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4. Résultas et discussions

4.1 Diagnostic participatif et exploration de scénarios au sein des EAC divisées

4.1.1. Le cas de l’EAC 1

La première session a concerné une EAC divisée constituée de onze membres. Cette EAC de 29 ha est située dans le secteur sud du périmètre irrigué. Dans le Tableau 12 nous résumons les principales caractéristiques de cette EAC

Tableau 12. Caractéristiques de l’EAC 1.

Superficie

(ha) Membres Locataires

Agrumes (ha) Rosacées (ha) Rotation Maraîchage/céréales (ha) Nombre de serres 29 11 3 0 4 25 0

Les 11 attributaires se sont d’abord répartis en deux groupes principaux, correspondant à deux familles différentes, puis se sont divisés au total en sept sous-groupes. En terme de représentativité, les trois participants représentaient les deux familles avec trois sous-groupes différents, dont le chef de groupe de l’EAC et son père qui a donné en location sa quote-part. Les trois locataires qui ont pris individuellement en location la terre dans cette EAC sont cousins et habitent à 20 Kms de Mouzaïa. Malheureusement, ils n’ont pas pu assister à la session pour cause de force majeure.

Concernant les temps de parole, compte tenu des différentes personnalités des participants, le nombre d’interventions de chacun d’entre eux n’était pas identique. En effet, le chef de groupe et son père intervenaient environ deux fois plus que le troisième attributaire, malgré les relances de ce dernier pour équilibrer le débat. L’ambiance lors de la session était détendue et les participants semblaient être à l’aise ; ils ont pu s’exprimer et ont accepté les points de vue parfois divergents des autres.

Concernant le déroulement de la session à proprement parler, après un rappel des objectifs de tels que nous les avons décrits plus haut, le plan de l’EAC 1 a été présenté sur la table avec seulement les repères permanents issus de l’enquête : les limites officielles de l’EAC, les pistes agricoles qui la bordent, les forages ainsi que les bornes du réseau collectif et les 4 ha de pêchers appartenant à l’un des attributaires. Les participants ont ensuite délimité leurs parcelles ainsi que celles des autres attributaires absents. Les cultures et les systèmes d’irrigations utilisés ont été représentés à l’aide des cartons pré-dessinés (Figure 65).

Figure 65. Représentation de l’EAC 1 par les participants.

Le nombre de corrections apportées par les participants à notre représentation était de trois. Elles concernaient l’emplacement de la seule borne du réseau collectif présent dans l’EAC (initialement nous avions positionné deux) par rapport aux autres repères que nous avions placé sur le support, la position des deux forages et les limites individuelles des parcelles. Ceci montrait bien que les participants s’étaient appropriés le support de discussion, et montrant également qu’à travers des enquêtes individuelles, une partie de l’information peut être perdue ou déformée.

Après la validation collective de la représentation de leur EAC et de son fonctionnement, nous avons abordé les contraintes qui entravent le développement de l’EAC en général et des activités individuelles en particulier (Figure 66).

Figure 66. Listing et hiérarchisation des contraintes de l’EAC 1 par les participants.

Plusieurs tours de table ont été nécessaires pour lancer un brainstorming visant à faire apparaître des contraintes par les participants. En effet, il fallait donner des exemples observés ailleurs pour démarrer le listing. À la fin du brainstorming, nous avons demandé aux participants à tour de rôle de voter pour la contrainte la plus pesante selon eux, afin d’arriver au classement ci-dessous et où le nombre de croix symbolise le nombre de votes :

1. +++ le foncier, du fait de ne pas être propriétaires et du cadre collectif contraignant ; 2. ++ l’inaccessibilité aux crédits et les rapports tendus des attributaires avec la banque.

En effet, les premiers crédits accordés par la banque agricole aux EAC après leur création n’ont pas été remboursés. C’est l’Etat, après plus de 10 ans, qui a indemnisé la banque qui aujourd’hui ne veut plus prendre de risques (les terres des EAC ne sont pas hypothécables) ;

3. + le coût de l’électricité dû aux pompages à partir des forages (pompes immergées) ainsi que le système de facturation trimestriel qui oblige les agriculteurs à payer des sommes importantes ;

4. La difficulté d’accès aux subventions de l’Etat, conditionnées pour les EAC par l’organisation et l’entente des attributaires (ce qui fait souvent défaut dans les EAC divisées) car leurs signatures à l’unanimité sont obligatoires pour l’octroi des subventions ; de plus les rapports personnels avec les institutions agricoles (favoritisme, corruption,…) peuvent jouer un rôle déterminent.

L’accès à l’eau selon les participants, ne constituait pas une contrainte du fait de la présence des deux forages largement suffisants pour les besoins de l’EAC. Les projets d’investissements ne sont pas raisonnés en fonction de l’accès à l’eau mais plutôt en fonction de l’accès permanent au foncier et de sa sécurisation.

Les scénarios d’évolution proposés par les agriculteurs (Figure 67, Tableau 13) se résument à l’individualisation des titres d’exploitation foncière et un rappel de paiement des impôts agricoles que les membres de l’EAC n’ont pas payé depuis sa création à cause notamment de la division interne et de la difficulté du chef de groupe à rassembler les contributions individuelles de chaque attributaire.

