Jønsson et al., 2012), et une tendance des topologies d’arbre `a ˆetre d´es´equilibr´ees (Guyer et Slowinski, 1991; Heard, 1992; Mooers, 1995; Purvis, 1996; Blum et Fran¸cois, 2006; Pigot et al., 2010; Davies et al., 2011).

Patrons macro´ecologiques

Le terme “macro´ecologie” d´esigne la science qui s’attache `a observer et comprendre la struc-turation de la diversit´e biologique (supra-sp´ecifique) sur de grandes ´echelles spatiales (Brown

et Maurer, 1989). Typiquement, cette science s’int´eresse `a d´ecrire des patrons de diversit´e `

a un instant donn´e, tels que la richesse sp´ecifique, l’end´emisme, les distributions d’abon-dances d’esp`eces, ou encore la diversit´e ph´enotypique. La mise en relation de ces mesures avec des variables environnementales (e.g., aire ou isolement g´eographique, structuration de l’habitat, latitude, longitude) permet ensuite de faire des hypoth`eses quant aux conditions qui favorisent l’´emergence des radiations ´evolutives, r´egulent leur dynamique et structurent l’assemblage des communaut´es. Parmi les patrons qui ont re¸cu une attention particuli`ere, on trouve des patrons globaux (distribution de la diversit´e `a l’´echelle plan´etaire), tels que le gradient latitudinal de diversit´e ou la distribution des points chauds de biodiversit´e, et des patrons plus locaux (distribution de la diversit´e en des lieux d´efinis, comme par exemple sur des ˆıles ou terrains d’exp´erimentation), tels que la relation aire-esp`eces, la relation de d´ecroissance associ´ee `a la distance, ou encore les distributions d’abondances d’esp`eces. Les biologistes ont tr`es tˆot remarqu´e que la biodiversit´e n’´etait pas r´epartie uniform´ement sur la Terre (Fig. 1.7 ; Jenkins et al., 2013) : certaines zones du globe contiennent beaucoup plus d’esp`eces que d’autres par unit´e de surface ou de volume (Forster, 1778; Wallace, 1876). Parmi les zones riches en diversit´e, on trouve notamment les faibles latitudes (Fischer, 1960; Pianka, 1966; Hillebrand, 2004; Davies et al., 2008), les faibles altitudes (Rahbek, 1995), ou encore les faibles profondeurs en milieu marin (Grassle et Maciolek, 1992). Au del`a de ces grandes lignes de variation, il existe des “points chauds” de biodiversit´e (Mittermeier et al., 1999; Myers et al., 2000) : 34 zones, d´elimit´ees pour des raisons de conservation, concentrent ainsi un nombre particuli`erement ´elev´e d’esp`eces end´emiques (au moins 1500 esp`eces de plantes). Ces r´egions riches en esp`eces end´emiques sont particuli`erement int´eressantes pour l’´etude des processus de diversification.

Les patrons de diversit´e insulaires ont ´et´e particuli`erement scrut´es, les ˆıles servant de syst`eme mod`ele pour l’´etude des radiations ´evolutives du fait de leur caract`ere discret et de leur mul-tiplicit´e (Warren et al., 2015). Ces ´etudes ont rapidement mis en ´evidence une relation tr`es forte entre l’aire A d’une ˆıle et sa richesse sp´ecifique S (Forster, 1778; Watson, 1835), sous la forme S = C.Az(Arrhenius, 1921; Preston, 1960, 1962; Williams, 1964; MacArthur et Wilson, 1967; Simberloff, 1972), o`u c et z sont des constantes. Le param`etre c d´epend du taxon, de la r´egion biog´eographique, de la densit´e des populations, et le param`etre z de la proximit´e au

Figure 1.7 – Richesse sp´ecifique des mammif`eres, amphibiens et oiseaux recens´es par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) `a l’´echelle globale. Source : IUCN & PNAS (Jenkins et al., 2013), t´el´echarg´e depuis le site http ://cbo-book.org/i/km/2/species richness.png.

continent. Cette relation a ´et´e observ´ee dans des contextes vari´es (e.g. richesse en oiseaux des ˆıles de la Sonde en Indon´esie, richesse en amphibiens et reptiles des ˆıles Cara¨ıbes, richesse en escargots d’ˆılots forestiers ; MacArthur et Wilson, 1963; Blondel, 1995). Ces observations ont stimul´e le d´eveloppement d’hypoth`eses concernant les m´ecanismes sous-tendant les patrons spatiaux de diversit´e. Parmi les m´ecanismes initialement propos´es pour expliquer la relation aire-esp`eces (Connor et McCoy, 2001), on trouve notamment (i) l’hypoth`ese de la diversit´e d’habitat (effet positif de l’aire sur la persistance des esp`eces vivant dans des habitats sin-guliers et des esp`eces n´ecessitant une diversit´e d’habitats ; Williams, 1964), (ii) l’hypoth`ese de l’aire per se (effet positif de l’aire sur l’abondance des esp`eces, diminuant la probabilit´e d’extinction par d´erive d´emographique ; MacArthur et Wilson, 1963, 1967; Simberloff, 1976), et (iii) l’hypoth`ese de l’´echantillonnage passif (effet positif de l’aire la diversit´e des esp`eces colonisatrices ; Connor et McCoy, 1979). La deuxi`eme hypoth`ese a constitu´e l’une des bases de la Th´eorie de la Biog´eographie Insulaire, qui a r´evolutionn´e l’´ecologie en proposant un as-semblage dynamique des communaut´es, renversant la th´eorie statique qui pr´edominait aupa-ravant (consid´erant une structure stable des communaut´es insulaire, d´etermin´ee initialement par dispersion ou vicariance ; Lack, 1976; Dexter, 1978).

