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4.1 Etude bibliographique

4.1.1 Effets de la dégradation thermique

La dégradation thermique est un vieillissement chimique du polymère qui s’accompagne de modifications structurales irréversibles du réseau macromo- léculaire. Selon l’environnement de vieillissement, cette dégradation peut se présenter sous la forme de réactions de thermolyses, un processus purement thermique ou alors de réactions de thermo-oxydation en présence d’oxygène qui impliquent les effets combinés de la température et de l’oxydation.

Oxydation

Lors de la thermo-oxydation, l’oxygène diffuse dans le polymère et des réactions d’oxydation conduisent à la formation d’une couche oxydée en surface (Thin Oxidized Layer, TOL). La formation de cette couche oxydée peut s’accompagner de fissures superficielles qui déportent le processus de dégradation vers l’intérieur du matériau. Lors de la migration de l’oxygène de la surface vers le cœur du matériau, un gradient d’oxygène peut être observé dans son épaisseur [Colin et al., 2005]. Des travaux ont montré que lors du vieillissement thermique, la concentration en oxygène en surface augmente et diminue à cœur. L’oxygène pourrait donc migrer du cœur vers la surface du polymère où des réactions de déshydratation en surface pourraient avoir alors lieu et conduiraient à la formation de double-liaisons et de structures plus conjuguées [Buch, 2000] [Piccirelli et Shanahan, 2000].

L’évolution de l’épaisseur de cette TOL dépend de la prédominance des mécanismes d’oxydation. La connaissance de l’énergie d’activation des réactions d’oxydation et de diffusion de l’oxygène permettent de prédire l’évo- lution de l’épaisseur de la TOL en fonction de la température de vieillissement [Audouin et al., 1994] [Colin et al., 2001a].

Lorsque l’oxydation du polymère est contrôlée par la diffusion de l’oxygène, la dégradation de la surface est alors plus importante qu’au cœur du matériau [Dao et al., 2006] [Yang et al., 2015]. La seconde loi de Fick modifiée en pre- nant en compte la vitesse de consommation de l’oxygène r(C) peut alors être utilisée pour caractériser la diffusion de l’oxygène [Audouin et al., 1994] :

∂c ∂t = D

2C

avec C la concentration du réactif qui est dans ce cas l’oxygène, D son coefficient de diffusion et x la profondeur.

Une dépendance entre l’épaisseur de cette couche oxydée et la perte de masse du polymère a également été observée par plusieurs auteurs [Colin et al., 2001a] [Decelle et al., 2003].

Dans le cas de résines époxydes, il a été observé une stabilisation de l’épaisseur de la TOL à une valeur maximale au cours du vieillissement [Piccirelli et Shanahan, 2000] [Colin et al., 2005]. L’épaisseur de cette TOL est également dépendante de la température d’exposition. En effet lorsque la température augmente, la vitesse d’oxydation croit plus vite que la vitesse de diffusion, ce qui entraine une diminution de l’ épaisseur de la TOL [Audouin et al., 1994] [Le Huy et al., 1992a]. Pour Piccirelli qui étudie des résines époxy-imides, la couche oxydée épaisse joue un rôle de barrière à la diffusion de l’oxygène au cœur du matériau et empêche l’apparition des fissures [Piccirelli et Shanahan, 2000].

Modifications structurelles

Lors du vieillissement thermique, deux types de phénomènes entrainant des modifications structurelles sont observés : le premier type concerne la dépolymérisation et les coupures de chaînes, et le second les réactions de réticulation et réarrangements moléculaires. Le vieillissement thermique peut apporter à la fois des effets bénéfiques restructurant en permettant la sur-réticulation des entités et la formation de la TOL ainsi que des effets dégradant dus aux scissions de chaînes [Lazzari et Chiantore, 2000].

