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La qualité de l'eau à Paris

I.4. Ecologie des réseaux d’eau potable

Les réseaux d’eau potable, bien qu’étant des structures artificielles, représentent un environnement à part entière. Malgré l’utilisation de traitements biocides, cet écosystème oligotrophe est colonisé par une riche communauté de microorganismes. L’analyse de microorganismes présents dans les réseaux d’eau potable a longtemps été restreinte à la détection d’indicateurs de contamination fécale, telles que les bactéries Escherichia coli et Enterococcus faecalis, permettant de témoigner d’une eau biologiquement propre à la consommation (Fewtrell et al., 2001; Tallon et al., 2005). Le suivi de protozoaires parasites particulièrement résistants aux traitements de potabilisation, tels que Cryptosporidium parvum et Giardia intestinalis a également été implémenté (LeChevallier et al., 1991; Teunis et al., 1997). Le suivi des charges bactériennes par dénombrement sur milieu gélosé R2A a longtemps représenté le seul indicateur de la colonisation microbienne des réseaux d’eau potable (WHO | Heterotrophic plate counts and drinking-water safety; Reasoner and Geldreich, 1985). Au cours des dernières décennies, les approches globales visant à définir avec précision les communautés microbiennes colonisant les réseaux d’eau potable, et non plus uniquement les indicateurs de contamination, ce sont multipliées (pour revue ; Berry et al., 2006; Douterelo et al., 2014). Ces analyses ont permis d’observer la complexité de ces communautés, à tous les points du réseau de distribution d’eau potable (Figure 5 ; Proctor and Hammes, 2015).

Figure 5 : Aperçu global d’un réseau d’eau potable théorique, depuis le puisage de la source d’eau, le traitement, la distribution, jusqu’à l’acheminement au sein des habitations. Les textes encadrés soulignent les facteurs majeurs influant sur la diversité et la composition des communautés microbiennes. Figure tirée de (Proctor and Hammes, 2015).

source water treatment distribution household

reservoirs biofiltration (= growth) oxidation (= disinfection) Ground water Surface water Sea water Reclaimed water no treatment membrane filtration UV disinfection disinfection residuals • indigenous communitiesanthropogenic contaminationseasonal variationsudden events

source-to-network seeding (= no treatment or treatment breakthrough)

source-to-biofilter seeding biofilter-to-network seeding network-to-household seeding

final treatment step: elimination of viable microbes

filter-specific microbiome

functionally relevant

pollutant biodegradation

bio-augmentation potential

planktonic, biofilm, & particle-associated cells

widely varied pipe materials

warm temperatures

hot & cold water distribution

disinfection residual loss

long stagnation times

potential for growth and community structural changes

chlorination

planktonic, biofilm and particle- associated cells

• pipes materials: cast iron, cement,

PVC, etc...

• seasonal temperature fluctuationsvaried residence times

contamination through pipe breakage

microbiome continuum

I.4.1. Les biofilms dans les réseaux d’eau potable

Le biofilm désigne un assemblage de microorganismes adhérents à une surface immergée, enchâssé dans une matrice (Costerton et al., 1995) (Figure 6) . Dans le cadre d’un réseau d’eau potable, les biofilms vont se former à la surface des canalisations. La matrice extracellulaire qui entoure les microorganismes représente environ 90% de la masse sèche des biofilms, et est constituée de molécules organiques (exopolymères polysaccharidiques, protéines, lipides, ADN…) et inorganiques (oxydes, molécules dérivées de la corrosion du matériau supportant le biofilm…) (Flemming and Wingender, 2010). Les microorganismes colonisant le biofilm sont qualifiés de sessiles, par opposition aux microorganismes planctoniques, circulant librement. Ces biofilms bactériens représentent la forme de vie majoritaire dans ces environnements (Remis et al., 2010).

Figure 6 : Biofilm microbien se développant sur une canalisation métallique d’un réseau d’eau industriel, visualisé par microscopie électronique à balayage. D’après (Donlan and Costerton, 2002). Barre d’échelle : 1 µm.

Les communautés microbiennes, notamment sous forme de biofilms, peuvent être impliquées dans les phénomènes néfastes de biofouling (accumulation non désirée de microorganismes sur les surfaces immergées) et de biocorrosion (détérioration accélérée des canalisations dûe à la présence de microorganismes) à divers endroits du réseau d’eau (Flemming, 2002; Beech and Sunner, 2004). Outre l’implication des microorganismes dans la compromission de l’intégrité du réseau, les communautés microbiennes sous forme de biofilms peuvent représenter une niche de persistance pour des bactéries, virus et eucaryotes potentiellement pathogènes pour l’Homme, entrainant une véritable problématique de santé publique (Payment and Robertson, 2004; Wingender and Flemming, 2011).

Alors que les problématiques posées par la colonisation microbienne des réseaux d’eau ont été largement abordées dans la littérature, des propositions alternatives ont récemment émergé quant au statut et au bénéfice associé à la présence de

proposées, consistant à une introduction contrôlée de microorganismes bénéfiques, inhibant ainsi la croissance et le développement d’autres microorganismes pathogènes (Wang, Edwards, et al., 2013). Ce genre de traitements reste cependant exploratoire, et nécessite encore des travaux de recherche conséquents afin de démontrer la faisabilité et l’efficacité de ce type d’approche dans le cadre d’un réseau d’eau potable.

I.4.2. Vers la caractérisation du microbiome des réseaux d’eau

potable

A l’image du microbiome intestinal, les canalisations d’un réseau d’eau potable sont colonisées par un microbiome riche, soumis aux variations des traitements et substrats propres aux réseaux (Figure 7). Pour souligner la richesse de cet environnement, il a pu être identifié jusqu’à 48 phyla bactériens différents dans la composition du microbiome des réseaux d’eau potable, dominé par les Protéobactéries, et comportant de nombreuses bactéries non identifiées, affiliées à des phyla tels que TM6, TM7, OP3, OP11, OD1, GN2, ZB2, SM2F11 et WS3 (Proctor and Hammes, 2015). Cette diversité contient naturellement de nombreux colonisateurs bactériens classiques des réseaux, mais également des pathogènes potentiels comme énoncé précédemment. Au-delà de la diversité bactérienne, les réseaux d’eau potable peuvent abriter divers microorganismes eucaryotes tels que des amibes libres et autres protozoaires, des champignons et des nématodes, ainsi que des virus (Buse et al., 2013; Ashbolt, 2015a, 2015b). Très peu d’études sont en revanche disponibles concernant la diversité virale et eucaryotique des réseaux d’eau potable, qui, à l’image des amibes libres, sont considérées comme un « biome ignoré » (Neglected Biome) (Figure 7).

Figure 7 : Distribution, interactions et diversité des microorganismes colonisant un réseau d’eau potable. D’après (Proctor and Hammes, 2015).

biofouling

(excessive EPS formation)

planktonic cells (103 – 105 cells/mL) biofilm cells (104 – 108 cells/cm2) detachment biodegradation

(synthetic polymer pipes)

bio-corrosion

(stainless steel; concrete)

sediments / loose deposits

(altered environment)

community shifts, growth

transport attachment

substrate leaching

(e.g. flexible tubing)

biofilm inhibition

(e.g., copper pipes)

re-suspension

disinfectant residuals

hydraulic influences

unwanted consequences of biofilm deposition

pipe material influences

neglected biome predation, protection, DNA exchange free DNA viruses invertebrates protozoa