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Des donn´ ees aux mod` eles, des mod` eles aux donn´ ees

1.2 Radiations ´ evolutives : quelques grands d´ ebats

1.3.1 Des donn´ ees aux mod` eles, des mod` eles aux donn´ ees

Les approches th´eoriques d’´etude des radiations ´evolutives par mod´elisation math´ematique permettent de caract´eriser les patrons macroscopiques observ´es, et de proposer et tester des m´ecanismes pouvant expliquer ces patrons. Deux types d’approches, compl´ementaires mais s’opposant dans la mani`ere de combiner th´eorie et donn´ees empiriques, sont couramment uti-lis´ees : l’approche dite ph´enom´enologique, et l’approche dite m´ecaniste (ou “m´ecanistique”).

Les mod`eles ph´enom´enologiques permettent de d´ecrire les observations empiriques grˆace `a des mod`eles statistiques. Ils ne s’attardent pas forc´ement `a la signification fondamentale des mod`eles, mais permettent n´eanmoins souvent de faire des hypoth`eses quant aux m´ecanismes sous-jacents (stimulant potentiellement le d´eveloppement de mod`eles m´ecanistes). L’approche ph´enom´enologique est couramment utilis´ee dans l’analyse des patrons phylog´en´etiques de

di-versification (e.g. Paradis, 2005; Rabosky, 2010; Morlon et al., 2011; Stadler, 2011a; Etienne et al., 2012; Stadler, 2013b) : une diversit´e de mod`eles statistiques lign´ee-centr´es est `a pr´esent disponible (e.g. consid´erant des taux ´evolutifs homog`enes, d´ependants du temps, de la richesse sp´ecifique ou des traits des esp`eces ; Stadler, 2013a; Morlon, 2014), accompagn´ee d’outils fa-cilitant leur utilisation (e.g. packages R ape, laser, geiger, diversitree, DDD, TreePar, RPANDA ; Paradis et al., 2004; Harmon et al., 2008; FitzJohn, 2012; Rabosky, 2007; Mor-lon, 2015; Stadler, 2011b; Etienne, 2016). Dans l’approche ph´enom´enologique, la s´election et l’ajustement de mod`eles peut se faire de diff´erentes mani`eres, plus ou moins complexes - et pr´ecises. Ils peuvent ˆetre r´ealis´es sur la base de mesures simples “r´esumant” les propri´et´es des donn´ees : un arbre phylog´en´etique pourra par exemple ˆetre r´esum´e par sa topologie et son tempo de branchement, ou plus pr´ecis´ement par sa courbe d’accumulation des lign´ees au court du temps (“lineages-through-time plot”), la distribution de ses longueurs de branches, etc. Cependant, plusieurs mod`eles peuvent g´en´erer des valeurs de statistiques r´esum´ees simi-laires. Il est donc pr´ef´erable, quand cela est possible, de proc´eder `a l’ajustement des mod`eles par maximum de vraisemblance (comme fait dans les m´ethodes ´evoqu´ees ci-dessus). Il s’agit alors de calculer (analytiquement si possible ; ou d’estimer par simulation le cas ´ech´eant) la probabilit´e d’obtenir les donn´ees ´etant donn´e un mod`ele et des valeurs de param`etres, de maximiser cette vraisemblance pour chaque mod`ele statistique, puis de comparer entre elles les vraisemblances des diff´erents mod`eles (par tests de ratio de vraisemblance si les mod`eles sont imbriqu´es, ou en utilisant le crit`ere d’information d’Akaike sinon ; ´eventuellement apr`es re-normalisation des vraisemblances ; Stadler, 2013a; Morlon, 2014). Cette proc´edure permet d’identifier le (ou les) mod`ele(s) d´ecrivant le mieux les donn´ees observ´ees.

