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De la dimension affective au quotidien : gestes et réflexes

Transcrits verbatim

Antoine

Q : Jamais de gestes affectifs avec eux ?

R : Non sauf avec certains, cela m’est arrivé. Comme par hasard c’est toujours avec ceux qui avec qui il y a le plus d’échanges. Donc à un moment tu peux passer et dire en lui tapotant un peu la tête comme ça : « mais alooooors ? ». Juste comme ça quoi, c’est une taquinerie, j’évite le contact physique la plupart du temps. Cela augmente d’un degré la relation avec l’élève.

Q : Vous diriez que ce sont des gestes professionnels et affectifs ?

R : Professionnels oui. Ce ne sont pas des caresses de leur taper un la tête comme ça avec le doigt, c’est une interpellation : « alors, toctoctoc… » Pour moi ça fonctionne.

Carole

R : Je me pose pas la question, c’est quelque chose qui se met tout naturellement en place […] mais je ne me suis pas intéressée sur la pratique des autres enseignants mais j’ai le sentiment que les collègues que les enfants appellent le « bon prof « je me rends compte qu’il y a un lien affectif après comment cela s’explique ?

Louise

Q: Aviez-vous senti qu'il avait quelque chose à vous dire, qu'il était perturbé, troublé ?

R: J'estime que lorsque un élève se fait remarquer comme il l'a fait, en prenant un peu la tête de la classe, en ayant un rôle dominant, c'est qu'il a forcément un compte à régler ou quelque chose qui le tracasse. Je ne pense pas qu'il soit anodin qu'un élève refuse délibérément de jouer le jeu alors qu'il est intelligent, qu'il a toutes les cartes en main et qu'il connait parfaitement le contrat de travail en lycée.

Q: Classez-vous vos élèves en fonction de votre perception de cette dimension affective ? R: Par exemple en ‘sympa’, ‘casse-pieds’ ? (rires)

Q : par exemple ! (rires) R : ah oui tout le temps !

Q: Est-ce que cela a un impact sur ce que vous attendez d'eux, par exemple au niveau de leurs performances scolaires ?

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R: Ça dépend. Mais lorsque je m'adresse à un élève, j'ai forcément à l'esprit le comportement qu'il a pu avoir jusqu'à maintenant. Si par exemple, je dois demander à l'un d'entre eux d'aller me chercher quelque chose, je vais spontanément plus me tourner vers celui qui est serviable et qui fait preuve de gentillesse que vers un élève qui a l'habitude de perturber le cours.

Q: Comment faites-vous pour créer une ambiance de respect mutuel ?

R: Selon moi, il faut de la patience, de la persévérance, être conscient que cela peut prendre du temps. Il faut de la fermeté, être très clair sur les règles. Il faut s'imposer face aux élèves en gardant son calme, montrer que l'on ne cédera pas et répéter sans cesse les règles jusqu'à ce qu'elles soient assimilées

Q: Grâce à quoi avez-vous vu que les élèves étaient des « bébés » ?

R: Car ils se comportent un peu comme les sixièmes que j'ai pu avoir jusqu'à présent. Ils ont besoin qu'on leur explicite tout. Ils ont du mal à accomplir une tâche directement, il faut tout leur détailler. Ils sont encore naïfs, ont un côté candide et posent des questions en décalage par rapport à ce que l'on peut attendre d'élèves qui ont 16, 17 ans.

Elsa

R : On finit par reconnaître des profils d’élève. Du coup, on jauge mieux sa classe dès le début d’année, plus rapidement. On reconnaît des types d’élèves. Par compétences acquises, celui qui a de bonnes bases, celui qui a des lacunes, son attitude face au travail, le demandeur qui fait les exercices sans sourciller, la bonne pâte à modeler quoi.

R : Je ne le fais pas systématiquement mais j’essaie effectivement de jauger la classe : il y a le niveau scolaire, je regarde les résultats de l’acquisition de compétences face à un exercice. Et puis il y a l’attitude face au travail, le comportement en classe que je jauge. Ça me permet de voir les marges de progression. Cela n’influera pas sur la sympathie ou l’empathie que je peux éprouver pour tel ou tel.

Q : est-ce qu’il y a aussi des profils de classe ?

R : Euh… Oui forcément, au bout d’un moment on les classe, le tri se fait. Il y a la classe vers laquelle on va avec plaisir, dont on sait qu’on en sortira moins fatiguée et parfois même en meilleure forme, grâce aux échanges justement. Et puis il y a la classe qu’on subit un peu et dont on ressort fatiguée parce qu’il aura fallu lutter pour faire le cours. Je ne vais pas parler de déception parce que depuis le temps on apprend à ne plus l’être. Mais on sait que ce fut un cours pour rien parce qu’il y a eu refus de travailler.