L’´etude des patrons de diversit´e insulaire a ´egalement mis en ´evidence l’existence d’une re-lation entre la diversit´e d’une ˆıle et sa distance au continent (MacArthur et Wilson, 1963, 1967; Diamond, 1973; Lomolino et al., 1989; Adler et Dudley, 1994), propos´ee sous forme

d’une fonction exponentielle n´egative (sigmo¨ıde) liant la richesse sp´ecifique S `a l’isolement de l’ˆıle I : S = α exp −βI2. Cette relation a ´et´e tr`es document´ee et discut´ee (e.g. Lack, 1970; Ricklefs, 1977) et a, elle aussi, stimul´e le d´eveloppement d’hypoth`eses quant aux m´ecanismes sous-tendant ces patrons de diversit´e. Les auteurs ont propos´e que les capacit´es de disper-sion des esp`eces limitent le nombre de propagules continentales arrivant sur les ˆıles les plus isol´ees, limitant leur diversit´e et augmentant les probabilit´es d’extinction (par moins d’effets de sauvetage, ou “rescue effects” ; Wilcox, 1978; Rosenzweig, 1995). MacArthur et Wilson ont ´egalement point´e du doigt le rˆole de l’isolement g´eographique dans la diversification, avan¸cant l’hypoth`ese de l’existence d’une “zone de radiation” (MacArthur et Wilson, 1963), distance `a partir de laquelle les esp`eces continentales pourraient se diversifier sur les ˆıles par sp´eciation allopatrique. Cette influence de la connectivit´e des ˆıles aux sources de diversit´e sur la diversification a ´et´e fortement ´etudi´ee depuis (e.g. Economo et Keitt, 2010; Rosindell et Phillimore, 2011; Desjardins-Proulx et Gravel, 2012b), et j’y reviendrais par la suite. Ces derni`eres analyses (Economo et Keitt, 2010; Rosindell et Phillimore, 2011; Desjardins-Proulx et Gravel, 2012b) illustrent aussi la possibilit´e de d´ecrire la diversit´e plus pr´ecis´ement que via la richesse sp´ecifique totale : elles consid`erent notamment la r´epartition g´eographique de la diversit´e au sein des m´etacommunaut´es, distinguant diversit´e locale et diversit´e globale. La richesse sp´ecifique totale d’une m´etacommunaut´e, souvent appel´ee diversit´e γ, peut ainsi ˆ

etre subdivis´ee entre la diversit´e α, au sein de chaque communaut´e locale, et la diversit´e β, distinguant les communaut´es locales (Lande, 1996; Jost, 2007).

Nous nous sommes focalis´es ci-dessus sur des patrons de diversit´e sp´ecifique, mais bien d’autres mesures de biodiversit´e sont utilis´ees pour caract´eriser et comprendre l’´emergence de la diversit´e du vivant `a l’´echelle supra-sp´ecifique, telles que la diversit´e fonctionnelle (di-versit´e morphologique, physiologique ou ´ecologique ; Petchey et Gaston, 2006) ou la diversit´e phylog´en´etique (e.g. Fig. 1.8 ; Faith, 1992; Rodrigues et al., 2011).

Je citerais enfin, pour finir cette ´evocation (non exhaustive) des patrons macro´ecologiques souvent analys´es (et que j’ai eu l’occasion d’aborder au cours de cette th`ese), les distributions d’abondances d’esp`eces, c’est `a dire la partition des individus d’une m´etacommunaut´es au sein des diff´erentes esp`eces (e.g., Williams, 1964; Gibbons et al., 1993; Tokeshi, 1993; Gregory, 1994; Rosenzweig, 1995; Hubbell, 2001; Volkov et al., 2007). Les observations ont montr´e une r´ecurrence dans les patrons empiriques de distributions d’abondances d’esp`eces, que

Figure 1.8 – Fig. 2 de Rodrigues et al. (2011). Patron spatial de distribution de la diversit´e phylog´en´etique (mesur´ee en millions d’ann´ees) des mammif`eres terrestres `a l’´echelle globale.

Motomura, Preston et Fisher ont formalis´ee en proposant l’ajustement de mod`eles statistiques de type s´eries g´eom´etriques (Motomura, 1932), s´eries logarithmiques (Fisher et al., 1943) et courbes log-normales (Preston, 1948).