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129 E2 : Carole La trentaine enseignante d’éducation musicale depuis une douzaine

d’années.

Q : Dans le dernier Référentiel de compétence il est indiqué que l’enseignant doit tenir compte de la dimension affective dans la relation éducative. Qu’est-ce que cela vous évoque ?

R : La relation affective c’est le lien que tu tisses avec tes élèves…. C’est compliqué, il ne faut que ce soit cela qui fasse tout le lien. C’est compliqué ta question, déjà la première question est compliquée ! (rires) … Instaurer une relation saine avec les élèves ca facilite l’apprentissage et profite à l’ambiance générale.

Q : Est-ce que c’est un aspect que tu prends en compte?

R : Je me pose pas la question, c’est quelque chose qui se met tout naturellement en place parce que moi j’ai une relation affective avec les élèves, j’aime les élèves sinon je n’aurai pas fait ce métier-là donc forcément il y a le ressenti de l’autre côté, il y a un échange.

Q : C’est une dimension importante de ta pratique ?

R : Ça joue beaucoup, ça génère du respect, du dialogue, de l’écoute … Q : C’est par la dimension affective que…

R : Oui ça passe par là… Oui je passe par là, je pense, inconsciemment oui. Q : Et comment tu fais?

R : Comme je te le dis ça se met naturellement en place, parce que moi j’ai une relation affective avec les élèves, après tout dépend si je m’adresse au groupe ou un élève en particulier et là où j’en prends conscience c’est quand il y a des élèves un peu agités, rebelles et je me rends compte que je change souvent de ton de voix pour prendre une voix un peu plus douce, plus rassurante…

Q : Ce serait un outil professionnel en quelque sorte ?

R : Oui pour les rassurer, pour qu’ils m’écoutent … pour qu’ils comprennent que c’est pas grave… Et dans le groupe classe, je l’utilise de façon moins prononcée, surtout dans l’intonation de la voix. Et puis parfois les problèmes affectifs entravent l’apprentissage, faut faire attention à ça. Les amener par une approche ludique… Les encourager à participer, les féliciter. Que l’élève se développe en se sentant valorisé, quoi.

Q. Les élèves sentent que tu as cette relation affective avec eux ?

R : Oui je pense, parce qu’ils me le rendent la plupart du temps. C’est vrai qu’il y a quelque chose de cet ordre qui se met en place...Oui, parce que c’est des enfants qui viennent avec le sourire en cours, sont contents d’être là et « bonjour madame » et quand ils me croisent dans l’établissement ils me sollicitent tout le temps pour me demander, me parler, voilà j’ai tout le temps des élèves qui viennent pour me parler quoi. Donc voilà je pense qu’avec un prof qu’ils n’apprécient pas et qu’ils n’ont pas de lien ils le font pas, ça.

Q : Cela fait partie des compétences d’un prof, il devrait avoir cette complicité avec les élèves ou pas nécessairement ?

R : Je pense que c’est pas forcément nécessaire mais moi personnellement cela m’est utile, ça m’est important. Q : Utile et important ?

R : Les deux parce que sinon c’est un truc mécanique qui se met en place, la dimension affective est importante pour moi sinon c’est chiant mais c’est pour moi après je peux comprendre qu’il y en ait d’autres…

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R : j’aime la pratique… Mais après on est des individus avec chacun notre caractère notre personnalité et je pense qu’on enseigne comme on est aussi. On fait comme on peut, et on n’est pas forcément formés pour savoir gérer ça.

Q : tu penses qu’il y a une grande part de la personnalité qui transparaît dans l’enseignement ?

R : Oui, oui oui. On a cette vision du prof qui est souvent celui qui doit transmettre des connaissances et s’effacer derrière son rôle. Je pense que cela c’était avant c’est l’ancien temps … j’ai l’image des profs des années 20 en costume ; l’institut, le notable du village avec les petites lunettes - Monsieur Madame - qui avaient un rôle dans la société. Maintenant l’enseignant n’a plus du tout ce rôle,il n’a pas la même image.

Q : tu peux développer ?

R : Maintenant l’enseignant c’est un peu M et Mme Tout le Monde au final, voire on a une mauvaise image par la société et du coup par rapport aux élèves je ne sais pas si c’est dû au changement de vision de la société ou si c’est dû à la façon d’enseigner, les profs sont passés du notable, les profs qui avaient le savoir, au rôle de M et Mme tout le monde - je ne sais pas quand ça s’est opéré ce changement…

Q : Alors qu’est ce qui a changé dans la manière de transmettre le savoir ?