La dépolymérisation et la scission des chaines, des processus néfastes pour le réseau polymère, ont lieu sous l’effet de la température et quel que soit l’environnement, neutre ou oxydant. La dépolymérisation est la reformation des unités structurales initiales par rupture des nœuds de réticulation, sur la 4.1.1. Elle conduit à une baisse des propriétés du matériau par réduc- tion de la densité en nœuds de réticulation. La fragilité de ces nœuds et leur rôle dans le processus de dépolymérisation a été mis en évidence par Patterson-Jones et Smith [Patterson-Jones et Smith, 1968]. Les scissions de chaînes ont alors lieu au niveau des liaisons du réseau les moins énergétiques [Van Krevelen et Te Nijenhuis, 2009] ou au niveau des liaisons disposées à être dégradées selon leur position dans la chaîne, par exemple aux extrémités. Ces coupures de chaînes entrainent une diminution de la masse molaire des entités ainsi qu’une baisse du taux de réticulation, ce qui a une incidence directe sur les propriétés mécaniques du polymère. Dans le cas des résines époxy/amine, selon la température d’exposition sélectionnée, différents sites seront affectés par les coupures de chaînes et aux hautes températures, la formation de produits volatiles de faible masse molaire va prédominer [Paterson-Jones, 1975].

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Figure 4.1.1 – Mécanisme de

polymérisation/dépolymérisation [Richaud et Verdu, 2011]

Des mécanismes de réticulation peuvent avoir lieu lors du vieillissement thermique. En effet, si la température est modérée, elle peut jouer le rôle de recuit et permet d’atteindre un taux de conversion plus haut que celui obtenu par le cycle de réticulation initial. Des radicaux libres créés lors de la dégradation sont alors susceptibles de se recombiner ou encore des ponts covalents se forment entre les segments de chaînes voisines. Ces recombinaisons et réarrangements moléculaires conduisent alors à la formation d’un résidu chimique thermiquement plus stable (appelé char) fortement insaturé et cyclique [Rose et al., 1993]. Les réactions de cyclisation, sur la Figure 4.1.2, ont lieu au niveau des fonctions latérales plus réactives que les liaisons du squelette macromoléculaire [Richaud et Verdu, 2011].

Figure 4.1.2 – Exemple de réaction de cyclisation dans le cas du polyacrylonitrile [Richaud et Verdu, 2011]

Une compétition entre la formation d’espèces polycycliques, la scission de chaîne et l’oxydation peuvent avoir lieu simultanément [Lazzari et Chiantore, 2000]. Une perte de masse suite au scissions de chaînes peut être observée en même temps qu’une réticulation du réseau [Lazzari et Chiantore, 2000]. Dans les travaux de Rose et al. sur des réseaux époxy/amine, l’oxydation est favorisée quand la température d’exposition augmente. Aux températures inférieures à 310˚C, les réactions de dégra- dation sont identiques sous air et sous azote. Sur ces matériaux, l’oxygène a un effet bénéfique restructurant qui se traduit par la préservation d’une bonne stabilité thermique jusqu’à une température critique à partir de laquelle la vitesse de dégradation augmente jusqu’à la dégradation totale du matériau[Rose et al., 1993].

Lors des réactions de dégradation, des porosités indiquant le départ de particules dans la couche oxydée peuvent être observées, comme le montre l’image MEB d’un adhésif époxyde vieilli 50h à 160˚C sous air sur la Figure 4.1.3 [Djilali, 2007].

Figure 4.1.3 – Observation MEB d’un adhésif époxyde vieilli 50h à 160˚C sous air [Djilali, 2007]

Perte de masse

Comme vu au paragraphe précédent, la majorité des processus de dé- gradation s’accompagne de coupures de chaînes. Ces coupures vont alors permettre la création de composés volatils et leur dégagement gazeux [Le Huy et al., 1992b] [Colin et al., 2002]. Le critère gravimétrique est donc généralement suivi pour comparer la durabilité de différents polymères. En revanche, ce critère peut être controversé car il est possible d’avoir des coupures de chaînes sans avoir de pertes de masse. L’effet des coupures de chaînes peut alors être observé par l’évolution d’autres propriétés du polymère comme la chute de ses propriétés mécaniques [Dyakonov et al., 1996]. Le suivi gravimétrique, qui est une mesure macroscopique, ne permet pas de différen- cier les phénomènes de coupures de chaînes des réactions de réticulation et de recombinaisons. Par exemple, Buch observe une réaction de déshydratation lors du vieillissement thermique de résines époxydes. Cette réaction qui conduit à la formation d’une structure plus conjuguée par création de doubles liaisons, permet d’expliquer partiellement la perte de masse [Buch, 2000].

