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Echo et Narcisse

Dans le document Pour le vingtième anniversaire de L (Page 193-198)

Pas

Pas de loup

Double

Pas de loup sur la figure

Double l‟acteur

Double l‟acteur qui répète Réfléchissant

Réfléchissant la lumière

Réfléchissant la lumière, la mire Sur un écran

Sur un écran opaque

Sur un écran opaque, se représente un Pas

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constringere

Que notre langue soit réglée, cela contraint toute notre vie.

L. Wittgenstein

Étymologiquement contraindre signifie serrer. La contrainte est donc du serrement, de l‟étranglement. Par sa capacité à plus ou moins resserrer les flux la contrainte joue sur les densités et les vitesses. La contrainte est, me semble-t-il, le moyen essentiel pour travailler la matière textuelle.

En dépit des apparences la contrainte ne s‟élabore pas devant nous mais derrière nous. Rien de bien nouveau dans ce que je dis là. Maurice Roche et Denis Roche ont vécu, avant moi, ce phénomène Hans leur pratique d‟écri- ture. La contrainte ne nous tracte pas. Elle nous pousse. Mon travail s‟ef- fectue, au sens mécanique du terme, par poussées successives ou simulta- nées. Je suis contraint à...

Avant la contrainte il y a toujours de la contrainte. La contrainte est un mécanisme éminemment tautologique. Elle est, comme le réel, fondamen- talement idiote (cf. ce que nous dit Clément Rosset dans Le Réel et son double : «Ce qui est est et ne peut pas ne pas être» ou encore «Un réel qui n‟est que le réel, et rien d‟autre, est insignifiant, absurde, «idiot», comme le dit Macbethj»). L‟écriture - parce qu‟elle est avant tout de la contrainte est, elle aussi, idiote. Par la contrainte l‟écriture met en avant son idiotie, l‟idiotie du réel.

Une question alors se pose. Si quelque chose de l‟ordre de la contrainte s'effectue dans le dos de l‟écrivain pourquoi éprouve-t-il la nécessité de s‟imposer de nouvelles contraintes. La réponse est, bien évidemment, con- tenue dans la question. L‟écrivain se donne des contraintes parce qu‟il est lui-même la contrainte résultante et problématique des contraintes qui le constituent et qui s‟exercent dans son dos., Mais aussi, du fait de cette situation incertaine, il est obligé de contenir dans un travail d‟équilibrage constant et périlleux l‟effet panique produit par l‟exercice de ces pressions.

La plupart du temps la contrainte n‟existe que pour échapper à la con- trainte. La plus magistrale description de ce phénomène est le fameux texte de KJeist (Sur le théâtre de marionnettes) où chaque coup porté par un des duellistes est immanquablement paré, avant même qu‟il ne soit porté, par l‟adversaire inquiétant qui lui fait face.

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Pour en venir aux contraintes effectives qui se sont mises en place dans mon travail la première consiste à ne pas employer de pluriel. Du fait de son idiotie, l‟écriture, ai-je dit, est du réel. Or l‟idiotie, en dépit des multiples visages qu‟elle peut prendre, n‟est rien d‟autre que ce qu‟elle est. Cette assertion constitue pour moi la contrainte des contraintes.

Le réel, parce qu‟il est idiot, est singulier. Sa singularité nous étonne, nous gêne, nous contraint. C‟est cette gêne qui nous amène à écrire. Mais le réel n‟est pas simplement singulier. Il s‟écrit aussi au singulier. Le singulier est le régime, au sens mécanique du terme, du réel. C‟est parce que le réel fonctionne au singulier (au singulier/neutre pour être plus précis) qu‟il est évident.

La seconde contrainte inséparable de la précédente que l‟on repère dans mon travail est l‟absence de verbe conjugué. Je dis que cette contrainte est inséparable de la précédente parce que si le singulier est unique en tant qu‟ici et maintenant, il est aussi éminemment pluriel et hétérogène dans sa production : il y a «[...] autant de vérités différentes qu‟il y a de proposi- tions différentes» nous dit Cl. Rosset dans Le démon de la tautologie.

Parce qu‟il est ce qu‟il est le réel ne s‟origine pas. C‟est la raison pour laquelle je n‟emploie pas de sujet ni de verbe. Mais si le réel est singulier dans sa globalité il est, comme nous venons de le dire pluriel par les élé- ments qui le constituent. Le singulier est donc, au sens chimique du terme, une solution instable. Il est (et là je m‟écarte des thèses de Cl. Rosset) le simple et le multiple, le même et son contraire, problématique parce que non problématique, ou problématique parce que trop évident. L‟instabilité gé- nératrice de diversité qui constitue le singulier est bien sûr une énorme con- trainte; la contrainte que nous impose la multiplicité des vitesses et des densités.