R : Beaucoup de choses, je sais pas c’est l’image que j’ai de l’école des années d’entre deux guerres… C’était l’enseignant qui avait le savoir, ce qu’il disait c’était vraiment parole d’évangile, on ne questionnait pas ; c’est comme ci comme ça tu apprends ça et tu cherches pas à comprendre et puis un jour tu comprendras ! Alors que maintenant on est plus dans une démarche où l’enfant doit avoir une réflexion et qu’il arrive de par lui-même de par sa réflexion à comprendre par où on veut l’amener, c’est différent et inversé. Amener l’enfant à réfléchir et à trouver des pistes pour acquérir les connaissances. Oui, l’enseignant du XXI siècle il doit être polyvalent, à la fois instructeur, éducateur, voire psy. Il doit tenir compte de ses élèves en tant qu’individus aussi, le

comprendre….

Q : L’enseignant accompagne davantage ?

R : oui, (rires) Il en faut, il en faut des qualités donc il faut qu’il ait le savoir et connaissance donc je crois que cela s’appelle la pédagogie ! Il doit y avoir d’autres qualités mais je pense que l’essentiel est par la conception des exercices pour amener les élèves à l’objectif que l’on a fixé. Là c’est différent par rapport à avant parce que là les enfants sont plus acteurs ils ne sont pas passifs. il y a un dialogue, non un débat qui se crée : « moi j’ai remarqué ci, remarqué ça… » c’est là où le rôle de l’enseignant n’est pas évident , pouvoir rebondir sur les remarques des élèves pour rester dans la ligne de l’objectif que j’ai, pour arriver à ce que l’on ne s’éloigne pas tout en menant leur réflexion sans sortir du sujet, c’est pas évident.

Q : Alors comment tu fais?

R : Il faut pas les frustrer, sinon ils n’ont plus envie de participer et ça peut plus fonctionner si ils ne sont plus acteurs de leur apprentissage, donc il faut dire « oui c’est intéressant », donc il y a quand même toujours un petit côté d’encouragement, « c’est bien ce que tu dis mais c’est pas dans notre sujet… » Ou… Quand il y a une tension, le rapprochement prof-élève la calme, ca permet un dialogue.

Q : Et quand tu dis « Il faut qu’ils aient envie sinon cela ne fonctionne plus » donc cette dimension-là avoir envie, c’est … ?

R : Oui je pense qu’il y a l’envie et la motivation qui jouent ; à créer… Q : Au professeur de la créer ?

R : C’est très difficile je me suis posée la question et j’ai pas trouvé la réponse, moi pour ma part j’essaye et je suis passionnée par mon truc, je compte sur ma passion pour la transmettre maintenant cela ne fonctionne pas toujours, tu as des enfants qui sont passifs et qui attendent que cela passe .

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Q : Comment le vis-tu ?

R : Ben oui, c’est un petit échec, un petit peu, mais bon comment dire les enfants qui restent à l’écart, c’est un peu un échec car il n’y a pas la motivation et est-ce que je peux pas faire quelque chose pour qu’il ait envie et le motiver ? Et là j’ai pas la clef…

Q : quand tu parles de transmettre la passion….c’est une sorte de canal affectif ?

R : Complètement ! Comme moi je suis passionnée je transmets cette passion, et ils le ressentent et c’est complètement affectif. Oui, je me rends compte que moi je le fais dans mon enseignement et globalement ça fonctionne mais je ne me suis pas intéressée sur la pratique des autres enseignants mais j’ai le sentiment que les collègues que les enfants appellent le « bon prof « je me rends compte qu’il y a un lien affectif après comment cela s’explique ?

Q : Des intuitions pourquoi il y a telle relation qui s’établit avec tel prof ?

R : Je pense que ce sont des collègues qui aiment leur discipline et qui aiment l’enseigner. Et qui aiment le rapport avec les élèves. Quelque part oui c’est quand même de notre responsabilité, parce que bon c’est un métier qu’on ne peut pas choisir au hasard, alors y en a qui s’y perdent et en général t’as choisi une discipline parce que tu l’aimes, tu es prof de maths, tu aimes les maths t’as envie de faire aimer les maths…

Q : Tu dirais que ces « bons profs » ce sont ceux qui arrivent à avoir le plus ce rapport affectif avec leurs matières ?

R : Je pense oui !

Q : C’est une affaire de personne ou une compétence professionnelle? R : Non je pense que c’est personnel … Après, je pense qu’il y a des outils… Q : Lesquels?

R : (réfléchit) Bien poser sa voix… je ne sais pas trop !

E3 Louise – 31 ans – enseigne le français depuis 7 ans Collège et Lycée – entretien de 127