Marais et al. observent trois stades de perte de masse lors du vieillis- sement thermique sous air des résines bismaléimides [Marais et al., 1998] [Colin et al., 1999] :

1. une diminution initiale de la masse due à l’évaporation des produits volatils comme l’eau,

2. une augmentation de la masse due au greffage et à la diffusion de l’oxy- gène au sein du polymère,

3. une diminution de la masse due aux ruptures de chaînes, à la création et au départ des produits de dégradation volatils.

La prise de poids initiale est expliquée par une oxydation des atomes d’hydrogène tertiaire en fonction hydroxyle [Tudgey, 1998]. Il a été aussi montré que la perte de masse dépend de l’épaisseur des échantillons. Sur des échantillons épais la diffusion de l’oxygène contrôle les cinétiques d’oxydation et ralentit la vitesse de perte de masse [Colin et al., 2001b]. Alors que

4.1. Etude bibliographique 127 pour des échantillons fins, la diffusion de l’oxygène n’a pas d’effet sur la vitesse du processus d’oxydation. La cinétique de dégradation est également dépendante de l’atmosphère plus ou moins oxydante de l’étude. En effet, les pertes de masse sous vide sont très faibles comparées à celles sous air ou sous oxygène [Colin et al., 2001b]. Les pertes de masse faibles sous vide primaire proviendraient de la thermolyse. Les pertes de masse importantes sous oxygène sont dues à la thermolyse et à la thermo-oxydation. La densité et la composition chimique des réseaux influe également sur la cinétique de dégradation [Le Huy et al., 1992b].

Suivi gravimétrique des résines et composites cyanates esters. Des

essais de vieillissement sous air ont été effectués sur la résine phénolique triazine PT15. Le suivi gravimétrique présenté en Figure 4.1.4 a montré que la perte de masse est très faible après un vieillissement à des températures inférieures à 220˚C sur 200h. A 250˚C, la perte de masse est inférieure à 1,2% après 200h de vieillissement.

Figure 4.1.4 – Suivi gravimétrique d’un mélange

polyimide (PI) / cyanate ester (CE) / 2,2’diallylbisphenol A (DABPA), du PI et du CE seuls et de résines époxys standards pour des applications aérospatiales après un vieillissement à 210˚C, 220˚C et 250˚C sous air

[Meier et al., 2016]

Des suivis gravimétriques réalisés sur une résine cyanate ester renforcée thermoplastique 954-2 et le composite carbone/954-2 ont montré pour un vieillissement à 150˚C sous air des pertes de masse plus importantes sur

composite par rapport à la résine seule. Après 6 mois de vieillissement, le composite a perdu 1% de masse contre 0,6% pour la résine seule, sur la Figure 4.1.5 [Parvatareddy et al., 1995]. La perte de masse plus rapide sur composite est due à la dégradation de l’interface fibre/résine qui devient un chemin préférentiel de diffusion de l’oxygène au cœur du matériau, ce qui accélère les processus d’oxydation [Colin et Verdu, 2005].

Figure 4.1.5 – Suivi de masse réalisé sur une résine cyanate

ester renforcée par un thermoplastique 954-2 (a) et du composite carbone/954-2 lors d’un vieillissement à 150˚C sous différents

environnements [Parvatareddy et al., 1995]

Des essais de vieillissement sont aussi effectués à la même température, sous pression atmosphérique réduite à 138 hPa ou 2 psi et sous vide, soit à des concentrations en oxygène inférieures aux essais sous air à pression atmo- sphérique (1013 hPa). Pour ces essais sur résine et composite, il est observé une perte de masse dès les premiers temps de vieillissement. Cette perte de masse est faible, inférieure à 0,2% et identique quel que soit l’environnement jusqu’à deux mois de vieillissement (environ 1500h). A partir de deux mois de vieillissement, la perte de masse est sensible à l’environnement. Cette perte de masse croit avec la concentration d’oxygène. Puis, après quatre mois de vieillissement, la perte de masse se stabilise pour tous les environnements. La première perte de masse identique pour tous les environnements est attribuée à l’évaporation d’eau contenue dans le matériau à l’état initial. Ensuite la chute observée après deux mois de vieillissement serait liée au début de l’oxydation et de la diffusion de l’oxygène. Pour finir, lorsque la masse du matériau se stabilise, il est alors arrivé à saturation en oxygène. Le comportement observé lors du suivi de masse est attribué à un vieillissement thermo-oxydatif pour lequel le processus de dégradation est contrôlé par la concentration et la diffusion d’oxygène dans le matériau.

4.1. Etude bibliographique 129