Figure 67. Analyse prospective de différents scénarios avec les participants de l’EAC 1.

Le scénario selon lequel le ministère de l’agriculture fournirait les titres individuels d’exploitation foncière a été jugé plausible par les participants et sa réalisation devrait provoquer une stratégie de plantation massive d’agrumes par l’ensemble des attributaires. Le

recours à la location pourrait continuer seulement les premières années de plantation en intercalaire avant l’entrée en production des agrumes.

Tableau 13. Scénarios proposés par les participants l’EAC 1.

Scénario Plausibilité selon les

participants Stratégies à adopter

Partage officiel des terres des

EAC à l’amiable Plausible

Maintien du partage actuel et plantations d’agrumes

Rappel du paiement des

dettes (impôts impayés) Peu plausible

Paiement étalé en petites mensualités

En ce qui concerne le scénario de rappel de paiement des impôts impayés depuis 20 ans correspondant à une somme de 2 700 000 DA soit 27 000 €, il a été jugé peu plausible par les participants. Cependant, leur proposition de le tester lors de la session, montre d’une part qu’ils ont utilisé notre démarche pour débattre collectivement de leurs inquiétudes, et d’autre part qu’ils veulent essayer de trouver des solutions si ce scénario devait toutefois se réaliser. Dans ce cas, les attributaires demanderaient un échelonnement du paiement.

Les scénarios que nous avons proposés aux participants de l’EAC 1 étaient de trois natures : 1) de nature juridique sur la fermeture des forages, 2) de nature organisationnelle sur le partage du foncier, 3) de nature économique sur l’effondrement des prix des agrumes sur le marché du fait d’une surproduction éventuelle.

Tableau 14. Réactions des participants de l’EAC 1 face aux scénarios que nous avons

proposés.

Scénario Plausibilité selon les

participants Stratégies à adopter

Fermeture des forages Pas plausible Aucun changement

Partage officiel imposé des

terres des EAC Peu plausible Plantations d’agrumes

Effondrement du marché

d’agrumes Peu plausible Transformation

Le scénario de la fermeture obligatoire des forages a été jugé irréaliste par les participants compte tenu notamment de tous les investissements liés à la réalisation de ces forages. Quant au partage des parcelles au sein de l’EAC, si un tel partage est imposé par le ministère de l’agriculture selon des modalités différentes du partage informel actuel, le scénario est jugé

par les participant peu plausible ; ils considèrent que les investissements individuels sur les parcelles (comme la plantation des pêches) pourraient créer de nouveaux conflits entre les attributaires. Néanmoins, le caractère assurantiel que revêt l’exploitation individuelle aux yeux des participants conduirait, même dans une situation imposée, à une plantation massive d’agrumes. Enfin, le scénario de l’effondrement des prix des agrumes sur le marché, provoqué par une éventuelle surproduction dans un contexte de libéralisation, a été jugé peu plausible par les participants, et ceci pour deux raisons. La première raison est liée à l’offre des agrumes sur le marché qui, depuis l’existence des EAC, est inférieure à la demande, ce qui sécurise les attributaires dans leurs intentions d’investissement dans de nouvelles plantations. Ceci est confirmé en effet d’un côté par les prix élevés des agrumes sur les marchés et de l’autre côté par la présence dans la région de six usines de jus de fruits et de confitures dont la matière première provient souvent de l’étranger, ce qui montre que toute la production est absorbée par la consommation directe. La seconde raison tient à l’existence de variétés anciennes, telle que la Thomson, appréciées par les consommateurs, qui constituent une garantie de vente pour les agriculteurs. Cependant, pour le cas où le prix sur le marché s’effondrerait quand même, les participants ont évoqué la possibilité de transformation de la production en jus et confitures soit sur place dans l’EAC, au quel cas des investissements nouveaux seraient nécessaires, soit en vendant le surplus aux usines locales.

Cette session a été évaluée par les participants comme étant intéressante pour eux, au delà de la considération qu’ils ont ressentie de notre part à l’égard de leurs activités « Depuis 19 (création des EAC) ans personne n’a cherché à savoir ce que nous faisons ni ce que nous sommes devenus ». Les participants ont pu discuter autour d’une table sans enjeux officiels (a priori), et ont eu la possibilité de mieux situer leur système de production dans un cadre plus général. Ceci leur a permis également de se projeter dans l’avenir et de discuter ensemble sur des sujets pour lesquels ils avaient des visions différentes, ainsi que de découvrir de nouvelles idées tels que les scénarios que nous leur avons proposés. De plus, quelques recommandations nous ont été formulées par les participants de l’EAC 1, en particulier celle de convaincre la totalité des membres d’une EAC à participer aux sessions et de multiplier le nombre de sessions dans la région afin de mieux cerner la problématique régionale. Il nous a été également conseillé d’inviter des représentants d’institutions agricoles pour intervenir ponctuellement lors de la session afin d’éclairer les participants sur des aspects juridiques et techniques.