Les mod`eles m´ecanistes, `a l’inverse, simulent des donn´ees selon un ensemble d’hypoth`eses sur les processus sous-jacents. Les donn´ees empiriques viennent stimuler le d´eveloppement des mod`eles, mais la comparaison des pr´edictions des mod`eles aux donn´ees n’intervient souvent que dans un second temps. Il s’agit en effet le plus souvent d’une exploration des patrons ´

emergents du mod`ele, et de leur sensibilit´e aux hypoth`eses et aux valeurs de param`etres. Dans le cas de l’´etude de la diversification, les processus pris en compte peuvent ˆetre par exemple l’´equilibre migration-sp´eciation-d´erive sous hypoth`ese de neutralit´e (Hubbell, 2001), la d´ependance des taux de sp´eciation `a l’abondance des esp`eces (Wang et al., 2013), la d´ependance des taux de sp´eciation aux flux g´eniques (Rosindell et Phillimore, 2011), la

diff´erenciation ´ecologique lors de la sp´eciation (McPeek, 2008), ou encore l’´evolution des aires de distribution des esp`eces (Pigot et al., 2010). Dans ces diff´erentes ´etudes, les auteurs si-mulent l’´evolution et s’int´eressent aux patrons macro´ecologiques et macro´evolutifs ´emergents, `

a leur sensibilit´e aux param`etres, et parfois `a l’effet d’hypoth`eses alternatives sur les proces-sus (e.g. sp´eciation ponctuelle vs. fission al´eatoire ; Hubbell, 2001). Ces approches m´ecanistes ne cherchent pas tant `a expliquer les donn´ees qu’`a explorer les patrons pouvant ˆetre g´en´er´es ´

etant donn´e un (ensemble de) processus. Elles r´epondent `a une critique r´ecurrente sur les mod`eles ph´enom´enologiques : l’obtention de patrons macro´ecologiques ou macro´evolutifs si-milaires sous une diversit´e de mod`eles ´evolutifs (McGill, 2003; Rahbek, 2005; Hubert et al., 2015), et donc l’impossibilit´e constitutive d’identifier les m´ecanismes responsables des pa-trons observ´es. En revanche, en consid´erant les m´ecanismes, cette seconde approche n’´etablit un lien aux donn´ees empiriques que secondairement, souvent plutˆot sous la forme de discus-sion li´ee aux conditions pouvant mener aux patrons macro´ecologiques et/ou macro´evolutifs commun´ement observ´es (e.g. distribution d’abondances d’esp`eces log-normales, d´es´equilibre des topologies d’arbres phylog´en´etiques, ralentissement du tempo de branchement des arbres phylog´en´etiques, etc.).

Certains mod`eles m´ecanistes simples, incluant peu de param`etres, se prˆetent n´eanmoins `a l’ajustement `a des donn´ees empiriques, combinant ainsi les deux approches d´ecrites ci-dessus. C’est le cas notamment du mod`ele neutre de la biodiversit´e, construit `a partir de quatre param`etres seulement (taille de la m´etacommunaut´e JM, taille de la communaut´e locale J , taux de sp´eciation dans la m´etacommunaut´e ν, et probabilit´e de d’immigration depuis la m´etacommunaut´e m ; Hubbell, 2001). Cela n’est cependant pas le cas de la plupart des mod`eles m´ecanistes, du fait de leur complexit´e et du nombre de param`etres associ´es.

Cette th`ese traitant des m´ecanismes moteurs de la diversification, j’ai principalement recouru `

a des approches th´eoriques de type m´ecaniste. Cela m’a permis de consid´erer diff´erents pro-cessus agissant sur la diversification (de propro-cessus `a grande ´echelle tels que la structuration spatiale et ses effets sur les flux g´eniques, `a des processus micro´evolutifs plus fins tels que les interactions comp´etitives ou l’´evolution des g´enomes), et d’explorer l’effet de ces proces-sus sur les pr´edictions des mod`eles en termes de patrons macro´evolutifs et macro´ecologiques ´