Martin Nous sommes aussi des humains qui transmettons nos petites imperfections. Certains professeurs transmettent de façon plus ou moins consciente, je ne sais pas si c’est « à faire » ; ça se fait tout seul…On ne peut pas le contrôler. A partir du moment où on est en interaction avec d autres personnes quelles qu’elles soient on transmet ce genre de choses.

R : Oui, plus que mentalement d’ailleurs. Je suis honnête avec mes élèves, je leur dis lesquels sont adorables, ceux qui sont pénibles… Au reste je crois qu’ils s’en rendent compte. Il y a des élèves plus agréables que d’autres et voilà. . Un élève qui perturbe un cours, j’aurais tendance à moins laisser passer une bêtise qu’un élève qui a, avec nous, une relation respectueuse et agréable.. Q : Quels sont tes critères pour « classer » les élèves?

R : Ce n’est pas la participation. Un élève qui ne travaille pas assez, ça ne me dérange pas du tout. Moi c’est vraiment les gestes, l’attitude en classe. Un élève insultant vis-à-vis de ses camarades, un pénible qui va parler à tout bout de champ, qui va perturber le cours en fait… Pour les « gentils » c’est plus varié et ce ne sont pas forcément de très bons élèves: ça peut être des élèves qui participent beaucoup, qui suivent et s’intéressent au cours, qui ont, au moins, l’air attentif. Ça peut être aussi des élèves touchants par leurs difficultés ou leurs paroles avec un langage hésitant. Roland Q : Comment s’y prendre pour créer ce climat de confiance et les intéresser à la matière ?

R : J’ai pas envie de le faire avec toutes les classes. … pas forcément envie de le faire avec toutes. Est-ce de ma responsabilité ? Cela dépend, du type de classe, comment je suis ce jour-là etc. Vanessa Q : A quelle occasion tu peux dire ça ? [j’aime tous mes élèves]

R : Ben ça dépend. Parfois quand l’atmosphère est plus détendue. Parfois ils cherchent ; ils prétendent être trop saqués, je leur dis qu’ils se sont trompés.

Walid R : J’ai l’impression de m’être beaucoup investi avec cette classe, je les suis depuis 3 ans, ce qui fait que j’en attends plus.

Yvan Q : Est-ce que tu catégorises tes élèves en fonction de cette dimension?

R : Oui je les catégorise à partir de l’image de l’être humain que j’ai d’eux. Leur capacité à vivre en société, à pratiquer l’humour, à savoir discuter, à savoir quand c’est le moment de bosser ou non etc. Je juge cela en classe, dans leurs rapports avec moi, mais surtout entre eux. J’ai un réel problème avec le mensonge et la mauvaise foi, c’est donc un critère de classement que j’utilise beaucoup. La dernière classification, ce sont les élèves pour qui tu ne peux vraiment rien qui sont foncièrement mauvais au sens non-scolaire.

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Q : Est-ce que ta catégorisation change tes attentes par rapport aux élèves ?

R : S’ils restent dans le cadre ce n’est pas un souci. Cela me permet juste de mieux les gérer. Jean Marc Cela m’est arrivé avec de nouveaux élèves qui ne disent pas bonjour, je les retiens avant qu’ils

entrent dans la salle… Systématiquement, depuis que j’enseigne, l’élève qui ne me dit pas bonjour, je le mets à part et, tandis que les autres rentrent, je le retiens 30-40 secondes pour lui ré-expliquer certains éléments du savoir être… Ou bien je les laisse tous entrer et après pendant quelques minutes je leur explique l’importance du salut quand on entre en relation avec quelqu’un. Q : Parce que toi quand tu les touches c’est un geste professionnel ?

R : Oui c’est pour…, c’est de la communication qui veut dire, je te comprends, je te soutiens. Cela peut aussi vouloir dire « on y va ? » Pour moi, l’élément tactile est important, le toucher fait partie de nos 5 sens n’est-ce pas ? Pourquoi ne pas l’utiliser ?

Q : Et pour les élèves indifférents à ce que tu dégages ? Si tu ne parviens pas à établir une relation ?

R : J’essaie d’insister. Au départ je vais tenter plusieurs stratégies. Il m’arrive même d’aller sur Internet pour chercher des profils d’élèves, des types de discours.

Anna R : Je leur parle beaucoup d’expériences de chez moi hein. Ça tombe bien, je leur parle de mes propres expériences

Q : Est-ce que cela influence ta perception des élèves ? Ta vision d’eux ?

Q : Je pense que oui, sans le faire exprès bien sûr. C’est leur façon de se comporter, de parler de poser des questions etc, qui déterminera leur « rang ». Faut aussi les voir en dehors de la classe. Il y a ceux qui te disent bonjour, ceux qui font semblant de ne jamais te voir. Même si c’est juste « bonjour » c’est déjà une bonne démarche, une bonne attitude je trouve. C’est déjà de l’éducation, savoir dire bonjour.

Apparaît enfin dans le discours enseignant des références à la dimension affective plus