Enfin la contrainte qui m‟a demandé le plus de réflexion est celle qui con- siste à écrire, non pas en français, mais en «écriture vocale». Cette con- trainte s‟est imposée à moi dès le début des années 80 sans que je sache comment elle pouvait fonctionner. J‟ai dû écrire beaucoup de textes fort simples pour mettre au point cette contrainte.1

Plus que les contraintes précédentes celle-ci m‟a paru inacceptable et pour- tant nécessaire. L‟inacceptable n‟est pas simplement, comme on pourrait le croire, l‟effort de lecture, le travail de déchiffrage imposé au lecteur. D‟autres écritures qui ont utilisé ce type de contrainte n‟ont pas souffert de résistan- ces aussi fortes. Je pense ici à Raymond Queneau, à Jean Dubuffet, ou à Kati Molnàr. Quelle est donc la spécificité de cette contrainte.

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Il existe à mon avis deux types de contraintes. Il y a ce que j‟appellerais les contraintes produites pour réagir à d'autres contraintes (dont j‟ai déjà parlé et qui sont les plus fréquentes) et des contraintes que je qualifierais de spontanées. Les contraintes de la première catégorie sont illustrées par les travaux des trois auteurs que je viens de citer. Ainsi Jean Dubuffet revendi- que d'écrire «comme un cochon» pour réagir aux normes du fiançais cor- rect. Pour ce faire il écrit, tel qu‟il se prononce, le français populaire.

En revanche la contrainte spontanée n‟est pas référentielle. Elle ne désigne pas de référent même si c‟est pour le contester. Cette contrainte est dite spontanée non pas parce qu‟elle surgit ex nïhilo mais parce que son émer- gence est le résultat d‟agencements complexes plus ou moins aléatoires qui font qu'elle apparaît sans qu‟on ait pu prévoir le moment ni le lieu.

De par sa nature ce type de contrainte élimine les repères habituels et ouvre un espace radicalement autre. C‟est la raison pour laquelle je disais précé- demment de façon quelque peu provocatrice que mon «écriture vocale»

n'était pas du fiançais. Car la langue n‟est plus ici un idiome servant à véhiculer des messages et des formes pré-codifiées.

L'agencement des trois contraintes que je viens d‟exposer a savoir l‟emploi du singulier, l‟absence de verbe conjugué (=> pluralité par morcellement et déhiérarchisation de la langue) ainsi que l‟emploi de l‟écriture vocale, tout cela se conjugue pour produire ce que j‟appelle un espace motléculaire à la fois visuel et sonore : un espace où les repères et les fonctions sont éloignés de ceux que l'on demande à une langue traditionnelle, et tout aussi déroutant que le réel dont il n'est somme toute que le prolongement

A propos de la dimension sonore de mon travail, je voudrais préciser que, là encore, la contrainte qui résulte de cet agencement de contraintes m‟oblige à dire mes textes d‟une façon particulière que l‟on ne peut soupçonner (c‟est du moins ce que m‟ont avoué nombre d‟auditeurs qui m‟ont entendu lire) lors- qu'on les lit/voit C‟est que la mise en voix ne peut en aucune manière être pré- programmée du fait de ce dispositif textuel. Ici pas de ponctuation, pas de struc- ture répétitive sujet/verbe/complément qui corsete la voix. Nous ne sommes plus dans un mode analogique de la lecture qui prend l‟écriture comme référent ab- solu. Chaque mise en voix est une aventure pleine d‟accidents, toujours aléa- toire et toujours périlleuse. Chaque lecture publique que je fais est une proposi- tion. Il y en a d‟autres. 1

1 Les quelques textes que j‟ai conservés de cette époque ont été publiés dans Triptike, éd.cadcx, 1996.

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marguerite

megleman de lé tréyon an gène kaoutshouk la soupape par vashe é konprésion ki tou ritme é pulsater lé alor ke konprésion sur é kapsule lintérier du ou susion régulié lintérier le la krème or dé la vulvaspirasion mé shaler la mamèlanfleman lèkstérier tou le kuir bateman lé souflé insi ke anouvo vèr le ha la kome lé sabo vèr le ki le o du silindre é mélanjanflameman vaéviin dé piston antreshok dé plakète de bere tou é invèrse pandan ke é du sikle suivan jirasion tèstikule tourbiyon mouveman sepandan le é répulsion dan le sans dé kouran ki krèméshofeman rotatif une é transformasion la remonté lor du par pèrtéshofeman kan é soudin dé kondui désante élévasion le butiropulser dan é mintenan van alor dé trou dozone kan la parti mobile tou é dispozitif mintenan la sayi [soufle projèksion sèk] é la matière grase manbrane é le bolide par é pli flotéman

la manbranèksplozion mintenan le babere par é dépo sur lé poil-goutelète kar sué tou par barataje pilon surtou dékonprésion par le ba lèkspulsion tou é katégori le sèl le demisèl dé plakète anouvo é de o par le ba mufle sponjiozité lèkspulsion mouveman le pasaje dé bor le pasaje ki é semansémulsion tartinétaleman la beré dan le noir lé mukeze likide le bol un tourbiyon flotéman tourbiyon tou de é planète duile

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Dans le document Pour le vingtième anniversaire de L (Page 193-198)